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Abus

Définitions de « abus »

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ABUS, subst. masc.

I.− [Avec un compl. introd. par la prép. de et précisant l'obj. de l'abus] Action d'abuser d'un bien :
1. L'homme moderne s'enivre de dissipation. Abus de vitesse, abus de lumière, abus de toniques, de stupéfiants, d'excitants... abus de fréquence dans les impressions; abus de diversité; abus de résonance; abus de facilités; abus de merveilles; abus de ces prodigieux moyens de déclenchement, par l'artifice desquels d'immenses effets sont mis sous le doigt d'un enfant. Toute vie actuelle est inséparable de ces abus. P. Valéry, Variété 3,1936, p. 265.
L'abus s'exerce dans divers domaines où apparaissent des expr. usuelles précisant l'obj. de l'abus
a) Domaine des choses consommables ou d'usage habituel :
2. L'abus des narcotiques c'est-à-dire leur usage habituel, contribue beaucoup à hâter cette vieillesse précoce, si commune dans les pays chauds. P. Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 70.
3. Il faut toutefois le détourner de ce qui peut augmenter son exubérance organique : menus trop succulents, abus de viandes, surtout de viandes rouges (le régime carné lui est plus nuisible qu'à tout autre tempérament), du vin, des sucreries; sinon gare aux pléthores, aux congestions, à l'embonpoint. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 186.
b) Domaine de la mor. ou de la relig. :
4. Il ne s'agit pas d'examiner rigoureusement ces croyances. Loin de rien ordonner à leur sujet, la religion servoit au contraire à en prévenir l'abus, et à en corriger les excès; ... F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 169.
5. Du haut en bas de notre société, je ne vois qu'iniquité, abus de pouvoir, exploitation d'autrui, tromperie... A. Gide, Journal,1932, p. 1130.
Rem. Dans cet ex., il peut s'agir aussi d'une expr. jur. (cf. inf. c).
c) Domaine du dr. publ. ou privé :
6. ... mais ce n'est point là le nom d'une forme particulière de société, d'une espèce particulière de gouvernement. Il y a despotisme, oppression, abus d'autorité, par-tout où la loi établie est sans force, et cède à la volonté d'un homme ou de plusieurs. A.-L.-C. Destutt de Tracy, Commentaire sur l'esprit des lois de Montesquieu,1807, p. 8.
7. Rien d'autre à dire, devant les passe-droits et les abus de confiance dont vous nous voyez victimes. A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 770.
8. Quant à prétendre, en telle occasion où le pape exerce son pouvoir indirect, qu'il outrepasse les limites de son autorité légitime, et à invoquer alors, pour permettre la non-obéissance, un abus de pouvoir au sens juridique de ce mot, c'est une absurdité, puisqu'il s'agit là précisément d'un pouvoir dont la matière ne comporte pas de limites tracées d'avance, et de l'application duquel, en chaque cas particulier, il appartient au pape seul de déterminer l'étendue. J. Maritain, Primauté du spirituel,1927, p. 58.
d) Domaine de la pensée :
9. Ne personnifiez-vous pas, avec votre beauté et votre tristesse, avec votre ennui et votre scepticisme, l'excès de douleur produit par l'abus de la pensée? G. Sand, Lélia,1833, p. 117.
10. Par ce jour de la fin de mai, jouissant du parc de Mirabeau et voyant combien il est trop abondant pour que je puisse l'épuiser, je vois les abus de l'érudition, l'inutilité des voyages, la surcharge de notre culture, je vois que je n'ai rien épuisé de ce qui est à la portée de ma main. M. Barrès, Mes cahiers,mars-juill. 1910, p. 132.
Rem. Les dict. signalent, en le qualifiant de vieilli, le sens « erreur ». Aucun ex. dans la docum. cf. hist.
e) Domaine du lang. (ou de l'expr. litt.) :
11. Quel que soit le mérite de l'histoire des vents, de celle de la vie et de la mort, et de celle de la densité et de la rareté, personne ne peut disconvenir qu'elles fourmillent d'erreurs, d'abus de mots, et d'idées mal déterminées. A.-L.-C. Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie, Logique, 1805, p. 93.
12. Que si je m'avise à présent de m'informer de ces emplois, ou plutôt de ces abus du langage, que l'on groupe sous le nom vague et général de « figures », je ne trouve rien de plus que les vestiges très délaissés de l'analyse fort imparfaite qu'avaient tentée les anciens de ces phénomènes « rhétoriques ». P. Valéry, Variété 3,1936, p. 45.
Rare. [En parlant d'un genre litt.] :
13. Tacite est la perfection d'un genre dont Sénèque est l'abus. Ch.-J. de Chênedollé, Journal,1832, p. 137.
II.− Emploi abs.
A.− Gén. au plur. Domaine pol. ou soc.Résultat de l'action d'abuser; injustice introduite et fixée par coutume :
14. Ces guerres-là construisent la paix. Une énorme forteresse de préjugés, de privilèges, de superstitions, de mensonges, d'exactions, d'abus, de violences, d'iniquités, de ténèbres, est encore debout sur le monde avec ses tours de haine. Il faut la jeter bas. Il faut faire crouler cette masse monstrueuse. Vaincre à Austerlitz, c'est grand, prendre la Bastille, c'est immense. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 361.
15. Elle proclame que depuis le 14 juillet 1789 la nation est rentrée virtuellement en possession de tous ses droits, que tous les privilèges et abus du passé sont abolis de fait comme de droit depuis cette date, ... J. Jaurès, Études socialistes,1901, p. 210.
16. J'en suis venu à souhaiter de tout mon cœur la déroute du capitalisme et de tout ce qui se tapit à son ombre, d'abus, d'injustices, de mensonges et de monstruosités. A. Gide, Journal,1932, p. 1116.
17. Il se rendait compte que jamais il ne l'avait sérieusement mise en question; les tares, les abus de l'U.R.S.S.? il les connaissait : ... S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 300.
18. Il fallait marquer aux alliés que la France libre était dans leur camp pour y incorporer la France, mais non pour y couvrir, vis-à-vis de la nation française, les abus ou empiétement qu'ils commettraient à son détriment. Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, p. 208.
Rem. Les abus peuvent avoir pour orig. : les formes de gouvernement et les institutions, les croyances, les guerres, le comportement des classes soc.; ils peuvent affecter la pol. internat. Si le mot est suivi d'un compl. (prép. de), ce compl. indique cette orig. (ex. 17) ou encore l'époque à laquelle ils appartiennent (ex. 15).
P. ext. Le mot s'applique au domaine mor. :
19. La souffrance, la misère, sont des forces vives qui ont leurs abus, comme le pouvoir a les siens. H. de Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 146.
Fam. (Il) y a de l'abus :
20. Ah! ça, alors. Y a de l'abus tu nous embêtes, à la fin. J'en ai marre, moi! j'en ai marre! H. de Montherlant, Fils de personne,1943, III, 1, p. 317.
Arg. Il y a de l'abutre :
21. Ce Parisien aimait à allonger les mots. Une de ses phrases favorites était il y a de l'abutre pour il y a de l'abus (109eInf., 1916-1917). Esn.Poilu1919.
B.− Au sing., DR. Anc. Régime. Appel comme d'abus. Recours contre un abus de pouvoir commis par une autorité ecclésiastique qui empiète sur la juridiction royale, ou inversement :
22. Cette première réclamation du droit civil contre le droit canonique produisit dans la suite l'appel comme d'abus, sauvegarde de la justice... F.-R. de Chateaubriand, Mélanges politiques,1815, p. 192.
Proverbe. Le monde n'est qu'abus et vanité (abus au sens anc. de « tromperie »; cf. hist.) :
23. ... je ne suis pas très instruit dans la cabbale [sic], mon maître ayant péri... Mais le peu que j'ai appris de son art me fait... soupçonner que tout en est illusion, abus et vanité. A. France, La Rôtisserie de la Reine Pédauque,1893, p. 2.
Rem. Dans cet ex. le cont. fait penser que le mot a gardé son sens actif anc. auj. inus., de « tromperie, imposture ». Cf. inf. étymol. 3 et hist. II C.
PRONON. : [aby]. Enq. : /aby/.
Étymol. − Corresp. rom. : ital., esp., port. abuso; cat. abus; roum. abuz. 1. 1370 abus de « usage immodéré de (qqc.) » (Oresme, Eth., 203 ds Gdf. Compl. : Abus de deliz charnels); 2. 1451 emploi absolu « résultat d'un mauvais usage : erreur » (Ord., XIV, 152, ibid. : Pour eschever plusieurs abbus et faussetes); 3. 1532 « ce qui a pour but de tromper » (Rabelais, éd. Marty-Laveaux, I, 54 ds Hug. : Cy n'entrez pas, Hypocrites, bigotz. Tirez ailleurs pour vendre voz abus). Empr. au lat. abusus, terme jur. dep. Cic., Top., 17 ds TLL s.v. au sens de « utilisation des choses fongibles » : non debet illa mulier, cui vir bonorum suorum usum fructum legavit, cellis vinariis et oleariis plenis relictis, putare id ad se pertinere. Usus enim, non abusus legatus est; fréq. chez Ulpien. Sens « mauvais usage, usage immodéré » exprimé en lat. class. par abusio que abusus concurrence en ce sens dep. Augustin, Doctr. christ., 1, 4, 4 ds TLL s.v. abusio, 237, 76 : usus illicitus abusus potius vel abusio nominandus est; cf. avec 1, Albert le Grand, Summa theologiae, II, 18, 122, 1, 4 ds Mittellat, W. s.v., 69, 40 : fornicatio est, quando solutus cognoscit solutam abusu naturali; cf. avec 2, Id., ibid., I, 2, 11, ibid., 69, 46 : si non referantur omnia ad gloriam Dei, abusus est. « Mauvais usage établi » attesté en lat. médiév. : Constitutiones imperatorum, II, 8, 3, ibid., 69, 48 : abusus... in ecclesiis habuerunt. Sens 3, venu de abuser* 2. HISTORIQUE I.− Dep. son apparition au xives., abus s'est maintenu avec une grande stab. dans son sens premier « usage immodéré, mauvais de »; la not. de « usage excessif » présente dans le mot, semble-t-il, dep. l'orig., n'apparaît nettement dans les dict. que dep. Ac. 1798. De là vient l'expr. fam. il y a de l'abus, citée par Pt Rob. On constate un élargissement du champ d'application de ce mot au cours des siècles, spéc. dans le domaine jur. Appel comme d'abus, institution que Rich. t. 1 1680 et Encyclop. t. 1 1751 datent du xives., attestée au xvies. : Les appellations comme d'abus ont lieu quand il y a contravention contre les saints decrets, libertés de l'Église gallicane, arrest des cours souveraines, jurisdiction seculiere ou ecclesiastique, et tient-on qu'elles sont de l'invention de messire Pierre de Cugnieres, ores qu'elles semblent plus modernes. Loysel, 888 (Littré). Signalé par les dict. dep. Rich. t. 1 1680, il a été supprimé par la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905; encore mentionnée par les dict. du xxes., l'expr. ne se rencontre plus que dans des ouvrages hist. ou jur. Au xixes., apparaissent les not. de abus de pouvoir, abus de confiance, abus de jouissance, abus de droit, etc. II.− Dès le xves., abus a été empl. absol. et a désigné le résultat d'un usage mauvais, immodéré ou excessif; c'est ainsi qu'il a pris le sens de « erreur », de « tromperie » et enfin de « usage mauvais qui s'est établi ». A.− Abus « erreur » (cf. étymol. 2) a connu une très grande vitalité; Hug. donne environ 30 ex. pour le xvies. Au début du xxes., il est considéré comme vieilli. B.− Abus « tromperie » n'apparaît qu'au xvies. (cf. étymol. 3) et semble avoir connu une vitalité moins grande que le précédent. Au xviiies., seules les différentes éd. de l'Ac. en font une mention partic., Trév. et Fur. ne le distinguant pas du sens A. De Ac. 1798 à DG, il semble n'être plus empl. que dans l'expr. proverbiale le monde n'est qu'abus et vanité. Il disparaît complètement au xxes. C.− Au xviies., prob., abus prend le sens de « usage mauvais, coutume mauvaise qui se sont établis », toujours issu du sens premier, mais, jusqu'à la fin du xviiies., les dict. ne le distinguent pas nettement de celui-ci, malgré les ex. qu'ils en donnent : Il faut distinguer entre un usage reçu, et un abus qui s'est introduit. Ac. 1718. (Cf. également les ex. des xviieet xviiies. cités par Littré). C'est le seul emploi absolu de abus qui subsiste.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 373. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 428, b) 1 341; xxes. : a) 1 201, b) 1 471.
BBG. − Barr. 1967. − Blanche 1857. − Boucher 1835. − Bouillet 1859. − Dupin-Lab. 1846. − Éd. 1913. − Génestal (R.). Les Origines de l'appel comme d'abus. Paris, 1950. − Le Clère 1960. − Lep. 1948. − Maurer (K.). Etymologica. Rom. Jahrb. 1957, t. 8, pp. 30-32. − Nysten 1814-20. − Pol. 1868. − Réau-Rond. 1951. − Spr 1967. − St-Edme t. 1 1824. − Théol. cath. t. 1 1909.

Wiktionnaire

Adjectif - ancien français

abus \Prononciation ?\

  1. Abusé, stupéfait.

Nom commun - français

abus \a.by\ masculin

  1. Usage mauvais, excessif de quelque chose.
    • L’abus qu’il a fait de ses richesses, de ses forces, de sa santé, de son autorité.
  2. (Absolument) Désordre, usage pernicieux.
    • Les abbayes et les monastères, étaient à cette époque, « cavernes de voleurs, lieux de dissolution » ; les abus devenaient tellement criants, les désordres prenaient des proportions si inquiétantes, qu'à tout prix il fallait y mettre un terme; […] — (Gustave Fraipont; Les Vosges, 1923)
    • À Landusec, Gilles Guilley, plombier, préside une association de défense contre les abus des prestataires de l'Internet (Adcapi). — (http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-edern-le-site-Internet-gratuit-leur-revient-cher-_29048-avd-20100121-57524363_actuLocale.Htm Édern : le site Internet gratuit leur revient cher).
    • Abus manifeste.
    • Réformer, corriger, retrancher les abus.
    • Il s’est glissé divers abus dans la justice, dans cette administration.
    • Il faut distinguer entre un usage reçu et un abus qui s’est introduit.
  3. (Droit)
    • Abus de confiance, Délit que l’on commet en abusant de la confiance de quelqu’un.
    • Appel comme d’abus, Appel interjeté contre la sentence, l’acte ou l’écrit d’un ecclésiastique qu’on prétend avoir excédé son pouvoir ou avoir contrevenu aux lois de l’état.
    • Interjeter appel comme d’abus. On dit de même
    • Le Conseil d’état a jugé qu’il y avait abus, Il a admis l’appel comme d’abus.
  4. Erreur.
    • Voilà un étrange abus.
    • C’est par abus qu’on a pu soutenir une telle opinion.
    • C’est souvent commettre un abus de compter sur la justice des hommes. En ce sens, il a vieilli.
    • un abus de langage.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ABUS. n. m.
Usage mauvais, excessif de quelque chose. L'abus qu'il a fait de ses richesses, de ses forces, de sa santé, de son autorité. Il se dit absolument pour signifier Désordre, usage pernicieux. Abus manifeste. Réformer, corriger, retrancher les abus. Il s'est glissé divers abus dans la justice, dans cette administration. Il faut distinguer entre un usage reçu et un abus qui s'est introduit. En termes de Jurisprudence, Abus de pouvoir se dit de l'Acte d'un fonctionnaire qui outrepasse son autorité. Abus de confiance, Délit que l'on commet en abusant de la confiance de quelqu'un. Appel comme d'abus, Appel interjeté contre la sentence, l'acte ou l'écrit d'un ecclésiastique qu'on prétend avoir excédé son pouvoir ou avoir contrevenu aux lois de l'État. Interjeter appel comme d'abus. On dit de même Le Conseil d'État a jugé qu'il y avait abus, Il a admis l'appel comme d'abus. Il signifie aussi Erreur. Voilà un étrange abus. C'est par abus qu'on a pu soutenir une telle opinion. C'est souvent commettre un abus de compter sur la justice des hommes. En ce sens, il a vieilli.

Littré (1872-1877)

ABUS (a-bu) s. m.
  • 1Usage mauvais qu'on fait de quelque chose. Abus de la force. La Grèce a dû sa ruine à l'abus de la liberté. Tout commence par la nécessité et finit par l'abus. Ils font abus de nourriture. De quoi les hommes savent-ils user sans abus ? Comme il y a dans les conditions élevées plus de faux désirs, plus d'abus de son âme que dans les états inférieurs, les grands sont sans doute de tous les hommes les moins heureux, Buffon, Nature des anim. Qu'est-ce de communier indignement ? quel abus du saint même des saints ! Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 314. Laisser impunie une profanation est un abus si énorme, Bourdaloue, ib. p. 362. Un superflu qui me deviendrait pernicieux et nuisible par l'abus que j'en ferais, Bourdaloue, ib. t. II, p. 77. Je sais que dans l'amitié dont je parle il y a divers degrés d'abus et de désordres, Bourdaloue, ib. p. 259. Les ministères publics sont des assujettissements perpétuels et très réels, à moins qu'on ne veuille, par un abus énorme, en négliger toutes les fonctions et en abandonner tous les devoirs, Bourdaloue, ib. p. 486. Le peu qu'on en cite est un abus du texte, Bossuet, Avert. Voilà le plus grand abus qu'on ait jamais fait de l'Évangile, Bossuet, IV, écrit, 30. Mais qui peut arrêter l'abus de la victoire ? Voltaire, Alz. I, 1. Ne prends point pour vertu l'abus de la victoire, Saurin, Spartacus, V, 5.
  • 2Coutume, usage mauvais qui s'introduit. Telle est la force des abus. Un abus qui s'introduit depuis quelque temps. On a retranché ces abus. Cet abus subsiste, comme tant d'autres, par la raison qu'il est établi. Ils réforment tous les abus, Bossuet, Hist. II, 4. Comment ils doivent reprendre et réprimer les abus, Bossuet, ib. II, 6. Les abus du gouvernement, Bossuet, ib. II, 12. Tenir les abus nécessaires dans les bornes précises de la nécessité qu'ils sont toujours prêts à franchir, les renfermer dans l'obscurité à laquelle ils doivent être condamnés, et ne les en tirer pas même par des châtiments trop éclatants, Fontenelle, Argenson. Nous préservent les cieux d'un si funeste abus, Berceau de la mollesse et tombeau des vertus, Voltaire, Brut. II, 4. Philippe Auguste saisit le temporel des évêques d'Orléans et d'Auxerre pour n'avoir pas rempli cet abus devenu un devoir [conduire leurs vassaux à la guerre], Voltaire, Mœurs, 50. Les bons mots ne sont qu'un abus ; Pourtant, messieurs, permettez-nous d'en dire, Béranger, Gourmands. Trinquer est un plaisir fort sage Qu'aujourd'hui l'on traite d'abus, Béranger, Trinquons.
  • 3APPEL COMME D'ABUS, appel interjeté d'une sentence rendue par un juge ou supérieur ecclésiastique, qu'on prétend avoir excédé ses pouvoirs ou contrevenu aux lois. C'est une assez faible consolation que celle des appels comme d'abus, Pascal, Pensées, Pape, 7. Le bruit se répandit que le procureur général appellerait comme d'abus de tout ce que le pape pourrait faire au préjudice des libertés de l'Église gallicane, Saint-Simon, 502, 82. Ce qu'il y eut de plus intéressant, ce fut l'appel comme d'abus que le parlement introduisit, Voltaire, Mœurs, 75.
  • 4En jurisprudence, abus de pouvoir se dit quand un fonctionnaire outre-passe le pouvoir qui lui est confié et fait des actes qui ne lui sont pas permis.
  • 5Abus de confiance, délit dont on se rend coupable en abusant de la confiance qui avait été accordée.
  • 6 En termes de grammaire, abus des mots, sens détourné et forcé qu'on leur donne.
  • 7Erreur. C'est un abus de croire. Lourd et grossier abus ! croyance ridicule ! Rotrou, Bélis. V, 8. Qu'un si charmant abus serait à préférer A l'âpre vérité qui vient de m'éclairer ! Corneille, Hér. III, 1. Et semant de nos noms un insensible abus, Corneille, Hér. IV, 4. Mais il faut renoncer à des abus si doux, Corneille, Pulch. II, 1. Dans les moments où Dieu vous a affligé, vous vous êtes adressé à lui ; vous avez ouvert les yeux sur l'abus de ce monde misérable, Massillon, Carème. Prospérités temp. Que sais-je si, au premier jour, votre fin soudaine et surprenante ne fournira pas à ceux qui m'écoutent de grandes mais d'inutiles réflexions sur l'abus du monde et de ses espérances, Massillon, ib. Impénitence finale. Travailler serait un abus : J'ai cinquante écus, Béranger, Cinquante écus.
  • 8Proverbe. Le monde n'est qu'abus et vanité.

HISTORIQUE

XIVe s. Et aucuns se delettent en abus de deliz [plaisirs] charnels, Oresme, Eth. 203.

XVIe s. S'il est question de corriger quelques abus…, Lanoue, 85. Les appellations comme d'abus ont lieu quand il y a contravention contre les saints decrets, libertés de l'Église gallicane, arrest des cours souveraines, jurisdiction seculiere ou ecclesiastique ; et tient-on qu'elles sont de l'invention de messire Pierre de Cugnieres, ores qu'elles semblent plus modernes, Loysel, 888. En appelant d'Atropos trop irée Comme d'abus, Marot, II, 272.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ABUS, s. m. se dit de l’usage irrégulier de quelque chose ; ou bien c’est l’introduction d’une chose contraire à l’intention que l’on avoit eue en l’admettant.

Ce mot est composé des mots ab, de, & usus, usage.

Les réformes & les visites sont faites pour corriger les abus qui se glissent insensiblement dans la discipline ou dans les mœurs. Constantin le Grand, en introduisant dans l’Eglise l’abondance des biens, y jetta les fondemens de cette multitude d’abus, sous lesquels ont gémi les siecles suivans.

Abus de soi-même. C’est une expression dont se servent quelques Auteurs modernes, pour dénoter le crime de la pollution volontaire. Voyez Pollution.

En Grammaire, appliquer un mot abusivement, ou dans un sens abusif, c’est en faire une mauvaise application, ou en pervertir le vrai sens. Voyez Catachrese. (H)

Abus, dans un sens plus particulier, signifie toute contravention commise par les Juges & Supérieurs ecclésiastiques en matiere de Droit.

Il résulte principalement de l’entreprise de la Jurisdiction ecclésiastique sur la laïque ; de la contravention à la police générale de l’Eglise ou du Royaume, réglée par les Canons, les Ordonnances ou les Arrêts.

La maniere de se pourvoir contre les jugemens & autres actes de supériorité des Ecclésiastiques, même de la Cour de Rome, où l’on prétend qu’il y a abus, est de recourir à l’autorité séculiere des Parlemens par appel, qu’on nomme pour le distinguer de l’appel simple, appel comme d’abus.

Le terme d’abus a été employé presque dans tous les tems dans le sens du présent article : mais l’appel comme d’abus n’a pas été d’usage dans tous les tems. On employa plusieurs moyens contre les entreprises des Ecclésiastiques & de la Cour de Rome avant de venir à ce dernier remede.

D’abord on imagina d’appeller du saint-Siége au saint Siége Apostolique, comme fit le Roi Philippe Auguste lors de l’interdit fulminé contre son Royaume par Innocent III.

Dans la suite on appella au futur Concile, ou au Pape mieux avisé, ad Papam melius consultum, comme fit Philippe-le-Bel qui appella ad Concilium de proximo congregandum, & ad futurum verum, & legitimum Pontificem, & ad illum seu ad illos ad quem vel ad quos de jure fuerit provocandum.

On joignit ensuite aux appels au futur Concile les protestations de poursuivre au Conseil du Roi, ou dans son Parlement, la cassation des actes prétendus abusifs, pour raison d’infraction des Canons & de la Pragmatique-Sanction. Voyez Pragmatique-Sanction.

Cette derniere voie acheminoit de bien près aux appels comme d’abus.

Enfin l’appel comme d’abus commença d’être en usage sous Philippe de Valois, & fut interjetté solemnellement par Pierre de Cugnieres, Avocat Général, & a toujours été pratiqué depuis au grand avantage de la Jurisdiction royale & des Sujets du Roi.

Le Ministere public est la véritable partie dans l’appel comme d’abus ; de sorte que les parties privées, l’appel une fois interjetté, ne peuvent plus transiger sur leurs intérêts au préjudice de l’appel, si ce n’est de l’avis & du consentement du Ministere public, lequel peut rejetter l’expédient proposé s’il y reconnoît quelque collusion préjudiciable au bien public.

Les Parlemens prononcent sur l’appel comme d’abus par ces mots il y a, ou il n’y a abus.

Quelquefois les Parlemens convertissent l’appel comme d’abus en appel simple ; c’est-à-dire, renvoient les parties pour se pourvoir par devant le Juge ecclésiastique, supérieur à celui d’où étoit émané le jugement prétendu abusif : quelquefois ils le convertissent aussi en simple opposition.

L’exception tirée du laps des tems n’est point admissible en matiere d’abus, ni celle tirée de la désertion d’appel en l’appel d’icelui.

L’appel comme d’abus est suspensif, si ce n’est en matiere de discipline ecclésiastique & de correction réguliere où il n’est que dévolutif.

Il se plaide en la Grand’Chambre, & se doit juger à l’audience, si ce n’est que le tiers des Juges soit d’avis d’appointer.

Les appels comme d’abus ne se relevent qu’au Parlement, & les lettres de relief se prennent au petit sceau, l’appellant y annexant la consultation de trois Avocats : mais ce n’est pas par forme de gradation de l’inférieur au supérieur que les appels comme d’abus sont portés aux Parlemens, mais comme aux dépositaires de la puissance & de la protection royale.

L’appellant qui succombe à l’appel comme d’abus est condamné, outre les dépens, à une amende de 75 livres. (H)

Abus. Ce mot est consacré en Médecine aux choses que les Médecins ont nommées non-naturelles, dont le bon usage conserve & fortifie la santé, pendant que l’abus ou le mauvais usage qu’on en fait, la détruit & produit des maladies. Voyez Non-naturelles. (N)

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Étymologie de « abus »

Provenç. abus ; espagn. et ital. abuso ; de abusus, de ab, indiquant perversion, et usus, usage (voy. US).

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Du latin abusus de abuti, « utilisation, user complètement de, détourner de son usage »
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Phonétique du mot « abus »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
abus aby

Évolution historique de l’usage du mot « abus »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « abus »

  • Aimer, c'est permettre d'abuser. Pierre Reverdy, En vrac, Éditions du Rocher
  • Le pouvoir sans abus perd le charme. Paul Valéry, Cahier B 1910, Gallimard
  • Le pouvoir doit se définir par la possibilité d'en abuser. André Malraux, La Voie royale, Grasset
  • Tout usage finit par se changer en abus. Jean Dutourd, Le Fond et la forme, Gallimard
  • On sent les abus anciens, on en voit la correction ; mais on voit encore les abus de la correction même. Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, De l'esprit des lois
  • Il n'y a pas le pouvoir, il y a l'abus de pouvoir, rien d'autre. Henry Millon de Montherlant, Le Cardinal d'Espagne, I, 7, Cardona , Gallimard
  • […] La femme ne sent son pouvoir qu'autant qu'elle en abuse. Nicolas Edme Rétif, dit Restif de La Bretonne, Le Paysan perverti ou les Dangers de la ville
  • L’usage est souvent un abus. De Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais / Le Mariage de Figaro , 
  • Il n'y a pire abus que de sincérité. De Camille Goemans / Aphorisme , 
  • Les abus de la liberté tueront toujours la liberté. De André Maurois / Mémoires , 
  • L'abus marche souvent auprès de la puissance. De Antoine-François Le Bailly / Fables , 
  • Les abus inévitables sont des lois de la nature. De Vauvenargues / Réflexions et maximes , 
  • Un abus de réflexion, souvent prétexte pour ne pas agir. De Jean-Paul Fugère / L'Orientation , 
  • L'abus du pouvoir enfante tous les crimes. De Jean-François de La Harpe / Philoclète , 
  • Comme le despotisme est l'abus de la royauté, l'anarchie est l'abus de la démocratie. De Voltaire , 
  • L'abus de l'impôt tue le présent, l'abus du crédit dévore l'avenir. De Georges Humann , 
  • Les abus, mais c'est ce qu'il y a de mieux ! De Antoine de Rivarol , 
  • L'abus d'alcool doit se faire avec modération. De Anonyme , 
  • Mettre un antiviol à sa femme est un abus de pouvoir. De José Artur , 
  • Les abus invétérés ne se corrigent qu'avec le temps. De Voltaire / Eloge funèbre de Louis XV , 
  • D'autres abus potentiels sont dans le viseur du Contrôle des finances. Quelque 400 cas problématiques ont mis en lumière des soupçons de versement de bénéfices aux actionnaires, interdit si on a touché un prêt Covid, ou encore des prêts à double. rts.ch, Plusieurs types d'abus potentiels autour des prêts Covid et du chômage partiel - rts.ch - Suisse
  • Pis, le directeur de l'époque, Steve Penny, a essayé d'étouffer l'affaire et de se mettre le FBI dans la poche, assurant aux familles qu'il s'occupait de signaler ces abus sexuels. Depuis, il a lui-même été arrêté. Des enquêtes sont encore en cours pour déterminer qui était au courant, et n'a rien fait. Marie Claire, Athlete A, documentaire révoltant sur le scandale des abus sexuels chez USA Gymnastics - Marie Claire
  • Dans un bilan d’étape, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), fait état d’au moins 1 500 agresseurs et 3 000 victimes d’abus sexuels dans l’Église catholique depuis les années 1950. Des chiffres sûrement en dessous de la réalité. Témoignage Chrétien, Abus sexuels dans l’Église, la difficile estimation - Témoignage Chrétien
  • L’ex-homme d’affaires Pierre Botton, qui avait été impliqué dans une retentissante affaire politico-financière des années 1990, a été, par un jugement rendu le mardi 2 juin 2020, déclaré coupable d’abus de confiance, abus de biens sociaux, faux et blanchiment de fraude fiscale et condamné à une peine de cinq ans de prison ferme. , Abus de biens sociaux : cinq ans de prison ferme pour l’ex-homme d’affaires Pierre Botton - Droit pénal des affaires | Dalloz Actualité
  • Le président de la commission indépendante sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Eglise catholique (Ciase), Jean-Marc Sauvé, a estimé mercredi 17 juin à au moins « 3 000 » le nombre de victimes en France depuis 1950. Autrement dit, le nombre d’auteurs d’agressions sexuelles au sein de l’Eglise ne peut pas être « inférieur à 1 500 » sur la période, a-t-il ajouté lors d’une visioconférence. Le Monde.fr, Au moins 3 000 victimes d’abus sexuels dans l’Eglise depuis 1950 en France, selon une commission indépendante
  • Rabat – La communauté internationale célèbre vendredi la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues dans le dessein de renforcer l’action et la coopération aux échelons national, régional et international pour parvenir à une société affranchie de l’abus des drogues. MAP Express,  Santé et justice, maîtres-mots de la lutte contre l'abus et le trafic de drogues | MAP Express MAP Express
  • Aimer, c'est permettre d'abuser. Pierre Reverdy, En vrac, Éditions du Rocher
  • Le pouvoir sans abus perd le charme. Paul Valéry, Cahier B 1910, Gallimard
  • Le pouvoir doit se définir par la possibilité d'en abuser. André Malraux, La Voie royale, Grasset
  • Tout usage finit par se changer en abus. Jean Dutourd, Le Fond et la forme, Gallimard
  • On sent les abus anciens, on en voit la correction ; mais on voit encore les abus de la correction même. Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, De l'esprit des lois

Images d'illustration du mot « abus »

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Traductions du mot « abus »

Langue Traduction
Anglais abuse
Espagnol abuso
Italien abuso
Allemand missbrauch
Portugais abuso
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Synonymes de « abus »

Source : synonymes de abus sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « abus »

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Abus

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