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Couper

Définitions de « couper »

Trésor de la Langue Française informatisé

COUPER, verbe trans.

I.− Emploi trans.
A.− Rompre un corps continu par l'intervention d'un instrument tranchant. Couper net; couper ras; couper aux ciseaux, avec un rasoir.
1. [L'obj. désigne une partie d'un tout] La séparer, la détacher. Couper un morceau de pain; couper des branches. Un grand matelot américain, (...) tailladait des visages, fendait des nez, entamait des joues, coupait des oreilles (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 265):
1. Gérard servit de coiffeur à Mariette, et Mariette commença à couper avec des ciseaux les cheveux de Gérard; elle en enlevait le plus qu'elle pouvait avant de se servir du rasoir, ... Champfleury, Les Aventures de MlleMariette,1853, p. 123.
Syntagmes et loc. fig.
a) Couper le foin, l'herbe. Au fig. Couper l'herbe sous le pied à qqn. L'empêcher de réussir dans une entreprise, le supplanter. Pour couper l'herbe sous les pieds à tout concurrent photographe (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 110).Couper qqc. par la racine. Le supprimer dans ses principes mêmes. Le meilleur moyen de les couper [ces abus odieux] par la racine, serait d'adopter la jurisprudence criminelle des Anglais (Marat, Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p. 30).
b) Couper les feuillets, les pages d'un livre. Séparer les pages qui sont liées entre elles. P. méton. Couper un livre.
c) Couper le fil, des liens, des attaches. Séparer une partie d'un tout ou deux choses liées entre elles en rompant ce qui les retient.
d) Couper un costume, une robe. Tailler dans une étoffe en donnant une forme déterminée.
e) [Le compl. d'obj. dir. désigne une partie du corps]
Couper l'aile, les ailes à qqn ou à qqc. Briser le développement d'un mouvement individuel ou collectif. Ils n'ont pas même eu besoin de couper à leur génie des ailes qui ne poussaient pas (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 455).
Couper un bras, une jambe. Au fig. Couper bras et jambes. Priver quelqu'un de ses moyens, l'empêcher d'agir ou de réagir. Cette ironie, (...) acheva de me déconcerter et, je l'avoue, me coupa − bras et jambes (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Moyen de Roger, 1885, p. 996).Couper les jambes. Accabler de fatigue. Des lassitudes la prenaient, qui lui coupaient les jambes (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 113).
Couper le cou, la gorge, la tête, et en arg., couper la musette, le sifflet. Égorger, décapiter, tuer. Rappelez-lui que la république dispose d'une machine à couper le sifflet (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 3etabl., 10, p. 1639).Au fig., fam. Couper la musette, le sifflet à qqn. L'interrompre brusquement ou le mettre hors d'état de répondre en le déconcertant. La moindre réclame me couperait la musette (Flaub., Corresp.,1879, p. 319).« Nous les agrégés... ». Ça leur couperait le sifflet, aux bougres, ce petit mot (Magnane, Bête à concours,1941, p. 278).P. méton. Couper un animal. Le châtrer. Un cochon, au moins, quand on le coupe, il gueule, il ne croit pas recevoir de l'avancement! (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 44).
2. [L'obj. désigne une chose considérée comme un tout] Diviser en deux ou en plusieurs morceaux. Couper du bois, du pain, de la viande; couper une étoffe, un tissu.
Syntagmes et loc. fig.
a) Couper en morceaux, en petits morceaux, en quartiers; couper en deux, en quatre. Au fig. Couper la poire en deux. Adopter un moyen terme. Couper les cheveux en quatre. Raffiner à l'extrême.
b) Couper dans le vif. Utiliser des moyens très énergiques. Elle était absolument décidée (...) à couper dans le vif, à trancher net (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 300).
c) À couper au couteau. D'une extrême épaisseur ou d'une extrême intensité. De petits cigares (...) qui eurent vite fait d'emplir la pièce d'une fumée à couper au couteau (Genevoix, Avent. en nous,1952, p. 42).
3. [L'obj. désigne une chose prise dans son ensemble]
a) Entamer un corps; faire une incision, une entaille ou être susceptible de la provoquer. Un croc coupe la lèvre supérieure (Pasteur, Travaux,1886, p. 407).
Absol. Être affilé, tranchant. « Le hapchott », hachette courbe et concave en son milieu, dont le tranchant coupe comme un rasoir (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 119).
b) P. métaph. [En parlant d'une douleur, du froid, etc.] Provoquer une sensation analogue à celle d'une coupure. Des névralgies qui lui coupaient en deux la face (Huysmans, À rebours,1884, p. 113).Le petit vent coupait encore, mais les étoiles n'avaient plus l'aiguisée des nuits d'hiver (Giono, Eau vive,1943, p. 165).
c) P. ext. Progresser à l'intérieur d'un fluide (par un mouvement qui semble le « couper »). La proue du navire coupoit la masse épaisse des vagues (Chateaubr., Natchez,1826, p. 231).Je l'entends [un avion] couper l'air du tranchant de ses ailes (Morand, Eau sous ponts,1954, p. 234).
B.− [Sans l'intervention d'un instrument tranchant]
1. Diviser un ensemble, le partager matériellement ou idéalement en deux ou plusieurs parties.
a) [Le compl. désigne une chose considérée du point de vue de son volume ou de son étendue] Diviser, séparer. C'était une espèce de boîte [l'intérieur de la carriole], (...) divisée en deux compartiments oblongs par une épaisse cloison qui la coupait transversalement (Hugo, Rhin,1842, p. 41).Une route qui sortait du bois, et coupait la plaine par son milieu (Benjamin, Gaspard,1915, p. 48).
P. ext. Passer à travers, traverser, franchir. Couper une droite, une ligne, une route. La Tankadère entrait franchement dans le détroit de Fo-Kien, (...) et elle coupait le tropique du Cancer (Verne, Tour monde,1873, p. 117).Il coupait l'île par le milieu et se rendait du port à l'extrémité occidentale (Queffélec, Recteur,1944, p. 151).
[Employé absol., avec ou sans compl. prép.] Prendre un chemin de traverse, un raccourci. Jean-Louis coupa à travers les pins (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 65):
2. Courir à la voix des chiens signifie couper au plus court, en ligne droite, à travers bois, à travers champs, et se diriger vers la tête de la meute de façon à voir l'animal. Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 593.
Emplois spéc.
JEUX. Couper un jeu de cartes, couper les cartes, ou absol., couper. Diviser un jeu de cartes en deux paquets et les intervertir. César bat les cartes et fait couper M. Brun (Pagnol, Marius,1931, III, 3etabl., 2, p. 160).Au fig. [P. allus. au joueur coupant les cartes à l'endroit où un tricheur les a légèrement recourbées] Couper dans le pont, et p. ext., couper dans le panneau, couper dans qqc. Tomber dans un piège, se laisser abuser. Ceux-là sont de braves gobe-mouches, prêts à couper dans tous ces ponts patriotiques (Huysmans, Art mod.,1883, p. 78).
[Le compl. désigne une chose abstr.] Diviser en plusieurs éléments. Couper une phrase, un vers. Il m'avait chargé de couper chaque chapitre d'une manière régulière, uniforme (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 384).
b) [En parlant d'un groupe humain] Diviser, scinder un groupe. L'assassinat du duc d'Orléans coupa la France en deux (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 112):
3. ... les barbares l'attaquent de tous les côtés à la fois, coupent l'armée, et parviennent à isoler pour une nuit entière la cavalerie et les bagages. Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 11.
[Suivi d'un compl. introduit par de] Séparer une personne ou un groupe de personnes d'un ensemble plus vaste; isoler. Ne pas laisser couper le groupe d'armées de réserve du reste de nos forces (Foch, Mém.,t. 2, 1929, p. 15).On me coupait du monde, on me condamnait à l'exil (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 56).
2. Retrancher, supprimer une ou plusieurs parties d'un tout. Couper une pièce de théâtre, la fin d'une émission. Il a fallu couper ce passage de l'interrogatoire (Malraux, Conquér.,1928, p. 149).
3. Rompre une continuité spatiale ou temporelle; faire cesser, arrêter le cours d'une chose matérielle ou morale.
a) Couper une voie de communication, une route, un fleuve. Le (la) barrer, en empêcher l'accès. Au fig. Couper les ponts avec qqn, avec qqc. Cesser toute relation avec quelqu'un, rompre avec quelque chose. Elle [la philosophie] se libère au point de couper tous les ponts avec la pensée scientifique (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 195).
Spéc., lang. milit. Couper la retraite à l'ennemi. Il coupa la retraite des Autrichiens (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 535).Couper les vivres à une armée. Entraver les communications permettant l'apport des vivres. Au fig. Couper les vivres à qqn. Cesser de lui fournir ses moyens de subsistance. Mes commanditaires et mes bailleurs de fonds me couperaient les vivres (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 400).
b) Couper l'eau, l'électricité, le gaz; couper le contact, le courant; couper une communication téléphonique, absol., ne coupez pas! :
4. ... je tournai le commutateur et, rétablissant la communication dans ma chambre, je la coupai entre le bureau de postes et la loge du concierge à laquelle il était relié d'habitude à cette heure-là. Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 730.
c) [En parlant d'un phénomène physique ou moral] Couper l'appétit, la fièvre. Couper le souffle. Empêcher, gêner la respiration; au fig., étonner vivement, stupéfier. ... la colère Lui montait à la gorge et lui coupait la voix (Bouilhet, Melaenis,1857, p. 58).L'aspect du cheval et de la voiture coupa l'essor de mon imagination (Gide, Isabelle,1911, p. 604).
d) [En parlant d'une action, d'un entretien, d'un discours]
Couper la parole à qqn, et p. ell., couper qqn. L'interrompre brutalement. Absol., en incise. Je n'ai pas besoin que vous me remerciiez, coupa-t-il avec une sorte de brutalité insolite (Billy, Introïbo,1939, p. 123).
Couper court. Terminer hâtivement un entretien ou un écrit, abréger. Au risque de prendre un peu au hasard la liberté de couper court, je reprendrai sans transition le dessein que j'avais en entamant cette page (Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 122).
Arg. Couper la chique. Rendre muet de stupeur, déconcerter. P. ell. Ça te la coupe! :
5. ... quand elle se mettait à causer ils étaient tous forcés de se taire. Ils ne savaient pas quoi lui répondre. Elle ne conversait la tante qu'à l'imparfait du subjonctif. (...). Ça coupait la chique à tout le monde. Céline, Mort à crédit,1936, p. 51.
Couper l'effet, les effets de qqn. L'empêcher de produire l'impression désirée. Swann coupa l'effet de Brichot (Proust, Swann,1913, p. 253).
e) [En parlant d'une durée] Couper le temps, la journée. En rompre la continuité. Ces réjouissances dominicales avaient cela de bon qu'elles coupaient la monotonie des jours (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 160).
f) Emplois spéc.
Rompre une unité par l'introduction d'un élément différent.
Mêler un liquide à un autre liquide. Couper du vin blanc avec du vin rouge (Littré). Frais vallon, nous couperons d'un jus rouge encore l'eau rapide et glacée de ton artère! (Claudel, Protée,1reversion, 1914, I, 1, p. 309).
[Sans compl. prép.] Couper du vin, du lait. Y ajouter de l'eau. J'ai demandé qu'on lui « coupe » son lait (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 216).
JEUX. [Dans certains jeux de cartes, avec l'idée d'interrompre une couleur] Introduire une carte d'atout quand on ne peut fournir la couleur demandée. Couper une carte, couper l'as, absol., couper, couper à carreau.
Au fig. L'idée de couper par un maître-atout la plus belle carte des Whigs (Maurois, Disraëli,1927, p. 225).
SP. Couper un coup, une balle. Briser la trajectoire d'une balle. Il avait parié couper douze balles de suite sur la lame d'un couteau (Dumas père, P. Jones,1838, I, 4, p. 133).
4. Emploi trans. indir. Couper à qqc. (un désagrément, une tâche ennuyeuse, une punition, etc.). Y échapper. La Guillaumette, (...) coupa encore à la manœuvre ce matin-là (Courteline, Train 8 h 47,1888, 1repart., 1, p. 7).Il n'y couperait pas : c'était la crise de foie (Gide, Faux-monn.,1925, p. 945).
II.− Emploi pronom.
A.− [Le pron. réfl. représente le compl. d'obj. indir.] Se couper le doigt, se couper au doigt : se couper les cheveux, les ongles. Le critique musical se coupe les ongles avec des ciseaux énormes (Renard, Journal,1907, p. 1137).
B.− [Le pron. réfl. représente le compl. d'obj. dir.]
1. Domaine concr.
a) [Le suj. désigne un animé] Se faire une entaille, se blesser avec quelque chose de tranchant. Toute idée révolutionnaire est un outil qui a deux tranchants, l'un avec lequel on coupe, l'autre auquel on se coupe (Hugo, Rhin,1842, p. 404).
Loc. fig. Se couper en quatre pour qqn, pour qqc. Déployer tous ses efforts au profit d'une personne ou d'une cause.
Spéc. [En parlant d'un cheval] Se blesser en marchant.
b) P. anal. [En parlant d'une étoffe] S'user facilement à l'endroit des plis.
2. Domaine abstr.Se trahir, se contredire; révéler par inadvertance ce que l'on voulait cacher. Pourquoi le président essaye-t-il de le faire se couper, se contredire? (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 648).
C.− [À valeur passive] Être susceptible d'être coupé. Il n'y a point de mal que l'herbe soit mouillée. Elle se coupe mieux (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 455).
− Domaine abstr.Pouvoir être divisé ou subdivisé. Nous devions aller au moins jusqu'à la fin de la première partie. Tel que, cela se couperait très mal (Alain-Fournier, Corresp.[avec J. Rivière], 1913, p. 362).
D.− [À valeur réciproque, en parlant de lignes, de routes, de plans] Se croiser. Si j'imagine trois droites qui se coupent, je formerai un triangle mental (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 189).
Rem. On rencontre ds la docum. le néol. coupaison, subst. fém. Fait de couper (les raisins). C'est au contraire la vendange qui est une institution, une cérémonie, rituelle, annuelle, un anniversaire, pour emplir laquelle les raisins sont faits, cette matière, et la coupaison des raisins (Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 687). Attesté ds aucun dictionnaire.
Prononc. et Orth. : [kupe], (je) coupe [kup]. Ds Ac. depuis 1694. Dupré 1972, p. 545, attire l'attention sur le fait qu'il faudrait écrire l'expr. couper court, « couper cours », car ,,il ne s'agit de couper court ni de couper long, mais de suspendre le cours d'un événement``. Étymol. et Hist. A. 1. « Séparer au moyen d'un instrument tranchant » a) 1remoitié xiies. « retrancher (un membre, un organe) » couper le poing (Lois de Guillaume, éd. J. Matzke, p. 10); spéc. 1678 « châtrer (un animal) » (G. Guillet, Les Arts de l'homme d'épée, 1repart., p. 65); b) mil. xiies. coper borses (Charroi de Nîmes, éd. D. Mc Millan, 1237); début xiiies. coper vergiers (Aymeri de Narbonne, 1097 ds T.-L.); 1611 fig. couper l'herbe sous les pieds à (qqn) (Cotgr.); 2. 1434 « supprimer » (Archives de Tournai ds Gdf. Compl.); 3. 1539 intrans. « être tranchant, coupant » (Est.); 4. 1679 « tailler quelque chose (spécialement un vêtement) selon certaines règles » (Rich.); 5. 1611 pronom. « se blesser » (Cotgr.). B. 1. 1539 « séparer en morceaux, en parties » (Est.); 1606 couper les cartes (Crespin); 2. fin xiiie-début xives. coper le pont (Joinville, 216 ds Littré); d'où 2emoitié xives. coper le voie « barrer le chemin » (Froissart, Chroniques, éd. S. Luce, II, 6); 3. a) av. 1475 coupper court la réponse (Chastellain, III, 58, 24 ds Heilemann); 1567 se couper « se contredire » (J.-A. de Baïf, Le Brave, II, 4 ds Gdf. Compl.); b) 1861 fam. couper à « éviter (quelque chose) » (d'apr. Esn.). C. P. ext. xves. « affaiblir un liquide en le mélangeant à un autre » (O. Basselin, XVIII ds Littré). Dér. de coup* (proprement « séparer par un coup »); dés. -er. Fréq. abs. littér. : 4 435. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 152, b) 7 486; xxes. : a) 7 308, b) 6 056. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, passim. Melchior-Bonnet (A.). Le Vocab. révolutionnaire. Vie Lang. 1973, p. 84. − Rog. 1965, p. 71, 236. − Sain. Lang. par. 1920, pp. 238-239; p. 455.

Wiktionnaire

Verbe - français

couper \ku.pe\ transitif, intransitif ou pronominal 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Diviser un corps continu, avec quelque chose de tranchant.
    • D’un coup de rasoir, je lui coupai la tête, et le tronc, d’où un flot de sang s’échappait, gigota quelques secondes sur le parquet. — (Octave Mirbeau, Lettres de ma chaumière : La Tête coupée, A. Laurent, 1886)
    • En coupant le saucisson, j'en ai connu, moi qui s’étaient coupé un doigt comme rien, en deux coups de cuillère à pot. — (Pierre Roudy, L'espoir au clou, Editions Julliard, 1963, chapitre 2)
    • Elle tira du réfrigérateur une assiette de fromage. Il coupa une tranche d’emmental et la mâcha lentement, alternant une bouchée de fromage et une de pain. — (Gerald Messadie, Un espoir aussi fort , tome 3 : Les années d'or, Éditions de L'Archipel, 2009, chapitre 4)
    • Couper de l’herbe.
    • Se faire couper les cheveux.
    • Ce morceau d’étoffe a été coupé à la pièce.
    • À couper au couteau : (Figuré) (Familier) Se dit de choses plus épaisses, plus consistantes qu’elles ne devraient l’être.
    • C’est un brouillard à couper au couteau.
  2. Séparer en deux ou plusieurs morceaux.
    • Poursuivant des cavaliers ennemis sur la grande route dans la direction de Gérone, [Sans-Gêne] reconnaît que plusieurs d'entre eux portent l'uniforme des émigrés français. Elle leur crie qu'ils vont être coupés, et leur indique le bon chemin avec le conseil de fuir au galop. — (Émile Cère, Madame Sans-Gêne et les femmes soldats, 1894)
    • La noirceur de la tourbe et des basaltes est coupée par des taches d’un gazon vert et abondant […] — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Couper une armée : La séparer en deux tronçons.
    • Ce corps d’armée fut coupé de ses bases.
  3. (Par extension) Tailler suivant les règles de l’art.
    • Il lui arrivait tout de même de se rebeller, elle suivait un régime, s’efforçait de maigrir, s'achetait un rouge à lèvres et se coupait une jupe droite avec un pli Dior qui mettait en valeur ses jambes fuselées. — (Marie-Claude Declerk, Les miroirs de sorcière, Liège : Éditions Dricot, 1999, page 46)
    • Couper les pierres.
    • Couper un vêtement, un manteau, une robe.
    • Pan coupé. → voir pan
    • Couper un rocher, une maison, etc. : En enlever, en démolir une partie.
    • On a coupé la montagne en cet endroit, pour que le chemin passât.
    • Il faudrait couper cette maison pour qu’elle fût sur l’alignement.
    • Couper en talus le bord d’un chemin, d’un fossé.
    • Couper une route, un pont.
    • Couper dans le vif : Se dit des chirurgiens qui, pour extirper le mal, coupent jusque dans la chair vive.
      (Figuré) Prendre des mesures énergiques pour terminer une affaire.
      Si l’on veut extirper cet abus, il faut couper dans le vif.
  4. (Médecine) Châtrer.
    • Couper un cheval, un chien, un chat, etc.
  5. (Cartes à jouer) Séparer un jeu de cartes en deux avant que celui qui a la main donne.
    • Couper le paquet de cartes. Souvent implicite : Allez, coupe !
  6. (Cartes à jouer) Fournir une carte d’atout au lieu d’une carte d’une couleur manquante, ce qui, la plupart du temps, emporte le point. → voir surcouper
    • Il coupe le cœur, à cœur, en cœur. Souvent implicite : Il a coupé.
  7. Traverser.
    • Le plus souvent des observations ultérieures permettent de rectifier les erreurs d'un premier résultat : c'est ainsi qu'on avait cru d'abord que Nysa devait couper l'orbite de Mars, tandis qu elle est toujours à 15 millions de lieues au moins au-dessus de cette planète. — (G. Lespiault, « Note sur les petites planètes situées entre Mars et Jupiter », dans les Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, tome 2, 1861, page 180)
    • Leurs vaisseaux ne purent couper la ligne ennemie.
    • Couper l’équateur : Passer d’un hémisphère dans l’autre en traversant l’équateur.
    • Une chaîne de montagnes coupe toute cette région.
    • Ce pays est coupé par de nombreux canaux, est coupé de grandes routes dans tous les sens.
    • Je couperai cette chambre en deux par une cloison.
    • Couper l’eau : Fendre l’eau en nageant.
    • Couper le courant : Le traverser à la nage ou en bateau.
  8. Croiser avec autre chose.
    • L’autre rue, qui s’appelle la rue Haute ou Adalstraeti, coupe la première à angle droit et aboutit à un bâtiment en bois dont la façade porte en grandes lettres blanches peintes sur fond bleu le mot « hospital ». — (Jules Leclercq, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla, Paris : E. Plon & Cie, 1883, page 46)
    • La ligne droite qui coupe deux autres lignes droites parallèles se nomme sécante.
    • Un plan qui en coupe un autre.
    • Ces deux chemins, ces deux lignes, ces deux plans se coupent.
    • Un solide est coupé par un plan, etc.
  9. Barrer, intercepter, rendre impraticable.
    • Couper le cours d’une rivière, d’un ruisseau.
    • Couper une route, un passage.
    • On coupa les ponts pour empêcher l’ennemi de passer.
    • Couper une voie de chemin de fer.
    • Couper le chemin à quelqu’un : Se mettre au-devant de lui sur son chemin pour l’empêcher de passer.
  10. Interrompre, arrêter, faire cesser.
    • Louis démarre lentement. Au bout d'un instant, il coupe le moteur. La voiture descend la petite route droite en silence. — (Patrick Modiano, Une jeunesse, Gallimard, collection Folio, 1981, page 16)
    • Le fusible gG coupe un court-circuit de 100 A en 0,05 s. Le fusible aM, de même calibre, temporisé, ne le coupera pas. La donnée aM est l'abréviation d'« accompagnement moteur ». — (Daniel Gaude, Électrotechnique : Physique appliquée à la conversion et à la distribution de l'énergie électrique, éditions Eyrolles, 2014, page 253)
    • Couper la parole à quelqu’un : L’interrompre en prenant la parole, ou lui imposer silence.
    • Les sanglots, les soupirs, etc., lui coupent la parole, la voix : L’empêchent de parler, de s’exprimer d’une manière suivie.
    • — Pardon, lui dis-je, si je vous coupe, comme disait Samson au poète André de Chénier, mais il me semble que tout cela, pour si flatteur qu’il vous paraisse et qu’il vous soit, n’a rapport que d’assez loin à cette espèce de passion canaille dénommée béguin, dont vous vous êtes longuement entretenus et que pour ma part...
      — Là, là, dit Cintra, reposez-vous.
      — (Paul-Jean Toulet, Mon Amie Nane, 1922)
    • Couper la communication : Mettre fin à une conversation téléphonique avant qu’elle ne soit achevée.
    • Couper le courant.
    • Couper le son : Interrompre la musique.
    • Couper les sons : Marquer un silence entre chaque son, dans les expressions de douleur, d’abattement ou d’admiration lorsqu’on joue.
    • Couper la fièvre : L’arrêter au moyen d’un médicament.
    • Couper les vivres à une ville assiégée, à une armée, etc. : Fermer les avenues, pour empêcher qu’on ne lui porte des vivres.
      (Figuré) Couper les vivres à quelqu’un : Lui retrancher l’argent, les moyens de subsister, etc.
    • Couper court. → voir court
  11. (Figuré) Éloigner.
    • L’universalisme des Lumières était déjà accusé de couper l’homme de ses racines pour dessiner un être abstrait et désincarné, détourné de l’ordre naturel divin. — (Ariane Chemin, Vincent Martigny, Mais qui veut éteindre les Lumières ?, Le Monde. Mis en ligne le 15 novembre 2018)
  12. (Cuisine) Mêler un liquide avec un autre de force moindre. Absolument, y mêler de l’eau.
    • Couper son vin avec de l’eau.
    • Couper son vin, couper du lait.
  13. (Jeu de paume, Sport, Tennis, Tennis de table) Pousser la balle de manière qu’elle ralentisse et dévie dans son rebond.
    • Couper le coup.
  14. (Intransitif) Être coupant, tranchant.
    • Les éclats de verre coupent.
    • Ce couteau coupe bien, coupe mal, ne coupe pas.
  15. (Intransitif) Prendre un raccourci, aller par le chemin le plus court.
    • Couper par le plus court chemin, par le plus court, par un sentier.
    • Couper à travers champs.
  16. (Intransitif) (Escrime) Achever de passer l’épée par-dessus la pointe de l’épée de l’adversaire.
  17. (Intransitif) (Danse) Faire le pas qu’on nomme coupé.
  18. (Pronominal) Entamer la chair, y faire une incision.
    • Elle s’est coupée à la main.
    • Il s’est coupé jusqu’à l’os, jusqu’au vif.
    • Se couper la joue avec un rasoir.
    • Cet enfant se coupe.
    • Ce cheval se coupe : Il s’entretaille des pieds de devant ou des pieds de derrière.
  19. (Pronominal) S’user facilement à l’endroit des plis.
    • Ce drap, ce velours, etc., se coupe : Ce drap, etc., s’use promptement aux endroits où il s’est formé des plis.
  20. (Pronominal) (Figuré) Se contredire, se démentir soi-même dans ses discours, laisser échapper une chose qu’on voulait cacher. → voir recouper
    • Il s’est coupé dans ses réponses.
    • On se coupe aisément quand on ne dit pas la vérité.
  21. (réciproque) Se croiser.
  22. Croire à quelque chose de trompeur, se laisser berner, tomber dans le panneau.
    • J’y pense maintenant, ce n’est pas bien dangereux de prôner aux enfants la soumission et l’admiration envers les parents indignes. Est-ce que Bonvalot coupe dans les leçons sur les parents ? — (Léon Frapié, La maternelle, Librairie Universelle, 1908)
    • — Ça ne peut pas réussir. Personne n’y coupera une minute. — (Jules Romains, Les Copains, 1922, réédition Le Livre de Poche, page 168)
  23. (Intransitif) Couper la tête, guillotiner.
    • — Pardon, lui dis-je, si je vous coupe, comme disait Samson au poète André de Chénier, mais il me semble que tout cela, pour si flatteur qu’il vous paraisse et qu’il vous soit, n’a rapport que d’assez loin à cette espèce de passion canaille dénommée béguin, dont vous vous êtes longuement entretenus et que pour ma part...
      — Là, là, dit Cintra, reposez-vous.
      — (Paul-Jean Toulet, Mon Amie Nane, 1922)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

COUPER. v. tr.
Diviser un corps continu, avec quelque chose de tranchant. Couper en deux. Couper en morceaux. Couper de la viande. Couper du papier. Couper avec un couteau, avec des ciseaux, avec un canif, avec une hache, etc. On lui a coupé un bras, une jambe. Couper de l'herbe. Se faire couper les cheveux. Ce morceau d'étoffe a été coupé à la pièce. Absolument, Ce couteau coupe bien, ne coupe pas. À couper au couteau, se dit figurément et familièrement de Choses plus épaisses, plus consistantes qu'elles ne devraient l'être. C'est un brouillard à couper au couteau. Il signifie par extension Tailler suivant les règles de l'art. Couper les pierres. Couper un vêtement, un manteau, une robe. Couper un rocher, une maison, etc., En enlever, en démolir une partie. On a coupé la montagne en cet endroit, pour que le chemin passât. Il faudrait couper cette maison pour qu'elle fût sur l'alignement. Couper en talus le bord d'un chemin, d'un fossé. Couper une route, un pont. Pan coupé. Voyez PAN. Couper un cheval, un chien, un chat, etc., Le châtrer. Fig. et fam., Couper l'herbe sous le pied à quelqu'un, Le supplanter dans quelque affaire. Fig., Couper le mal à sa racine, L'extirper. Fig. et fam., Couper bras et jambes à quelqu'un. Voyez BRAS. Couper la gorge à quelqu'un, L'égorger, le tuer. Les voleurs lui coupèrent la gorge. Fig. et fam., Couper le sifflet à quelqu'un, Le rendre muet, le mettre hors d'état de répondre. Par exagération et fam. Je donnerais ma tête à couper, je parie ma tête à couper, je mettrais ma tête à couper se dit pour exprimer une vive persuasion, une grande conviction.

COUPER et

SE COUPER signifient quelquefois seulement Entamer la chair, y faire une incision. Vous m'avez coupé au petit doigt. Elle s'est coupée à la main. Il s'est coupé jusqu'à l'os, jusqu'au vif. Se couper la joue avec un rasoir. Il se dit particulièrement des Personnes grasses, et surtout des enfants, lorsque leur chair se fend dans les plis qu'elle forme. Cet enfant se coupe. Ce drap, ce velours, etc., se coupe, Ce drap, etc., s'use promptement aux endroits où il s'est formé des plis. Ce cheval se coupe, Il s'entretaille des pieds de devant ou des pieds de derrière. Couper dans le vif, se dit des Chirurgiens qui, pour extirper le mal, coupent jusque dans la chair vive. Il signifie figurément Prendre des mesures énergiques pour terminer une affaire. Si l'on veut extirper cet abus, il faut couper dans le vif. Il se dit quelquefois, dans un sens particulier, du Froid, lorsqu'il fait gercer les lèvres. Le froid m'a coupé les lèvres. Fig., Ce vent coupe le visage, se dit d'un Vent froid qui fouette dans le visage.

COUPER, en termes de jeu de Cartes, signifie Séparer un jeu de cartes en deux avant que celui qui a la main donne. Il signifie aussi Détruire, en jouant de l'atout, l'effet des cartes maîtresses. Il signifie aussi Traverser. Leurs vaisseaux ne purent couper la ligne ennemie. Une chaîne de montagnes coupe toute cette région. Ce pays est coupé par de nombreux canaux, est coupé de grandes routes dans tous les sens. Je couperai cette chambre en deux par une cloison. Il se dit particulièrement d'une Chose qui se croise avec une autre. Cette route coupe celle d'Orléans. La ligne droite qui coupe deux autres lignes droites parallèles se nomme sécante. Un plan qui en coupe un autre. Ces deux chemins, ces deux lignes, ces deux plans se coupent. On dit dans un sens analogue Un solide est coupé par un plan, etc. En termes de Sports, Couper l'eau, Fendre l'eau en nageant. Couper le courant, Le traverser à la nage ou en bateau. En termes de Marine, Couper la lame, se dit d'un Bâtiment dont l'avant court sur la lame et la traverse. Couper l'équateur, Passer d'un hémisphère dans l'autre en traversant l'équateur. Fig., Couper à quelqu'un sa journée, sa semaine, etc., Déranger le plan d'occupation qu'il s'était fait pour la journée, pour la semaine, etc. Les visites que je suis obligé de recevoir coupent mes journées, me coupent tout mon temps. Il signifie aussi Barrer, intercepter, rendre impraticable. Couper le cours d'une rivière, d'un ruisseau. Couper une route, un passage. On coupa les ponts pour empêcher l'ennemi de passer. Couper une voie de chemin de fer. Couper le chemin à quelqu'un, Se mettre au-devant de lui sur son chemin pour l'empêcher de passer. En termes de Chasse, Couper la voie, se dit des Chiens qui abandonnent la voie pour rejoindre plus tôt la bête, quand elle a fait des détours, ce qui est un défaut. Il se dit aussi des Chasseurs trop pressés qui passent trop tôt sur la voie. Couper la fièvre, L'arrêter au moyen d'un médicament. Fig., Couper la parole à quelqu'un, L'interrompre en prenant la parole, ou Lui imposer silence. Les sanglots, les soupirs, etc., lui coupent la parole, la voix, L'empêchent de parler, de s'exprimer d'une manière suivie. Fig., Couper la communication, Mettre fin à une conversation téléphonique avant qu'elle ne soit achevée. Fig., Couper quelqu'un, Le dépasser, le devancer. Nous marchions et sa voiture nous coupa. Couper les vivres à une ville assiégée, à une armée, etc., Fermer les avenues, pour empêcher qu'on ne lui porte des vivres. Fig. et fam., Couper les vivres à quelqu'un, Lui retrancher l'argent, les moyens de subsister, etc. En termes de Guerre, Couper une armée, La séparer en deux tronçons. On dit de même Ce corps d'armée fut coupé de ses bases. Couper par le plus court chemin, par le plus court, par un sentier, Aller par le chemin le plus court, etc. On dit aussi Couper à travers champs. Fig. et fam., Couper court. Voyez COURT. En termes de Musique, Couper les sons, Marquer un silence entre chaque son, dans les expressions de douleur, d'abattement ou d'admiration. En termes de jeu de Paume et de Tennis, Couper le coup, Pousser la balle de manière qu'elle ne rebondisse pas. En termes d'Escrime, il signifie Achever de passer l'épée par-dessus la pointe de l'épée de l'adversaire.

COUPER, en termes de Danse, signifie Faire le pas qu'on nomme Coupé.

SE COUPER s'emploie aussi figurément, dans le sens de Se contredire, se démentir soi-même dans ses discours, laisser échapper une chose qu'on voulait cacher. Il s'est coupé dans ses réponses. On se coupe aisément quand on ne dit pas la vérité. Dans ce sens il est familier.

COUPER signifie aussi Mêler un liquide avec un autre de force moindre. Couper son vin avec de l'eau. Absolument, Couper son vin, couper du lait, Y mêler de l'eau.

Littré (1872-1877)

COUPER (kou-pé) v. a.
  • 1Diviser un corps avec un instrument tranchant. Couper du pain avec un couteau, du bois avec une hache. David, rencontrant Saül à son avantage, après lui avoir sauvé la vie malgré les instances de tous les siens, se sentit saisi de frayeur pour lui avoir seulement coupé le bord de sa robe et avoir mis la main, quoique d'une manière si innocente, sur sa personne sacrée, Bossuet, Variat. 5e avert. § 30.

    Familièrement. À couper au couteau, se dit de choses épaisses, d'un liquide plus consistant qu'il ne doit l'être. Un brouillard, une fumée à couper au couteau. Voilà un bouillon à couper au couteau. Quelques verres d'un gros vin à couper par tranches, Rousseau, Conf. II.

    Absolument. Ce rasoir coupe bien.

    Couper la bourse à quelqu'un, lui voler sa bourse.

    Couper la gorge à quelqu'un, et, populairement, le sifflet à quelqu'un, l'égorger, le tuer. On coupa la gorge à tous les Français dans les Vêpres siciliennes.

    Fig. Couper la gorge à quelqu'un, lui faire perdre sa position, lui causer un grand dommage.

    Fig. Couper le sifflet à quelqu'un, le rendre muet.

    Familièrement. Je lui couperai les oreilles, se dit par exagération et par menace. Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles, Molière, Tart. V, 2.

    On dit aussi couper le nez. Laissez-moi lui couper le nez. - Laissez-le aller ; Que feriez-vous, monsieur, du nez d'un marguillier ? Regnard, Ménechm. III, 11.

    Couper le visage à quelqu'un d'un coup de cravache, lui asséner un coup de cravache à travers la figure.

    Fig. Couper la jupe, couper la robe au cul, façon de parler grossière qui se dit à des prostituées ou à des femmes qui ne valent pas mieux. Il me ferait couper ma jupe ; Ma foi, je ne suis pas si dupe, Scarron, Virg. travesti, dans LEROUX, Dict. comique.

    Fig. Couper l'herbe sous le pied à quelqu'un, le supplanter dans une affaire.

    Couper pied à un abus, en ôter la cause.

    Couper bras et jambes à quelqu'un, lui ôter tout moyen d'agir efficacement, et aussi lui causer une consternation grande. Cette nouvelle m'a coupé bras et jambes. Je m'en consolerai quand je verrai Phocas Croire affermir son trône en se coupant le bras, Corneille, Héracl. IV, 5.

    Fig. Quelle horreur d'embrasser un homme dont l'épée De toute ma famille a la trame coupée ! Corneille, Hor. V, 3. Si vous voulez couper d'une race odieuse Dans ses derniers rameaux la tige dangereuse, Voltaire, Orphel. III, 4.

    Couper le mal à sa racine, l'attaquer à sa source et l'extirper. C'en est encor bien moins [de prudence] alors qu'on s'imagine Guérir un si grand mat sans couper la racine, Corneille, Cinna, II, 2.

  • 2Se couper, couper à soi-même. Se couper les ongles. Coupez-vous du pain. En taillant sa plume, il s'est coupé le doigt. Quand on eut appris sa mort chez les barbares, la douleur fut extrême, ils se coupèrent les cheveux, coupèrent les crins de leurs chevaux et de leurs mulets, et remplirent tout le camp de cris et de gémissements, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 259, dans POUGENS.

    Se couper la gorge, se donner la mort en s'ouvrant la gorge.

    Se couper la gorge avec quelqu'un, se battre en duel avec lui. Mon ami, lui dit le chevalier, j'ai autant d'envie que vous de me couper la gorge, car je suis outré de dépit ; mais ce ne sera pas avec vous, s'il vous plaît, Marmontel, Contes mor. Lauret.

  • 3Tailler d'une certaine façon. Il s'entend bien à couper les pierres. Couper un habit. La voilà qui me coupe des serviettes, Sévigné, 221.

    Terme de gravure. Conduire d'une certaine manière le burin. Ce graveur coupe bien le cuivre. Exécuter en creux ou en relief différents ornements.

    Terme de sculpture. Couper le plâtre, faire à la main des moulures ou autres ornements en plâtre.

    Terme d'architecture. Couper du trait, faire le modèle d'une voûte ou d'une pièce de trait en petit, avec de la craie, du plâtre, etc.

    Absolument, en termes de cordonnier et de tailleur, tailler le cuir ou l'étoffe selon les règles du métier. Il coupe bien.

    En termes de jardinage, couper à l'épaisseur d'un écu, couper en moignon, couper en talus, couper en pied de biche, couper carrément, termes de LA QUINTINYE, Jardins, t. I, dans RICHELET.

  • 4Enlever, retrancher une, partie d'une chose. Couper un pan de bois.

    En termes de maçonnerie, couper une pierre, en ôter trop, de sorte qu'elle ne peut pas servir à l'endroit où elle était destinée.

    En termes de chirurgie, couper un membre, l'amputer. Couper dans le vif, couper, pour mieux extirper un mal, tout autour dans les chairs vives.

    Fig. Couper dans le vif, prendre des mesures énergiques pour mettre fin à une situation mauvaise.

    Terme de vétérinaire. Couper un animal, le châtrer.

  • 5Barrer, détourner, intercepter. Couper le cours d'une rivière. Couper une route, un passage. Les ponts furent coupés pour empêcher les ennemis de passer.

    Couper le chemin à quelqu'un, le lui barrer, passer devant lui. Son fils et deux valets me coupent le chemin, Corneille, le Ment. II, 5. Ils avaient coupé le chemin aux Madianites, Bossuet, Polit. Il fait signe aux siens, qui étaient de l'autre côté de l'arbre, de couper le chemin au perfide Adraste, Fénelon, Tél. XX. Depuis, les Russes ont reproché à Napoléon de ne s'être point décidé à cette manœuvre ; mais ont-ils assez songé qu'aller ainsi se placer par delà un fleuve, une ville forte et une armée ennemie, c'eût été, pour couper aux Russes le chemin de leur capitale, se faire couper à soi-même toute communication avec ses renforts, ses autres armées et l'Europe ? Ségur, Hist. de Nap. VI, 3.

    Couper les communications, couper les vivres à une place assiégée, empêcher qu'elle ne communique avec le dehors, qu'elle ne se ravitaille.

    Fig. Coupons dès cette nuit tout accès à ses vœux, Rotrou, Vencesl. III, 3. À tous nos démêlés coupons chemin, de grâce, Molière, Mis. II, 1.

    Couper les vivres à quelqu'un, cesser de subvenir à ses dépenses, lui refuser de l'argent.

    Couper le feu, circonscrire, borner l'action de l'incendie. Des capucins travaillèrent si bien qu'ils coupèrent le feu, Sévigné, 20.

    Par analogie. Couper la fièvre, empêcher le retour des accès. Avec la seconde écorce du sassafras, ils [les sauvages] coupent les fièvres, Chateaubriand, Amér. 96.

    Fig. Je coupe en lui tout intérêt de mentir, Rousseau, Ém. II.

  • 6Passer devant quelqu'un en le séparant de la personne ou de la chose vers laquelle il va. Elle coupe la duchesse et donne la serviette, Sévigné, 27. Tantôt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis, et tantôt, s'il les trouve en conversation avec vous, il vous coupe et vous les enlève, La Bruyère, IX. Vardes convint avec mon père que le carrosse de M. de Vardes couperait celui de mon père, Saint-Simon, 10, 119. Tous [au conseil d'État] étaient assis, et les conseillers d'État y coupaient les secrétaires d'État et le contrôleur général, Saint-Simon, 417, 7.

    Terme de manége. Couper la volte ou le rond, changer de main en faisant des voltes.

  • 7Séparer, diviser. Je couperai cette pièce en deux par une cloison. Ils ont coupé de trop grandes pièces, pour avoir des logements mieux distribués, Rousseau, Hél. IV, 10.

    Se croiser avec. Ce chemin coupe la route d'Orléans. Une ligne qui en coupe une autre à angle droit.

    Couper l'eau, couper le courant, aller en travers ou en remontant.

    Fig. Couper à quelqu'un sa journée, déranger le plan de ses occupations.

    Terme de marine. Le vaisseau coupe la lame, quand l'avant court sur la lame et la traverse.

    On dit aussi couper la ligne de l'ennemi, quand un ou plusieurs vaisseaux la traversaient et la séparaient en deux, rendant ainsi l'une des parties inutiles pour le combat, alors que les vaisseaux à vapeur n'existaient pas. À Trafalgar, les Anglais coupèrent la ligne française.

    Fig. Couper l'équateur, traverser l'équateur.

  • 8 Terme de jeu de carte. Prendre avec l'atout une carte de son adversaire. Je coupe le carreau. Le jeu rassemble tout ; il unit à la fois Le turbulent marquis, le paisible bourgeois ; La femme du banquier, dorée et triomphante, Coupe orgueilleusement la duchesse indigente, Regnard, le Joueur, III, 6.

    Absolument. Je coupe à carreau.

  • 9Empêcher, en parlant de la voix, de la parole. La Parque à ce mot lui coupe la parole, Corneille, Rodog. V, 4. Ce n'est que la douleur qui lui coupe la voix, Corneille, Théod. V, 9. Peut-être, si la voix ne m'eût été coupée, L'affreuse vérité me serait échappée, Racine, Phèdre, IV, 5. Ses pleurs précipités ont coupé mes discours, Racine, Baj. III, 4.

    Couper la parole à quelqu'un, l'interrompre en la prenant soi-même. Couper la parole à son maître, La Bruyère, IV. Néron lui coupe la parole et lui réplique que Claude ne fit jamais accuser personne, Diderot, Ess. s. Claude.

  • 10Gercer, en parlant du froid Le froid m'a coupé les lèvres.

    Ce vent coupe la figure, il est vif et froid.

  • 11Tempérer un liquide par un autre. Couper du vin blanc avec du vin rouge.

    Absolument. Couper, c'est mélanger d'eau. Couper le bouillon. On a beau couper le lait de mille manières, Rousseau, Ém. I.

  • 12Couper le style, faire des phrases courtes et d'où les liaisons sont absentes.

    Mettre les repos dans les phrases, dans les vers. Ce vers est heureusement coupé. L'orateur a mal coupé ses phrases. Il faut couper vos phrases à propos ; mais il y a une manière de les couper qui, bien loin d'interrompre l'harmonie, sert à la continuer, D'Olivet, Prosodie fr. art. V, § 2.

    Terme de musique. Couper les sons, marquer un silence d'un son à l'autre.

  • 13À la paume, couper le coup, couper la balle, pousser la balle de manière qu'elle ne fasse point de bond. Ils la touchent en biaisant de leur raquette, ce qu'ils nomment couper, Descartes, Diopt. 5.

    Terme de jeu. Couper cul, se retirer après avoir gagné et sans donner de revanche.

    Couper les dés, les jeter en retirant le cornet, pour qu'ils restent à la même place.

  • 14Couper court, abréger. Je dirais beaucoup de choses sur ce sujet que je coupe court par mille raisons, Sévigné, 346.

    Absolument. Couper court au discours ; et, elliptiquement, couper au discours. Tout cela va le mieux du monde, Mais enfin coupons au discours, Molière, Amph. III, 11.

    Par extension, mettre un terme. Coupons court Aux erreurs de la jeunesse, Béranger, Chap.

    Couper court à quelqu'un, le quitter brusquement en lui faisant une réponse brève et décisive. Et absolument : Monsieur, point tant de paroles, coupons court.

  • 15 V. n. Passer la racloire sur une mesure de grains qui est comble.
  • 16Couper à travers champs, par le plus court chemin, se diriger par la ligne la plus courte.

    Terme de vénerie. Un chien coupe, lorsqu'il veut gagner la tête de la meute ou lorsqu'il manque de force.

  • 17 Terme de peinture. On dit qu'une couleur coupe quand elle n'est pas assez fondue.
  • 18 Terme de danse. Exécuter le pas dit coupé.

    Terme d'escrime. Exécuter le dégagement dit coupé. Couper sous le poignet, dégager par-dessous le poignet de son adversaire. Couper sur pointe, porter une botte en dégageant par-dessus la pointe de l'épée de l'adversaire.

    On dit aussi couper la mesure, la dégager.

  • 19 Terme de jeu de cartes. Séparer en deux un jeu de cartes, après que celui qui les tient les a bien mêlées.

    Au jeu du lansquenet, prendre carte et se mettre au nombre des joueurs. Il coupait.

  • 20 Terme de marine. Couper à terre, aller directement le cap sur la terre.

    Passer entre un vaisseau et un autre. Dans ce moment-là j'avais Ruyter par mon travers, et je voyais l'arrière-garde ennemie dans nos eaux, qui pouvait, en revirant, couper entre notre corps de bataille et la division de M. Gabaret, Mém. de Villette, en 1675, dans JAL.

  • 21Se couper, v. réfl. Se blesser avec un instrument tranchant. Elle s'est coupée à la main.

    Terme de manége. On dit que des chevaux se coupent, quand ils s'entre-heurtent les jambes, ou quand, avec l'un des fers, ils se blessent le boulet de l'autre pied.

    Se dit aussi des enfants et des personnes grasses, lorsqu'il leur vient des excoriations aux plis que forme la peau.

  • 22Être coupé. Le roc cède et se coupe aisément.

    En parlant des étoffes, se gâter par les plis. Les étoffes fortes se coupent plutôt que celles qui sont souples et déliées.

  • 23S'entre-croiser. Ces deux lignes, ces deux routes se coupent.
  • 24 Fig. Se contredire dans ses assertions. On se coupe aisément quand on ne dit pas la vérité. Ces deux réponses se coupent, Bossuet, Nouv. myst. 90. La comtesse de Soissons, craignant toujours qu'on ne lui eût fait quelque finesse, tourna tant Vardes qu'il se coupa sur deux ou trois choses, La Fayette, Hist. d'Henr. d'Anglet. Œuvres, t. III, p. 157, dans POUGENS.

HISTORIQUE

XIe s. Si ço avent que alquen colpe le poin à altre u le pied, Lois de Guill. 13.

XIIe s. Au bon destrier [il] a l'eschine coupée, Ronc. p. 66. Ne faiz pas cum saint Piere qui dona la colée ; Al serf al prince aveit l'une oreille coupée, Th. le mart. 90. Par douz [deux] feis i fu pris : si l'en laissa aler, Mais ainceis li fist l'um les oreilles couper, ib. 31.

XIIIe s. Et li François lor remanderent qu'il i seroient l'endemain devant tierce, et le [l'ormeau] copperoient ou despit de lui, Chr. de Rains, p. 63. Se feme tient bos [bois] en douaire, elle ne le poet couper devant que il ait sept ans acomplis, Beaumanoir, XIII, 7. Et quant il les orent pris, il lor coperent les testes à toz, Beaumanoir, XXX, 63. Et lors il me porterent à terre et me saillirent sur le cors pour moy coper la gorge, Joinville, 240. Mal apertement se partirent les Turs de Damiete, quant il ne firent coper le pont qui estoit de nez [nefs], Joinville, 216.

XIVe s. Et on voit qu'uns larons qui se met à l'embler, Il n'aconte noient d'une bourse à couper, Baud. de Seb. VI, 263.

XVe s. Et à tant je coupe le compte de che chevalier, jusques cy après que j'en releveray le remannant, Chastelain, Chron. des ducs de Bourg. l. I, ch. 54. Que ce vin on ne coupe ; Ainçois qu'on boive net ; Je pry toute la troupe De vider le godet, Basselin, XVIII.

XVIe s. S'estant si lourdement couppé [contredit], Montaigne, I, 39. C'estoit un precipice si droict et si couppé, que…, Montaigne, I, 156. Un mont coupé, rabotteux et inaccessible, Montaigne, I, 176. Un langage trop serré, coupé, Montaigne, I, 292. Murena en rencontra les uns fuyans, ausquelz il couppa le chemin et les desfeit, Amyot, Sylla, 40. Ses ennemis luy coupoient les vivres, Amyot, Lucull. 4. La montée n'estoit pas fort roide ny couppée [à pic], Amyot, ib. 53. Il faut couper la cause de la fievre par son contraire, Paré, XX, 5.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

COUPER, v. act. (Gram.) c’est en général faire usage d’un instrument tranchant, & l’effet produit s’appelle coupure. Mais ce mot se prend aussi dans un autre sens, & il est synonyme à mêler & tempérer ; ainsi l’on dit couper un fluide avec un autre. Ce terme a encore d’autres acceptions particulieres, dont on verra quelques-unes dans les articles suivans.

Couper un opera. Il faut couper un opera bien différemment de tous les autres ouvrages dramatiques. Quinault a coupé tous ses poëmes pour la grande déclamation : il ne pouvoit pas alors avoir une autre méthode, parce qu’il n’avoit que des sujets propres à la déclamation ; que d’ailleurs on connoissoit à peine la danse de son tems, & qu’elle n’occupoit qu’une très-petite partie de la représentation.

Ce ne fut qu’au ballet du triomphe de l’Amour qu’on introduisit en France des danseuses dans les représentations en musique ; il n’y avoit auparavant que quatre ou six danseurs qui formoient tous les divertissemens de l’opéra, & qui n’y portoient par conséquent que fort peu de variété & un agrément très médiocre ; ensorte que pendant plus de dix ans on s’étoit passé à ce théatre d’un plaisir qui est devenu très-piquant de nos jours. Tous les ouvrages antérieurs à 1681 furent donc coupés de maniere à pouvoir se passer de danseuses ; & le pli étoit pris, si on peut s’exprimer ainsi, lorsque le corps de danse fut renforcé : ainsi Persée, Phaëton, Amadis de Gaule, Rolland & Armide, poëmes postérieurs à cette époque, furent coupés, comme l’avoient été Cadmus, Thésée, Atys, Isis, Alceste & Proserpine qui l’avoient précédée.

Quinault, en coupant ainsi tous ses opéra, avoit eu une raison décisive ; mais ceux qui l’ont suivi, avoient un motif aussi fort que lui pour prendre une coupe contraire. La danse naissoit à peine de son tems, & il avoit pressenti qu’elle seroit un des principaux agrémens du genre qu’il avoit créé : mais comme elle étoit encore à son enfance, & que le chant avoit fait de plus grands progrès ; que Lulli se contentoit de former ses divertissemens de deux airs de violons, de trois tout au plus, quelquefois même d’un seul ; qu’il falloit cependant remplir le tems ordinaire de la représentation, Quinault coupoit ses poëmes de façon que la déclamation suffît presque seule à la durée de son spectacle : trois quarts d’heure à-peu-près étoient occupés par les divertissemens, le reste devoit être rempli par la scene.

Quinault étoit donc astraint à couper ses poëmes de façon que le chant de déclamation (alors on n’en connoissoit point d’autre, voyez Coupe, Exécution, Déclamation, Opéra.) remplît l’espace d’environ deux heures & demie ; mais à mesure qu’on a trouvé des chants nouveaux, que l’exécution a fait des progrès, qu’on a imaginé des danses brillantes, que cette partie du spectacle s’est accrûe ; depuis enfin que le ballet (genre tout entier à la France, le plus piquant, le plus vif, le plus varié de tous) a été imaginé & goûté, toutes les fois qu’on a vû un grand opéra nouveau coupé comme ceux de Quinault (& tous les auteurs qui sont venus après lui, auroient crû faire un crime de prendre une autre coupe que la sienne), quelque bonne qu’ait été la musique, & quelqu’élégance qu’on ait répandu dans le poëme, le public a trouvé du froid, de la langueur, de l’ennui. Les opéra même de Quinault, malgré leur réputation, le préjugé de la nation, & le juste tribut de reconnoissance & d’estime qu’elle doit à Lulli, ont fait peu à peu la même impression ; & il a fallu en venir à des expédiens, pour rendre agréable la représentation de ces ouvrages immortels. Tout cela est arrivé par degrés, & d’une façon presqu’insensible, parce que la danse & l’exécution ont fait leurs progrès de cette maniere.

Les auteurs qui sont venus après Quinault, n’ont point senti ces différens progrès, mais ils ne sont point excusables de ne les avoir pas apperçûs ; ils auroient atteint à la perfection de l’art, en coupant leurs ouvrages sur cette découverte. Voyez Coupe.

La Mothe qui a créé le ballet, est le seul qui ait vû ce changement dans le tems même qu’il étoit le moins sensible ; il en a profité, en homme d’esprit, dans son Europe galante, dans Issé, & dans le Carnaval & la Folie, trois genres qu’il a créés en homme de génie. Voyez Ballet, Comédie ballet, & Pastorale. On ne conçoit pas comment après un vol pareil vers la perfection, il a pû retomber après dans l’imitation servile. Tous ses autres ouvrages lyriques sont coupés sur l’ancien patron, & on sait la différence qu’on doit faire de ses meilleurs opera de cette derniere espece, avec les trois dont on vient de parler.

En réduisant donc les choses à un point fixe qui puisse être utile à l’art, il est démontré, 1°. que la durée d’un opéra doit être la même aujourd’hui qu’elle l’étoit du tems de Quinault : 2°. les trois heures & un quart de cette durée qui étoient remplies par deux heures & demie de récitatif, doivent l’être aujourd’hui par les divertissemens, les chœurs, les mouvemens du théatre, les chants brillans, &c. sans cela l’ennui est sûr, & la chûte de l’opéra infaillible. Il ne faut donc que trois quarts d’heure à-peu-près de récitatif, par conséquent un Opéra doit être coupé aujourd’hui d’une maniere toute différente de celle dont s’est servi Quinault. Heureux les auteurs qui, bien convaincus de cette vérité, auront l’art de couper les leurs comme Quinault, s’il vivoit aujourd’hui, les couperoit lui-même. Voyez Ballet, Coupe, Déclamation, Débit, Divertissement, Opéra, Récitatif, &c. (B)

Couper, en Bâtiment, a plusieurs significations. On dit couper une pierre, pour exprimer qu’on en a ôté trop de son lit ou de son parement, ensorte qu’elle devient trop petite pour servir, & qu’il la faut mettre au rebut, ou la faire servir avec déchet dans un endroit de moindre capacité. Couper le plâtre, c’est faire des moulures de plâtre à la main ou à l’outil. Couper le bois, c’est pratiquer des ornemens de Sculpture en plein bois sur des panneaux de menuiserie. (P)

Couper du trait (Coupe des pierres) c’est faire un modele en petit avec de la craie, ou du plâtre, ou du bois, ou autre chose facile à couper, pour voir la figure des voussoirs, & s’instruire dans l’application du trait de l’épure sur la pierre en se servant des instrumens, comme cherches, panneaux, biveaux, équerres. Voyez Coupe des pierres. (D)

Couper le cable, (Marine.) Lorsqu’on est obligé d’appareiller très-promptement, soit à cause du mauvais tems, soit pour poursuivre un vaisseau ennemi ; comme dans ce cas si l’on levoit l’ancre à l’ordinaire, cela consommeroit un tems précieux, on commande de couper le cable, ce qui se fait sur les bittes ou sur l’écubier. Quelquefois pour éviter de couper le cable, ce qui est une perte, on le file bout pour bout, & l’on y attache une bouée qui sert de marque pour le venir chercher, & lever l’ancre qu’on a été forcé d’abandonner.

Lorsqu’un maître de navire est obligé de couper son cable & laisser son ancre, il en fait un procès-verbal signé des principaux de l’équipage ; & les armateurs ou les marchands le lui payent sur l’estimation, avant que les marchandises soient débarquées. (Z)

Couper un mast. Dans une tempête on est quelquefois obligé de couper un mât, & cette manœuvre doit se faire avec précaution.

On commence, si le tems le permet, par dégarnir le mât de sa vergue, & de toutes les manœuvres qui pourroient le retenir, excepté les haubans & l’étai : on coupe ensuite le mât sous le vent ; & quand il commence à chanceler, des matelots prêts avec des haches, coupent promptement les haubans au vent & le grand étai. Les haubans sous le vent se coupent quand le mât est à la mer, ou quand il y va, si l’on en a le moyen. Il faut remarquer qu’on coupe les haubans du vent les premiers, afin que le mât tombe sous le vent, & ne creve pas le vaisseau ; & qu’on commence de l’avant à l’arriere, afin que le mât tombe de l’arriere, ce qui est moins dangereux. S’il faut couper le mât étant au mouillage, on fait carguer le vaisseau du côté qu’on veut jetter le mât, & l’on fait ensuite la manœuvre qu’on vient d’exposer. (Z)

Couper la lame, c’est quand la pointe du vaisseau fend le milieu de la lame (les flots ou la vague), & passe au travers. (Z)

Couper l’or, en terme de Batteur d’or ; c’est partager une feuille en quatre parts, pour être battues & amenées chacune à la premiere grandeur qu’elles avoient avant que d’avoir été séparées ; ce qui se pratique jusqu’à ce que toutes ces feuilles soient assez minces & assez légeres. Voyez Batteur d’or.

Couper, en terme de Boulanger ; c’est trier les farines, & les mettre chacune avec celles de leur espece. Voyez Sasser.

Couper, en terme de faiseur de cardes ; c’est réduire au moyen des ciseaux, le fil-de-fer à la longueur nécessaire pour être employé : on fait pour cela un petit paquet du fil, que l’on arrête par un bout, & on le coupe sur une mesure.

Couper, (Carrossier.) Couper un carrosse, c’est lui retrancher un de ses fonds ; ainsi un carrosse coupé, c’est un carosse qui n’a qu’un fond.

Couper, en terme de Cirier ; c’est retrancher d’une bougie trop longue ce qui est superflu. Couper la tête, c’est ôter ce qui est de trop à l’extrémité où l’on a fait la tête.

Couper, v. n. (Commerce de sel, de légumes & de grains.) C’est passer la racloire sur la mesure, quand elle est comble.

Couper le Grain, terme de Courroyeur, qui signifie former sur la surface du cuir qu’on courroye du côté de la fleur, de petites traces s’entrecoupant en tout sens à angles inégaux, telles qu’on les remarque sur les peaux de veau retournées ; ce qui forme une espece de grain. Voyez Courroyer.

Couper, (Danse.) voyez Coupé.

Couper, en terme d’Epinglier fabriquant d’aiguilles pour les Bonnetiers, se dit de l’action de donner aux aiguilles les longueurs proportionnées à leur grosseur, par le moyen d’une boîte ou mesure. Voy. l’article Epinglier.

Couper. Quoique ce terme ait lieu dans plusieurs opérations des Epingliers, on ne l’employe pourtant proprement que pour signifier l’action de diviser les dressées en transons, & les transons en hanses. Voyez Dresser, Transons, &Hanses . Les plus gros transons se coupent ordinairement de la longueur de deux épingles ; les petits, de trois, & quelquefois de quatre & de cinq.

Couper les Epingles ; c’est les réduire à une certaine longueur ; ce qui s’exécute en les faisant entrer de toute cette longueur dans une boîte, & les faisant toutes toucher une traverse de cuivre qui les sépare. Voyez Boîte. & la fig. 19. Plan. I. de l’Epinglier.

Couper sous le Poignet, (Escrime.) c’est dégager par-dessous le poignet de l’ennemi, au lieu de dégager par-dessous le talon de sa lame. Voyez Dégager.

Couper sur Pointe, c’est porter une estocade à l’ennemi en dégageant par-dessus la pointe de son épée, au lieu de dégager par-dessous le talon. Voyez Dégager.

Couper, Jardinage, se dit d’un arbre dont on veut se débarrasser, d’une branche qu’on a dessein de supprimer. On dit encore couper un terrein ou terrasse en talus ; couper une allée.

Couper se dit aussi d’un bois bien dessiné.

On appelle coupée blanche la coupe des baliveaux & du gros bois d’un taillis ; ce qui est fort défendu par les ordonnances. (K)

Couper, (se) en termes de Manége, se dit des chevaux qui s’entre-heurtent les jambes, ou se donnent des atteintes en marchant, ou qui avec l’un des fers se font sauter la peau d’un des boulets. Voyez Boulet.

Cela arrive plus fréquemment aux piés de derriere qu’à ceux de devant. Ce défaut vient de lassitude, de foiblesse aux reins, de ce que les chevaux ne savent comment aller, ou de ce qu’ils sont mal ferrés.

On dit aussi couper le rond, couper la volte, lorsqu’un cheval change de main en travaillant sur ses voltes, ensorte que divisant la volte en deux il change de main, & part sur une ligne droite pour recommencer une autre volte. Dans cette sorte de manége les écuyers ont coûtume de dire, coupez, ou coupez le rond. Voyez Volte. (V)

Couper un Cheval, voyez Chatrer (Maréchallerie).

On dit : On a été obliger de couper ce cheval, parce qu’il ruoit & mordoit. C’est un excellent remede contre ces vices. Les roussins sont ordinairement entiers, non coupés.

Couper les oreilles, voyez Bretauder.

Couper, à la Monnoie. Lorsque les lames, soit d’or, d’argent, ou de billon, ont passé suffisamment par les laminoirs & au recuit, & que ces lames sont de l’épaisseur convenable à l’espece que l’on veut fabriquer, on en coupe avec un instrument appellé coupoir (voyez Coupoir) des morceaux ronds en forme de palets unis, à-peu-près du même poids des especes à fabriquer, appellés flancs. Voyez Flancs. Cette manutention est appellée couper les lames en flancs.

Couper Carreaux, terme d’ancien monnoyage ; c’étoit réduire les lames de métal en carreaux avec les cisoirs. Voyez Carreaux.

Couper, v. act. (Orfév. Grav. &c.) c’est exécuter avec le burin, l’échope, &c. en creux ou en relief, les différens ornemens des ouvrages, qu’on dit être bien ou mal coupés, selon que l’ouvrier est habile ou mal-adroit.

Couper, Trancher, en Peinture, se dit d’une couleur forte & vive, lorsqu’elle est mise près d’une autre sans aucun adoucissement. Les couleurs qui se coupent ou qui tranchent sans aucun passage, produisent un effet desagréable. (R)

Couper les Cheveux, (Perruquier.) Le Perruquier habile, en ôtant les cheveux de la tête avec des ciseaux, a soin de les prendre par petites parcelles appellées meches, & d’en couper peu à la fois afin qu’ils se trouvent plus égaux par la tête, & qu’il se fasse moins de déchet.

Couper, (Venerie.) se dit d’un chien lorsqu’il quitte la voie de la bête qu’il chasse, qu’il se sépare des autres, & qu’il la va chercher en coupant les devants pour prendre son avantage ; défaut auquel on doit prendre garde pour n’en pas tirer de la race. On dit, ce chien ne vaut rien, il ne fait que couper.

Couper, terme de Jeu ; c’est diviser le jeu de cartes en deux parties ; ce qui se fait par un des joüeurs, après que celui qui a la main a mêlé. La partie qui étoit dessus se met dessous, & celle qui étoit dessous se met dessus. Il ne faut point couper une carte.

Couper la Balle, (jeu de Paume.) c’est la frapper avec la raquette inclinée ; ce qui la faisant tourner de haut en bas relativement au côté de celui qui l’a coupée, elle ne fait point de bond quand elle vient à tomber à terre, ou n’en fait que très-peu, & trompe toûjours le joüeur inexpérimenté en le faisant faux, c’est-à-dire en se jettant après le bond ou à droite ou à gauche, ou même en avant, au lieu que le bond devroit être en arriere. Cela vient de la maniere dont la balle tourne quand elle est coupée, & de la maniere dont le carreau lui fait obstacle quand elle tombe : l’obstacle qu’il lui fait quand elle est coupée, est précisément en sens contraire de celui qu’il lui feroit si elle ne l’étoit pas.

Couper les Dés, terme de Jeu ; c’est en retirant le cornet leur donner en arriere une impulsion, qui compense celle qu’ils ont reçue pour aller en avant, ensorte qu’en tombant sur la table ils y restent sans se mouvoir.

Couper, (Blason.) se dit de l’écu ; c’est le diviser en deux parties égales, par une ligne horisontale ou parallele à la fusée. Il est coupé de gueules & de sable.

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Étymologie de « couper »

Coup ; picard, coper ; bourguig. côpai.

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Dérivé de coup avec le suffixe -er : proprement « séparer par un coup ». (XIe siècle) colper du latin tardif colpus. (1610) Mélanger à un autre liquide. (1637) Couper une balle au jeu de paume. (1861) Couper à (une corvée, par exemple).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « couper »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
couper kupe

Évolution historique de l’usage du mot « couper »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « couper »

  • Il faut couper le mal dans sa racine. De Philonide , 
  • Baisons la main que nous ne pouvons couper. De Henry de Montherlant , 
  • Baise la main que tu ne peux couper. De Abu Shakour , 
  • Un arbitre est chargé de couper la poire en deux au moyen du fil à couper le beurre. De Auguste Detoeuf , 
  • A quoi cela sert-il de se faire couper les cheveux, puisqu’ils repoussent. De Jules Jouy , 
  • Celui qui veut les fruits ne doit pas couper les fleurs. De Proverbe mahrate , 
  • Il n'a pas inventé le film à couper le souffle ! De Jacques Pater / Le petit Pater illustré , 
  • Si la chaussure ne nous va pas, devons-nous couper le pied ? De Gloria Steinem / Outrageous acts and everyday rebellions , 
  • La musique a un pouvoir très fort pour vous couper du monde. De Christine Avel / Evene.fr - Septembre 2006 , 
  • J’ai du mal à couper le cordon, j’écris toujours la même histoire. De Victoria Bedos / Le Figaro et vous, 21 janvier 2015 , 
  • Inutile de tirer votre épée pour couper de l'eau ; l'eau continuera à couler. De Li Po , 
  • Parce que la tortue a le pied sûr, est-ce une raison pour couper les ailes de l'aigle ? De Edgar Allan Poe / Eureka , 
  • Le véritable amour d’une mère, c’est d’aider l’enfant à couper le cordon ombilical. De Jean Gastaldi / Le petit livre de maman , 
  • Ne passez pas tout votre temps à couper du bois au point d’en oublier d’affûter votre hache. De Anonyme , 
  • La parole est comme un fil, il ne faut pas la couper par des propos sans intérêt. De Massa Makan Diabaté / Le Lieutenant de Kouta , 
  • "La bonne stratégie est la gagnante. On verra à la fin. Mais bon, on va commencer à couper le son. On a fait assez de bruit. On va entrer dans le secret des affaires", a glissé le dirigeant dans les colonnes de L’Equipe. , OM : Boudjellal va couper le son - Football MAXIFOOT
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  • Un arbitre est chargé de couper la poire en deux au moyen du fil à couper le beurre. De Auguste Detoeuf , 
  • A quoi cela sert-il de se faire couper les cheveux, puisqu’ils repoussent. De Jules Jouy , 

Images d'illustration du mot « couper »

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Traductions du mot « couper »

Langue Traduction
Anglais cut
Espagnol cortar
Italien tagliare
Allemand schnitt
Chinois
Arabe يقطع
Portugais cortar
Russe резать
Japonais 切る
Basque ebaki
Corse tagliata
Source : Google Translate API

Synonymes de « couper »

Source : synonymes de couper sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « couper »

Combien de points fait le mot couper au Scrabble ?

Nombre de points du mot couper au scrabble : 10 points

Couper

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