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Emporter

Définitions de « emporter »

Trésor de la Langue Française informatisé

EMPORTER, verbe trans.

I.− Prendre avec soi en quittant un lieu.
A.− [Le suj. désigne une pers., un animé]
1. [L'obj. désigne un inanimé concr.]
a) Emporter des bagages, la clef de son appartement, des meubles, des vêtements; emporter un livre, un ouvrage dans son sac. Je partais en emportant un panier peu fourni, tandis que mes camarades apportaient d'abondantes provisions (Balzac, Lys,1836, p. 8).Parmi les six malles que nous emportions, il avait choisi la plus grande, la plus lourde (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 112):
1. Il emporta toutes les variétés de cols et de cravates en faveur à cette époque. Il emporta deux habits de Buisson et son linge le plus fin. Il emporta sa jolie toilette d'or, présent de sa mère. Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 52.
Emploi pronom. à sens passif. Ces meubles s'emportent aisément (Littré).
b) Spécialement
Emporter ce qui n'est pas à soi. Synon. voler.La fuite d'un notaire de Paris, qui emportait les fonds déposés chez lui par Birotteau, décida la ruine de l'impétrant (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 409).
♦ Domaine du comm.Glace à emporter; vendre « à emporter ». Anton. consommer sur place, livrer.Cf. Frapié, Maternelle, 1904, p. 65.
Région. (Suisse). À l'emporter, loc. à valeur adj. Que l'on emporte avec soi. Après la fermeture des cafés, chacun prenait un litre à l'emporter pour aller finir la soirée chez l'un ou chez l'autre (G. Clavien, Un Hiver en Arvêche,Lausanne, 1970, p. 158).
DR., vieilli. L'aîné emporte les deux tiers du bien (Ac.1798-1878).Le droit d'aînesse donnait cet avantage.
2. Au fig. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Garder dans son cœur, sa mémoire en s'en allant. Emporter l'amour, le cœur, le mépris de qqn, l'image de son pays, un regret. Je n'emportais que ma jeunesse et mes illusions (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 244).Je partirais [de l'Amérique] sans rien laisser derrière moi, et sans rien emporter (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 310):
2. On ne regarde rien avec indifférence; on voudrait emporter un souvenir de tout; on voudrait prendre dans sa tête tout le pays qu'on va quitter, en sorte que, plus tard, on ne soit séparé de lui qu'en apparence, et il suffirait pour le retrouver de tourner ses yeux en dedans. Ramuz, Aimé Pache, peintre vaudois,1911, p. 101.
Emporter un secret au tombeau, dans la tombe. Garder à tout jamais secret. Et je compris, ce soir-là, que chaque âme emporte dans la tombe, pour l'y cacher à jamais, du secret (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 1100).
Ne pas l'emporter au paradis; il ne l'emportera pas en paradis! Menace adressée à celui qui a fait du tort qu'il en subira tôt ou tard la conséquence. Cf. Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 191.
3. P. anal.
a) [L'obj. désigne une pers. inerte ou passive] Emporter un enfant dans ses bras, sur ses épaules; emporter un blessé. On l'enlève [la petite Jeanne endormie] et son corps tout mou se laisse emporter comme un corps où il n'y aurait plus d'os (Goncourt, Journal,1873, p. 940).Emporter un mort entre quatre planches (cf. Zola, Germinal,1885, p. 1516):
3. La couverture brune est tirée sur eux comme le jour où deux copains les emporteront rigides. Des morts, tous des morts... Et je n'ose dormir, ayant peur de mourir comme eux. Dorgelès, Les Croix de bois,1919, p. 91.
b) [L'obj. désigne un animal] Emporter sa proie dans ses serres, sa gueule :
4. Et, tandis qu'il est d'un côté, Un loup prend un mouton qu'il emporte bien vite. Le berger court, l'agneau qu'il quitte Par une louve est emporté. Florian, Fables,1792, p. 39.
c) Au fig., fam.
Que le diable m'emporte, vous emporte! Expression marquant l'impatience. Le diable emporte les jeunes filles! les petites Françaises câlines et froides, qui ne découvrent le plaisir qu'à vingt-six ans! (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1101).
[Que] le diable m'emporte si. Indiquant qu'on ne fera pas ou qu'on ne contestera pas qqc. Le diable m'emporte si je m'en souviens. Je sens le besoin d'aimer, et que le diable m'emporte si je peux aimer une abstraction! (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 223).
B.− [Le suj. désigne un inanimé du domaine de la nature ou un animé non humain] Le vent emporte les feuilles, les paroles. Le vent emporte plus loin une graine légère, ailée, qu'une lourde (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 13).Cf. deça ex. 1.
Proverbe. Autant en emporte le vent. Des paroles, des promesses ou des menaces ne se réalisent pas, des choses s'oublient. Il me promet monts et merveilles, autant en emporte le vent (Ac.1798-1932).Autant en emporte le vent du moindre fait qui se produit, s'il est vraiment imprévu (Breton, Nadja,1928, p. 54).
CHASSE. Le vent emporte la voie. Le vent empêche les chiens de sentir la voie. Anton. le chien emporte la voie, il chasse sans difficulté.Les chiens mis à vue par ce vent ne peuvent pas emporter la voie du lièvre qui ne viendrait que de partir (La Hêtraie, Chasse, vén., fauconn.,1945, p. 153).
II.− Enlever avec effort/force, rapidité, violence.
A.− [Le suj. désigne un inanimé]
1. [Une force de la nature] Arracher. L'inondation emporte un pont; la tempête emporte un toit. Il [le Pont au Change] a été emporté par une crue, puis brûlé en 1621 (Brasillach, Corneille,1938, p. 91).
2. [Une arme] Avoir le bras emporté par un boulet. Mon maître eut le nez emporté d'un coup de sabre (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 223).Cf. adjudant ex. 4.
3. [Une maladie] Causer brutalement la mort de quelqu'un. La peste (le choléra) emporte les gens en peu de jours (Ac.1835-1932).Jeune fille emportée par la tuberculose. La fièvre prit dans les Huttes et emporta le rémouleur, sa femme et ses enfants (Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 452).
4. [Une substance] Faire disparaître. Le jus de citron emporte les taches d'encre (Ac.1798-1932).Le remède emporte la fièvre. Un bain complet emporta le reste de ma fatigue (Chateaubr., Mém.,t. 4, 1848, p. 201).
P. ext. [En parlant d'un mets épicé] Emporter la bouche. Donner une sensation de brûlure. Ses pépins écrasés emportaient la bouche comme du piment de Cayenne (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 107).
Emploi pronom. S'emporter la bouche avec du poivre (cf. Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 86).
Rem. Relevé au passif avoir la bouche emportée.
5. Au fig. Enlever en faisant disparaître. Une douleur que le temps emporte (Littré). Son ardeur emporte tous les obstacles. Synon. faire disparaître, balayer, anéantir.Il est de l'essence des révolutions d'emporter les principes les plus modernes et de respecter les anciens (Proudhon, Propriété,1840, p. 140).
B.− [Le suj. désigne une pers. une de ses productions]
1. Emporter le morceau, la pièce, à l'aide de l'emporte-pièce. Au fig., vieilli. Être très acerbe, mordant. Le pamphlet de Desterniers, qui est injurieux et emporte la pièce (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1836, p. 42).
Mod., fam. Avoir gain de cause, triompher. Cf. Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 541.
2. S'emparer d'une position militaire que l'on a enlevée. Emporter (d'assaut, de haute lutte, à la pointe de l'épée) un fort, une redoute. Synon. enlever.Il voulut d'abord emporter la place d'assaut; une première attaque ne réussit point (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 3, 1821-24, p. 226).
Emporter de haute lutte. Au fig. Réussir à obtenir quelque chose malgré les difficultés et oppositions. Le baron était bien trop occupé de la nouvelle démarche qu'il comptait faire en tempête aux Beaux-Arts, pour emporter de haute lutte l'engagement [à la Comédie pour sa maîtresse] (Zola, Paris,t. 1, 1898, p. 41).
3. Au fig. [L'obj. désigne un prix, un avantage] Obtenir après des efforts. Il emporta cette affaire à force de sollicitations (Ac.1798-1932).Emporter une adhésion, l'assentiment de tous, l'avantage, la décision finale. Emporter, en fin d'année, tous les prix de thème, version et discours latins (cf. Maupass., Contes et nouv., t. 1, Quest. du lat., 1886, p. 566).À la guerre ce sont les derniers bataillons qui emportent la victoire (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 218).
Rem. Ce dernier sens vieillit. La lang. emploie de préférence remporter. Cependant les dict. du xixes. voient dans emporter l'insistance sur l'idée de lutte et dans remporter l'obtention d'un objet précis (cf. Littré).
Loc. verbale. L'emporter (sur). Avoir la supériorité, le dessus lorsqu'on est en lutte, en compétition, en concurrence. L'emporter sur ses adversaires, sur les concurrents; l'emporter dans une discussion. Que le meilleur l'emporte! La majorité l'emportera. Anton. échouer, céder le pas :
5. ... c'est la justice, la constitution, la force légitime enfin qui doit l'emporter; non pas, mais c'est le représentant de la loi qui doit l'emporter, juste ou non. Alain, Propos,1930, p. 980.
6. ... sur la candidature de Clemenceau à la présidence de la république. Maurras était contre Clemenceau. J'étais pour. Nous avons chacun défendu notre point de vue, et en fin de compte, c'est Maurras qui l'a emporté, puisque le père la Victoire a échoué. L. Daudet, Bréviaire du journ.,1936, p. 100.
[Le suj. désigne un inanimé] À volume égal, l'or l'emporte de beaucoup sur l'argent (Ac.1798-1932).Les avantages l'emportent sur les inconvénients; le bonheur l'emporte sur le malheur; le vice l'emporte souvent sur la vertu :
7. ... « Tu ne voudrais pas qu'elle vécût comme toi au milieu de meubles cassés et de tapis usés », lui dit-elle, le respect humain de la bourgeoise l'emportant encore chez elle sur le dilettantisme de la cocotte. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 245.
III.− Entraîner dans un mouvement irréversible.
A.− [Le suj. désigne une force imprimant ce mouvement]
1. [Une force naturelle] Le courant emporte la barque; le mouvement qui emporte l'univers. Ce stérile mouvement qui emporte les jours, comme la tempête emporte en cette saison les feuilles séchées (Lamennais, Lettres Cottu,1826, p. 175):
8. As-tu jamais vu un petit poisson qui essaie de remonter un courant rapide, et que la force du courant maintient à la même place, immobile et frémissant? Enfin le courant l'emporte, comme une feuille. J'ai lutté contre le courant. J'ai lutté, je cède, il m'emporte. Montherlant, Pasiphaé,1936, p. 113.
9. ... ce n'est pas la guerre abattant sur moi cette trombe ce déferlement qui ne sait d'où il vient où il va ce qu'il fait qui me roule m'emporte me traîne me rejette et me reprend me met en pièces me balaye et me balance m'enlève au haut de sa vague et je tombe... Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 53.
Au passif. Être emporté par le flot, le torrent, le tourbillon, la tourmente, le vent.
P. métaph. et au fig. D'autres [commerçants] qui (...) sombraient, roulés, emportés, dans le flot des désastres (Zola, Bonh. dames,1883, p. 756).
2. P. anal. [Un animal de selle ou de trait, un moyen de locomotion] Le cheval emporte son cavalier au galop; le train emporte les voyageurs. Des barques innombrables, emportent ou ramènent un monde de gens affairés (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 47):
10. − Édouard, dit-elle, vois-tu ce bon serviteur : il a été bien courageux, car il a exposé sa vie pour arrêter les chevaux qui nous emportaient et la voiture qui allait se briser. Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 699.
Emploi pronom. [Le suj. désigne le cheval] Se lancer en n'obéissant plus. Synon. Prendre le mors aux dents.Il piqua (...) la croupe de leurs bêtes, comptant qu'aiguillonnées de la sorte elles s'emporteraient (Gautier, Fracasse,1863, p. 366).
CHASSE. [Le suj. désigne le chien] Se lancer à la poursuite du gibier en n'obéissant plus (d'apr. Ac. 1835-1932).
3. Au fig. [Les forces, les passions ou mouvements de l'âme] Le sujet emporte l'orateur; la colère l'emporte jusqu'à dire. Un grand trouble, comme un coup de vent, emporta l'âme du jeune homme (Barrès, Barbares,1888, p. 118).Homme [Saint-Simon] dont le style vous emporte où il veut (Green, Journal,1939, p. 207).
Au passif. Être emporté par son ardeur, son enthousiasme, sa fougue, sa passion, ses sentiments.
Emploi pronom. [Le suj. désigne une pers.] Se mettre en colère. S'emporter de colère, pour des riens, pour rien, s'emporter contre qqc., contre qqn (cf. Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 177).Lorsqu'un jeune homme de son âge est atteint par le mépris, il s'emporte, il enrage, il menace du poing la société tout entière (Balzac, Goriot,1835, p. 95).Le fougueux C. Rio, qui s'emporte et rugit et tempête à la moindre opposition (Amiel, Journal,1866, p. 327):
11. Andromaque elle-même (que nous ne pouvons plus voir qu'avec des gestes mesurés et adroits) s'emporte et maudit Hélène avec une dureté et un emportement magnifique. Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 39.
Fam. S'emporter comme une soupe au lait (Littré).
Rem. Les dict. mentionnent le sens class., plus étendu de s'emporter, « se laisser aller à la manifestation d'un sentiment, amour, désespoir aussi bien que colère ».
B.− [Le suj. désigne un inanimé]
1. Vieilli. [Un poids] Entraîner un des plateaux de la balance. Au fig. Emporter la balance. Déterminer la préférence, prévaloir. Cette considération emporta la balance (Ac.1835-1932).
2. P. ext. [L'article se rapportant à l'obj. pouvant être supprimé] Entraîner en ayant pour conséquence, impliquer. Cette précaution n'emportait aucune perte de temps (Voy. La Pérouse,1797, p. 344).Une convenance arbitraire emporte vingt louis, tandis qu'un malheureux n'a pu obtenir un écu (Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 106).
DR. Crime emportant peine capitale. La propriété de la surface emporte la propriété du dessus et du dessous (Proudhon, Propriété,1840, p. 195):
12. L'acceptation de fonctions conférées à vie, emportera translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer ces fonctions. Code civil,1804, art. 107, p. 23.
La forme emporte le fond. Un vice de forme fait perdre la cause, entraîne l'annulation. Cf. Vidocq, Mém. Vidocq, t. 4, 1828-29, p. 43.
Rem. On relève chez 2 aut. qq. emplois adj. du part. prés. emportant, ante. (Quasi-)synon. de enivrant, exaltant. La pêche est dans ma bouche, froide, liquide, emportante (Montherl., Olymp., 1924, p. 274). La vigueur astringente de ces matinées froides, lucides, emportantes de septembre (Gracq, Beau tén., 1945, p. 133).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃pɔ ʀte], (j')emporte [ɑ ̃pɔ ʀt]. Enq. : /ãpoʀt/ (il) emporte. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [xes. « porter d'un lieu à un autre, prendre avec soi » (Passion du Christ, éd. d'Arco Silvio Avalle, 343 : A grand honor el l'en portet, En sos chamsils l'envelopet)]; ca 1280 emporter (M. de Condé, 7, 168 ds T.-L.); 2. ca 1260 « gagner, obtenir, conquérir » (Auberon, éd. J. Subrenat, 73 : Le pris en enporta); 1350 l'emporter (G. Le Muisis, I, 160 ds T.-L.); 3. 1500 « s'emparer de quelque chose par la force » (Jean d'Auton, Chroniques du roi Louis XII, éd. P. L. Jacob, t. 1, chap. XXIII, p. 151); 4. 1541 « avoir pour conséquence » (Calvin, Inst. de la Religion chrestienne, V, p. 305 ds Hug.); 5. 1310 « enlever de force, violemment » (B. Latin, Tresor, éd. Chabaille, p. 488, leçon du ms. S); 6. 1632 s'emporter « se laisser aller à des mouvements de passion, de colère » (Corneille, La Veuve, V, 6, 1745). Dér. de porter*; préf. en-*. Fréq. abs. littér. : 11 076. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 487, b) 18 305; xxes. : a) 19 507, b) 12 345. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 477, 639.

Wiktionnaire

Verbe - français

emporter \ɑ̃.pɔʁ.te\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : s’emporter)

  1. Porter hors d’un lieu.
    • Une cage à serins était pendue au plafond ; les oiseaux avaient été emportés, mais la mangeoire était pleine de chenevis. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • La viticulture auvergnate fut à son apogée vers le milieu du XIXe siècle […] Les bateaux qui descendaient l’Allier emportaient des vins d’Auvergne jusqu’à Paris. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Un matin du mois de Juin, il mousine un petit crachin froid. Un gros camion vient de quitter le Champ du Trou : il emporte nos meubles. — (Bernard Kuntz, Planète Rimbe, Éditions Edilivre, 2007, page 160)
    • Je n’emporterai de ces lieux qu’un souvenir agréable.
    • Le secret qu’il emporte avec lui dans la tombe.
  2. Entraîner, arracher, enlever ou emmener avec effort, avec rapidité ou avec violence.
    • Il y a le nageur intrépide qui, sourd aux appels du maître baigneur, dépasse les limites du bain surveillé, gagne la pleine mer et est emporté par une lame de fond. — (Franc-Nohain [Maurice Étienne Legrand], Guide du bon sens, Éditions des Portiques, 1932)
    • Son cheval prit le mors aux dents et l’emporta à travers les champs.
    • Il eut le bras emporté par un obus.
  3. (Figuré) Causer la mort rapidement, en parlant d’une maladie.
    • Trois ans après, Burrhus mourait de maladie ou empoisonné. Ceux qui crurent sa mort naturelle dirent qu'il avait été emporté par une esquinancie qui lui avait fait perdre tout d'un coup la respiration ; […]. — (U. Barrière, « BURRHUS (Africanus) », dans le Dictionnaire de la Conversation et de la Lecture, tome 56 (4e du supplément), Paris : chez Garnier frères, 1845, p. 32)
  4. Détruire ; faire disparaître.
    • Il ne retira de sa créance qu’un millier de francs, les frais emportèrent le reste.
    • Le jus de citron emporte les taches d’encre, emporte la couleur des étoffes sur lesquelles il tombe.
    • Les canons et les fusils, les torpilleurs et les cuirassés, la poudre et la dynamite, la fumée et le massacre emportent des milliards, des sommes plus que suffisantes à nourrir tout ce que l’Europe compte de faméliques et de va-nu-pieds. — (Laurent Tailhade, Discours pour la Paix, Lettre aux conscrits, L’Idée libre, 1928, pages 21-30)
  5. (En particulier) (Médecine) Guérir.
    • Ce remède emporte la fièvre.
  6. (Figuré) Tirer l’âme de sa situation ordinaire, jeter dans quelque excès, en parlant des passions.
    • Lui non plus n’aurait pas voulu choquer Jim par son manque de délicatesse, mais sa nature brutale subitement l’emportait. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • La colère l’emporta bien loin.
    • Se laisser emporter à sa vengeance.
    • La douleur l’a emporté jusqu’à dire, jusqu’à faire…
    • La jeunesse se laisse emporter aux plaisirs.
  7. (Figuré) Gagner ; obtenir.
    • Il emporta l’avantage sur tous ses rivaux.
    • Dans son art il emporte le prix.
    • Il emporta la gloire d’avoir triomphé de l’ennemi.
  8. (Spécialement) Obtenir par une sorte de violence.
    • Cet homme a tant de crédit qu’il emporte tout ce qu’il veut.
    • Il emporta cette affaire à force de sollicitations.
  9. (Militaire) Conquérir, se rendre maître, en peu de temps.
    • La veille même du combat de Zouafques, le prince Thomas avait emporté plusieurs redoutes à la faveur desquelles il rétablit aussitôt ses communications avec les assiégés […] — (Mémoires authentiques du duc de La Force, maréchal de France, et de ses deux fils, volume 1, Paris, 1843, page C)
  10. Entraîner par une suite nécessaire ; comprendre ; impliquer.
    • Le droit de justice des seigneurs hauts justiciers était absolu. Il emportait la plénitude de la juridiction civile et criminelle, limitée seulement par les cas royaux. — (Alfred Franklin, La Vie privée d’autrefois - La vie de Paris sous Louis XV devant les tribunaux, Plon, Paris, 1899, page 9)
    • Un soin particulier doit donc être apporté, dans la discussion des options, à la vérification de la conformité aux principes et règles supérieurs, qu’ils soient constitutionnels, internationaux ou européens, ainsi qu’aux conséquences indirectes que la modification législative envisagée est susceptible d’emporter sur d’autres pans du droit. — (Secrétariat général du gouvernement et Conseil d’État, Guide de légistique, 3e version, La Documentation française, 2017, ISBN 978-2-11-145578-8 → lire en ligne)
  11. (Pronominal) Se livrer à un excès d’orgueil, d’audace, et en général à un sentiment immodéré.
    • Quand bien même seraient-ils cinq mille ! s’emporta le lieutenant qui, décidément, me surprenait par la hargne qu’il démontrait. On n’a point éprouvé deux jours d’emmouscaillement dans cette forêt du diable pour s’en retourner quinauds. — (Camille Bouchard, Un massacre magnifique, Éditions Hurtubise, 2010, page 236)
  12. (Pronominal) (Absolument) Se fâcher violemment, s’abandonner à la colère.
    • S’emporter contre quelqu’un. — Il s’emporte pour peu qu’on le contredise.
  13. (Pronominal) Ne pouvoir être retenu par celui qui le monte ou qui le conduit, en parlant d’un cheval.
    • Les chevaux s’emportèrent et la voiture versa.
    • (Par analogie) La Girafe, excitée à fuir, se presse, s’emporte, et est bientôt hors de vue ; mais elle ne soutient point longtemps cet effort, qu’elle ressent comme une fatigue […] — (Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Quelques Considérations sur la Girafe, 1827)
  14. (Pronominal) (En particulier) (Sports hippiques) Se dit d'un cheval de trot qui se montre fautif dans ses allures et est par suite susceptible d'être disqualifié.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

EMPORTER. v. tr.
Porter hors d'un lieu. Il a fait emporter tous ses meubles de la maison. Emporter un malade, un homme blessé. La proie qu'un aigle emporte dans son aire. Emportez ce livre, vous le lirez à loisir. Emporter des provisions, des bagages. Il prit la fuite, en emportant les fonds qui lui avaient été confiés. Fig., Je n'emporterai de ces lieux qu'un souvenir agréable. Le secret qu'il emporte avec lui dans la tombe. En nous quittant il a emporté tous nos vœux, il a emporté tous les cœurs. Il signifie encore Entraîner, arracher, enlever, emmener avec effort, avec rapidité, avec violence. Son cheval prit le mors aux dents et l'emporta à travers les champs, ou, absolument, l'emporta. Les courants emportèrent le vaisseau. Le vent a emporté mon chapeau. Il eut le bras emporté par un obus. La rivière a emporté les ponts, les chaussées, etc. Fig. et fam., Emporter la pièce, le morceau, Railler, médire d'une manière cruelle. Fig., Autant en emporte le vent, se dit en parlant de Promesses auxquelles on n'ajoute pas foi, ou de Menaces dont les effets ne sont point à craindre. Il me promet monts et merveilles, autant en emporte le vent. Fam., Que le diable vous emporte, se dit pour exprimer son dépit, sa mauvaise humeur, sa colère contre quelqu'un. Pour les autres locutions analogues, voyez DIABLE.

EMPORTER signifie aussi figurément Causer la mort rapidement, en parlant d'une Maladie. Le choléra emporte les gens en peu de jours. Cette maladie l'emportera. La fièvre l'a emporté. Il signifie également Détruire, faire disparaître. Il ne retira de sa créance qu'un millier de francs, les frais emportèrent le reste. Il se dit surtout en parlant de Couleurs, de taches, etc. Le jus de citron emporte les taches d'encre, emporte la couleur des étoffes sur lesquelles il tombe. Ce remède emporte la fièvre, Il la guérit. Il se dit encore figurément des Passions et signifie Tirer l'âme de sa situation ordinaire, jeter dans quelque excès. La colère l'emporta bien loin. Se laisser emporter à sa vengeance. La douleur l'a emporté jusqu'à dire, jusqu'à faire... La jeunesse se laisse emporter aux plaisirs.

S'EMPORTER signifie Se livrer à un excès d'orgueil, d'audace, et en général à un sentiment immodéré. Ce conquérant s'emporta jusqu'aux plus folles entreprises. Il se dit absolument pour signifier Se fâcher violemment, s'abandonner à la colère. S'emporter contre quelqu'un. Il s'emporte pour rien. Il s'emporte pour peu qu'on le contredise. Il signifie également Ne pouvoir être retenu par celui qui le monte ou qui le conduit, en parlant d'un Cheval. Son cheval s'emporta. Les chevaux s'emportèrent et la voiture versa. On dit quelquefois, dans un sens analogue, qu'Un chien de chasse s'emporte.

EMPORTER signifie figurément Gagner, obtenir. Il emporta l'avantage sur tous ses rivaux. Dans son art il emporte le prix. Il emporta la gloire d'avoir triomphé de l'ennemi. Il s'y joint le plus souvent l'idée d'une sorte de violence. Cet homme a tant de crédit qu'il emporte tout ce qu'il veut. Il emporta cette affaire à force de sollicitations. Fig., Emporter quelque chose de haute lutte, L'emporter malgré toute opposition. Emporter une place, S'en rendre maître en peu de temps. Il emporta la place en quinze jours de tranchée ouverte. Emporter une place d'assaut, l'emporter d'emblée. On dit de même Emporter un ouvrage l'épée à la main; emporter un retranchement; etc. Un bastion emporté par les assaillants. Fig., Emporter quelque chose à la pointe de l'épée, L'emporter avec une violence rapide. Fig., Emporter la balance, Déterminer la préférence. Cette considération emporta la balance. Il signifie aussi Entraîner par une suite nécessaire ou Comprendre, impliquer. Dans quelques pays, la condamnation à mort emporte la confiscation des biens. La proposition générale emporta la proposition particulière. Le mot de vertu emporte l'idée d'effort fait sur soi-même. En termes de Procédure, La forme emporte le fond, se dit pour exprimer que, dans le jugement d'un procès, la forme prévaut sur le fond, c'est-à-dire qu'un simple défaut de forme peut faire échouer dans les prétentions les mieux fondées. On dit, dans le sens contraire, Le fond emporte la forme, Le fond prévaut sur la forme.

L'EMPORTER signifie Avoir la supériorité, le dessus, prévaloir. Ce vin l'emporte sur tous les autres vins. Le diamant l'emporte sur toutes les autres pierreries. Virgile et Horace l'emportent sur tous les poètes latins. Il l'a emporté sur ses concurrents. Cet avis l'emporta. Sa fierté l'emporta sur ses intérêts. Il signifie aussi Peser davantage. À volume égal, l'or l'emporte de beaucoup sur l'argent.

Littré (1872-1877)

EMPORTER (an-por-té) v. a.
  • 1Enlever d'un lieu pour porter dans un autre. Il a emporté tous ses livres. Il commanda qu'on fit emporter le corps, Vaugelas, Q. C. VIII, 9, dans RICHELET. Qu'on m'emporte d'ici, je me meurs, Corneille, Rodog. V, 4. Josabeth dans son sein l'emporta tout sanglant, Racine, Ath. IV, 3. La terre est emportée avec une rapidité inconcevable autour du soleil, La Bruyère, XVI.

    Fig. Vous ne l'emporterez pas en paradis, se dit par menace et pour signifier qu'on se vengera tôt ou tard.

    Familièrement. Que le diable vous emporte, se dit pour exprimer le dépit, l'impatience contre quelqu'un.

    Que le diable m'emporte si…, je veux que le diable m'emporte…, locution familière et hors du ton de la société, pour appuyer sur une chose, pour la nier ou l'affirmer, suivant qu'on ajoute ne ou qu'on ne l'ajoute pas. Que le diable m'emporte, si je fais cette visite. Aussi, loin de contester ses vertus, je veux que le diable m'emporte… - Plaît-il, monsieur ? Picard, Les deux Philibert, II, 14.

    On retranche aussi le que. Le diable vous emporte, m'emporte.

  • 2Enlever et porter avec soi. Il a emporté tout ce qu'il avait. Emportez ce livre, vous le lirez en route.

    Fig. Les Maures en fuyant ont emporté son crime, Corneille, Cid, IV, 5. La joie en est publique, et les princes tous deux Des Syriens ravis emportent tous les vœux, Corneille, Rodog. II, 1. N'est-il aucune voie Par où je puisse à Rome emporter quelque joie ? Corneille, Sertor. III, 2. Je n'emporterai donc qu'une inutile rage ? Racine, Andr. III, 1. Pallas n'emporte pas tout l'appui d'Agrippine, Racine, Brit. III, 3. Toi-même tu l'as vu courir dans les combats Emportant après lui tous les cœurs des soldats, Racine, Bajaz. I, 1. Le roi qui m'attendait au sein de ses États, Vit emporter ailleurs ses desseins et ses pas, Racine, Mithr. I, 3. Ma mort n'emporte pas tout le fruit de vos feux, Racine, Iphig. V, 3. J'emporte de ce château et du philosophe qui l'habitait, un souvenir heureux qui ne s'effacera jamais de ma mémoire et de mon cœur, Genlis, Veillées du château t. II, p. 435, dans POUGENS.

    L'aîné emporte les deux tiers du bien, les deux tiers du bien sont dévolus à l'aîné.

  • 3Il se dit aussi des choses qui entraînent, emmènent avec soi. L'inondation a emporté les ponts. La terre nous emporte dans son mouvement diurne et annuel. Il écrit, et les vents emportent sa pensée, Qui va dans tous les lieux vivre et s'entretenir, Lamartine, Harm. II, 10.

    Autant en emporte le vent, se dit de paroles, de menaces, de promesses qui ne se réalisent pas. Il en est à mines discrètes Et d'un entretien décevant ; Mais fiez-vous à leurs fleurettes ; Autant en emporte le vent, Me de la Vigne, dans RICHELET. Je disais, et les vents emportaient ma prière, Lamartine, dans le Dict. de POITEVIN.

    Terme de chasse. Le vent emporte la voie, se dit quand le vent empêche les chiens de sentir la voie. Un chien emporte la voie lorsqu'il suit ou chasse sans difficulté.

  • 4Prendre, ravir. Les voleurs ont tout emporté. Par force ou par amour il croit vous emporter, Corneille, Perthar, V. 1. Ces drapeaux glorieux Que de ce bras vainqueur j'emportai sous vos yeux, Ducis, Roméo, I, 3.

    Terme de guerre. Emporter une place, s'en rendre maître de vive force. On eût emporté la ville, si toute l'armée eût donné, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. I, dans RICHELET.

    Emporter une place, un retranchement à la pointe de l'épée, l'emporter d'assaut ; et fig. emporter quelque chose à la pointe de l'épée, l'emporter avec de grands efforts.

  • 5 Fig. Entraîner moralement. Je goûte le plaisir sans en être emporté, Régnier, Épît. II. Il faut se laisser emporter à la foule, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 30. Quoi ! l'amour qu'en ton cœur j'ai fait naître aujourd'hui T'emporte-t-il déjà jusqu'à mourir pour lui ? Corneille, Cinna, V, 2. Les sentiments de douleur qu'il en peut légitimement concevoir devraient du moins l'emporter à faire quelques reproches à celle dont il se croit trahi, et lui donner par là l'occasion de le désabuser, Corneille, Examen de Mélite. Le souvenir des siens, l'orgueil de sa naissance L'emporte à tous moments à braver ma puissance, Corneille, Héracl. I, 1. Et vous devez dompter l'ardeur qui vous emporte, Corneille, Nicom. II, 3. Ce que demande Horace au poëte qu'il instruit, quand il veut qu'il possède tellement ses sujets qu'il en demeure le maître et les asservisse à soi-même, sans se laisser emporter par eux, Corneille, Clit. Préface. C'est un homme qui emporte le cœur, Sévigné, 155. Je me suis laissé emporter au plaisir de…, Sévigné, 561. Ne vous fiez pas à votre puissance, et qu'elle ne vous emporte pas à des moqueries insolentes, Bossuet, Polit. III, 3, 15. [Antiochus] exerce des cruautés inouïes : son orgueil l'emporte aux derniers excès, Bossuet, Hist. II, 5. Depuis ce temps, l'esprit de séduction règne tellement parmi eux qu'ils sont prêts encore à chaque moment à s'y laisser emporter, Bossuet, ib. II, 9. La fureur m'emportait, et je venais peut-être Menacer à la fois l'ingrate et son amant, Racine, Andr. III, 1. À quel excès de rage La vengeance d'Hélène emporta mon courage ! Racine, ib. IV, 5. À ce plaisir se laissant emporter, Il pourrait bien, moins discret et moins sage, De l'avenir entr'ouvrir le nuage, Malfilâtre, Narc. ch. II.

    Il se dit aussi des animaux. La frayeur les emporte [les chevaux], Racine, Phèd. V, 6.

  • 6Faire aller au delà de ce que l'on voudrait. Monsieur, cette dernière [abomination] m'emporte, et je ne puis m'empêcher de parler, Molière, Don Juan, V, 2. Oh ! ciel, je me serai trahi moi-même, la chaleur m'aura emporté, Molière, l'Av. I, 5.
  • 7Causer la mort. Autrefois les famines emportaient des générations entières. Cette maladie l'emportera. Cette raison du moins en mon mal me conforte, Que, s'il n'est supportable, il faudra qu'il m'emporte, Rotrou, Antig. III, 4. La fatigue et la blessure lui causèrent une fièvre avec un transport au cerveau qui pensa l'emporter, Lesage, Diable boit. ch. 9.
  • 8Détruire, faire cesser, faire disparaître. Le jus de citron emporte les taches d'encre. Une douleur que le temps emporte. Ce remède emporte la fièvre. Les faveurs du tyran emportent tes promesses ; Tes feux et tes serments cèdent à ses caresses, Corneille, Cinna, III, 4. Le gouvernement ne retire que 5 481 250 livres ; l'achat des matières, les frais de fabrication, les bénéfices du fermier emportent le reste, Raynal, Hist. phil. IX, 19.
  • 9Couper, retrancher. Le boulet lui emporta un bras. On en donne ici pour trois écus [de jeunes lions] qui sont les plus jolis du monde ; en se jouant, ils emportent un bras ou une main à une personne, Voiture, Lett. 40.

    Par exagération. Le chat lui a emporté la main, lui a fait de très fortes égratignures.

    Fig. Emporter la pièce, railler d'une manière très mordante. Il avait l'esprit enjoué, un peu railleur ; mais il raillait agréablement, sans emporter la pièce, Lesage, Estev. Gonzal. ch. 36.

  • 10Obtenir, avec une idée d'effort, de force, de violence. Quand le monstre infâme d'Envie… Jette les yeux dessus ta vie, Et te voit emporter le prix Des grands cœurs et des beaux esprits, Malherbe, IV, 5. Ce que je méritais, vous l'avez emporté, Corneille, Cid, I, 7. Il suit toujours son but jusqu'à ce qu'il l'emporte, Corneille, Nicom. V, 4. En vérité, monsieur, quelque approbation qu'ait emportée votre nouvelle Jocaste, Corneille, Lettre à l'abbé de Pure, 12 mars 1659. Ces grands rois qu'en tous lieux a suivis la victoire, Lui voyant emporter sur eux le premier rang, Corneille, Andromède, Prologue. J'apprends plus contre vous par mes désavantages Que les plus beaux succès qu'ailleurs j'aie emportés Ne m'ont encore appris par mes prospérités, Corneille, Sert. III, 2. Vous seule d'un coup d'œil emportâtes la gloire D'en faire évanouir…, Corneille, Othon, II, 2. Oui, le destin de Rome emporte l'avantage, Mairet, M. d'Asdrub. III, 1. Celui-ci sur son concurrent Voulait emporter l'avantage, La Fontaine, Fabl. VIII, 19. Et si de t'agréer je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris, La Fontaine, Fabl. Au dauphin. Il n'est pas possible que de telles extravagances où l'impiété et l'absurdité combattent ensemble à qui emportera le dessus…, Bossuet, Var. XIII, 21. Il faut que la force, la magnanimité, la prudence et cent autres vertus soient le principe de ces victoires qu'on veut emporter sur les hommes, Mascaron, Anne d'Autriche, II. Fidèles qui jouissez dans le ciel d'un royaume que vous n'avez emporté que par la violence, Massillon, Car. Élus. D'anciens tribuns du peuple et les principaux plébéiens se flattant d'emporter ces dignités parurent dans la place, Vertot, Révol. t. VI, p. 111. Ne soyez pas surprise si, bien que votre âme soit la plus sensible, la mienne sait le mieux aimer, et si, vous cédant en tant de choses, j'emporte au moins le prix de l'amour, Rousseau, Hél. I, 2.

    Absolument. Obtenir à force d'instances, faire prévaloir une opinion dans un conseil. Le célèbre Vauban emporta que la ville [de Namur] serait attaquée séparément du château, contre le baron de Bressé qui voulait qu'on fît le siége de tous les deux à la fois, Saint-Simon, 1, 25.

    Emporter un choix, le décider. Et l'offre pour Othon de lui donner ma voix Soudain en ma faveur emportera son choix, Corneille, Othon, II, 4. Que votre seul mérite emporte ce grand choix, Sans que votre présence ait mendié des voix, Corneille, Pulch. I, 5.

    Emporter la balance, déterminer la préférence. Ta beauté sans doute emportait la balance, Corneille, Cid, III, 4. Enfin votre rigueur emporta la balance, Racine, Bérén. I, 4.

    Emporter quelque chose de haute lutte, l'obtenir, s'en emparer rapidement et malgré toute opposition.

    L'emporter, être plus pesant. À volume égal, l'or l'emporte de beaucoup sur l'argent. Fig. L'emporter, prévaloir. Je ne craignais pas que la cruauté des ennemis l'emportât sur votre clémence, Vaugelas, Q. C. VI, 10, dans RICHELET. Enfin vous l'emportez, et la faveur du roi Vous élève en un rang qui n'était dû qu'à moi, Corneille, Cid, I, 3. Vous le direz [le mot de prochain], ou vous serez hérétique, et M. Arnauld aussi, car nous sommes le plus grand nombre ; et, s'il est besoin, nous ferons venir tant de cordeliers que nous l'emporterons, Pascal, Prov. I. Sur l'intérêt des Grecs vous l'aviez emporté, Racine, Iphig. IV, 4. Votre frère l'emporte et Phèdre a le dessus, Racine, Phèdre, II, 6. D'Esther, d'Aman, qui le doit emporter ? Racine, Esth. II, 9. Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi, Racine, Athal. II, 5. Dieu des Juifs, tu l'emportes, Racine, ib. V, 6.

    L'emporter, se dit aussi des choses. Il est juste que nous soyons affligés et consolés comme chrétiens, et que la consolation de la grâce l'emporte par-dessus les sentiments de la nature, Pascal, Lett. à Mme Périer, 17 oct. 1651. Sa table l'emporte sur celle d'un ministre pour la délicatesse et l'abondance, Lesage, Diable boit. ch. 18. Et l'intérêt commun l'emporta dans mon cœur, Voltaire, Tancr. I, 1.

  • 11Avoir pour conséquence. Ce crime emporte la peine capitale. La ruine de Rennes emporte celle de la province, Sévigné, 227. Un oui affirmatif qui emporte l'acquiescement, Bossuet, II, Annonc. 2. Cette foi n'emporte-t-elle pas nécessairement une adoration ? Bossuet, II, Var. 6. Le mariage avec Perci emportait la nullité de celui…, Bossuet, II, ib. 7. Notre succession de pasteurs est fondée sur une notoriété universelle qui emporte l'aveu même de nos adversaires, Fénelon, t. II, p. 9. Avoir du plaisir ou de la douleur n'emporte point en soi la capacité de rechercher l'un et de fuir l'autre, Bonnet, Ess. analyt. âme, ch. 19. Le droit de la défense naturelle n'emporte point avec lui la nécessité de l'attaque, Montesquieu, Esp. X, 2. L'une et l'autre [l'erreur et la vérité], poussées au dernier degré, emportent conviction, Chateaubriand, Gén. III, I, 3.

    Terme de procédure. La forme emporte le fond, elle prévaut sur le fond, et un simple défaut de forme peut faire perdre la meilleure cause. Dans le sens contraire, le fond emporte la forme, il prévaut sur la forme.

    Comporter. Ils sentent bien qu'en disant que ces mots emportent la propre substance du corps et du sang, c'est faire clairement paraître que le dessein de Notre-Seigneur a été d'exprimer le corps et le sang, Bossuet, Var. XII, § 4. Les piliers de ces arches [d'un aqueduc près de Carthage] emportent seize pieds sur chaque face, Chateaubriand, Itin. III, 188.

  • 12S'emporter, v. réfl. Être emporté, ôté. Ces meubles s'emportent aisément.
  • 13Se lancer. Un limier le fait partir, Il tâche à se garantir, Dans les forêts il s'emporte, La Fontaine, Fabl. VI, 9.

    Ne plus obéir, en parlant d'un cheval, d'un chien de chasse.

    Terme de jardinier. On dit qu'un arbre s'emporte quand il pousse en hauteur sans se garnir du bas, ou qu'une de ses branches se développe plus que les autres.

  • 14Se laisser aller à des mouvements, à des paroles, à des actes violents, passionnés. Il est difficile à un misérable de parler avec modération et de ne se pas emporter, Vaugelas, Q. C. VI, 10, dans RICHELET. Il s'emportait parfois d'une noble insolence, Tristan, M. de Chrispe, I, 3. Mon père, retenez des femmes qui s'emportent, Corneille, Hor. II, 8. Je veux, je ne veux pas, je m'emporte et je n'ose, Corneille, Cinna, I, 2. Ah ! c'en est trop, et vous vous emportez, Corneille, ib. III, 3. … Je m'emporte, et mes sens interdits Impriment leur désordre en tout ce que je dis, Corneille, Tite et Bér. II, 5. Trop chaud ami qu'il est, il s'emporte à tous coups Pour un fourbe insolent qui se moque de nous, Corneille, la Veuve, V, 6. Faute de me connaître, il s'emporte, il s'égare, Corneille, Nicom. I, 3. [Il] s'emportera sans doute et bravera son père, Corneille, ib. I, 5. Mais, seigneur, je m'emporte, et l'excès d'un tel heur Me fait vous en parler avec trop de chaleur, Corneille, Sert. I, 3. Tel contre vous et moi s'osera révolter, Qui contre un si grand corps craindrait de s'emporter, Corneille, Pulchér. III, 3. Le prince a dû recevoir une puissance indépendante de toute autre puissance qui soit sur la terre ; mais il ne faut pas pour cela qu'il s'oublie, ni qu'il s'emporte, puisque moins il a de compte à rendre aux hommes, plus il a de compte à rendre à Dieu, Bossuet, Polit. IV, II, 4. Rien ne peut m'ébranler ; Jugez-en, puisqu'ainsi je vous ose parler, Et m'emporte au delà de cette modestie, Dont, jusqu'à ce moment, je n'étais point sortie, Racine, Mithr. IV, 4. Et d'un trône si saint la moitié n'est fondée Que sur la foi promise et rarement gardée ; Je m'emporte, seigneur, Racine, Baj. II, 3.

    S'emporter à, jusqu'à. Permettez que je me laisse emporter au ravissement que me donne cette pensée, Corneille, Poly. à la reine régente. Mais tous deux s'emportant à plus d'irrévérence, Corneille, Poly. III, 2. Les gens de guerre connaissent qu'ils sont maîtres de donner l'empire ; ils s'emportent jusqu'à le vendre publiquement au plus offrant, Bossuet, Hist. III, 7. Il n'y a certes qu'une extrême préoccupation qui puisse s'emporter à un tel reproche, Bossuet, Fragm. sur div. mat. de controverse, III. S'étant emporté mal à propos à quelques discours, Hamilton, Gramm. 9. Télémaque s'emporta jusqu'à menacer Phalante, Fénelon, Tél. XVI.

    S'emporter dans, en. J'ai suivi tes conseils ; mais plus je l'ai flattée, Et plus dans l'insolence elle s'est emportée ; Si bien qu'enfin outré de tant d'indignités, Je m'allais emporter dans les extrémités, Corneille, Pomp. II, 4. Hélas ! que je m'emporte en regrets superflus ! Voltaire, Brut. IV, 2. Je ne m'emporte plus en d'inutiles plaintes, Voltaire, Olympe, V, 3.

    S'emporter de colère, de chaleur, se laisser emporter par la colère, par la chaleur. S'il est bien amoureux, il peut s'emporter de colère et tuer dans un premier mouvement, Corneille, Deuxième disc. M. de la Rochefoucauld, qui avait plus de cœur que d'expérience, s'emporta de chaleur ; il n'en demeura pas à son ordre, il sortit de son poste et chargea les ennemis, Retz, Mém. II.

    Ellipse de se, avec le verbe laisser. Laissant emporter son esprit, qui manque naturellement un peu d'assiette, aux impressions précipitées de la surprise, Vauvenargues, Caract. XVIII.

    Se fâcher violemment, s'abandonner à la colère. Il s'emporte pour rien. Il s'est emporté contre ses enfants. Ah ! vous êtes dévot, et vous vous emportez ! Molière, Tart. II, 2. Mon Dieu ! tout doux ; vous allez d'abord aux invectives ; est-ce que nous ne pouvons pas raisonner ensemble sans nous emporter ? Molière, Mal. im. I, 5. Doucement, diras-tu, que sert de s'emporter ? Boileau, Sat. VIII. Ah ! sans vous emporter, Souffrez que mes efforts tâchent de l'arrêter, Racine, Alex. I, 3. Elle, aussi fière que celles qui ont le plus d'innocence, et aussi prompte que celles qui en ont le moins, s'emporta sur un soupçon qui lui donnait plus de chagrin que de confusion, Hamilton, Gramm. 9.

    Dans le style très familier. S'emporter comme une soupe au lait, se livrer subitement à un mouvement de colère qui ne dure pas longtemps. Cette comparaison est fondée sur ce que, quand le lait bout, il vient un moment où les bouillons s'élèvent tout à coup au-dessus de la casserole et se répandent si l'on ne la retire aussitôt. Cette locution offre l'exemple curieux et assez commun chez nous d'une affection morale assimilée à un fait purement physique.

    PROVERBE

    Le plus fort l'emporte, c'est-à-dire le plus puissant a toujours l'avantage.

REMARQUE

« On emporte une place, dit Voltaire, on remporte un avantage, on a un succès, on n'emporte point un succès ; c'est un barbarisme. » Il n'y a point de barbarisme ; les meilleurs auteurs au XVIe et au XVIIe siècle ont parlé ainsi ; et il n'y a aucune raison pour ne pas parler comme eux.

SYNONYME

EMPORTER LE PRIX, REMPORTER LE PRIX. La particule réduplicative re a tellement perdu ici son sens propre, que l'usage seul a établi quelque différence, non dans le sens, mais dans l'emploi. On dit remporter un prix quand il s'agit des distributions de prix, des concours ; en ce cas, emporter ne s'emploie pas. Mais, quand il ne s'agit pas de ces distributions, et surtout dans le style élevé, emporter est de mise. Emporter se prend surtout dans le sens superlatif, c'est-à-dire avec l'article le qui donne à prix le sens général : il emporte le prix. Mais, s'il s'agit de prix particuliers, on dira : il remporte un prix, des prix.

HISTORIQUE

XIe s. Se truis [si je trouve] Rolant, [il] n'enportera la teste [ne s'en ira avec la tête sur ses épaules], Ch. de Rol. LXXIII.

XIIe s. De Saragoce les cles [clefs] enporterez, Ronc. p. 31. Et je meïsme n'enporterai la vie [ne reviendrai vivant], ib. p. 83. Si m'emporta en som [au sommet d'] un pui mout grant, ib. p. 164. Il peut sa crois garder et estoier [ficher], Qu'encor l'a-il tele qu'il l'emporta [à la croisade], Hues D'Oisi, Romanc. p. 104.

XIIIe s. Tant que la vraie histoire [j'] emportai avec mi, Berte, I. Si comenda que ses cuers fust enfouis à Roem, et ses cors fust emportés à Londres et enfouis en la mere eglise, Chr. de Rains, 80. Et aucune fois ele [une société commerciale] se fet en tele maniere que li un emporte part au gaaing s'il y est ; et se perte torne, il n'emporte point de perte, Beaumanoir, XXI, 33. Combien que il y ait de mariages et filles de cascun [chaque] mariage, et du deerain mariage fust uns hoirs malles [mâle], si emporteroit il l'ainsneece contre se [sa] sereur, Beaumanoir, XVIII, 24. Comment que uns autres enport les fruis d'un fief duquel je sui hoirs, je sui tenus à obeir, Beaumanoir, XII, 12.

XVe s. Et laira-t-on les Anglois convenir et les Portingalois aller et venir parmi le pays de Castille ; ils n'emporteront pas le pays, quand ils s'en iront, avecques eux, Froissart, II, III, 61. Le quel Charolois rendit responce, en disant que diable peust emporter ceulx qui faisoient tel, et qu'ils faisoient plus que on ne leur commandoit, J. de Troyes, Chron. 1465. S'il en a fait occision, Autant en emporte le vent ; Gens pleins de dissolucion, On les doit corriger souvent, Recueil de farces, p. 381.

XVIe s. Amy Gavan, on t'a fait le rapport Depuis un peu que j'estois trespassé : Je prie à Dieu que le deable m'emport S'il en est rien, ne si j'y ai pensé, Marot, III, 50. Les mots de Moyse n'emportent sinon qu'il a imposé nom à l'autel, Calvin, Instit. 78. L'un et l'aultre de ces deux moyens m'emporteroit aysement, Montaigne, I, 12. Il se laisse emporter à ce dernier accident, Montaigne, I, 6. Ainsin emporte les bestes leur rage à s'attaquer à…, Montaigne, I, 25. S'ils emportent la victoire sur eulx, Montaigne, I, 241. Si tu ne portes la douleur, elle t'emportera, Montaigne, I, 304. Je n'estime point qu'en suffisance et en grace à cheval nulle nation nous emporte, Montaigne, I, 368. Capoue feut emportée le lendemain, Montaigne, II, 37. Un chien luy emporta le gras de la jambe, Montaigne, III, 302. On disait à Socrates que quelqu'un ne s'estoit aulcunement amendé en son voyage : Je crois bien, dict-il ; il s'estoit emporté avecques soy, Montaigne, I, 38. Emporter le prix, Amyot, Thés. 22. Le sort la [Hélène] donna à Theseus, qui l'emporta en la ville de Aphidnes, Amyot, ib. 39. Leur risée emportoit tousjours, quand et elle, un doulx admonestement, Amyot, Lyc. 53. Il y eut grande contention et grande contrariété d'opinions, toutefois à la fin la plus doulce l'emporta, Amyot, Cam. 73. La peste, oultre une multitude innumerable de peuple, emporta encore plusieurs magistrats, Amyot, Cam. 74. Demosthenes, l'ayant souspesée, s'esmerveilla du poids qui estoit grand, et demanda combien de poids elle emportoit ; et Harpalus en se riant lui respondit : Elle t'emportera vingt talents ; et sitost que la nuict fut venue, luy envoya la couppe avec les vingt talents, Amyot, Démosth. 36. Ceux à qui un gros boulet aura emporté un membre, Paré, IX, 10. Philippe, pour la grandeur de ses mérites, emporta, par la voix des doctes, le surnom d'Auguste, Pasquier, Rech. III, 29.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

* EMPORTER, v. act. se dit en général d’une action en conséquence de laquelle un corps auquel cette action est appliquée, passe d’un lieu dans un autre. On y joint pourtant cette vûe de l’esprit, que la cause qui transporte est regardée comme continuellement appliquée à la chose emportée. On se sert de ce terme au simple & au figuré, au moral & au physique ; mais le substantif emportement ne se prend qu’au moral, & marque une agitation violente de l’ame. Le participe emporté se prend au physique & au moral : on dit, on a emporté cette armoire, & c’est un emporté.

Emporter, Remporter, synon. On dit toûjours remporter la victoire, & non pas emporter la victoire ; mais on dit au contraire emporter le butin, & non pas remporter le butin. Ces deux mots ont également leur bisarrerie d’usage, quand on les employe au figuré. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Emporter, (Marine.) se dit de ce que le vent ou les coups de mer enlevent du vaisseau. On a vû des voiles & des vergues emportées par le vent, des galeries emportées par des coups de mer, & quelquefois des mâts. (Z)

Emporter (s’) v. pass. (Manége.) terme usité parmi nous pour désigner en général l’action d’un cheval que le cavalier ne peut arrêter, & qui fuit avec fougue & avec impétuosité malgré tous les efforts que l’on fait pour le retenir.

Ce défaut est plus ou moins considérable selon ses causes & sa source.

Il procede souvent de l’ignorance d’une main dure & cruelle, incapable de reconnoître & de sentir le fond de la bouche de l’animal, & qui, par un appui forcé & toûjours constant dans le même degré, en échauffe tellement toutes les parties qu’elle les prive de toute sensibilité (voyez Main). Il peut être encore occasionné par tous les vices qui tendent à égarer une bouche (voyez Egarer), par l’habitude de forcer la main (voyez Forcer), par la gaieté du cheval qui s’émeut & s’excite lui-même à la vûe ou à l’ouie d’un autre cheval qui galope ; par sa timidité, lorsqu’à l’occasion de quelque bruit il fuit & s’échappe ; par de mauvaises leçons ; par la facilité avec laquelle le cavalier se sera laissé maîtriser, &c.

Il est certain que ce n’est qu’autant que toutes les portions de la bouche, & principalement les barres, n’auront point été véritablement endommagées, que nous pourrons remédier à ce vice d’autant plus essentiel, que les suites en peuvent être extrèmement funestes. Si ces mêmes portions sont en effet dans un état desesperé, & qu’il ne nous soit plus absolument permis d’y rappeller par aucun moyen le sentiment qu’elles ont perdu, vainement tenterions-nous d’en corriger l’animal. Ou cette action de fuir est tournée en habitude, ou elle n’est que passagere.

Dans le premier cas, il s’agira de travailler le cheval lentement & au pas, & avec toute l’attention que demande une bouche sujette à s’échauffer ; du pas, on le conduira insensiblement au trot, & du trot on le ramenera au pas pour le remettre au trot, & successivement au galop, en le ralentissant toûjours & en entremêlant prudemment ces différentes allures. Le galop étant incontestablement la plus vive & la plus prompte, est aussi très-communément celle dans laquelle il s’anime davantage, & où il est le plus sujet à s’emporter ; on ne l’y exercera par conséquent que lorsque dans les autres il obéira exactement à toutes les impressions de la main, on en augmentera aussi la rapidité, on en diminuera de tems en tems la vîtesse ; & les arrêts multipliés selon le besoin, ainsi que la répétition de la leçon du reculer, étoufferont enfin en lui cette vivacité & cette ardeur, ou du moins le remettront sous les lois d’une entiere obéissance.

L’emportement n’est-il que passager ? n’a-t-il lieu que dans la circonstance d’un autre cheval qui court rapidement, ou à raison de la surprise & de la crainte que lui inspirent certains bruits auxquels ses oreilles ne sont point accoûtumées ? n’est-il, en un mot, suscité qu’à l’occasion des objets extérieurs dont il est frappé ? on doit 1°. nécessairement l’habituer au son & à la vûe de ces mêmes objets : 2°. le retenir & le renfermer dans l’instant même du premier effort qu’il fait pour s’échapper, & rendre la main dans l’instant qui le suit, sauf à le reprendre de nouveau s’il témoigne encore le moindre desir de fuir. Sans cette précision avec laquelle le cavalier saisit le moment, l’animal se dérobe toûjours pendant un espace plus ou moins considérable de terrein ; & cette espece de victoire qu’il remporte l’enhardit, pour ainsi dire, & peut non-seulement le confirmer dans ce leger défaut, mais occasionner ces mouvemens fougueux auxquels on s’oppose inutilement. Il est même très-à-propos de joindre quelquefois le châtiment à l’action, de saisir le tems, afin de faire sentir à l’animal renfermé & puni, que cette passion immodérée d’une course que le cavalier ne sollicite point, est une faute qui lui attire la correction qu’il redoute ; ainsi serrez vivement les deux talons en mettant la main près de vous, rendez & reprenez sur le champ, bientôt le cheval ne reconnoîtra plus rien qui puisse l’engager à s’emporter.

La plûpart des hommes imaginent que la voie la plus sûre de retenir un cheval qui fuit, est de s’attacher à la main. Ils employent tout leur pouvoir & toutes leurs forces dans l’espérance de l’arrêter, mais leurs efforts sont toûjours superflus & sans succès. La raison en est simple ; d’une part, ces mêmes efforts exercés directement sur la bouche falsifient si considérablement l’appui, que le cheval méconnoît entierement la main & tous les effets qui auroient pû résulter de celle qui n’auroit été que douce & legere. D’un autre côté, en supposant qu’il puisse encore rencontrer un sentiment quelconque, il est certain que l’impression de la main augmentera le pli ou la flexion du derriere ; car telle est l’efficacité des renes mues & approchées de notre corps, qu’elles surchargent l’arriere-main : or ce même arriere-main chassant, & ne pouvant que continuellement chasser l’animal au moyen de la flexion répétée de ses parties, il s’ensuit que plus la tension des renes est constante & augmentée, plus les forces de l’animal qui s’emporte sont accrues & multipliées ; ainsi bien loin de l’arrêter, on lui fournit les moyens de résister avec plus d’empire. Il est donc incontestablement assuré qu’on ne retient jamais plus aisément & plus véritablement un cheval, qu’en rendant & en cessant, pour ainsi dire, de le retenir, pourvû qu’on le reprenne dans la main successivement & de tems en tems. (e)

Emporter, (Jardinage.) on dit qu’un arbre s’emporte, quand il pousse avec trop de vivacité, & qu’il est à craindre que le trop de vivacité ne le fasse avorter. (K)

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Étymologie de « emporter »

En 2, et porter ; bourguig. empôtai ; provenç. emportar. Emporter, c'est porter de là : lat. inde portare.

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(Vers 1280 avec cette orthographe) Mot dérivé de porter, avec le préfixe en-. (Vers 980) enportet (« emporta »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « emporter »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
emporter ɑ̃pɔrte

Évolution historique de l’usage du mot « emporter »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « emporter »

  • Vieillir, c'est aussi savoir combien de choses peut emporter le vent. De Pierre Reverdy / Notes , 
  • On ne peut rester longtemps dans la boutique d’un parfumeur sans en emporter l’odeur. De Proverbe français , 
  • L'amour c'est toujours emporter quelqu'un sur un cheval. De Jean Giono / Le Chant du monde , 
  • Rien ne peut être vendu, à l’exception de ce que l’on peut emporter avec soi. De Black Hawk , 
  • On ne saurait emporter en voyage un fardeau plus précieux qu'une provision de bon sens. De Anonyme / Chants de l'Edda , 
  • Quand on se méfie de la pauvreté de sa vie intérieure, il faut emporter de bons livres. De Sylvain Tesson / Dans les forêts de Sibérie , 
  • Emmener sa femme en Thaïlande, c'est comme emporter sa bière en Allemagne. De Jean-Christophe Grangé / Extrait de "L'empire des loups" , 
  • On ne peut emporter ses biens dans la tombe. De Proverbe bulgare , 
  • Si le feu brûlait ma maison, qu’emporterais-je ? J’aimerais emporter le feu... De Jean Cocteau / Clair-obscur , 
  • Réprouver les capitalistes comme inutiles à la société, c'est s'emporter follement contre les instruments mêmes du travail. De Mirabeau , 
  • Marcher ne serait rien en soi, fût-ce pendant près de mille kilomètres, s'il ne fallait emporter un certain nombre de choses indispensables. De Jacques Lacarrière , 
  • Le plus grand effort de la passion est de l'emporter sur l'intérêt. De Jean de La Bruyère , 
  • Le meilleur moyen d’arrêter de fumer est d’emporter des allumettes humides. De Anonyme , 
  • La terre, cela ne se vend pas, car rien ne peut-être vendu que l'on ne peut emporter avec soi. De Jim Fergus / Mille femmes blanches , 
  • L'amour est la seule chose que l'on peut emporter avec soi quand vient l'heure du départ. De Louisa May Alcott / Les Quatre Filles du docteur March, 1868 , 
  • L’utilisateur qui se connecte au tout jeune site, se voit proposer toute l’offre de vente à emporter disponible autour de lui. Le concept commence tout juste à se mettre en place. Malin. France 3 Nouvelle-Aquitaine, Une plateforme en ligne se lance sur Poitiers qui pourrait bien chambouler la restauration à emporter
  • Si certaines communes ont décidé de rouvrir leurs bibliothèques comme à Dunkerque qui a limité la jauge, beaucoup propose un service de prêt à emporter en attendant la réouverture, c'est le cas à Valenciennes à la médiathèque Simone Veil. France Bleu, En attendant la réouverture, un service de prêt à emporter à la médiathèque de Valenciennes
  • Samedi, les bénévoles de la société de chasse étaient réunis à la salle des fêtes de Saint-Gelven pour le traditionnel repas annuel. Initialement prévu le 7 mars, il avait été annulé pour cause de Covid-19. Pour la première fois, il était proposé uniquement à emporter. 250 parts ont été préparées dont 150 pour les chasseurs et les propriétaires terriens. « Heureusement, le confinement est arrivé après la fermeture de la chasse. Il n’y a pas eu d’impact sur nos prévisions de prélèvement. Même les battues ont été faites », indiquait Dominique Ganne, le président. Le Telegramme, 250 parts à emporter pour le repas des chasseurs - Bon-Repos-sur-Blavet - Le Télégramme
  • Dystopie ? Hard SF ? Science-fantasy ? Anticipation ? La Méthode scientifique vous propose une sélection d'ouvrages de science-fiction à emporter avec vous au cours de l'été. France Culture, Quels livres de SF emporter avec soi cet été ?
  • « Avec la rôtissoire, on a inversé la tendance. » Depuis dimanche 28 juin, il est aussi possible de commander des viandes rôties à emporter, chaque dimanche matin, sur commande. , L'hôtel-restaurant Le cygne a une rôtisserie et développe la vente à emporter, à Saint-Hilaire-du-Harcouët | La Gazette de la Manche
  • Il vous sera demandé de respecter les gestes barrières préconisés et les heures de retrait de vos plats à emporter. Le chef prendra toutes les mesures de sécurité et d’hygiène pour la préparation de vos plats : prise de température deux fois par jour, masque, gants. Mise à disposition du gel hydroalcoolique. Tous less menus peuvent être adaptés aux végétariens et sont préparés à base de produits frais.  Bordeaux Tendances, L'Avenue Carnot : sur place, à emporter ou en terrasse, faites votre choix ! - Bordeaux Tendances
  • Depuis le déconfinement, la fréquentation dans les restaurants varie fortement. Certains conservent une clientèle de vente à emporter comme durant le confinement. Journal L'Ardennais abonné, Reprise en demi-teinte dans les restaurants à Charleville-Mézières
  • Vieillir, c'est aussi savoir combien de choses peut emporter le vent. De Pierre Reverdy / Notes , 
  • On ne peut rester longtemps dans la boutique d’un parfumeur sans en emporter l’odeur. De Proverbe français , 
  • L'amour c'est toujours emporter quelqu'un sur un cheval. De Jean Giono / Le Chant du monde , 
  • Rien ne peut être vendu, à l’exception de ce que l’on peut emporter avec soi. De Black Hawk , 
  • On ne saurait emporter en voyage un fardeau plus précieux qu'une provision de bon sens. De Anonyme / Chants de l'Edda , 

Images d'illustration du mot « emporter »

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Traductions du mot « emporter »

Langue Traduction
Anglais carry
Espagnol llevar
Italien trasportare
Allemand tragen
Chinois 携带
Arabe احمل
Portugais carregar
Russe нести
Japonais 運ぶ
Basque eraman
Corse portà
Source : Google Translate API

Synonymes de « emporter »

Source : synonymes de emporter sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « emporter »

Combien de points fait le mot emporter au Scrabble ?

Nombre de points du mot emporter au scrabble : 12 points

Emporter

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