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Esprit

Variantes Singulier Pluriel
Masculin esprit esprits

Définitions de « esprit »

Trésor de la Langue Française informatisé

ESPRIT, subst. masc.

1reSection
I.− Souffle.
A.− [En partic. chez les Anciens] Vx. Souffle vital, principe de vie. Esprit de vie, esprit vital :
1. L'esprit de vie souffle partout et dans les degrés où il veut; c'est lui qui produit et entretient tous les mouvements de l'univers, qui sent dans les animaux, agit et pense en nous; suivant que cet esprit de vie souffle plus ou moins en nous, nous sommes des génies ou des automates, forts ou faibles, courageux ou timides, etc... La volonté n'y peut rien. Maine de Biran, Journal,1818, p. 154.
Vieilli. Rendre l'esprit. Mourir. Synon. rendre l'âme*, rendre le dernier soupir*.Aphrodisia ferma les yeux. (...) Un sourire inexprimable allongea ses paupières bleues, et dans un soupir elle rendit l'esprit (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 160):
2. ... les maîtres de la scène actuelle estiment à livres, sous et deniers, ce que tel de leurs contemporains pourra leur valoir le jour où il aura rendu l'esprit. Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 291.
Spéc., GRAMM. GR. ,,Souffle caractéristique d'une certaine prononciation de l'initiale vocalique (...)`` (Mar. Lex. 1933).
Esprit dur, esprit rude. Attaque aspirée de l'initiale vocalique. Je ne peux pas, par respect pour le lecteur français, écrire Hannibal et Hamilcar sans h, puisqu'il y a un esprit rude sur l'alpha (Flaub., Corresp.,1862, p. 60).Esprit doux. Attaque non aspirée de l'initiale vocalique. P. méton. Signe [esprit doux (), esprit rude ()] qui indique ce mode de prononciation. En français, l'esprit rude grec est transcrit en général par un h (Ling.1972).
B.− [Terme biblique]
1. ANCIEN TESTAMENT. Souffle provenant de Dieu, en particulier souffle créateur, action créatrice et bienfaisante de Dieu. Ce saint Georges plein de feu, de matérialité, est l'âme de tout, son souffle vivifie tout. Le vent de l'esprit passe sur lui (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 237):
3. Veni Creator Spiritus! Cet esprit en qui Dieu a créé le monde en soufflant dessus, (...) il n'a pas cessé de passer sur nous, et c'est le grand Alizé qui, depuis le jour de la Pentecôte, gonfle les voiles de l'Église. Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 253.
P. ext. Les odes des grands lyriques furent écrites sans retour, à la vitesse de la voix du délire et du vent de l'esprit soufflant en tempête (Valéry, Variété V,1944, p. 159):
4. Barrès parlait des « lieux où souffle l'esprit ». Je ne crois pas qu'il en eût imaginé aucun l'esprit soufflât davantage qu'en l'Université d'Oxford. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 565.
Rem. De tels emplois dérivent d'un passage de l'Évangile selon saint Jean (III, 8), littéralement : « l'Esprit souffle où il veut ». Il est ordinairement fait allusion à ce passage pour signifier que l'intelligence est une faculté inégalement répartie.
Au fig. Inspiration d'origine divine. Je vous jure que l'esprit m'inspire ceci! (...) Je vous vois! Je vois périr votre âme! (Bernanos, Imposture,1927, p. 356):
5. ... poussé d'ailleurs par l'esprit prophétique qui lui montroit d'avance la célébrité de la parole et la puissance évangélique, David ne cesse de s'adresser au genre humain et de l'appeler tout entier à la vérité. J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 2, 1821, p. 71.
Chercher l'esprit. ,,(...) se disait, entre les puritains, d'un recueillement mental de dévotion où l'on attendait quelque inspiration du Seigneur`` (Littré).
P. anal. Choulette, (...) parut, joyeux et comme plein de l'esprit d'un dieu (France, Lys rouge,1894, p. 201).
2. NOUVEAU TESTAMENT, THÉOL. CATH. et PROTESTANTE. Saint(-)Esprit ou Esprit(-)Saint ou, absol., Esprit. Troisième personne de la Sainte Trinité, procédant du Père et du Fils. Esprit vivifiant, consolateur. L'Esprit Saint descendit sur les apôtres, pour leur infuser le don des langues (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 407):
6. ... quand vient la saison favorable où souffle l'Esprit Saint, il faut savoir tirer parti de ce vent céleste et lever l'ancre à temps... Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 124.
Jour du Saint-Esprit. Dimanche de la Pentecôte.
P. méton. Représentation du Saint-Esprit. Elles étaient vêtues de bleu avec un bonnet blanc et un saint-esprit de vermeil ou de cuivre fixé sur la poitrine (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 584).Il l'obligeait (...) à porter au col, le dimanche, le saint-esprit d'or rouge enrichi de grenats (Pourrat, Gaspard,1922, p. 188).
Rem. 1. Pour Colin 1971, ,,(...) Esprit saint, variante de Saint-Esprit, (...) ne prend pas de trait d'union``. 2. La religion orthodoxe admet aussi l'existence du Saint-Esprit, mais refuse qu'il procède du Père et du Fils (querelle du filioque).
II.− P. anal. Substance, émanation de certains corps comparables, par leur subtilité, au vent, au souffle de la respiration, à une flamme.
A.− Au sing. ou au plur.
1. Essence, vapeur subtile; émanation odorante. Dans le temps des amours, les mâles et les femelles (...) se reconnaissent de loin, par l'intermède des esprits exhalés de leurs corps (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 2, 1808, p. 339).Ce peu de miel où notre nez grossier ne distingue rien, il en émane un esprit subtil qui remplit le ciel et la mer (Claudel, Rempart Ath.,1927, p. 1128):
7. Dieu propice, ô Bacchus! toi, dont les flots divins Versent le doux oubli de ces maux qu'on adore; Toi, devant qui l'amour s'enfuit et s'évapore, Comme de ce cristal aux mobiles éclairs Tes esprits odorants s'exhalent dans les airs. Chénier, Élégies,1794, p. 75.
2. CHIM., PHARM., vx. Substance liquide volatile obtenue par distillation. Il (...) les [des bouteilles] divisa en deux séries : celle des parfums simples, c'est-à-dire des extraits ou des esprits, et celle des parfums composés (Huysmans, À rebours,1884, p. 149).
Esprits parfumés. ,,(...) alcoolats employés en parfumerie, et surtout pour la fabrication des liqueurs : esprit ou alcoolat de fleur d'oranger, de lavande, etc.`` (Lar. mén. 1926).
Esprit (-) de (-) bois. ,,Syn. d'alcool méthylique`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Du ragoût de la veille qu'elle réchaufferait à l'atelier sur sa lampe à esprit de bois (Huysmans, Sœurs Vatard,1879, p. 59).Esprit (-) de (-) sel. Acide chlorhydrique. Esprit (-) de (-) soufre. ,,Syn. désuet d'anhydride sulfureux`` (Méd. Biol. t. 2, 1971). Esprit (-) de (-) vitriol. ,,Syn. d'acide sulfureux`` (Méd. Biol. t. 2, 1971). On calmera les hémorragies par l'usage de quelque acide minéral, comme l'esprit de vitriol dulcifié (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 461).
Esprit volatil (d'une substance animale). Sous-carbonate d'ammoniaque obtenu par distillation de cette substance (cf. Nysten 1814 et 1824 et Geoffroy, Méd. prat., 1800, p. 493).
Esprit-de-vin. Alcool éthylique. Esprit ardent. Alcool très rectifié (cf. Littré-Robin 1858 et 1865).
Absol. et au plur. Les esprits. Les liqueurs alcooliques (Ac. 1878-1932).
Esprits ou eaux spiritueuses. ,,(...) alcools chargés, par la distillation de substances aromatiques, de principes médicamenteux, de drogues simples, etc.`` (Bouillet 1859).
P. plaisant. :
8. ... l'ivresse du mouvement, la chaleur communicative de l'air, les esprits cachés dans les boissons les plus innocentes ont amolli les callosités des vieilles femmes qui, par complaisance, entrent dans les quadrilles et se prêtent à la folie d'un moment... Balzac, C. Birotteau,1837, p. 216.
B.− Au plur.
1. HIST. DE LA PSYCHO-PHYSIOL. Esprits. Éléments d'une matière très subtile, légère, chaude, mobile et invisible, considérés comme les agents de la vie et du sentiment qu'ils portent dans les différentes parties du corps qu'ils animent. La perte, la dissipation des esprits (Ac.1878-1932).
En partic. Esprits vitaux, animaux. Me relevant de toute ma hauteur, je me roidis pour rappeler dans mes membres engourdis les esprits animaux (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 133).Il est en nage et hors de lui après chaque discours; (...) il est épuisé comme après une dépense prodigieuse d'esprits électriques et vitaux (Sainte-Beuve, Poisons,1869, p. 95):
9. Mais tous mes esprits animaux sont désordonnés. Une haine les transporte d'un bout à l'autre de mon individu. Je voudrais tenir et punir, − et il faut rester sur sa chaise... Valéry, Corresp.[avec Gide], 1898, p. 316.
2. Emplois, expr. et loc. (issus de cette théorie et encore plus ou moins usités) [Le plus souvent avec le poss.]
a) [Ces esprits en tant que principe de l'activité physique et psychique]
La peur glace les esprits (Ac. 1878-1932). La peur paralyse, fige.
Perdre ses esprits. [Au plan physique] Perdre connaissance, s'évanouir. [Au plan psychique] Être très troublé par quelque violente émotion. Reprendre ses esprits. [Au plan physique] Reprendre connaissance, revenir à soi. Recouvrer ses esprits. Il est évanoui; jetez-lui de l'eau, afin de lui faire revenir les esprits (Ac.1878).Regardons si cette bonne Isabelle est grièvement navrée; mais non, la voici qui rouvre l'œil et reprend ses esprits (Gautier, Fracasse,1863, p. 164).[Au plan psychique] . Se reprendre, se remettre, se ressaisir après quelque violente émotion. Apaisez-vous, monsieur, et reprenez vos esprits et veuillez me dire en ordre et posément ce que vous avez à me marquer (Claudel, Soulier,1944, 4ejournée, 4, p. 871):
10. ... je fus tellement ahuri de cette apparition quasi-fantastique, que le prince Cernuwicz eut le temps de me saluer à son tour et de se nommer avant que j'eusse bien recouvré mes esprits. Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 62.
b) [Ces esprits en tant que principe de la vie affective et de la vie spirituelle] Esprits inquiets; esprits incertains qui s'adoucissent. La flûte dont il avoit coutume de jouer pour ranimer ses esprits abattus (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 135).Et je laissais flotter, au bord des flots assis, Dans le doute et l'effroi mes esprits indécis (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1852, p. 279).
c) [Ces esprits en tant que principe de la vie intellectuelle] Esprits trop lents. Une grave occupation (...) (la licence ès lettres à préparer en vue du doctorat) va donner une direction différente à mes esprits (Mallarmé, Corresp.,1869, p. 314):
11. ... j'aurais pu augurer le mouvement et le fracas de l'ouvrage qui devait me faire un nom, aux bouillonnements de mes esprits et aux palpitations de la muse. Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 494.
III.− P. ext., PHILOS., RELIG. Principe immatériel.
A.− [P. oppos. à la matière, à la substance corporelle; en partic. dans la relig. chrét., en parlant de Dieu ou de l'âme de l'homme − faite à l'image de Dieu − en tant que principe de vie qui anime le corps et en tant que principe de la vie surnaturelle] Substance incorporelle. La divinité fit couler un souffle de sa vie dans l'univers, et en composa un troisième principe mixte, à la fois esprit et matière, appelé l'âme du monde (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, 1797, p. 222):
12. Ajoutons à cela que le dieu chrétien est esprit, que l'homme ne peut donc s'unir à Dieu que par l'esprit et qu'en effet c'est bien en esprit et en vérité que Dieu veut être adoré. Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 173.
En partic., dans un cont. relig. [P. oppos. à la chair (ou au corps), symbole de l'homme déchu, principe de l'activité instinctive considérée d'un ordre de perfection inférieur à celui de l'âme, ou esprit, principe des aspirations élevées] L'esprit est plus noble que le corps. Marchez selon l'esprit et non selon la chair. Les fruits de la chair sont l'adultère, l'impureté, etc., et les fruits de l'esprit sont la charité, la tempérance, la joie, la paix, etc. (Ac.).Le père du Verbe, source de tout esprit et dont la chair est l'ennemie (Flaub., Tentation,1856, p. 515):
13. L'abbé Boutarel l'avait mise en garde (...) : à perdre ainsi la messe et les sacrements, elle risquait de succomber un jour aux tentations : on se croit tout esprit et soudain on se voit tout chair. Pourrat, Gaspard,1925, p. 218.
Expr., loc. dans le lang. théol. ou mystique. En esprit. Spirituellement. Être ravi en esprit. ,,Avoir une vision qui transporte l'âme dans les régions célestes`` (Littré). En esprit et en vérité. Le temps est venu où l'on n'adorera le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem, mais en esprit et en vérité (Renan, Avenir sc.,1890, p. 474).Cf. aussi supra ex. 12.
[Allus. biblique]
α) [Saint Matthieu, V, 3] Heureux/bienheureux les pauvres en esprit (les pauvres/simples d'esprit). Ceux qui, acceptant ou choisissant de vivre dans une pauvreté qu'ils assument pleinement dans l'esprit de renonciation de l'Évangile, sont aimés de Dieu. Bienheureux les simples d'esprit, dit l'Écriture. Ils ont l'illusion du bonheur. Ils ne sentent pas, ceux-là, notre misère solitaire (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Solitude, 1884, p. 924).
β) L'esprit est prompt mais la chair est faible*.
Spéc. Esprits bienheureux. Âmes des saints qui jouissent, au Paradis, du bonheur éternel. Toute lumière ruisselle du sein de la divinité pour éclairer les contemplations des esprits bienheureux (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 224).
Rem. Se dit aussi des anges. Cf. infra B 2 a.
[Dans le même sens] Esprits immortels. Le ricanement de l'orgie a pris la place des larmes saintes des esprits immortels (Quinet, All. Ital.,1836, p. 115).
P. méton. L'homme, étant esprit, doit se retirer des choses mortelles. Toute action le dégrade. Je voudrais ne pas tenir à la terre, − même par la plante de mes pieds! (Flaub., Tentation,1874, p. 42).
B.− Être incorporel conscient de lui-même, de son existence, et doué d'une vie psychique, en particulier d'intelligence et de volonté. Pur esprit. Un souffle vague émeut les sphères vagabondes, Mais nul esprit n'existe en ces immensités (Nerval, Chimères,1854, p. 706):
14. Il [Dieu] connaissait toutes les choses à sa façon, c'est-à-dire absolument : mais il me semblait que, d'une certaine manière, il avait besoin de mes yeux pour que les arbres aient des couleurs. La brûlure du soleil, la fraîcheur de la rosée, comment un pur esprit les eût-il éprouvées, sinon à travers mon corps? Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 127.
Pur esprit (au fig. et fam.). Être humain qui n'est pas soumis à certaines contingences d'ordre physique ou matériel, ou qui affecte de ne pas l'être. Enfin (...) vous n'avez pas l'air d'un pur esprit. − J'en suis pourtant un (...) Plusieurs Pères (...) ont pensé que les anges ne sont pas purement spirituels (France, Révolte anges,1914, p. 103).Il est difficile d'être un pur esprit et de nourrir de pures amitiés (Duhamel, Maîtres,1937, p. 151).
1. Divinité. Céluta pria donc. Tantôt elle demandoit des conseils au grand esprit des Indiens, tantôt elle s'adressoit au grand esprit des Blancs (Chateaubr., Natchez,1826, p. 462):
15. Qui suis-je? Réponds-moi, Raison des Origines! (...) Parle, fixe à jamais mes vœux irrésolus, Afin que je m'oublie et que je ne sois plus, Et que la vérité m'absorbe et me consume. − Il se tut, et l'Esprit suprême, l'Être pur, Fixa sur lui ses yeux d'où naissent les Aurores... Leconte de : Lisle, Poèmes ant.,1874, p. 61.
[Dans le monothéisme judéo-chrétien; gén. avec une majuscule] L'Esprit; Esprit incréé, créateur, éternel, divin. Dieu*. Tu vois les diverses passions des hommes, (...) tu pénètres toutes ces misères, ô Esprit créateur! (Chateaubr., Martyrs,t. 2, 1810, p. 142).Esprit divin qui régnez dans les anges et dans les saints du ciel, je vous adore de tout mon cœur (Bremond, Hist. sent. relig.,t. 3, 1921, p. 462).
Péché/pécher contre l'Esprit/le Saint-Esprit. Mopse prétend pécher contre l'Esprit : c'est être Bien fat. Pour L'offenser, il faudrait Le connaître (Toulet, Contrerimes,1920, p. 127).
Rem. P. allus. à Matth. 12, 31 : ,,Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné. Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné; mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir``; et à Marc 3, 29 : ,,(...) mais quiconque blasphémera contre le Saint-Esprit n'obtiendra jamais de pardon : il est coupable d'un péché éternel``.
2. Être incorporel inférieur à la divinité, unique ou principale, mais supérieur à l'homme.
a) [Dans le monothéisme judéo-chrétien] Synon. de ange*.
α) [Cet être incorporel est de nature bienfaisante, il est au service de Dieu et il joue le rôle d'intermédiaire entre Dieu et les hommes] Esprits célestes, angéliques, bienfaisants, bienheureux, etc. :
16. Marguerite retira l'anneau de son doigt, et le donna au pauvre. L'étranger poussa un cri de rage, − et étendit la main vers la jeune fille. Mais le pauvre, qui n'était autre que l'ange gardien de Marguerite, métamorphosé, − la couvrit de ses ailes. Et Satan, venu pour la tenter, recula devant l'esprit céleste... Murger, Nuits hiver,1861, p. 245.
β) [Cet être incorporel est de nature malfaisante]
L'esprit du Mal, l'esprit malin (ou malin esprit) l'esprit mauvais, immonde; l'esprit tentateur, l'esprit des ténèbres... Le diable*, le démon*, Satan*. Le saint évêque reconnut le malin esprit. Il fit le signe de la croix et aussitôt le petit diable (...) éclata avec un bruit horrible (France, Mir. Gd St Nic.,1909, p. 70):
17. Comme vous ne croyez pas en Dieu, vous ne croyez pas non plus à Satan; vous n'avez fait aucun pacte avec l'esprit du mal, car rien n'est mal, comme rien n'est bien à vos yeux. Sand, Lélia,1839, p. 524.
P. ext. Malin esprit, esprit du démon. Inspiration provenant de Satan. Être possédé du malin esprit. ,,Ce n'est point l'esprit de Dieu qui agit en lui, c'est l'esprit du démon`` (Ac.). Il est animé par l'esprit du démon (Littré).N'avons-nous pas aussi nos exorcistes, qui chassent le malin esprit du corps des possédés (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 431).
Esprit de l'abîme, des ténèbres; esprit infernal, immonde... Mauvais ange*, ange déchu, démon. Calme, il [Jésus] forçait l'essaim invisible et hideux Des noirs esprits du mal, rois des ténébreux mondes (Hugo, Fin Satan,1885, p. 815).
b) [Dans les croyances ou relig. polythéistes] Être incorporel inférieur aux dieux principaux, supérieur à l'homme, représentant selon les cas la puissance immanente à certains phénomènes naturels, ou certains objets, certains animaux, certains défunts, etc., et auquel on attribue une influence sur la destinée des hommes; divinité*, dieu* secondaire. De puissance malfaisante et redoutée, le mort devient un esprit tutélaire prié avec respect et vénération (Philos., Relig., 1957, p. 3207):
18. Il a sans doute fallu bien du temps, chez les Grecs, pour que l'esprit de la source devînt une nymphe gracieuse et celui du bois une hamadryade. Primitivement, l'esprit de la source n'a dû être que la source même, en tant que bienfaitrice de l'homme. Plus précisément, il était cette action bienfaisante, dans ce qu'elle a de permanent. Bergson, Deux sources,1932, p. 189.
3. P. ext. Être imaginaire, légendaire, le plus souvent inspiré du paganisme, des mythologies, des croyances magiques.
a) Esprit familier. Génie supposé attaché à une personne pour l'inspirer et la guider. On a dit que Socrate avait un esprit familier (Ac.) :
19. De Cellini moderne émule, Quand j'entre dans ton atelier, Je crois visiter la cellule Où Faust, Flamel et Raimond Lulle Avaient leur esprit familier. Pommier, Océanides,1839, p. 101.
b) Esprit follet. Lutin supposé attaché à une personne ou une maison et que la croyance populaire considère plus rusé que malveillant. On prétendait qu'il y avait dans cette maison un esprit follet (Ac.).Esprit du feu. Esprit supposé habiter l'intérieur igné de la terre par les adeptes moyenâgeux de la magie qui lui donnèrent le nom de la salamandre à laquelle on attribuait alors la faculté de vivre dans le feu.
4. Spéc., SPIRITISME. Âme des défunts désincarnée après la mort sans être devenue tout à fait immatérielle et qui se manifeste auprès des vivants, leur parle, leur apparaît. Croire aux esprits; craindre, évoquer, interroger les esprits. Esprit es-tu là? On leur dit qu'il revenait des esprits dans cette maison-là. Avoir peur des esprits (Ac.). Une masure visitée par la mort et hantée des esprits (Gautier, Fracasse,1863, p. 50):
20. Enfin, après plus de quarante minutes d'attente, M. Mouillard demanda de la voix qui convenait : − Esprit de Lénine, es-tu là? Qui sont ces deux nouveaux camarades? répondit une voix presque masculine, imitant assez bien l'accent des chauffeurs de taxi sarmates. Queneau, Odile,Paris, Gallimard, 1937, p. 94.
Esprits frappeurs. Âmes des morts qui manifestent leur présence et expriment leurs volontés en frappant un certain nombre de coups. À première vue, les tables tournantes, les esprits frappeurs ne semblent pas fournir un sujet bien intéressant d'étude (France, Vie littér.,t. 3, 1891, p. 144).
2eSection
I.− Principe de la pensée et de l'activité réfléchie de l'homme.
A.− [Dans un sens impersonnel; p. oppos. à la réalité pensée, à l'objet de la connaissance] La substance pensante, la réalité pensante, sujet de la connaissance. Une idée n'existe pas en soi, elle existe en tant qu'elle est pensée dans un esprit (Barrès, Cahiers,t. 13, 1920-22, p. 62).Comprendre c'est unifier, et notre esprit est tel qu'il ne peut connaître sans systématiser (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 52):
21. L'esprit et le corps forment les deux pôles opposés et absolument contraires, l'esprit étant le divin impersonnel qui est en nous, le corps tout ce qui, dans notre être, est perceptible aux sens. Béguin, Âme romant.,1939, p. 92.
Loc. Vue de l'esprit. Conception abstraite et toute théorique ne s'appuyant pas suffisamment sur le réel. C'est là l'origine commune des systèmes ou des doctrines médicales qui donnent toujours une prépondérance aux explications, aux vues de l'esprit, aux dépens de la réalité des faits (Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 57).
[P. oppos. à la matière, objet de la pensée] L'esprit s'approprie la matière, la monte à son niveau, l'annihile par abstraction (Flaub., Tentation,1849, p. 418):
22. ... en séparant l'homme de la nature et l'esprit de la matière, on finit toujours par creuser à l'intérieur de l'homme et de l'esprit eux-mêmes des failles et des abîmes nouveaux. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 241.
[P. oppos. à l'âme] :
23. ... la question se pose de savoir quelle est la relation de l'âme aux idées (l'âme étant conventionnellement définie comme sujet de ce devenir, de cette création de soi qui est l'esprit; l'âme serait en quelque sorte la matière de l'esprit, ce que l'esprit trouve en soi). L'âme apparaît ici comme la base du vouloir, l'esprit comme l'unité transcendante et achevée du vouloir... Marcel, Journal,1914, p. 120.
SYNT. Éveil, développement, évolution, progrès de l'esprit (humain); étude, connaissance de l'esprit; besoin, exigences, facultés, grandeur, dignité de l'esprit; assujettissement, émancipation, liberté de l'esprit; structure, organisation, constitution, complexité de l'esprit humain; fonctionnement, activité, travail, gymnastique, démarche de l'esprit; propriété, aptitude, capacité de l'esprit; domaine, champ, limitation, limites, bornes de l'esprit; produit, production, chef-d'œuvre, monument, création, conquête de l'esprit; les choses de l'esprit; l'esprit procède par déduction, opère par abstraction; pure conception, création, construction de l'esprit; pur jeu de l'esprit; ce n'est qu'une abstraction de l'esprit.
B.−
1. Principe de la vie psychique; ensemble des facultés psychologiques tant affectives qu'intellectuelles. J'ai l'esprit plein de tristesse (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1855, p. 104).Il lui suffisait d'une bonne amitié; elle avait des sens tranquilles et un esprit affectueux (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 183):
24. ... j'étais dans un état de stupeur en quelque sorte mécanique qui, me laissant l'esprit libre de toute émotion, mettait entre ma conscience et moi comme une barrière. Daniel-Rops, Mort,1934, p. 340.
SYNT. a) Liberté, calme, sérénité, tranquillité d'esprit; fraîcheur d'esprit; inquiétude, tourments d'esprit; esprit aimable, agréable, doux, paisible, tolérant, compréhensif; esprit primesautier, enjoué; esprit incertain, timide, timoré, changeant; esprit audacieux, aventurier; esprit désenchanté, aigri, ombrageux, soupçonneux, belliqueux, impatient; esprit souple, facile; esprit tranchant, entier, froid, inquiet; esprit sombre, tourmenté; esprit abattu; esprit porté à s'assombrir, agité de mille craintes; alarmer, attrister, agiter, calmer l'esprit; avoir l'esprit plein de tristesse; avoir l'esprit calme, dispos; avoir l'esprit préoccupé; ne pas avoir l'esprit tranquille; avoir, mettre l'esprit en repos, en fête; laisser l'esprit libre de toute émotion; laisser dans l'esprit une impression triste; se torturer l'esprit; garder l'esprit libre; mettre une crainte dans l'esprit de qqn; remplir l'esprit de qqn d'étonnement, d'effroi; frapper l'esprit de qqn de terreur; jeter le désarroi dans l'esprit de qqn; lire, pénétrer dans l'esprit de qqn; esprit qui s'agite; impression qui traverse l'esprit; soupçon, inquiétude qui s'empare de l'esprit. b) Santé, pathologie, psychologie de l'esprit; désordre, dérangement, égarement de l'esprit; esprit sain et reposé; esprit fatigué et malade; esprit en délire; esprit aliéné; (être) sain de corps et d'esprit; perdre l'esprit; avoir l'esprit dérangé, égaré, troublé; esprit qui bat la campagne; esprit malade qui chavire.
Locutions
Disposition, état d'esprit. Manière d'être, à un certain moment, qui détermine une façon de voir les choses et de se comporter. Une manière vive de sentir n'est pas compatible avec cette disposition d'esprit et de l'ame qu'on appelle gaieté (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1886).La variété « riche amateur » est plutôt un état d'esprit qu'un fait social économique (Larbaud, Journal,1935, p. 350).Laulerque rappela en deux mots par quels états d'esprit il était passé durant des années qui avaient précédé la guerre (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 151).
Tour, tournure, forme d'esprit. Manière d'envisager les choses, d'agir et d'être, caractéristique d'une personne. Il est une satisfaction, une joie de tempérament qui s'allie quelquefois avec une tournure d'esprit inquiet et des idées sombres (Maine de Biran, Journal,1820, p. 289):
25. − Mais enfin, qu'y a-t-il de commun entre vous et un ouvrier? − Les différences sont en effet sensibles, moins fortes toutefois qu'entre le tour d'esprit d'un fonctionnaire, par exemple, et le mien. Barrès, Jard. Bérén.,1891, p. 143.
Présence d'esprit. Promptitude à agir, à parler avec à-propos. Tisselin eut seul la présence d'esprit de fermer la pièce qui précédait le salon et d'en emporter la clef (Péladan, Vice supr.,1884, p. 302).Ah! son trouble, ce manque de présence d'esprit, ce désarroi! Il me fit pitié (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 337).
Vieilli. En esprit, d'esprit. Par la pensée, par l'imagination. Je fus transporté en esprit dans les temps anciens (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 84).Marché-je comme le bourgeois attardé qui d'esprit goûte la soupe déjà et le cercle habituel de visages et se réjouit de son feu? (Claudel, Tête d'Or,1890, 1repart., p. 39).
Vx. État d'âme passager, humeur momentanée, disposition intérieure particulière. Changer d'esprit. Ne te dirai-je pas : Prends un esprit plus doux? Vois : cette paix. Respire. Une parfaite tranquillité est commune, au grand ciel et à la terre (Claudel, Ville,1893, I, p. 309).
Avoir/ne pas avoir l'esprit à ... Être/ne pas être dans de bonnes dispositions pour... Et je vous voyais peindre et le voyais Maman Vous n'aviez pas l'esprit à ce bouquet de fleurs (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 27).
Se mettre dans l'esprit de + inf. Prendre la décision bien arrêtée de + inf. (cf. se mettre en tête de...). Un vieil agoyate se mit dans l'esprit de le rejoindre (About, Grèce,1854, p. 142).Se mettre bien dans l'esprit de qqn. Lui donner une bonne opinion de soi. Être bien dans l'esprit de qqn; rester au mieux dans l'esprit de qqn. Quoiqu'une pareille demande fût contre les principes de la mère, j'étais encore si bien dans son esprit, que j'osai la faire, et qu'elle me fut accordée (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 70).Perdre qqn dans l'esprit de qqn. Faire perdre à quelqu'un la confiance, l'estime de quelqu'un. Madame Aquet employait tous les moyens pour perdre le fils dans l'esprit de son père (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 114).Monter l'esprit de qqn contre qqn. Lui inspirer de l'animosité contre quelqu'un :
26. De ce moment, le procès Dreyfus ne signifie plus rien, sinon qu'on veut monter l'esprit des jurés contre Zola et le faire condamner à toute peine qu'il plaira... Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 20.
[L'esprit considéré d'un point de vue moral] Les cravates vert-pomme d'Arcangeli, son esprit bas, étroit, mesquin, et qui puait par trop, (...) commençaient à fatiguer le duc (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 153):
27. Procure-toi le numéro de la Revue des deux mondes du 1erdécembre. Tu y liras un article de Renan que je trouve incomparable comme élévation d'esprit et hauteur morale. Flaub., Corresp.,1876, p. 372.
SYNT. Grandeur, noblesse d'esprit; force, faiblesse d'esprit; largeur, étroitesse d'esprit; bassesse d'esprit; esprit élevé, noble, généreux; esprit fort; esprit courageux, bien trempé, lâche; esprit large, étroit; esprit frivole; esprit retors, méchant; esprit dégradé, avili; avoir l'esprit large; être d'esprit large.
2. [Par restriction de sens] Intention, point de vue particulier déterminant une attitude, une action ponctuelle. Tel est l'esprit que j'ai porté dans cette discussion : j'ai mieux aimé la traiter sous ce point de vue (Robesp., Discours,Sur la guerre, t. 8, 1792, p. 98).
Dans un esprit de + subst.Avec une idée de..., dans une intention de..., dans un but de... Dans un esprit de + adj.Dans une intention..., d'un point de vue... Il écrivit, dans un esprit satirique, cet opéra où Walpole et ses ministres figurent, déguisés en bandits et en vagabonds (Morand, Londres,1933, p. 95).Tu vois dans quel esprit impersonnel je tâche de t'expliquer ça (Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 212).
C'est dans cet esprit que... C'est sous cet angle, dans cette perspective, de ce point de vue que... :
28. On sentira que ce n'est pas assez qu'une idée soit bonne, mais qu'il faut encore qu'elle soit exprimée avec clarté pour être facilement comprise et avec charme pour être généralement adoptée. C'est dans cet esprit qu'il faut commencer la lecture des ouvrages de belles-lettres. Laclos, Éduc. femmes,1803, p. 475.
3. [L'accent est mis sur une faculté en partic.]
a) Mémoire. Avoir l'esprit en proie à mille souvenirs; éveiller, réveiller des souvenirs dans l'esprit; laisser une trace dans l'esprit; souvenirs, pensées qui reviennent à l'esprit. La figure hagarde des Verlaine, des Villiers, et autres épaves est toujours restée gravée pour moi dans mon esprit en traits ineffaçables (Claudel, Corresp.[avec Gide], 1910, p. 118).
b) Attention, application mentale. Avoir l'esprit distrait, absent; ne plus avoir l'esprit présent; ne pas avoir l'esprit à ce que l'on fait. Il travailla un peu, mais il avait l'esprit ailleurs (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 201).
Vieilli ,,Fig., fam. Il a l'esprit aux talons, se dit d'un homme qui, par étourderie ou par préoccupation, ne pense point à ce qu'il dit`` (Ac.).
[Formules utilisées pour s'excuser d'un manque d'attention] Où ai-je l'esprit? Où avais-je l'esprit? [Pour s'excuser d'une conduite inconsidérée] J'ai eu tort de m'emporter tout à l'heure, je ne sais où j'avais l'esprit, j'ai été beaucoup trop loin, j'ai dit des extravagances (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 951).
c) Imagination. Esprit porté au rêve, rempli de rêveries; avoir l'esprit occupé de rêveries, perdu dans des rêveries, des visions. Mon esprit voyageait partout, dans les forêts pleines de fougères de l'île délicieuse, dans les sables du sombre Sénégal (Loti, Rom. enf.,1890, p. 307).
C.− [Par restriction des sens A et B : p. oppos. aux manifestations de la sensibilité] Principe de l'activité intellectuelle. Les soins du maître tendaient à développer l'esprit de l'enfant (Verne, 500 millions,1879, p. 172).Concevoir bien est la suprême fonction de l'esprit (Bloch, Dest. du S.,1931, p. 20):
29. Quand l'intelligence n'a plus de poids intérieur, la réflexion au lieu d'en concentrer le regard, l'épuise. Elle dissipe toute assurance de l'esprit, le prive de son assiette. Mounier, Traité caract.,1946, p. 669.
SYNT. 1. a) Éducation, culture de l'esprit; étendue, ouverture, qualités de l'esprit; travail, activité, concentration de l'esprit; vivacité, clarté, finesse de l'esprit; joie, délices de l'esprit; lenteur, lourdeur, épaisseur, défaillance de l'esprit. b) Précocité, maturité d'esprit; discipline, solidité, puissance, sagacité, profondeur d'esprit; hauteur, supériorité d'esprit; travers, fausseté d'esprit. 2. a) Esprit bien/mal fait, actif, infatigable, lent, lourd, sclérosé; esprit solide, puissant; esprit vif, prompt; esprit ouvert, universel, curieux, éclectique, borné, obtus; esprit réfléchi, profond, mûr, pondéré, logique, cartésien, clair, lucide, subtil, pénétrant; esprit superficiel, creux, raisonneur, compliqué, tortueux, confus, brouillon, fumeux; esprit médiocre, vulgaire, original; esprit orné, cultivé, brillant, fin, raffiné; esprit inculte, illettré. b) Esprit accoutumé à réfléchir, porté aux considérations générales; esprit plein de pensées toutes faites. 3. a) Former, développer, entretenir, nourrir, orner l'esprit; se reposer, s'occuper, se fatiguer l'esprit; mettre de l'ordre dans son esprit; laisser parler son esprit; s'élever, être grand par l'esprit; être jeune d'esprit; avoir qqc. présent à l'esprit; fixer son esprit sur un sujet; arrêter son esprit à/ sur qqc.; agiter une question dans son esprit, rouler dans son esprit mille projets; ouvrir son esprit à une pensée, faire pénétrer qqc. dans son esprit; chercher qqc. dans son esprit, trouver des idées dans son esprit; écarter, repousser, chasser, effacer, ôter une idée de son esprit; détourner son esprit d'une question; garder, graver qqc. dans son esprit; épuiser son esprit à réfléchir continuellement, faire le vide dans son esprit. b) Éveiller, former, façonner l'esprit de qqn; mettre qqc. dans l'esprit de qqn, faire naître une idée dans l'esprit de qqn; ôter une idée de l'esprit de qqn. c) Esprit qui pense, se concentre, se disperse, se développe, mûrit; esprit qui s'échauffe, conserve sa vigueur, retrouve toute sa lucidité; esprit qui nourrit de vastes pensées, se remplit d'idées vagues; esprit qui excelle dans qqc. d) Idée qui se présente, (re)vient à l'esprit; idée qui s'insinue, entre, se forme, grandit, jaillit dans l'esprit; idée qui effleure l'esprit; idée qui s'impose à, s'empare de l'esprit; idée qui envahit l'esprit; idée qui se fixe, se grave dans l'esprit; idée qui traverse l'esprit, sort de l'esprit; idée qui dérange, accable, agite l'esprit; fatigue qui paralyse l'esprit.
[P. oppos. au cœur ou à l'âme en tant que principes de la sensibilité, de l'affectivité] J'éprouve que mon imagination a tout à fait vieilli en ce qu'il n'y a plus aucune sympathie entre les idées de l'esprit et les sentiments de l'âme (Maine de Biran, Journal,1818, p. 109):
30. On répétera qu'il est infiniment bon. Je le sais bien, mais je voudrais qu'il fût permis de dire qu'il a aussi l'intelligence de sa bonté, entendant par là qu'il n'a pas moins d'esprit que de cœur, ou, si l'on veut, que le cœur, chez lui, élève l'esprit, comme aussi bien l'esprit élève le cœur. Bremond, Hist. sent. relig.,t. 3, 1921, p. 241.
P. méton. La personne même, du point de vue intellectuel. Un esprit orné, éclairé, distingué, éminent, brillant, rare, supérieur, inférieur :
31. C'était [le général Ruffey] un esprit brillant très imaginatif, dont les qualités de technicien auraient à s'employer utilement dans les opérations que son armée serait amenée probablement à exécuter dans la région de Metz... Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 205.
Locutions
a) Grand esprit. Esprit supérieur, élevé et de large envergure. P. méton. Personne douée d'un tel esprit :
32. À George Sand. Vous venez de m'écrire, dans l'Avenir national, une admirable lettre. Cette page me paye mon livre. Vous êtes un des plus grands esprits de la France et du monde... Hugo, Corresp.,1865, p. 506.
Proverbe. Les grands (ou les beaux) esprits se rencontrent.
Petit esprit. Esprit médiocre, mesquin. Madame Trevor était extrêmement coquette et avait le petit esprit fin et maniéré que la coquetterie donne aux femmes qui n'en ont pas d'autre (Constant,Cahier rouge, 1830, p. 19).Ce gros homme de petit esprit [Louis XVIII] (Balzac,Langeais,1834,p. 323)P. méton. Personne douée d'un tel esprit :
33. Depuis qu'on veut tout savoir, tout connaître, depuis que chaque petit esprit tend à tout rabaisser à son niveau, à tout comprendre dans sa petite capacité, la sphère des croyances ou du monde invisible s'est rétrécie de plus en plus. Maine de Biran, Journal,1820, p. 280.
Simple d'esprit. Personne dont les facultés intellectuelles ne se sont pas développées normalement et qui souffre d'arriération ou de débilité mentale. Ce Sieurin, qui a subi trente-sept condamnations pour vagabondage, est incapable de tuer une mouche. Il n'a jamais commis de vol. C'est un simple d'esprit, un être inoffensif (France, Orme,1897, p. 210).Faible* d'esprit.
b) Esprit droit. Esprit au raisonnement rigoureux, au jugement sain. Cette enfant est absurde, on aura bien de la peine à lui rendre l'esprit droit! (Duranty, Malh. H. Gérard,1860, p. 123).P. méton. Il admirait qu'aucune difficulté ne résiste à un esprit droit et qui raisonne juste (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 250).
P. oppos. Esprit faux. C'est un esprit faux et malveillant (Proust, Filles en fleurs,1918, p. 573).
c) Bon esprit
Vieilli. Capacité de l'esprit de porter des jugements sains, de bon sens :
34. Ce dont on a le plus horreur en France, c'est d'être dupe. On aime mieux passer pour leste et dégagé que pour un honnête nigaud, et, du moment que l'on associe à la morale quelque idée de pesanteur d'esprit, c'est assez pour qu'on la tienne en suspicion. De là l'extrême rabais où est tombé le titre de bon esprit. Ce titre, qui devrait être le plus beau des éloges est devenu presque synonyme d'esprit faible, et est accordé avec une étrange libéralité; on accorde, en effet, volontiers aux autres les qualités auxquelles on ne tient pas pour soi-même, et on pense qu'en accordant aux autres le bon esprit, on fera entendre qu'on est soi-même un grand ou brillant esprit. Renan, Avenir sc.,1890, p. 444.
De nos jours. Avoir le bon esprit de + inf. Avoir la perspicacité, l'intelligence de + inf. Il [Pascal] eut à son lit de mort un curé très prudent (de Saint-Sulpice?) qui eut le bon esprit d'oublier de lui parler de signature (Barrès, Cahiers,t. 7, 1908, p. 36).
d) Bel esprit. [Souvent ironiquement] Finesse et distinction de l'intelligence jointe à la culture des belles-lettres. L'esprit même devenu plus général, tout le monde y prétend bientôt; de là le bon esprit devient rare et la pointe, le faux bel esprit et la prétention prennent sa place (Benda, Fr. byz.,1945, p. 225).
P. méton. Un bel esprit lui [le curé de Costerel-sur-Meuse] donna même un nom : il l'appela le « confesseur de bonnes ». Le mot fit fortune; il courut les salons bien pensants (Bernanos, Imposture,1927, p. 339).
Emploi adj. Il avait vu récemment une jeune femme de Neuchâtel, savante et bel esprit, et qui avait « la manie de s'afficher » (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 145).
Péj. Faire le bel esprit. Chercher, avec affectation, à paraître brillant, spirituel. J'ai eu tort, j'en conviens et je fais le bel esprit mal à propos (Gobineau, Pléiades,1874, p. 5).
e) Esprit fort. Personne qui croit faire preuve de force d'esprit en se situant au-dessus des croyances religieuses :
35. Par ailleurs, on avait beau s'afficher matérialiste, libertin ou esprit fort, le monde, autour de vous, était tellement croyant, on baignait dans une si générale promesse de justice distributive au-delà, que tout conspirait à vous assurer un usage sans trouble des biens de la terre. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 105.
Emploi adj. Hippolyte étant déjà assez esprit fort, et moi ayant été habituée par ma mère et ma grand'mère (...) à regarder l'existence du diable comme une imposture (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 375).
P. ext. Personne qui se place au-dessus des idées communément reçues. Faire l'esprit fort :
36. ... il est bien trop fin pour ne pas comprendre qu'avec certains il en serait pour ses frais, aussi proportionne-t-il ses effets au crédit dont il sent qu'il dispose. Avec Marchant, il ne se risque guère, mais fait l'esprit fort et plaisante; il réserve le pathétique pour l'abbé qui le trouve « édifiant », pour papa qui le trouve « antique »... Gide, École femmes,1929, p. 1292.
f) Avoir l'esprit de + inf.Avoir l'intelligence de (+ inf.), être assez intelligent pour (+ inf.). Mais, mon pauvre Téran, reprit Madame d'Hocquincourt (...) on ne menace pas de s'enivrer, on s'enivre. Il faut avoir l'esprit de voir cette différence (Stendhal, L. Leuwen,t. 2, 1835, p. 111).
D.− [Par restriction du sens C]
1. [Avec un compl. de nom sans article ou avec un adj.] Esprit de + subst. ou esprit + adj.Disposition intellectuelle dominante déterminant l'orientation de l'intelligence lorsqu'elle s'applique à un objet. L'esprit d'abstraction (Barrès avait admirablement attrapé l'apparence de cet esprit; il a volé l'outil, a dit un philosophe) (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 85).L'esprit mystique qui déifie chaque chose a du bon, et même, en un certain sens, du vrai (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 224):
37. Qui nous a appris à connaître les analogies véritables, profondes, celles que les yeux ne voient pas et que la raison devine? C'est l'esprit mathématique, qui dédaigne la matière pour ne s'attacher qu'à la forme pure. C'est lui qui nous a enseigné à nommer du même nom des êtres qui ne diffèrent que par la matière... H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 142.
SYNT. Esprit d'examen, de doute, de méthode, de comparaison, d'analogie, de classification, de généralisation, de synthèse; esprit critique, analytique, synthétique.
Spéc. Esprit de géométrie. Aptitude au raisonnement logique, déductif. Esprit de finesse. Intuition synthétique, inspiration. Un art aussi catégorique que subtil, où l'esprit de finesse et l'esprit géométrique se confondent (Faure, Espr. formes,1927, p. 230):
38. ... j'ai expliqué à mes élèves le début de la section I des Pensées sur la différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. Je me suis efforcé de leur faire sentir la prodigieuse probité de la pensée de Pascal en général... Du Bos, Journal,1922, p. 105.
2. Absolument
a) Vieilli. Valeur intellectuelle. Oxford n'est qu'un collège, la cité de l'esprit, d'un doux repos avant les agitations de la vie, ses combats, ses orages (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 57).Ernst n'était point sot. Sans culture, il n'était pas sans esprit (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 350).
Homme, femme d'esprit. Personne douée de qualités d'esprit et de cœur particulières, cultivée, au goût excellent. Je vois des hommes d'esprit qui ne croient qu'en eux-mêmes; ils sont bouffis d'orgueil (Maine de Biran, Journal,1820, p. 276).À moins d'une grande passion, prise peu à peu et dans la première jeunesse, une femme d'esprit n'aime pas longtemps un homme commun (Stendhal, Amour,1822, p. 108).
Ouvrage d'esprit. Ouvrage littéraire. Œuvres de l'esprit; travaux d'esprit. Au fond, il y a de la métaphysique dans tous les ouvrages d'esprit, depuis les méditations de Descartes jusqu'aux poésies de Dorat (Bonald, Essai analyt.,1800, p. 19).
b) Spéc. [De nos jours] Forme d'intelligence aiguë, vive et mordante, qui excelle dans l'art d'opérer des rapprochements inattendus et drôles, dans l'art d'exposer des idées, de converser avec une verve piquante pleine d'ingénieuses saillies. On ne doit mettre dans un livre que la dose d'esprit qu'il faut; mais on peut en avoir, dans la conversation, plus qu'il ne faut (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 240).Prêter de l'esprit aux sots est le plus sûr moyen de les flatter (Sandeau, Sacs,1851, p. 33):
39. On peut pourtant faire des calembourgs avec de l'esprit, ou quoiqu'on ait de l'esprit : M. de Bièvre l'a prouvé; mais qu'en conclure, lorsque tant de sots y réussissent? Que le calembourg prouve quelque esprit dans une bête? Ne prouverait-il pas plutôt qu'il y a toujours un petit coin de bêtise dans un homme d'esprit? Jouy, Hermite,t. 5, 1814, p. 233.
SYNT. Homme (plein) d'esprit; réponse, répartie (pleine) d'esprit; tour plein d'esprit, jeu d'esprit, plaisanteries sans esprit; esprit scintillant, vif, mordant; esprit comique, gaulois; esprit de saillie; esprit d'emprunt, de boulevard; avoir de l'esprit, beaucoup d'esprit; être plein d'esprit, faire assaut d'esprit, pétiller d'esprit, (ne pas) manquer d'esprit, déployer son esprit le plus scintillant, montrer de l'esprit à peu de frais, conversation qui ne brille pas par l'esprit.
Trait, mot d'esprit. Pensée fine et ingénieuse, pointe, saillie. Et des mots d'esprit qui sont des mots des Goncourt au forceps (Goncourt, Journal,1889, p. 913).Un trait d'esprit annonce toujours la mort d'une idée (Alain, Propos,1923, p. 462).
Bureau d'esprit (vieilli). Salon dans lequel évoluent des personnes pleines d'esprit. Tenir bureau d'esprit. P. iron. Hier j'allai passer un quart-d'heure au grand club où tant de sots tiennent bureau d'esprit (Marat, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p. 279).
Faux esprit. Pensée à la fois fausse et recherchée (cf. Littré).
Avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts, des ongles. Avoir beaucoup d'esprit en toutes circonstances, jusque dans les moindres choses. Avoir de l'esprit à revendre. Un homme qui, comme un frère, avait du cœur et de l'esprit à revendre, un jour sur trois, sur quatre, ou sur cinq, selon « le vent », disaient-ils (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 64).Je préfère mille fois la petite étude de M. Vibert que nous avons vue à l'exposition des aquarellistes. Ce n'est rien si vous voulez, cela tiendrait dans le creux de la main, mais il y a de l'esprit jusqu'au bout des ongles (Proust, Guermantes,1921, p. 501).
Faire de l'esprit (péj.). Vouloir absolument se montrer spirituel, chercher avec affectation à faire preuve d'esprit :
40. madeleine. − Tu as bien changé depuis! richard. − Non!... C'est l'honneur qui a changé de côté!... Faut croire que ça se déplace... madeleine. − Ne fais pas d'esprit. richard. − Je n'en ai jamais moins fait... H. Bataille, Maman Colibri,1904, IV, 6, p. 30.
Proverbe. L'esprit court les rues. L'esprit est chose commune, chacun se pique d'en avoir. À l'heure qu'il est, je suis écœuré par la population qui se rue sous mes fenêtres à la suite du bœuf gras! Et on dit que l'esprit court les rues! (Flaub., Corresp.,1868, p. 356).
[Allus. littér.]
[Montesquieu, Variétés] Quand on court après l'esprit, on attrape la sottise :
41. Ainsi, quand l'Europe est en feu, quand Paris est en rumeur, quand la propriété chancelle, quand le droit divin trébuche, quand on perd l'esprit en courant après le bon sens, quand il n'y a plus rien de stable, plus rien de certain au monde, quand tout est remis en question, les lois, les mœurs, les richesses et les gloires, tout un quartier s'obstine à parfiler! Musset dsLe Temps,1831, p. 55.
[Delavigne, Enf. d'Édouard, I, 2] Quand ils ont tant d'esprit les enfants vivent peu. ,,Se dit d'un enfant qui a beaucoup d'esprit, et, plus souvent ironiquement, d'un enfant qui n'a guère de dispositions. Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas`` (Littré).
[La Fontaine, Conte] Comment l'esprit vient aux filles. ,,(...) l'amour fait venir l'esprit aux filles`` (Littré) :
42. Indépendamment des affections, ou des idées qui se rapportent aux fonctions particulières de ces organes, l'époque qui nous occupe produit souvent une révolution complète dans les habitudes de l'intelligence. Ce n'est pas sans fondement, qu'on a dit que l'esprit venait alors aux filles; et les plaisanteries relatives au moyen par lequel ce prétendu miracle s'opère, porte sur un fond réel et physique. Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 311.
P. anal. :
43. ... 89 montra comment l'esprit vient aux villes. Mais, au bon vieux temps, la capitale avait peu de tête; elle ne savait faire ses affaires ni moralement ni matériellement, et pas mieux balayer les ordures que les abus. Tout était obstacle, tout faisait question. Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 514.
II.− Principe de pensée et d'action.
A.− [Avec un compl. de nom sans article ou avec un adj.] Esprit de + subst. ou esprit + adj.Disposition psychique dominante d'une personne ou d'un groupe, déterminant le choix d'une attitude et l'orientation de l'action. Esprit d'indépendance, de soumission; esprit conciliateur, chicanier. Il réclama le travail comme d'autres enfants réclament des jouets, non par esprit de devoir, mais par instinct, par besoin de nature (Zola, Th. Raquin,1867, p. 11).Mais elle passa outre, comme elle faisait parfois, poussée par un goût du risque et un esprit de décision qu'elle confondait avec le courage (Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 596):
44. Nos messieurs sont à Oron. J'en ai profité pour prier ma sœur de m'accorder un bout de causerie après souper. Mais bah! l'esprit de contradiction fait dans ces cas-là désirer exactement le contraire de ce qui est demandé. Amiel, Journal,1866, p. 243.
P. méton. C'était sans nul doute l'esprit le plus positif du groupe. Il disposait, dans les milieux de la finance, de la politique, du barreau et du livre, de relations sur lesquelles il ne comptait jamais en vain (Arland, Ordre,1929, p. 158).
Locutions
Esprit d'à-propos. Synon. de présence d'esprit (cf. supra).J'avais été séduit par sa haute et brillante intelligence; sur la carte, il avait été merveilleux de clarté, de lucidité, de jugement et d'esprit d'à-propos (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 370).Esprit de suite. Continuité, suite dans une idée, une attitude, une action. En politique extérieure, une vraie démocratie, bien républicaine, demeure dépourvue de la continuité et de l'esprit de suite qui permet aux aristocrates et aux monarchies de se marquer un but politique (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 12).Esprit de clocher. Attachement borné, excessif à son village, à sa ville. L'esprit de clocher, mon ami, n'est pas autre chose que le patriotisme naturel. J'aime ma maison, ma ville et ma province par extension, parce que j'y trouve encore les habitudes de mon village (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Rosier MmeHusson, 1887, p. 684).Sans esprit de retour. Sans avoir l'intention de revenir. Les deux tiers de ses enfants l'ayant abandonnée sans esprit de retour, la malheureuse ville est comme un corps qui a perdu son sang (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 165).Esprit de sacrifice. Disposition intérieure à l'abnégation qui porte à se dévouer, à se sacrifier pour autrui. Mais ce départ que je voulais à tout instant effectuer, M. et Mmede Guermantes poussaient l'esprit de sacrifice jusqu'à le reculer en me retenant (Proust, Guermantes,1921, p. 543).
Avoir bon esprit. Être naturellement enclin à apprécier, juger les intentions ou les actes d'autrui avec bienveillance; accepter de bonne grâce une autorité, une discipline. La proclamation (...) produisit une impression excellente. Elle se terminait par un appel au bon esprit des citoyens (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 244).Le commandant d'armes, le préposé au maintien du bon ordre, du bon esprit et de la bonne tenue des troupes (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epartie, p. 206).Avoir mauvais esprit. Être enclin à apprécier, juger les intentions ou les actes d'autrui avec malveillance (fam.avoir l'esprit mal tourné). Se rebeller plus ou moins sourdement contre une autorité, une discipline. Faire du mauvais esprit. Il me met surtout en garde contre le mauvais esprit de la population qui, gavée depuis la guerre, dit-il, a besoin de cuire dans son jus (Bernanos,Journal curé camp.,1936,p. 1063) :
45. Elle regardait les autres garçons, aussi, quelquefois. Quand, à la lecture du communiqué, elle en voyait « faire du mauvais esprit », elle se disait (...) que leur moralité devait être sur tous les points également basse... Montherl.,Songe,1922,p. 72.
[P. allus. à la formule utilisée par le ministre Spuller en 1894 pour définir la politique du gouvernement à l'égard de l'Église] L'esprit nouveau :
46. − Il y a une question de droit. Je l'eusse tranchée en faveur des congrégations. Il y a aussi une question de fait. Les congrégations faisaient beaucoup de bien. Le préfet concluait dans la fumée de son cigare : − Il n'y a pas à revenir sur ce qui a été fait. Mais l'esprit nouveau est un esprit de conciliation. France, Orme,1897, p. 36.
B.− Ensemble des dispositions psychiques dominantes qui déterminent et caractérisent les sentiments et les actions d'une personne ou d'un groupe social. Tu seras donc toujours le même fou que j'ai connu, (...) il y a en toi l'esprit de ton père : c'était un vieux braque (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 5).Vieil esprit français de clarté et de bon sens (Barrès, Cahiers,t. 13, 1920-22, p. 168):
47. Sa confiance était absolue dans un outil militaire supérieur à tout ce qui avait été vu jusqu'alors par le nombre des unités mobilisées, le degré de leur instruction, (...) l'esprit qui les animait, le savoir qui les guidait. Foch, Mém.,t. 1, 1929, p. 10.
SYNT. Esprit du groupe, de la société, d'une nation; esprit de Port-Royal; esprit de la république, de l'Église, de l'armée; esprit civique; esprit moderne.
Vieilli. Esprit du monde. ,,Humeur égale, manières affables, habitudes de souplesse et de ménagement`` (Ac.). Esprit national, social, général, public. Synon. mod. opinion publique :
48. Les historiens qui traitent du moyen âge ne parlent guère de cette opinion qui se forme dans une nation sur les objets qui l'intéressent et qu'on appelle l'esprit public. Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 213.
Bureau d'esprit public. ,,(...) salon, réunion dont les habitués paraissent avoir la prétention de diriger l'opinion en fait de politique`` (Littré). Bureau de l'esprit public. ,,(...) s'est dit d'une division du ministère de l'intérieur ou de la police où l'on s'occupe de faire ou de diriger l'esprit public par des pièces de théâtre, des fêtes, par la presse, etc.`` (Littré). Cf. supra I D 2 b.
Esprit du temps/de son temps, de l'époque, du siècle. Ensemble des tendances générales caractéristiques du temps, de l'époque, du siècle. Je demande, une fois de plus, l'indépendance pour être en état de faire mon œuvre qui est de combattre l'esprit du siècle (Bloy, Journal,1902, p. 126).« Ne pas être poire ». Le mot courait autour de lui et symbolisait l'esprit de l'époque (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 467).
Esprit de famille, d'équipe. [Souvent péj.] Esprit de parti, de corps (cf. ce mot III B 2), de clan, de secte :
49. ... l'esprit de parti présente les opinions par ce qu'elles ont de saillant pour les faire comprendre au vulgaire; et l'esprit de secte, (...) tend toujours vers ce qu'il y a de plus abstrait (...) L'esprit de parti excite dans les hommes de certaines passions communes qui les réunissent en masse. (...) L'esprit de secte n'aspire qu'à convaincre; l'esprit de parti veut rallier. L'esprit de secte se dispute sur les idées; l'esprit de parti veut du pouvoir sur les hommes. Il y a de la discipline dans l'esprit de parti, et de l'anarchie dans l'esprit de secte. Staël, Allemagne,t. 5, 1810, pp. 139-140.
Avoir l'esprit de..., prendre l'esprit de...; entrer, cadrer (bien) dans l'esprit de... Banville se bouchant l'œil chez Buloz pour tâcher de prendre l'esprit de la maison (Renard, Journal,1893, p. 147):
50. ... les vieux officiers passaient leurs soirées chez moi et préféraient mon appartement au café. Je ne sais d'où cela venait, n'était peut-être de ma facilité à entrer dans l'esprit et à prendre les mœurs des autres. Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 67.
Avoir l'esprit de son âge, avoir l'esprit de son état. Avoir la connaissance, la conscience des idées, des sentiments, des façons d'être et d'agir qui sont ordinairement considérés comme convenant à son âge ou à sa situation, et s'y conformer. Qui n'a pas l'esprit de son âge, de son âge a tout le malheur, dit Voltaire; et non-seulement il faut avoir l'esprit de son âge, mais aussi l'esprit de sa fortune et de sa santé (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 229):
51. Cet homme n'a jamais eu l'esprit de son état; dans le gouvernement il ne fut pas magistrat, et dans l'ermitage il ne fut pas ermite... Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 51.
− Dans le domaine du théâtre.Esprit d'un personnage, esprit d'un rôle; entrer dans l'esprit d'un rôle. Pour mieux faire comprendre à Fanny l'esprit du personnage dont elle devait jouer le rôle (Murger, Scènes vie jeun.,1851, p. 92).Du moment où l'esprit du rôle lui échappait, il vaudrait mieux pour tout le monde qu'il ne le jouât pas (Zola, Nana,1880, p. 1340).
P. méton., au plur. [Pour désigner un ensemble de personnes considérées par rapport à leurs dispositions, leurs idées, leurs sentiments, leurs réactions communes] Les esprits. Échauffer, remuer, égarer les esprits. Calmer les esprits. Il se fit une grande révolution dans les esprits. Éclairer les esprits (Ac.). Les esprits s'échauffaient chaque jour davantage parmi le peuple et la bourgeoisie de Paris (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 3, 1821-24, p. 120).Cet argument inattendu frappa les esprits (Romains, Copains,1913, p. 43).
C.− P. anal. Pensée dominante, idée centrale, principe qui anime une œuvre et lui donne son sens profond; inspiration dominante et caractéristique d'un auteur, essence de sa pensée. C'est l'esprit de Locke qui anime et dirige toute l'école sensualiste de ce siècle (Cousin, Hist. philos.,t. 1, 1829, p. 66).Jésuites et ultras travaillaient efficacement à détruire l'esprit de la charte, à falsifier la loi (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 245).Il reste à pénétrer l'esprit même de l'œuvre, c'est-à-dire sa qualité (Faure, Espr. formes,1927, p. 210):
52. La pensée d'autrefois circulait à travers les consciences d'aujourd'hui. L'esprit de Pascal était vivant, non seulement chez l'élite raisonneuse et religieuse, mais chez d'obscurs bourgeois, ou chez les syndicalistes révolutionnaires. Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 962.
SYNT. Esprit d'une institution, d'un traité, d'une loi; esprit d'un livre, d'un texte; esprit d'un cours, d'une doctrine; saisir l'esprit de...; entrer, pénétrer dans l'esprit de...; fausser, détruire l'esprit de...
[Le compl. de nom désigne une publication] Tendance dominante, orientation générale, intention principale. Pourquoi donc t'amuses-tu à changer l'esprit de mes articles? dit Lucien, qui n'avait fait ce brillant article que pour donner plus de force à ses griefs (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 432).
[P. allus. à la 3eépître de Saint Paul aux Corinthiens, III, 6] La lettre tue, mais l'esprit vivifie. C'est au sens profond d'un texte qu'il y a lieu de s'attacher, et non à son sens littéral, apparent, à sa forme. C'était un homme de sens et d'esprit, un prêtre facile et qui accommodait tout au précepte : « la lettre tue et l'esprit vivifie » (Goncourt, R. Mauperin,1864, p. 68).Je cherchai (...) s'il était possible, en dégageant l'esprit de la lettre du décret du 2 décembre 1915, de donner à mes attributions toute l'ampleur et toute l'autorité qui me paraissaient indispensables (Joffre, Mém.,t. 2, 1931, p. 431).
Spéc., vx. Recueil de textes et de pensées extraits de l'œuvre d'un auteur pour faire connaître et comprendre l'essence de sa pensée. L'Esprit de Montaigne, de J.-J. Rousseau (Ac.).
Prononc. et Orth. : [εspʀi]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. [Fin du xes. spiritus « principe de vie, âme » (Passion de Clermont, éd. D'Arco Silvio Avalle, 320 [Mt. 27, 50])]; début xiies. espirit (Psautier d'Oxford, 30 [31], 6, éd. F. Michel); 2. a) début xiies. « vent, souffle, air » (ibid., 148, 8); b) début xiies. « souffle créateur envoyé par Dieu » (ibid., 103, 31 [104, 30]); 3. début xiies. « inspiration divine » (ibid., 50 [51], 13); 4. 1655 gramm. gr. (Cl. Lancelot, Nouv. méthode pour apprendre facilement la lang. gr., Paris, p. 21). B. Être immatériel 1. a) [fin xes. spéc. Saint-Esprit (Passion de Clermont, 515 : Sanz Spiritum)]; 1119 (Ph. de Thaon Comput, éd. E. Mall, 516 : Sainz Espirs); b) ca 1170 en parlant de Dieu, des anges, des démons, des bienheureux (Rois, éd. E. R. Curtius, p. 31 [1 Sam. 16, 14] : li mals esperiz); 2. [fin du xes. spiritus « fantôme, revenant » (Passion de Clermont, 440 [Lc 24, 37])]; ca 1458 (A. Gréban, Mystère de la Passion, 31377 ds IGLF); 3. ca 1155 « être imaginaire (génie, elfe, etc.) » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 7440 : une manere d'esperit). C. 1. Début xiies. « principe de la vie psychique, conscience » (Psautier d'Oxford, 50, 18 [51, 19]); 2. ca 1155 « principe de la vie intellectuelle, entendement, intelligence » (Wace, Brut, 8311 : sis esperiz repaira); 3. 1478-80 p. méton., d'une pers. (G. Coquillart, Enquête, 813 ds Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 103 : hanta tous legiers esperiz); 4. 1511 « humeur, caractère » (P. Gringore, Jeu du Prince des Sotz, Sottie, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 213 : Je suis ... Liger d'esperit, fort variable). D. Émanation 1. 1370 « corps légers et subtils qui étaient considérés comme les véhicules de la vie et du sentiment » (N. Oresme, Ethiques, I, 20, éd. A. D. Menut, p. 142 : esperilz [sic]); 2. 1575 anc. chim. « produit d'une distillation » (A. Paré, Œuvres, 1. 26, chap. 8 ds Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t. 3, p. 623 : l'eau de vie, appelée l'ame ou l'esprit de vin). E. 1. 1547 « vivacité de l'esprit, finesse » (N. Du Fail, Propos rustiques, t. 1, p. 132 ds IGLF; une femme qui a quelque peu d'esprit); 2. 1690 « aptitude particulière, don, sens » (Fur. : l'esprit du jeu, des affaires). F. 1. 1547 « sens profond d'un texte » (Marg. de Navarre, Com. du Désert, 160 ds IGLF : L'esprit caché dedens la lettre morte); 2. 1585 « principe d'action, intention » (N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, t. 2, p. 45, ibid : esprit de contradiction); 3. 1656 « ensemble d'idées, de sentiments de valeurs propres à un groupe humain » (Pascal, Provinciales, 9 ds Œuvres, éd. L. Lafuma, p. 409 : l'esprit de la Société [Jésuites]); 4. 1684 « choix de textes d'un auteur » (L'Esprit de M. Arnaud, Deventer ds FEW t. 12, p. 196b, note 9 s.v. spiritus). Empr. au lat. class. spiritus « souffle, air; vie; aspiration (gramm.); émanation, odeur; inspiration divine; souffle créateur, inspiration poétique; sentiment; âme, esprit; personne », lat. chrét. « esprit, mentalité; intention; principe de vie morale, spirituelle; intelligence; être immatériel : Saint-Esprit, esprit, ange, démon, bienheureux, fantôme; p. méton. : personne animée d'un bon ou d'un mauvais esprit ». Mot introduit en fr. principalement par l'intermédiaire de textes relig. chrétiens. Fréq. abs. littér. : 47 687. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 80 600, b) 61 658; xxes. : a) 58 551, b) 65 780. Bbg. Brooks (H.F.). Taste, perfection and delight in Guez de Balzac's criticism. Studies in philology. 1971, t. 68, pp. 70-87. − Bruneau (Ch.). Esprit : essai d'un classement hist. des sens. In : [Mél. Roques (M.)]. Paris, 1946, pp. 168-180. − Cabeen (D.C.). The Esprit of the Esprit des lois. P.M.L.A. 1939, t. 54, pp. 439-453. − Essai de sém. : esprit. R. de Philol. fr. et de Litt. 1914, t. 28, pp. 98-146. − Gohin 1903, p. 335, 362. − Hempel (W.). Zur Geschichte von spiritus, mens und ingenium in den romanischen Sprachen. Rom. Jahrb. 1965, t. 16, pp. 21-33. − Matoré (G.). Proust linguiste. In : [Mél. Wartburg (W. von)] Tübingen, 1968, t. 1, p. 284. − Mercier (R.). L'Esprit et le cœur. In : [Mél. Pintard (R.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, pp. 339-351. − Tinsley (L.). The French expressions for spirituality and devotion. Washington, 1953, pp. 15-21, 153-158. − Wandruszka (M.). Der Geist der frz. Sprache. Hamburg, 1958, pp. 97-111. − Wechssler (E.). Esprit und Geist. Bielefeld, 1927, 604 p.

Wiktionnaire

Nom commun - français

esprit \ɛs.pʁi\ masculin

  1. Substance incorporelle et immatérielle.
  2. (Mythologie) Âme désincarnée douée de pensée et de vie.
    • Château abandonné, château hanté, château visionné. Les vives et ardentes imaginations l’ont bientôt peuplé de fantômes, les revenants y apparaissent, les esprits y reviennent aux heures de la nuit. — (Jules Verne, Le Château des Carpathes, J. Hetzel et Compagnie, 1892, pages 17-27)
    • Debout devant la porte du salon, la codia, secouant d’un geste large un encensoir, accueille les visiteuses et récite les formules qui doivent appeler les esprits. — (Out-el-Kouloub, « Nazira », dans Trois contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
    • Dans la nuit, la jeune targuia avait eu un sommeil agité. Surexcitée, les yeux brillants, elle avait fait alors comprendre à Lylianne qu'elle venait de parler aux esprits des anciens ; […]. — (Florence Ferrari, Le passeur d'âmes, Éditions Le Manuscrit, 2004, page 141)
  3. (Philosophie) Principe de la pensée et de la réflexion.
    • Pour élucider cette idée, je me propose d’embrasser l’Univers dans un seul coup d’œil, de telle sorte que l’esprit puisse en recevoir et en percevoir une impression condensée, comme d’un simple individu. — (Edgar Allan Poe, Eureka, 1848, traduction de Charles Baudelaire)
    • Lorsque l’on ne peut faire autrement que d’affronter le mauvais temps, les forces humaines se décuplent et l’esprit devient plus clairvoyant. — (Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, Paris-New-York, 1930)
    • Une étrange contagion, en ces contrées, s’était emparée des esprits. Pas d’enfants ! Aujourd’hui, tous les biens, ici, tombent en déshérence ! — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Le Parlement et les jurats de la ville avaient beau faire, les esprits étaient tellement surexcités qu’on était en droit de redouter le pire. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
  4. Aptitude intellectuelle particulière.
    • Les Liméniennes ont toutes de belles couleurs […] des yeux noirs d’une expression indéfinissable d’esprit, de fierté et de langueur […] — (Flora Tristan, Les Femmes de Lima, dans Revue de Paris, tome 32, 1836)
    • Le cabo­tinage était poussé par Murat jusqu’au grotesque, et les historiens n’ont pas assez remarqué quelle responsabilité incombe à Napoléon dans cette dégénérescence du véritable esprit guerrier. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre VII, La Morale des producteurs, 1908, page 359)
    • Nietzsche s'est dressé face au siècle. Et l’adversaire qu'il s'est choisi, c'est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. — (Denis de Rougemont, Comme toi-même : Essais sur les Mythes de l'Amour, Albin Michel, 1961, note n° 1, page 105)
    • Gorbatchev y affirme bien que l'élargissement de l' OTAN constituerait une trahison de ce qu'était selon lui «l' esprit» des discussions de l'époque, mais réaffirme qu'aucun engagement formel n'avait été pris. Les Russes continuent d'affirmer que les Occidentaux auraient néanmoins offert des garanties informelles. Une théorie qui a l'avantage d'être par nature impossible à vérifier. — (Elie Guckert, Cette promesse de l'OTAN à la Russie qui n'a jamais existé, 14 décembre 2021)
  5. (En particulier) Vivacité dans la réflexion.
    • Or dans le château de Genappe demeurait alors le dauphin Louis, fils de Charles VII, méditant son prochain règne au milieu d'une société de gens d’esprit qui n'étaient pas renommés pour professer les opinions de tout le monde. — (« Bulletin bibliographique » dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, volume 4, Paris : chez Firmin Didot, 1842-1843, page 584)
    • Un sot qui a un moment d’esprit, étonne et scandalise, comme des chevaux de fiacre au galop. — (Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes)
    • — Wood, n’est-ce pas que vous n’avez pas d’esprit ? J’ai en horreur les gens d’esprit. — (Anatole France, L’Étui de nacre, 1892, réédition Calmann-Lévy, 1923, page 98)
    • On fait volontiers honneur à « M. Tout-le-Monde » d’avoir plus d’esprit que M. de Voltaire ; on se trompe, c’est plus de bon sens qu’il faudrait dire : l’esprit est individuel, tandis que, ce qui appartient à la communauté, c’est le bon sens. — (Franc-Nohain [Maurice Étienne Legrand], Guide du bon sens, Éditions des Portiques, 1932)
  6. (Par extension) Mémoire, ensemble des pensées d’une personne.
    • — Je le sais, fit-il ; rien n’est plus malaisé que de se désencombrer l’esprit des images qui l’obsèdent […] — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
    • Pendant toute une période, la motocyclette accapara à tel point l’esprit de Bert qu’il resta indifférent au nouveau genre d’exercice et de délassement que recherchait l’impatience humaine. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 15 de l’édition de 1921)
    • À cette occasion, il me revient à l’esprit certain passage de Marcel Schwob, cet admirable artiste qu’il est toujours précieux de relire […] — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
  7. (Par extension) État d’esprit.
    • Il lui était doux de les avoir auprès de lui, mais il désirait que leur attitude n’offusquât en rien le nouvel esprit qui se manifestait en France, et entendait leur imposer la simplicité qu'il s’imposait à lui-même par goût autant que par calcul. — (Adolphe Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire faisant suite à l’Histoire de la Révolution française, Paris : chez Lheureux & Cie, 1861, livre 58, tome 19, page 403)
  8. Caractéristique, sens d’un texte, d’un ensemble d’idées ou de sentiments, etc.
    • Admettre cette préséance, c’est léser l’esprit républicain, porter atteinte aux principes de 89, faire fi des sacrifices consentis par les révolutionnaires de 1830 à 1871 […] ! — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • L’esprit de l’islam n’est pas rationnel, au sens grec du terme, puisque Dieu était au-delà de la raison et que « Son ordonnance de l’univers » devait être acceptée et non expliquée. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992)
    • C’est sous l’emprise de cette introspection que je me suis abîmé dans la contemplation, habité par l’esprit des temps qui courent. […] — (Cornéliu Tocan, Aux confins de l'invisible. Haïkus d'intérieur illustrés, Créatique, Québec, 2020, page 8)
    • Il faut prendre en compte l’esprit de la loi, et non s’attacher à la lettre.
  9. (Grammaire) Signe diacritique grec.
    • C’est l’esprit doux du grec placé dans la ligne, qui servira à rendre l’élif hamzé ou le hamzah arabe, de même que l’élif des autres langues sémitiques, lorsque leur orthographe demande qu’on les exprime dans une transcription régulière. — (Andreas August Ernst Schleiermacher, De l’influence de l’écriture sur le langage, 1835)
    • Les Latins ont changé l’esprit rude des Grecs en r, comme dans plusieurs autres mots. — (J-B. Morin, Dictionnaire étymologique des mots françois dérivés du grec, 1809)
    • Ces deux prononciations, dans le Grec, sont distinguées par deux esprits, le doux et le rude. — (Pierre Joseph d’Olivet, Traité de la prosodie françoise, 1805)
  10. (Histoire de la chimie) Fluide très subtil, ou vapeur très volatile, dans l’ancienne nomenclature chimique.
    • Ceux qui font métier, dit-il, de manier le feu et d’en tenir à la bouche emploient quelquefois un mélange égal d’esprit de soufre, de sel ammoniac, d’essence de romarin et de suc d’oignon. L’oignon est, en effet regardé par les gens de la campagne comme un préservatif contre la brûlure. — (Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, 1818, page 359)
  11. (En particulier) Alcool.
    • L’eau-de-vie ordinaire est généralement à 49°, et l’esprit connu sous le nom de trois-six à 84° ; cela signifie que ces esprits contiennent respectivement 49 et 84 % d’alcool pur. — (Edmond Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 142)
    • Les fabricants et marchands d’appareils et de portions d’appareils propres à la distillation, à la fabrication ou au repassage d’eaux-de-vie ou d’esprits sont tenus d’inscrire sur le registre prévu par l’article 304 du code général des impôts […] — (Article 27, Code général des impôts, annexe 1, France, 2009)
  12. (Par métonymie) Être humain dans ses activités intellectuelles.
    • Dans l’espèce humaine, la Parthénogénèse n’a été vue que par les yeux de la foi ; il n’en est pas ainsi dans les rangs inférieurs de l’animalité, et même à ce degré, la chose est si extraordinaire qu’elle a dû, au début, être accueillie par les esprits prudents avec certaines réserves, sinon même avec incrédulité […] — (Yves Delage et Marie Goldsmith, La Parthénogénèse naturelle et expérimentale, Flammarion, 1913, page 2)
    • Pour les Martiens, Arcvad représentait le Messie. Pendant 130 ans cet esprit gigantesque avait enfanté inventions, poèmes, visions, harmonies nouvelles construites sur les débris d’esprits moins doués. — (Benjamin De Casseres, Arcvad le terrible, traduction d’Émile Armand, dans Les Réfractaires, n° 1, janvier 1914)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ESPRIT. n. m.
Substance incorporelle. Il se dit de Dieu. Dieu est un esprit. Esprit incréé. Le Saint-Esprit, l'Esprit-Saint, l'Esprit consolateur, l'Esprit vivifiant, Noms que l'on donne à la troisième personne de la Sainte-Trinité. L'ordre du Saint-Esprit, Ordre de chevalerie institué par Henri III. Les chevaliers du Saint-Esprit. Il se dit aussi des Anges. Esprits célestes. Esprits bienheureux. Cette dernière locution sert également à qualifier les Âmes qui sont en paradis. Il se dit pareillement des Mauvais anges ou diables. Esprit de ténèbres. Esprit immonde. Malin esprit. Il se dit également des Prétendus revenants. On leur dit qu'il revenait des esprits dans cette maison-là. Avoir peur des esprits. Évoquer les esprits. Esprit follet, Sorte de lutin familier qui, selon le préjugé populaire, est plus malin que malfaisant. On prétendait qu'il y avait dans cette maison un esprit follet. Esprit familier, Sorte de génie que l'on croyait attaché à une personne, pour la guider, l'inspirer, la servir. On a dit que Socrate avait un esprit familier. Il signifie aussi Inspiration. Ce n'est point l'esprit de Dieu qui agit en lui, c'est l'esprit du démon. Quand l'esprit du Seigneur remplissait, inspirait les prophètes. L'esprit de Dieu descendit sur eux, s'empara d'eux. Il se dit encore de l'Âme et s'oppose à la matière. L'esprit est plus noble que le corps. Rendre l'esprit, Mourir. En esprit, Par la pensée, en imagination. Je suis en esprit au milieu de vous. Saint Paul fut ravi en esprit. En termes d'Écriture sainte, et pris absolument, il se dit par opposition à Chair. Marchez selon l'esprit, et non selon la chair. L'esprit est prompt et la chair est faible. Les fruits de la chair sont l'adultère, l'impureté, etc., et les fruits de l'esprit sont la charité, la tempérance, la joie, la paix, etc. Il se dit aussi de l'Ensemble des facultés intellectuelles. Esprit ferme, mâle, solide. Esprit éclairé, net, subtil. Esprit faible, confus, distrait. Esprit orné. Esprit étendu, vaste. Petit esprit. Esprit superficiel. Esprit faux. Esprit droit. Esprit juste. Il a l'esprit de travers. Esprit méthodique. Esprit systématique. Appliquer, mettre, exercer, occuper, employer son esprit à quelque chose. Cultiver son esprit. Ôtez cela de votre esprit. Esprit brillant. Esprit ouvert, bouché. Ne vous mettez point cela dans l'esprit. Avoir l'esprit timide, audacieux. Les mauvaises compagnies et les mauvais livres lui ont gâté l'esprit. Force, netteté, justesse d'esprit. Présence d'esprit. Élévation d'esprit. Les dons de l'esprit. Les ouvrages de l'esprit. Former l'esprit et le cœur d'un jeune homme. Se transporter en esprit dans un pays lointain. S'emparer de l'esprit de quelqu'un, Lui inspirer une confiance extrême qui permet de le diriger comme on veut. Être bien dans l'esprit de quelqu'un, se mettre bien dans l'esprit de quelqu'un, Avoir, obtenir son estime, sa bienveillance. Il se dit quelquefois, simplement, de l'Attention, de la présence d'esprit. Où avait-il donc l'esprit quand il a fait une question si déplacée? Perdre l'esprit signifie Devenir fou. Que faites-vous? Perdez-vous l'esprit? Fig. et fam., Il a l'esprit aux talons, se dit d'un Homme qui, par étourderie ou par préoccupation, ne pense point à ce qu'il dit. On dit aussi dans ce sens Avoir l'esprit ailleurs. Il signifie souvent Faculté de concevoir entre les choses des rapports superficiels qui échappent aux autres et qui donnent du piquant à la conversation. Il a plus d'esprit que de véritable intelligence, plus d'esprit que de jugement. Il a l'esprit vif, l'esprit pesant, lourd, paresseux. Montrer de l'esprit. C'est un homme d'esprit, de beaucoup d'esprit. Elle a de l'esprit comme un ange. Fig. et fam., Avoir de l'esprit au bout des doigts, Être adroit aux ouvrages de la main. Avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts, jusqu'au bout des ongles, Avoir beaucoup d'esprit, faire paraître de l'esprit jusque dans les plus petites choses. Il se dit encore des Pensées fines, ingénieuses, piquantes. Il n'y a point d'esprit dans ce livre, dans cette réponse, dans ce discours. L'auteur de cette pièce a dépensé beaucoup d'esprit pour rien. Un trait d'esprit. Des mots d'esprit. Faire de l'esprit, courir après l'esprit, Chercher à montrer de l'esprit. Il se prend aussi pour Humeur, caractère. Esprit doux. Esprit souple. Esprit facile. Esprit modéré. Esprit fâcheux. Esprit chagrin, Esprit pointilleux. Esprit remuant, turbulent, factieux. Esprit dangereux, inquiet, brouillon. Esprit insinuant. Esprit volage. Il se dit également de la Disposition, de l'aptitude qu'on a à quelque chose; ou du Principe, du motif, de l'intention, des vues par lesquelles on est dirigé dans sa conduite. Cet homme a l'esprit des affaires, du commerce. Esprit de conduite. Esprit de système. Esprit de charité. Esprit de paix. Cela n'a pas été fait dans cet esprit-là. Ce n'est pas là l'esprit de cette compagnie. Tel est l'esprit de son enseignement. Avoir mauvais esprit, Avoir un caractère difficile, être porté à la contradiction systématique et malveillante. Esprit de vertige, État d'égarement, d'erreur, de fascination. Esprit du monde, Humeur égale, manières affables, habitude de politesse et de ménagement. Esprit national, Les opinions, les dispositions qui dominent dans une nation. On dit dans un sens analogue L'esprit du siècle pour indiquer les Tendances générales d'une époque. Esprit public, Opinion qui se forme dans une nation sur les objets d'intérêt général. L'esprit est bon, l'esprit est mauvais, se dit des Dispositions d'une nation, d'une ville à l'égard du gouvernement et des institutions publiques. Esprit de corps, Attachement des membres d'une corporation aux opinions, aux droits, aux intérêts de la compagnie. Esprit de retour, Désir qu'une personne éloignée de son pays conserve d'y retourner un jour. Cette locution s'emploie surtout en termes de Droit. La qualité de français se perd par tout établissement fait en pays étranger sans esprit de retour. Avoir l'esprit de son état, l'esprit de son âge, Avoir les idées, les sentiments qui conviennent à la situation, à l'âge où l'on est. Il désigne en outre le Sens d'un auteur, d'un texte. Vous n'avez pas saisi l'esprit de cet auteur. Ce n'est pas là l'esprit de ce passage. Il faut consulter l'esprit de la loi, et non s'attacher à la lettre. L'esprit d'un traité, d'un contrat. C'est dans ce sens qu'on dit proverbialement La lettre tue et l'esprit vivifie. Il désigne aussi la Manière qui caractérise un auteur. Il a voulu imiter cet auteur, mais il n'en a pas saisi l'esprit. L'esprit d'un auteur, en termes d'Édition, s'est dit d'un Recueil de pensées choisies, extraites des ouvrages d'un auteur. L'Esprit de Montaigne, de J.-J. Rousseau. Il se dit quelquefois de Ce qui tend à donner une idée sommaire de l'intention dans laquelle une lettre a été écrite, dans laquelle un livre a été composé, etc. Si ce n'est là le texte de sa lettre, c'en est du moins l'esprit. Il se dit quelquefois d'une Personne, considérée par rapport au caractère de son esprit. C'est un bon esprit, un mauvais esprit, un esprit dangereux. C'est un grand esprit. C'est un des meilleurs esprits de l'assemblée. C'est un petit esprit. C'est un bien pauvre esprit. Un bel esprit. Voyez BEAU. Un esprit fort, Une personne qui se pique de ne pas ajouter foi aux dogmes de la religion; et, en général, Quiconque veut se mettre au-dessus des opinions et des maximes reçues. C'est un esprit fort. Il fait l'esprit fort. Au pluriel, il se dit souvent d'une Réunion de personnes, considérées par rapport aux opinions ou aux passions. Une grande fermentation régnait alors dans les esprits. Échauffer, remuer, égarer les esprits. Calmer les esprits. Il se fit une grande révolution dans les esprits. Éclairer les esprits. Dans l'ancienne Nomenclature chimique, il se disait d'un Fluide très subtil, ou d'une vapeur très volatile. Esprit-de-vin, ou Alcool. Esprit-de-soufre. Esprit-de-bois. Esprit-de-sel. Esprit-de-vitriol. Esprit volatil. En termes de Commerce, Les esprits, Les liqueurs alcooliques. Au pluriel, il se disait d'Éléments légers, subtils et invisibles, qu'on supposait doués de la faculté de porter la vie et le sentiment dans les diverses parties de l'animal. Esprits vitaux. Esprits animaux. La perte, la dissipation des esprits animaux, des esprits. On dit encore maintenant, dans le langage ordinaire, par allusion à cette erreur des anciens physiologistes : La peur glace les esprits. Il fut longtemps, après sa chute, après sa blessure, avant que de reprendre ses esprits. Reprendre ses esprits signifie aussi figurément Se remettre du trouble, de l'émotion, de l'embarras, de la surprise que l'on éprouvait. Laissez-le reprendre ses esprits. En termes de Grammaire grecque, Esprit rude, Signe qui marque aspiration; et Esprit doux, Signe qui se fait en sens contraire et qui marque absence d'aspiration.

Littré (1872-1877)

ESPRIT (è-spri ; le t se lie dans le parler soutenu ; au pluriel, l's se lie : des è-spri-z élégants) s. m.
  • 1Souffle. L'esprit souffle où il veut. La terre était informe et toute nue, les ténèbres couvraient la face de l'abîme, et l'esprit de Dieu était porté sur les eaux, Sacy, Bible, Genèse, I, 2.

    L'esprit de Dieu descendit sur les prophètes, ils reçurent l'inspiration divine.

  • 2Aspiration. Usité seulement en cet emploi dans la grammaire grecque : esprit rude, signe d'aspiration ; esprit doux, signe qui marque absence d'aspiration.
  • 3Substance incorporelle et intellectuelle ; le souffle ayant servi, comme ce qu'il y a de plus subtil, à désigner dans les langues l'immatérialité, ainsi qu'on le voit dans la Bible où il est dit que Dieu souffla dans l'homme un souffle de vie pour l'animer. Qui ne croirait, à nous voir composer toutes choses d'esprit et de corps, que ce mélange nous serait compréhensible ? Pascal, Pensées, t. I, p. 263, édit. LAHURE. Le premier de tous les esprits, c'est Dieu, souverainement intelligent, Bossuet, Conn. v, 13. Dieu est esprit, dit notre Seigneur, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité, c'est-à-dire que cette suprême intelligence doit être adorée par l'intelligence, Bossuet, ib. L'idée d'un être supérieur à tous les autres êtres, qui les a tous faits, et à qui tous se doivent rapporter ; un être souverainement parfait, qui est pur, qui n'a point commencé et qui ne peut finir, dont notre âme est l'image, et, si j'ose le dire, une portion, comme esprit et comme immortelle, La Bruyère, XVI. De ce que je pense, je n'infère pas plus clairement que je suis esprit, que je conclus de ce que je fais ou ne fais point, selon qu'il me plaît, que je suis libre, La Bruyère, ib.
  • 4Le Saint-Esprit, l'Esprit vivifiant, l'Esprit consolateur (avec une s et un e majuscules), la troisième personne de la Trinité. Docteurs, dites-moi donc, quand nous sommes absous, Le Saint-Esprit est-il ou n'est-il pas en nous ? Boileau, Épît. XI. C'est le Saint-Esprit qui est en nous le principe immédiat et substantiel de toutes les opérations de la grâce, Bourdaloue, Mystère, Pentecôte, t. I, p. 465. Le Saint-Esprit est essentiellement ferveur et amour, Bourdaloue, ib. p. 472.

    On dit aussi l'Esprit-Saint.

    L'ordre du Saint-Esprit, ordre institué par Henri III en 1597 ; le nombre des chevaliers était borné à cent, sans y comprendre les commandeurs ecclésiastiques et les officiers de l'ordre.

  • 5Les esprits, les substances incorporelles, telles que les anges et les démons. Il me semble que la science des esprits appartient bien plus à la théologie révélée qu'à la théologie naturelle, D'Alembert, Encycl. Disc. prélim.

    Les esprits célestes, les anges. Pareil à ces esprits que ta justice envoie, Quand son roi lui dit : pars, il s'élance avec joie, Racine, Esth. Prol.

    Les esprits de ténèbres, les anges déchus. Il y a à Endor une femme qui a un esprit de Python, Sacy, Bible, Rois, I, XXVIII, 7. J'irai et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes, Sacy, ib. III, II, 22. Il n'était bruit aux champs comme à la ville Que d'un manant qui chassait les esprits, La Fontaine, Belph. Ceux qui sont possédés du malin esprit, Bossuet, Nouv. myst. 17. Je veux raconter la victoire que les fidèles remportèrent sur les esprits de l'abîme, Chateaubriand, Mart. III. Revenants, lutins, noirs esprits, Sorciers, malignes influences, à tout croire on m'avait appris, Béranger, Feux foll.

    Les esprits immondes, les diables.

    Fig. L'esprit du démon, pensée malfaisante qui germe en nous et qui se révèle par quelque action méchante. Il est animé par l'esprit du démon.

    Esprit follet, sorte de lutin familier qui, selon le préjugé populaire, est plus espiègle que méchant. J'espère que les zéphyrs, qui sont du nombre des esprits doux, me seront favorables, et que, devant que cette lettre soit en France, je pourrai être en Angleterre, Voiture, Lett. 42.

    Esprit familier, sorte de génie que l'on croyait attaché à une personne pour la guider, l'inspirer. Le démon ou esprit familier de Socrate.

    Revenant, apparition d'un mort. L'hôtesse… Soutient toujours qu'il revient des esprits, La Fontaine, Rém. L'hôtesse, étant alors sans chambrière, Court à la cave, et, de peur des esprits, Mène avec soi madame Simonette, La Fontaine, ib. Sa femme [à d'Heudicourt] avec tout son esprit craignait les esprits jusqu'à avoir des femmes à gages pour la veiller toutes les nuits, Saint-Simon, 218, 183.

    Esprits frappeurs, esprits écrivains, âmes de morts que, depuis quelques années, certaines gens s'imaginent venir frapper aux portes et aux murailles, ou conduire la plume ou le crayon de personnes qui écrivent, et substituer leur pensée à celle de ces personnes.

  • 6La vie considérée, suivant l'opinion ancienne, en tant qu'elle est le souffle. Un esprit vit en nous et meut tous les ressorts, La Fontaine, Fabl. x, 1.

    Rendre l'esprit, mourir. Et fais que sur ma tombe Arcas rende l'esprit, Rotrou, Hercule mour. v, 1.

  • 7Les corps légers et subtils qu'on regardait comme le principe de la vie et des sentiments. Esprits vitaux. Enfin il se trahit lui-même Par les esprits sortant de son corps échauffé ; Miraut, sur leur odeur ayant philosophé, Conclut que c'est son lièvre…, La Fontaine, Fabl. v, 17. M. de Turenne reçut le coup au travers du corps, vous pouvez penser s'il tomba et s'il mourut ; cependant le reste des esprits fit qu'il se traîna la longueur d'un pas et que même il serra la main par convulsion, et puis on jeta un manteau sur son corps, Sévigné, 201. Des armées médiocres à la vérité, mais semblables à ces corps vigoureux où il semble que tout soit nerfs et où tout est plein d'esprits, Bossuet, Hist. III, 5. Le philosophe use ses esprits à démêler les vices des hommes, La Bruyère, I. Rendre à mon sang glacé son ancienne chaleur, à mon corps, à mes sens leur première vigueur, Et d'esprits tout nouveaux réchauffer ma pensée, Chaulieu, à Mme de Lassay.

    Reprendre ses esprits, revenir à soi, sortir de syncope. J'ai senti défaillir ma force et mes esprits : Ses femmes m'entouraient quand je les ai repris, Racine, Bajazet, v, 1. Moi qui n'ai pu tantôt, de ta mort menacée, Retenir mes esprits prompts à m'abandonner, Racine, ib. v, 12. On le porta au château, où l'on n'épargna rien pour lui faire reprendre ses esprits, Lesage, Diable boit. 15. Je me meurs. - Dieux puissants ! rappelez ses esprits, Voltaire, Mérope, III, 4.

    En un sens moins restreint, se remettre. Mais n'appréhende plus, je reprends mes esprits, Molière, l'Ét. IV, 3. Permettez, messieurs, que je reprenne ici mes esprits, Fléchier, Lam.

    Esprits animaux, fluide imaginaire qu'on supposait formé dans le cœur et dans le cerveau et distribué, par le moyen des nerfs, dans toutes les parties du corps. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la génération des esprits animaux, qui sont comme un vent très subtil, ou plutôt comme une flamme très pure et très vive, qui, montant continuellement en grande abondance du cœur dans le cerveau, se va rendre de là par les nerfs dans les muscles et donne le mouvement à tous les membres, Descartes, Méth. v, 8. Ce que tous les anatomistes ont nommé esprits animaux…, Mairan, Éloges, Petit. Je me sers ici d'expressions qui ne doivent pas être prises à la lettre : nous ignorons la nature des esprits animaux ; ils sont encore plus hors de la portée de nos sens et de nos instruments que les vaisseaux qui les filtrent ou les préparent, Bonnet, Ess. anal. âme, ch. 4.

    Les petits esprits, s'est dit quelquefois pour esprits animaux. Je vous aime trop pour que les petits esprits ne se communiquent pas de vous à moi, et de moi à vous, Sévigné, 5 juill. 1671.

  • 8 Terme de chimie. Substance qui s'échappe des corps soumis à la distillation et qui, à cause de sa subtilité, fut comparée au souffle. Esprit-de-vin. Les esprits alcooliques. Il s'agissait des droits sur l'esprit-de-vin, et de la manière d'avoir égard, dans les droits d'entrée, aux différents degrés de force de cette liqueur, Condorcet, Monsigni.

    Terme de commerce. Absolument. Les esprits, nom des liqueurs alcooliques, et, en particulier, de l'esprit-de-vin.

    Terme d'ancienne chimie. Esprit volatil, nom donné à tous les sous-carbonates d'ammoniaque provenant de la distillation de matières animales. Esprit de sel, solution d'acide chlorhydrique dans l'eau. Esprit de nitre, acide azotique étendu d'eau. Esprit de vitriol, acide sulfurique étendu d'eau. Esprit ardent, l'alcool très rectifié. Esprit alcalin, le gaz ammoniac.

    Esprits ou eaux spiritueuses, nom donné par les anciens chimistes à des alcools chargés, par distillation, des principes médicamenteux de drogues simples.

    Esprit recteur, nom que Boerhaave avait donné au liquide odorant qu'on obtient de la distillation directe des végétaux aromatiques.

    Terme d'alchimie. Esprit fugitif, le mercure. Esprit universel, substance subtile et rare qui, réunie à son solide, régit et vivifie toute la nature.

  • 9L'âme de l'homme. L'esprit et le corps. Saint Paul appelle Dieu le père de tous les esprits, c'est-à-dire de toutes les créatures intellectuelles, capables de s'unir à lui, Bossuet, Conn. v, 13. Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles, Bossuet, Duch. d'Orl.

    Être ravi en esprit, avoir une vision qui transporte l'âme dans les régions célestes.

    Terme de l'Écriture sainte. L'esprit, par opposition à la chair. L'esprit est prompt et la chair est faible. Ne demande jamais à ta chair infidèle Ce qu'elle veut ou ne veut pas ; Range-la sous l'esprit, et fais qu'en dépit d'elle Son esclavage ait pour toi des appâts, Corneille, Imit. III, 11. Ceux qui vivaient selon l'esprit, ceux qui vivaient selon la chair, Bossuet, Hist. I, 1. Quand saint Paul dit que la chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair, il entend que la partie intelligente combat la partie sensitive ; que l'esprit, capable de s'unir à Dieu, est combattu par le plaisir sensible attaché aux dispositions corporelles, Bossuet, Conn. v, 13. En esprit, spirituellement. Les Gentils s'unissent en esprit aux Juifs, Bossuet, Hist. II, 7. Vous n'adoreriez pas le Seigneur en esprit, Massillon, Car. Culte.

    Les esprits bienheureux, les âmes qui sont en paradis. Des esprits bienheureux la troupe l'environne, Tristan, Mariane, v, 3.

  • 10Grâce et don de Dieu. L'esprit de prophétie. L'esprit d'Elie se reposa sur Élisée. L'esprit du Seigneur fut en lui et il jugea Israël, Sacy, Bible, Juges, III, 10. Ce roi qui avait l'esprit de prophétie, Pascal, Prov. 18. Des hommes à qui l'Esprit-Saint n'avait pas été donné ce semble avec mesure, Massillon, Car. Culte. Le Seigneur a retiré son esprit du milieu de cette Église infidèle, Massillon, Myst. Assompt. Le fanatique recevait l'esprit ; on le lui conférait en lui soufflant dans la bouche, Voltaire, Louis XIV, 36.

    Chercher l'esprit, se disait, entre les puritains, d'un recueillement mental de dévotion où l'on attendait quelque inspiration du Seigneur.

  • 11En particularisant le sens d'esprit, l'âme considérée comme l'agent des pensées, des souvenirs, des volontés. L'esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes des corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'il faut le chercher, Descartes, Méth. VI, 2. Mais la pudeur peut tout sur l'esprit d'une fille Dont la vertu répond à l'illustre famille, Corneille, Théod. II, 7. Et j'ai l'esprit, seigneur, d'autant plus satisfait, Que mon sang rompt le cours du mal que j'avais fait, Corneille, Nicom. v, 10. Vous ne me dites rien que ce que j'en ai dit, Lorsqu'à Léon tantôt j'ai dépeint son esprit, Corneille, Pulch. IV, 1. Peut-il dans ton esprit passer pour innocent ? Mairet, Mort d'Asdr. I, 4. Et mettre en ton esprit cet éternel effroi Que le crime en tous lieux met aux âmes sans foi, Mairet, ib. v, 3. Le temps m'a de l'esprit son portrait effacé, Rotrou, Bélis. I, 2. Mais combien mon esprit répugne à ce devoir ! Rotrou, Hercule mour. v, 2. Tout en tout est divers ; ôtez-vous de l'esprit Qu'aucun être ait été composé sur le vôtre, La Fontaine, Fabl. IX, 12. Le cœur a son ordre ; l'esprit a le sien qui est par principes et démonstrations ; le cœur en a un autre, Pascal, Pensées, t. I, p. 288, édit. LAHURE. Quoi ! toujours Andromaque occupe votre esprit, Racine, Androm. II, 5. Où laissé-je égarer mes vœux et mon esprit ? Racine, Phèd. I, 3. Toi-même en ton esprit rappelle le passé, Racine, ib. II, 5. Ce qui est arrivé dans une même secte, c'est ce qui arrive à toute heure dans un même esprit ; et l'expérience nous fait voir qu'il se divise lui-même et qu'il se confond, dès qu'il est assez malheureux pour ne s'attacher pas à la simplicité de la foi, Bourdaloue, Carême, Sur la paix chrétienne. Il pesait les esprits et donnait à chacun le rang qu'il méritait, Fléchier, M. de Montausier. Par le mot esprit, j'entends tout être pensant, Boullainvilliers, Réfut. de Spinosa, p. 90. De quelque côté qu'il tourne son esprit, soit qu'il rappelle le passé, soit…, Massillon, Av. Mort du péch.

    S'emparer de l'esprit de quelqu'un, gagner sa confiance au point de pouvoir le diriger.

    Être bien dans l'esprit de quelqu'un, posséder ses bonnes grâces, sa bienveillance.

    Se mettre bien dans l'esprit de quelqu'un, gagner son amitié, sa bienveillance. Songez seulement à bien vous mettre dans l'esprit de mon père, Molière, l'Avare, I, 1. Pour se bien mettre dans l'esprit du roi, Hamilton, Gramm. 7.

    Se dit aussi dans le même sens au pluriel, en poésie. Junie … S'est vue en ce palais indignement traînée ; Hélas ! de quelle horreur ses timides esprits à ce nouveau spectacle auront été surpris ! Racine, Brit. I, 3. Quoi donc ! à me gêner appliquant mes esprits, J'irai faire à mes yeux éclater ses mépris ! Racine, Bajaz. IV, 4. D'horreur et de pitié mes esprits déchirés, Voltaire, Mort de Cés. III, 2. Un sexe dangereux dont les faibles esprits…, Voltaire, Tancr. I, 1.

    Mettre en l'esprit, suggérer, inspirer. Et les tristes discours Que te met en l'esprit l'amitié paternelle, Malherbe, IV, 18. N'y a-t-il point quelque Dieu qui me met en l'esprit ces pensées ? Descartes, Médit. II, 3. Tu te mets en l'esprit une crainte frivole, Corneille, Suivante, II, 9.

    Venir en l'esprit, se dit des pensées qui surviennent. Chacun disait ce qui lui venait dans l'esprit, Fénelon, Tél. v.

    Perdre l'esprit, devenir fou. J'aurais perdu l'esprit si j'osais me vanter Qu'avec ce peu de gens nous puissions résister, Corneille, Rodog. III, 2. Elle a besoin de six grains d'ellébore, Monsieur, son esprit est tourné, Molière, Amph. II, 2. C'est une radoteuse, elle a perdu l'esprit, La Fontaine, Fabl. x, 2.

    Où avait-il l'esprit quand… ? à quoi pensait-il quand… ? Je ne sais pas où j'avais l'esprit, Sévigné, 202.

    En esprit, par la pensée, en imagination. Il voyait en esprit le rang qu'ils devaient tenir, Bossuet, Serm. Sept. Jacob vit en esprit le secret de cette élection, Bossuet, Hist. II, 2. La lettre dont Votre Majesté m'honore m'a transporté en esprit à Orembourg, Voltaire, Lett. à Cath. 136. Là, pesant mes projets, de Néron massacré Je foulais en esprit le corps défiguré, Legouvé, Épich. et Néron, 1, 3.

    Familièrement. Il a l'esprit au talon, se dit quand quelqu'un fait une lourde faute, ou quand il est distrait, préoccupé.

  • 12Présence d'esprit, qualité de l'esprit par laquelle on fait ou dit sans hésitation ni délibération ce qui est à propos.

    Dans le même sens. J'ai eu bon esprit de la laisser là, Sévigné, 155.

  • 13Il se dit en particulier des facultés intellectuelles, de l'aptitude à comprendre, à saisir, à juger. Esprit solide, orné. Cultiver son esprit. Avoir un esprit vif et pénétrant. Avoir l'esprit ouvert. Avoir l'esprit borné, bouché. Il n'a pas l'esprit de régler ses affaires. Je n'ai jamais fait beaucoup d'état des choses qui venaient de mon esprit, Descartes, Méth. VI, 2. Bien que j'aie expliqué mes opinions à des personnes de très bon esprit et qui, pendant que je leur parlais, semblaient les entendre fort distinctement, Descartes, ib. VI, 6. L'esprit est toujours la dupe du cœur, La Rochefoucauld, Max. 102. Tous ceux qui connaissent leurs esprits ne connaissent pas leur cœur, La Rochefoucauld, ib. 103. Il y a deux sortes d'esprits : l'une de pénétrer vivement et profondément les conséquences des principes, et c'est là l'esprit de justesse ; l'autre, de comprendre un grand nombre de principes sans les confondre, et c'est là l'esprit de géométrie ; l'un est force et droiture d'esprit, l'autre est amplitude d'esprit, Pascal, Pensées, art. VII, 2. Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit ; la grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair, Pascal, Pensées, art. XVII, 1, édit. HAVET. Archimède, sans éclat, serait en même vénération ; il n'a pas donné des batailles, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions, Pascal, ib. Mon esprit diminue, au lieu qu'à chaque instant On aperçoit le vôtre aller en augmentant, La Fontaine, Fabl. XII, 1. L'homme du meilleur esprit est inégal ; il souffre des accroissements et des diminutions, La Bruyère, XI. Le mot esprit, quand il signifie une qualité de l'âme, est un de ces mots vagues, auxquels tous ceux qui les prononcent attachent presque toujours des sens différents : il exprime autre chose que jugement, génie, goût, talent, pénétration, étendue, grâce, finesse, et il doit tenir de tous ces mérites : on pourrait le définir raison ingénieuse, Voltaire, Dict. phil. Esprit, II. On a émis la question, si tous les hommes sont nés avec le même esprit, les mêmes dispositions pour les sciences, et si tout dépend de leur éducation et des circonstances où ils se trouvent, Voltaire, ib. v. Il n'y avait de réel que l'esprit, dont en effet il avait beaucoup, c'est-à-dire une conception aisée, une grande pénétration, beaucoup de discernement, de la mémoire et de l'éloquence, Mme de Caylus, Souv. p. 243, dans POUGENS. L'esprit ne crée rien, mais il opère sans cesse sur cette multitude presque infinie de perceptions diverses qu'il acquiert par le ministère des sens, Bonnet, Paling. XXII, 2. Un esprit élevé ne daigne apercevoir dans son objet que les rapports qui l'agrandissent, Marmontel, Élém. litt. Œuvres, t. x, p. 198, dans POUGENS. Un esprit profond ne s'arrête jamais aux apparences superficielles, sa méditation s'exerce à sonder son objet et à tirer comme de ses entrailles, ex visceribus rei, ce qu'il y a de plus riche et de plus enfoui, Marmontel, ib. p. 197.

    L'esprit et le cœur, la partie intellectuelle et la partie morale de l'homme. J'appelle mondains, terrestres ou grossiers, ceux dont l'esprit et le cœur sont attachés à une petite portion de ce monde qu'ils habitent, qui est la terre, La Bruyère, XVI.

    Rollin ayant fait un ouvrage à l'usage de la jeunesse pour se former l'esprit et le cœur, un grand nombre d'auteurs avaient imité ce titre, et c'est d'eux que Voltaire se moque : Que je vous sais bon gré, dit-il, de n'avoir point dit l'esprit et le cœur ; car on n'entend que ces mots dans les conversations de Babylone, on ne voit que des livres où il est question du cœur et de l'esprit, composés par des gens qui n'ont ni de l'un ni de l'autre, Voltaire, Zadig, 15.

    Bon esprit, un esprit qui a les qualités requises. Il a un bon esprit ; il sait bien ce qu'il sait, Sévigné, 548. Le bon esprit consiste à retrancher tout discours inutile et à dire beaucoup en peu de mots, Fénelon, Éduc. filles, ch. 9. Elle savait que le bon esprit consiste à se conformer à sa situation, Voltaire, Princ. de Babyl. 4. Il y a bien loin du grand talent au bon esprit, Voltaire, Lett. la Touraille, 12 mai 1766. Votre esprit est vif et curieux, C'est le bon esprit à votre âge, Saint-Lambert, à Mlle ***.

    Avoir le bon esprit de, être assez raisonnable pour. Il eut, dans cette affaire, le bon esprit de céder.

    Avoir l'esprit bien fait, avoir un bon esprit. Il a l'esprit bien fait, Sévigné, 286. La nièce aura l'esprit mieux fait que le neveu, Regnard, Légat. III, 6. En un autre sens, il a l'esprit bien fait, il ne se fâche pas des contrariétés, des plaisanteries.

    Esprit faux, esprit qui ne sait pas démêler l'erreur d'avec la vérité. Les plus grands génies peuvent avoir l'esprit faux sur un principe qu'ils ont reçu sans examen : Newton avait l'esprit très faux quand il commentait l'Apocalypse, Voltaire, Dict. phil. Esprit, VI. Un esprit faux est un esprit très borné : c'est un esprit qui n'a pas contracté l'habitude d'embrasser un grand nombre d'idées ; vous voyez par là qu'il doit souvent en laisser échapper les rapports, Condillac, Art d'écr. I, 1. Le caractère de l'esprit juste, c'est d'éviter l'erreur, en évitant de porter des jugements ; il sait quand il faut juger, l'esprit faux l'ignore et juge toujours, Condillac, ib.

    Esprit particulier, se dit parmi les protestants, de la connaissance que chacun peut avoir sur le véritable sens des Écritures et des dogmes.

  • 14L'esprit humain, l'esprit de l'homme en général. Lorsque j'ai voulu descendre aux choses qui étaient plus particulières, il s'en est tant présenté à moi de diverses, que je n'ai pas cru qu'il fût possible à l'esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, si ce n'est qu'on vienne au-devant des causes par les effets et qu'on se serve de plusieurs expériences particulières, Descartes, Méth. VI, 3. Si l'esprit humain est si peu de chose, même lorsqu'il s'agite et qu'il cherche la vérité, que sera-ce lorsqu'il s'abandonne au poids de son corps et qu'il n'agit presque que par les sens ? Nicole, Ess. mor. 1er traité, ch. 10. L'esprit humain a son enfance et sa virilité ; plût au ciel qu'il n'eût pas aussi son déclin, sa vieillesse et sa caducité ! Diderot, Opin. des anc. phil. (éclectisme).
  • 15En un sens plus particulier que celui d'ensemble des facultés intellectuelles, vivacité d'esprit qui fait trouver des saillies piquantes, des mots spirituels, des aperçus ingénieux. Il n'y a point d'esprit dans ce livre. Traits d'esprit. Vous avez de l'esprit si vous n'avez du cœur, Corneille, Nicom. III, 4. Peu d'esprit avec de la droiture ennuie moins à la longue que beaucoup d'esprit avec du travers, La Rochefoucauld, Max. 502. Eh ! mon Dieu, il y en a beaucoup que le trop d'esprit gâte, qui voient mal les choses à force de lumière, et même qui seraient bien fâchés d'être de l'avis des autres pour avoir la gloire de décider, Molière, Crit. 6. Ah ! certes, le détour est d'esprit, je l'avoue, Molière, Femmes sav. I, 4. Nul n'aura de l'esprit, hors nous et nos amis, Molière, ib. III, 2. C'est un homme qui me paraît avoir de l'esprit, Sévigné, 41. Je dînai avec des gens qui ont bien de l'esprit, Sévigné, 423. À mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux ; les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes, Pascal, Pensées, t. I, p. 284, édit. LAHURE. Considérez la princesse, représentez-vous cet esprit qui, répandu par tout son extérieur, en rendait les grâces si vives, Bossuet, Duch. d'Orl. Ceux qui se piquaient d'avoir de l'esprit, Bossuet, Var. 9. Rire des gens d'esprit, c'est le privilége des sots ; ils sont dans le monde, ce que les fous sont à la cour, je veux dire sans conséquence, La Bruyère, V. Il est moins rare de trouver de l'esprit que des gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres et le mettent à quelque usage, La Bruyère, II. Incapable de savoir jusqu'où l'on peut avoir de l'esprit, il croit naïvement que ce qu'il en a est tout ce que les hommes en sauraient avoir, La Bruyère, ib. Mme de Longueville était alors dans cette grande piété où elle a fini ses jours, et l'on sait que dans l'un et dans l'autre temps de sa vie elle a fait un cas infini de l'esprit, non pas seulement de cet esprit qui rend un homme habile dans un certain genre et qui y est attaché, mais principalement de celui qu'on peut porter partout avec soi, Fontenelle, Dodart. Son plus beau feu [de l'esprit] se convertit en glace Dès qu'une fois il luit hors de sa place, Et rien enfin n'est plus froid qu'un écrit Où l'esprit brille aux dépens de l'esprit, Rousseau J.-B. Ép. II, 3. Qu'est-ce qu'esprit ? raison assaisonnée, Rousseau J.-B. ib. I, 3. Son esprit [de Pellisson] lui servait non pas à en montrer, mais à en donner ; et l'on sortait d'avec lui, non pas persuadé qu'il eût plus d'esprit qu'un autre, mais se flattant d'en avoir pour le moins autant que lui, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 285, dans POUGENS. Ce qu'on appelle esprit est tantôt une comparaison nouvelle, tantôt une allusion fine ; ici c'est l'abus d'un mot qu'on présente dans un sens et qu'on laisse entendre dans un autre ; là un rapport délicat entre deux idées peu communes ; c'est une métaphore singulière ; c'est une recherche de ce qu'un objet ne présente pas d'abord, mais de ce qui est en effet dans lui ; c'est l'art, ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l'une à l'autre ; c'est celui de ne dire qu'à moitié sa pensée pour la laisser deviner ; enfin je vous parlerais de toutes les différentes façons de montrer de l'esprit, si j'en avais davantage, Voltaire, Dict. phil. Esprit, I. Loin que j'aie reproché à Voiture d'avoir mis de l'esprit dans ses lettres, j'ai trouvé, au contraire, qu'il n'en avait pas assez, quoiqu'il le cherchât toujours, Voltaire, ib. Au peu d'esprit que le bonhomme avait, L'esprit d'autrui par supplément servait, Voltaire, Pauvre diable. L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a, Gresset, Méch. IV, 7. On n'applaudit guère dans un cercle que le genre d'esprit que l'on croit avoir, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 170, dans POUGENS.

    Faux esprit. Le faux esprit est autre chose que de l'esprit déplacé ; ce n'est pas seulement une pensée fausse ; car elle pourrait être fausse, sans être ingénieuse ; c'est une pensée fausse et recherchée, Voltaire, Dict. phil. Esprit, II.

    Avoir de l'esprit en argent comptant ou argent comptant, en montrer sans préparation et aussitôt que la circonstance l'exige. Il [Panard] n'avait de l'esprit que quand il écrivait ; il ne l'avait point en argent comptant, comme disait M. de Marivaux, Collé, Journal, t. III, p. 197.

    Avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts, faire paraître de l'esprit jusque dans les petites choses.

    Avoir de l'esprit au bout des doigts, être adroit aux ouvrages de la main.

    Faire de l'esprit, se fatiguer à montrer de l'esprit.

    On dit de même courir après l'esprit.

    Bureau d'esprit, se dit d'un salon qui passe pour recevoir des causeurs très spirituels.

    PROVERBE

    L'esprit court les rues, rien n'est plus commun que l'esprit, tout le monde se pique d'en avoir.

    Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas, se dit d'un enfant qui a beaucoup d'esprit, et, plus souvent, ironiquement, d'un enfant qui n'a guère de dispositions.

    C'est dans le sens de ce dicton que la Fontaine a dit : Cette réflexion embarrassant notre homme : On ne dort pas, dit-il, quand on a tant d'esprit, Fabl. IX, 4.

    Vive les gens d'esprit, se dit, soit sérieusement, soit en se moquant, des gens qui s'imaginent avoir trouvé un bon expédient.

    On dit dans un sens analogue que l'amour fait venir l'esprit aux filles. Comment l'esprit vient aux filles, La Fontaine, Titre d'un de ses contes. Et mort de ma vie, madame, ce n'est pas l'esprit qui donne de l'amour ; c'est l'amour qui fait venir de l'esprit, Dancourt, la Parisienne, sc. 7.

  • 16En particularisant autrement esprit pris au sens d'âme, les sentiments de l'âme. Ton esprit amoureux n'aura-t-il point d'ombrage ? Corneille, Cid, II, 3. Votre amour en tous deux fait ce combat d'esprits, Corneille, Cinna, II, 1. Depuis que mon esprit est capable de flamme, Jamais un trouble égal n'a confondu mon âme, Corneille, Méd. I, 2. Ah ! cruels déplaisirs à l'esprit d'une amante, Corneille, Cid, IV, 3. Ce que j'ai dans l'esprit, je ne le puis celer, Corneille, Gal. du palais, II, 9. Ne vous entr'appeler que mon âme et ma vie, C'est montrer que tous deux vous n'avez qu'une envie, Et que d'un même trait vos esprits sont blessés, Corneille, Veuve, I, 3. Madame, puissiez-vous lire dans mon esprit ; Vous verriez jusqu'où va ma pure obéissance, Corneille, ib. I, 3. Ainsi que la naissance, ils ont les esprits bas, Corneille, Pomp. IV, 2. Ainsi, de vos désirs toujours reine absolue, Les plus grands changements vous trouvent résolue ; De la plus forte ardeur vous portez vos esprits Jusqu'à l'indifférence et peut-être au mépris, Corneille, Poly. II, 2.

    Changer d'esprit, changer de sentiment, de disposition. Avec votre jalouse elle a changé d'esprit ; Et je l'avais laissée à l'hymen toute prête, Corneille, Perth. III, 3. Le temps, qui change tout, a changé mes esprits, Voltaire, Oreste, I, 5.

  • 17Humeur, caractère. Un esprit remuant, turbulent, inquiet, brouillon. Un esprit souple, volage, faible. Je ne suis point d'humeur à vouloir contre vous Faire éclater, madame, un esprit trop jaloux, Molière, Sgan. 22.
  • 18Bel esprit, la culture des belles-lettres, de la littérature. Et pour l'homme au sonnet qui s'est jeté dans le bel esprit et veut être auteur malgré tout le monde, Molière, Mis. v, 4. Ô vous donc qui, brûlant d'une ardeur périlleuse, Courez du bel esprit la carrière épineuse, Boileau, Art poet. I. Le faux bel esprit tient de plus près qu'on ne croit à la barbarie, D'Alembert, Éloges, Terrasson.

    Un bel esprit, de beaux esprits, ceux qui se distinguent par l'élégance et la délicatesse, parfois affectées. Il [Boisrobert proposant à Balzac de le mettre de l'Académie française nouvellement créée] me parlait seulement, en termes vagues et généraux, d'une académie des beaux esprits, et m'ordonnait d'écrire une lettre pour demander d'y être reçu, Guez de Balzac, Lett. à Conrart, 2 nov. 1653. L'ambition de passer pour bel esprit, Hamilton, Gramm. 6.

    Une femme bel esprit, une femme qui a des prétentions aux connaissances qui constituent le bel esprit. Une femme bel esprit est le fléau de son mari, de ses enfants, de ses amis, de ses valets, de tout le monde, Rousseau, Émile, V. Esprit, absolument, pour bel esprit. Le duc de Charost fut attrapé par une madame Martel, vieille bourgeoise de Paris, qui était un esprit et qui voyait assez bonne compagnie, Saint-Simon, 221, 241. Le vieux Caderousse avait fait l'esprit et l'important, puis le dévot, Saint-Simon, 383, 169. Il [Louis XIV] préférait la soumission aux lumières, et disait quelquefois qu'il craignait les esprits, Duclos, Règne de Louis XIV, Œuvres, t. v, p. 175, édit. DELAUNAY.

  • 20Il se dit des personnes considérées par rapport au caractère de leur esprit. Les esprits généreux jugent tout par eux-mêmes, Corneille, Théod. IV, 1. Et ces esprits légers, approchant des abois, Pourraient bien se dédire une seconde fois, Corneille, Nicom. IV, 2. Faites quelque indulgence à de jeunes esprits, Rotrou, Antig. v, 4. Tout ce que vous avez été durant vos jours, C'est-à-dire un esprit chaussé tout à rebours, Molière, l'Étour. II, 14. Un de ces esprits remuants et audacieux qui semblent être nés pour changer le monde ; que le sort de tels esprits est hasardeux, et qu'il en paraît dans l'histoire à qui leur audace a été fatale ! Bossuet, Reine d'Anglet. Mais je ne puis souffrir qu'un esprit de travers, Qui, pour rimer des mots, pense faire des vers, Se donne en te louant une gêne inutile, Boileau, Disc. au roi. Je sais qu'un noble esprit peut sans honte et sans crime Tirer de son travail un tribut légitime, Boileau, Art p. IV. L'honneur seul peut flatter un esprit généreux, Racine, Esth. II, 5. Ciel ! verra-t-on toujours par de cruels esprits Des princes les plus doux l'oreille environnée ? Racine, Esth. III, 4. Il y a des esprits, si j'ose le dire, inférieurs et subalternes qui ne semblent faits que pour être le recueil, le registre ou le magasin de toutes les productions des autres génies, La Bruyère, I. Pour trois ou quatre esprits mal timbrés, de travers, N'allez pas, emporté d'une critique vaine, Faire ici le procès à la nature humaine, Regnard, Épît. I. Il est de ces esprits favorisés des cieux Qui sont tout par eux-même et rien par leurs aïeux, Voltaire, Fanat. I, 4. Personne ne conviendra que tous les esprits soient également propres aux sciences, et ne diffèrent que par l'éducation, Voltaire, Lett. Gallitzin, 19 juin 1773.

    Un grand esprit, un homme dont les pensées ont étendue, portée, profondeur, non sans générosité d'âme. Il y a bien de la différence entre un bel esprit, un grand esprit et un bon esprit, Fénelon, t. XVIII, p. 35.

    Un bon esprit, un homme qui juge, apprécie sainement. Communiquer au public le peu que j'aurais trouvé, et convier les bons esprits à tâcher de passer plus outre, en contribuant, chacun selon son inclination et son pouvoir, aux expériences qu'il faudrait faire, Descartes, Méth. VI, 2. Mais les meilleurs esprits font des fautes extrêmes, Tristan, Mariane, v, 3. C'est un bon esprit qui ne se mettra pas au bien à demi, Bossuet, Lett. abb. 144. Un bon esprit n'est pas autant qu'un autre le maître de penser comme il voudrait, Fontenelle, Saurin. Je vis qu'un bon esprit peut suffire à tout ; notre grand Locke était médecin ; il fut le seul métaphysicien de l'Europe, et il rétablit les monnaies de l'Angleterre, Voltaire, Jenni, 4.

    Un petit esprit, un homme dont les pensées sont dépourvues d'étendue, de portée. À peine les petits esprits ont-ils appris quelque chose qu'ils croient tout savoir, et il n'y a sorte de sottise que cette persuasion ne leur fasse dire et faire, Rousseau, Rép. au roi de Pologne.

    Un esprit fort, celui qui affecte de se mettre au-dessus des opinions reçues, surtout en matière religieuse. Qui font les esprits forts, parce qu'ils croient que cela leur sied bien, Molière, Fest. I, 2. Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie ? quelle plus grande faiblesse que d'être incertain quel est le principe de son être, de sa vie, de ses sens, de ses connaissances, et quelle en doit être la fin ? La Bruyère, XVI. Ceux qui se donnaient pour esprits forts dans le monde, Massillon, Car. Doutes.

  • 21Opinions, sentiments communs à un certain nombre de personnes et aux grands corps. L'esprit de famille. L'esprit de parti. L'esprit républicain. L'esprit monarchique. Qu'à la cour je m'engage, Je n'en ai pas l'esprit ainsi que le courage, Régnier, Sat. III. Il ne sort jamais aucun ouvrage de chez nous [jésuites] qui n'ait l'esprit de la société, Pascal, Prov. 9. L'Église distribue des grâces toute l'année, en diverses saisons, et la dévotion des fidèles devrait être de suivre son esprit, comme les êtres naturels ne manquent jamais de suivre l'esprit général qui règle le cours de toute la machine du monde, Nicole, Ess. de mor. 3e traité, ch. 7. Il prend l'esprit des lieux où il est, Sévigné, 336. L'esprit de l'Église n'est pas de vous décharger de la croix, Massillon, Car. Jeûne. De l'esprit de parti je sais quelle est la rage, Voltaire, Tancr. III, 3. Esprit d'un corps, d'une société, s'emploie pour exprimer les usages, la manière de parler, de se conduire, les préjugés d'un corps ; esprit de parti est à l'esprit d'un corps ce que sont les passions aux sentiments ordinaires, Voltaire, Dict. phil. Esprit, II.

    L'esprit est bon, l'esprit est mauvais, se dit des dispositions bonnes ou mauvaises d'une population, de la troupe, d'une ville, etc. À l'égard du gouvernement.

    Esprit de corps, attachement des membres d'une corporation aux opinions, aux intérêts, aux droits de la compagnie, à l'honneur d'un corps de troupes, etc. L'esprit des corps porte malheur aux meilleurs esprits, D'Alembert, Lett. à Volt. 14 juillet 1767. Admis enfin, aurai-je lors, Pour tout esprit, l'esprit de corps ? Il rend le bon sens, quoi qu'on dise, Solidaire de la sottise, Béranger, l'Acad. et le Caveau. La plupart arrivaient par détachements, formés en bataillons provisoires, sous des officiers nouveaux pour eux, qu'ils devaient quitter au premier jour, sans aiguillon de discipline, d'esprit de corps ni de gloire, et traversant un sol dévoré que la saison et le climat allaient rendre chaque jour plus nu et plus rude, Ségur, Hist. de Napol. VI, 10.

    Esprit public, opinion qui se forme dans une nation sur les objets qui l'intéressent. Anglais, dont on nous vante ici l'esprit public, ayant fait le mot, vous avez la chose sans doute…, Courier, Lett. X.

    Bureau d'esprit public, salon, réunion dont les habitués paraissent avoir la prétention de diriger l'opinion en fait de politique.

    Bureau de l'esprit public, s'est dit d'une division du ministère de l'intérieur ou de la police où l'on s'occupe de faire ou de diriger l'esprit public par des pièces de théâtre, des fêtes, par la presse, etc.

    Esprit national, général, social, les opinions, les dispositions qui dominent dans une nation. Les lois sont établies, les mœurs sont inspirées ; celles-ci tiennent plus à l'esprit général, celles-là tiennent plus à une institution particulière ; or il est aussi dangereux, et plus, de renverser l'esprit général que de changer une institution particulière, Montesquieu, Esp. XIX, 12. Il faudrait que l'effet pût devenir la cause ; que l'esprit social, qui doit être l'ouvrage de l'institution, présidât à l'institution même, Rousseau, Contrat, II, 7.

    On dit dans un sens analogue l'esprit du siècle.

    Esprit du monde, habitudes de politesse et de ménagement. L'esprit du monde est un esprit de souplesse et de ménagement, Massillon, Myst. Pentecôte.

  • 22Les esprits, les hommes d'un état, d'un corps, d'une assemblée, considérés par rapport aux dispositions collectives qui les animent. Les esprits étaient irrités. Calmer les esprits. Cette fureur mit la compassion Dans les esprits d'une autre nation [les pigeons] Au cou changeant, au cœur tendre et fidèle, La Fontaine, Fabl. VII, 8. Exercé dans la connaissance des hommes et dans l'art de manier les esprits, le cardinal d'Estrées en fit un usage heureux dans plusieurs conclaves, D'Alembert, Éloges, Card. d'Estrées.
  • 23Principes, motifs, impulsions, tendances, d'après lesquels on se dirige. L'esprit d'une législation. Je crois pouvoir dire qu'un maître qui voudrait être honoré et servi, comme ayant en lui-même une autre puissance que celle de Dieu, serait un démon ; et que ceux qui le serviraient dans cet esprit seraient des idolâtres, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. liv. VI, t. IV, p. 331, dans POUGENS. Et dans tout ce qu'il dit De vous et de Joad je reconnais l'esprit, Racine, Athal. II, 7. Comprends l'esprit de Rome et connais le sénat, Voltaire, Brutus, v, 2. L'esprit de Mahomet par ma bouche a parlé, Voltaire, Fanat. II, 2. L'esprit de la monarchie est la guerre et l'agrandissement ; l'esprit de la république est la paix et la modération, Montesquieu, Esp. IX, 2. Plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières ; d'où il se forme un esprit général qui en résulte, Montesquieu, ib. XIX, 4. Des lois dont l'esprit généreux Aguerrit aux dangers ce peuple valeureux, Lemierre, Barnevelt, I, 2.

    Avoir l'esprit de son état, de son âge, connaître et pratiquer ce qui convient à son état, à son âge. Qui n'a pas l'esprit de son âge, De son âge a tout le malheur, Voltaire, dans le Dict. de BESCHERELLE.

    Entrer dans l'esprit de son rôle, jouer un rôle comme il doit être joué.

    Dans l'esprit de, dans l'intention de. Tout le monde était nourri dans l'esprit d'observer les lois, Bossuet, Hist. III, 3. Il nourrit ce peuple dans l'esprit de tout entreprendre, Bossuet, ib. III, 7. Enfin dans l'esprit de contenter ceux…, La Bruyère, Disc. s. Théophr. M. d'Amiens dit au P. de la Chaise qu'il n'avait acheté une charge d'aumônier que dans l'esprit de se faire évêque, Saint-Simon, 46, 25.

    Esprit de retour, le désir qu'une personne éloignée de son pays a d'y retourner. S'établir aux colonies sans esprit de retour.

    Esprit de retour, se dit aussi de certains animaux à demi domestiques qui vont et qui viennent, notamment les pigeons et les abeilles ; ils appartiennent à leur propriétaire, même étant hors de chez lui, tant qu'ils n'ont pas perdu l'esprit de retour.

  • 24Esprit de, se dit pour caractériser la force avec laquelle un sentiment, une passion, une idée agissent. Ils [les papes] n'usent pas de domination ; mais l'esprit qui paraît en toute leur conduite est celui de paix et de vérité, Pascal, Prov. 18. La chute serait trop horrible, de tomber dans une réforme où l'esprit d'illusion domine si fort, Bossuet, Var. XIII, § 36. Dieu, notre dieu sans doute, a versé dans son cœur Cet esprit de douceur, Racine, Esth. II, 9. Répandre cet esprit d'imprudence et d'erreur De la chute des rois funeste avant-coureur, Racine, Athal. I, 2. Elle répandait au dedans de lui l'esprit de sagesse, Fénelon, Tél. XI. Tant un esprit d'emportement et de fureur avait alors saisi toute la nation et même les premiers magistrats des Étoliens, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 351, dans POUGENS. Ces grâces qui minent la force des lois et qui achèvent d'épuiser ces esprits primitifs d'ordre et de régularité qui…, Massillon, Or. fun. Villars. On vient recueillir, même sur de viles cendres, des esprits de grandeur et d'élévation, Massillon, Or. fun. Villeroy. Nous l'allons voir … répandre sur la contrée de sa dépendance des esprits de foi et religion, Massillon, Panég. St François. De leur esprit de rage ils ont su m'animer, Voltaire, Triumv. IV, 3. L'esprit de système est dans la physique ce que la métaphysique est dans la géométrie, D'Alembert, Introd. précess. équin. Œuvres, t. XIV, p. 45, dans POUGENS. Cet esprit de tyrannie et d'oppression qui n'estime dans la fortune que le moyen d'acheter des esclaves, et dans l'autorité que le droit odieux de faire trembler ou gémir, Marmontel, Élém. de litt. t. VI, p. 49, dans POUGENS. L'esprit de la prière et de la solitude Qui plane sur les monts, les torrents et les bois…, Lamartine, Harm. I, 11.

    Esprit de vertige, état d'égarement, d'erreur, de fascination.

  • 25Aptitude, disposition. Il a l'esprit des affaires, du commerce. L'esprit de chicane. L'esprit mathématique. Il [Leibnitz] réunissait deux grandes qualités presque incompatibles, l'esprit d'invention et celui de méthode, Diderot, Opin. des anc. philos. (Leibnitzianisme). Le genre d'esprit qui fait chercher et trouver des routes nouvelles est encore plus rare que le talent de l'invention, avec lequel il ne faut pas le confondre, Condorcet, Margraaf. L'esprit de commerce est un esprit d'intérêt, et l'intérêt produit toujours la division, Raynal, Hist. phil. II, 23. Ses projets portaient l'empreinte du génie, et l'esprit de détail qu'il avait supérieurement ne rétrécissait pas ses vues, Raynal, ib. IV, 20.
  • 26Le sens d'un auteur, d'un texte, etc. Ils n'ont pas saisi l'esprit de ce poëte. Ils ont faussé l'esprit de la loi. Voici quel est l'esprit de notre contrat, Patru, Plaid. 3, dans RICHELET. Ils ne font que prendre le vrai esprit de la réforme, Bossuet, Avert. 6. Prenez l'esprit et l'intention des promesses de Jésus-Christ, Bossuet, Instr. 2. L'esprit des grands écrivains doit se chercher non dans un passage seul, qui pourrait n'être qu'une faute d'impression, mais dans l'usage constant et uniforme auquel nous les voyons attachés partout ailleurs, D'Olivet, Ess. gramm. I, 2.

    Le caractère d'un auteur. Il a voulu imiter cet auteur, mais il n'en a pas saisi l'esprit.

    La lettre tue et l'esprit vivifie, c'est-à-dire il faut s'attacher au sens même, non aux mots.

  • 27Choix de pensées extraites d'un auteur. L'Esprit de Montesquieu, de Voltaire. Dans ce siècle où l'on a mis le nom d'Esprit à la tête de tant d'ouvrages qui souvent démentent leur titre, la plupart de nos compilations périodiques pourraient être intitulées, l'Esprit des ignorants et des sots, D'Alembert, Éloges, L. Cousin.
  • 28Aigrette de plumes que les femmes mettent dans leur coiffure. Puis des dentelles, des fleurs, un esprit, une aigrette, Picard, Manie de briller, III, 10.
  • 29Tulle point d'esprit, voy. POINT.

SYNONYME

1. OUVRAGE DE L'ESPRIT, OUVRAGE D'ESPRIT., Tout ce que les hommes inventent dans les sciences et dans les arts est un ouvrage de l'esprit. Les compositions des gens de lettres sont des ouvrages d'esprit.

2. ESPRIT FAUX, FAUX ESPRIT., Un esprit faux est un esprit qui ne sait pas discerner la vérité de l'erreur. Le faux esprit consiste en pensées fausses et recherchées.

3. ESPRIT, GÉNIE., Quand l'esprit s'oppose au génie, il est toujours pris, dans le sens du n° 15, pour cette disposition qui fait saisir vivement des rapports que tout le monde n'aperçoit pas ; le génie indique alors quelqu'une de ces grandes créations dans les sciences ou les arts qui honorent une nation, une époque. Entre l'esprit et le génie, Malgré ce qu'ils ont de pareil, La différence est infinie ; Un éclair n'est pas le soleil, Pons, (de Verdun).

HISTORIQUE

XIIe s. Fus [feu], gresille, neif, glace, espiriz de tempestez, Liber psalm. p. 229. Sainz Thomas returna ; si s'assist sur sun lit, Devint tels cum s'il fust tres tut en esperit, Th. le mart. 143. Et quant li espirs moi present trespassevet [passait devant moi], Job, 483.

XIIIe s. Que du pere et du fils et du saint esperite…, Berte, LIV.

XIVe s. La nutrition et digestion se fait mieux en dormant, car les espriz et la chaleur sont retraiz dedens, Oresme, Eth. 30.

XVe s. Car ils n'estoient ni angels ni esprits, mais hommes, Froissart, II, II, 106. Trop de gens sont qui honourent l'abit Et ne tiennent compte de esperit, Deschamps, L'habit ne fait pas l'homme. Dieu Pere et fils et saint Esprit, Sauve et gars ceste compaignie, Mart. de St Étienne. Cela allege le cuer et le reconforte [de se confier à un ami], et les esperitz reviennent en leur vertu pour parler en ung conseil ou prendre autre labeur, Commines, v, 5. Esprit subtil, à besoing, vaut digeste, Faifeu, p. 72.

XVIe s. Pour gouverner les esperitz loyaux, Marot, I, 162. Car je suis tant, ô Pan, de deuil espris Que presque suis hors de tous mes esprits, Marot, I, 310. Tranquillité d'esprit, Montaigne, I, 219. Androclus ayant repris ses espritz, Montaigne, I, 193. L'on disoit qu'il y revenoit des espritz, et y apparoissoit des fantosmes, Amyot, Solon, 19. Rendre l'esprit, Amyot, Arist. 41. Une femme de Syrie nommée Marthe, que l'on disoit avoir l'esprit de prophetie, Amyot, Marius, 29. Par iceulx [nerfs] influe l'esprit animal en toutes les parties du corps humain, Amyot, Moral. épît. p. 7. De la maniere de distiller l'eau de vie, appelée l'ame ou l'esprit de vin, Paré, XXVI, 8. On ouvre mieulx l'esprit qu'on ne le clost, Génin, Récréat. t. II, p. 246. Si est-ce sans le corps qu'il [l'homme] seroit ocieux… L'esprit incorporé devient ingenieux, Ronsard, 251. Les ungz le disoyent estre inspiré du saint esprit, et les aultres le disoyent estre inspiré des espritz du cellier, Palsgrave, p. 537. L'esprit foible ne sait pas posseder la science, s'en escrimer, et s'en servir comme il faut, Charron, Sagesse, Préf. de la 2e édit.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ESPRIT.

Ajoutez : Un Saint-Esprit, voy. SAINT, n° 4.

20° Esprit fort. Ajoutez : Esprit fort, s'est dit de ceux qui faisaient opposition au roi. Ces gens qu'on appelle esprits forts, parce qu'ils sont toujours contre le roi, Mme de Motteville, Mém. p. 239.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ESPRIT, s. m. terme de Grammaire greque, Le mot esprit, spiritus, signifie dans le sens propre un vent subtil, le vent de la respiration, un soufle. En termes de Grammaire greque, on appelle esprit, un signe particulier destiné à marquer l’aspiration comme dans l’article , le, , la. On prononce ho, hé, comme dans hotte, héros, ce petit qu’on écrit sur la lettre, est appellé esprit rude.

L’esprit des Grecs répond parfaitement à notre H ; car comme nous avons une h aspirée que l’on fait sentir dans la prononciation, comme dans haine, héros, & que de plus nous avons une h qu’on écrit, mais qu’on appelle muette, parce qu’on ne la prononce point, comme dans l’homme, l’heure, de même en grec il y a esprit rude qu’on prononce toujours, & il y a esprit doux qu’on ne prononce jamais. Nous avons dit que l’esprit rude est marqué comme un petit qu’on écrit sur la lettre ; ajoutons que l’esprit doux est marqué par une petite virgule ᾿ ; ainsi l’esprit rude est tourné de gauche à droite , & le doux de droite à gauche ᾿.

Que nos h soient aspirées ou qu’elles ne le soient pas, il n’y a aucun signe qui les distingue ; on écrit également par h le héros & l’héroïne, mais les Grecs distinguoient l’esprit rude de l’esprit doux : je trouve que les Italiens sont encore plus exacts, car ils ne prennent pas la peine d’écrire l’h qui ne marque aucune aspiration ; homme, uomo ; les hommes, uomini ; philosophe, filosofo ; rhétorique, rettorica ; on prononce les deux t.

L’esprit rude étoit marqué autrefois par h, eta, qui est le signe de la plus forte aspiration des Hébreux, comme l’h en latin & en françois est la marque de l’aspiration. Ainsi ils écrivirent d’abord ηεκατον, dit la Méthode de Port royal, & dans la suite ils ont écrit ἑκατὸν en marquant l’esprit sur l’e.

La même méthode observe, page 23, que les deux esprits sont des restes de h qui a été fendue en deux horisontalement, en sorte qu’une partie c a servi pour marquer l’esprit rude, & l’autre c pour être le signe de l’esprit doux.

Le mécanisme des organes de la parole a souvent changé l’esprit rude, & même quelque fois le doux en s ou en v. Ainsi de ὑπὲρ, dessus, on a fait super ; de ὑπὸ, dessous, on a fait sub ; de oἶνος, vinum ; de ἴς, vis ; de ἅλς, sal ; de ἑπτὰ, septem ; de ἕξ, sex ; de ἥμισυς, semis ; de ἕρπω, serpo. (F)

Esprit, mens, s. f. (Métaphys.) un être pensant & intelligent. Voyez Pensée, &c.

Les philosophes chrétiens reconnoissent généralement trois sortes d’esprits, Dieu, les anges, & l’esprit humain.

Car l’être pensant est ou fini ou infini : s’il est infini, c’est Dieu ; & s’il est fini, ou bien il n’est joint à aucun corps, ou bien il est joint à un corps : dans le premier cas c’est un ange, dans le second c’est une ame. Voyez Dieu, Ange & Ame.

On définit avec raison l’esprit humain, une substance pensante & raisonnable. Comme pensante, elle est distinguée du corps, & comme raisonnable, ou plutôt raisonnante, elle est distinguée de Dieu & des anges, qu’on suppose voir les choses intuitivement, c’est-à-dire sans avoir besoin d’aucune déduction ou raisonnement. Voyez Raisonnement & Jugement.

Esprit signifie aussi un être incorporel. Dans ce sens on dit Dieu est un esprit, le démon est un esprit de ténebres. Le pere Malebranche remarque qu’il est extrèmement difficile de concevoir ce qui pourroit faire la communication entre un corps & un esprit ; car, dit-il, si l’esprit n’a point de parties matérielles, il ne peut pas mouvoir le corps : mais cet argument est faux par les conséquences qui en résultent ; car nous croyons que Dieu peut mouvoir les corps, & cependant nous n’admettons en lui aucunes parties matérielles. Chambers. Voyez Evidence.

Esprit, en Théologie. C’est le nom qu’on donne par distinction à la troisieme personne de la sainte Trinité qu’on appelle l’Esprit, le Saint-Esprit. Voyez Trinité, Personne.

Les Macédoniens ont nié la divinité du Saint-Esprit, les Ariens ont soûtenu qu’il n’étoit pas égal au pere, & les Sociniens nient son existence. Mais l’Ecriture, la tradition & les décisions de l’Église établissent uniformément les trois dogmes contraires à ces erreurs.

Le Saint-Esprit procede du pere & du fils comme d’un seul & même principe, ainsi que l’ont enseigné les peres, & qu’il a été défini au concile général de Lyon sous Grégoire X. contre les Grecs qui nioient que le Saint-Esprit procédât du fils ; & c’étoit un des prétextes de leur schisme sous Michel Cérularius ; cependant ils reconnurent ce dogme dans la réunion qui se fit au concile de Florence.

Les Théologiens expliquent la maniere avec laquelle le Saint-Esprit est produit de toute éternité par la spiration active du pere & du fils. C’est de-là que lui vient le nom d’esprit, spiritus, quasi spiratus. Voyez Spiration.

Ils se servent aussi du mot esprit pour signifier la vertu & la puissance divine, & la maniere dont elle se communique aux hommes. C’est en ce sens qu’il est dit, Genese, chap. j. v 2, que l’esprit étoit répandu sur la surface de l’abysme, que les prophetes ont été inspirés par l’esprit de Dieu. C’est aussi dans ce sens qu’on dit que la providence divine est cet esprit universel par lequel Dieu fait agir toute la nature, & que le corps de Jesus-Christ a été formé dans le sein d’une vierge par l’opération du Saint-Esprit.

On donne encore le nom d’esprit aux substances créées & immatérielles connues sous celui d’anges & de démons. Les premiers sont appellés esprits célestes, esprits bienheureux, on appelle les autres les esprits de ténebres. (G)

Esprit Particulier, spiritus privatus, terme célebre dans les disputes de religion des deux derniers siecles. Il signifie le sentiment particulier & la notion que chacun a sur les dogmes de la foi & sur le sens des écritures, suivant ce qui lui est suggéré par ses propres pensées & par la persuasion dans laquelle il est par rapport à ces matieres.

Les premiers réformateurs niant qu’il y eût aucun interprete infaillible des Ecritures ni aucun juge des controverses, soûtinrent que chacun pouvoit interpreter & porter son jugement des vérités revélées, en suivant ses propres lumieres assistées de la grace de Dieu ; & c’est ce qu’ils appellent esprit ou jugement particulier. C’étoit lâcher la bride au fanatisme : aussi sans parler des variations innombrables que cette opinion a introduites parmi les prétendus-reformés, elle a donné naissance au Socinianisme & à plusieurs sectes également dangereuses ausquelles les reformés ont fourni des armes dont ils ne peuvent eux-mêmes parer les coups. En effet, de quelle autorité Calvin faisoit-il brûler Servet à Geneve, si l’esprit particulier étoit le seul interprete des Ecritures ? quelle certitude avoit-il de les entendre mieux que cet anti-trinitaire ? Voyez Tolérance.

Les Catholiques au contraire prétendent que les vérités revélées étant unes & les mêmes pour tous les fideles, la regle que Dieu nous a donnée pour en juger doit nous les représenter d’une maniere uniforme, ce qui ne se peut faire que par la voie d’autorité qui réside dans l’Église ; au lieu que l’esprit particulier sur le même point de doctrine inspire Luther d’une façon, & Calvin d’une autre. Il divise Œcolampade, Bucer, Osiandre, &c. & la doctrine qu’il découvre aux partisans de la confession d’Augsbourg, est diamétralement opposée à celle qu’il enseigne aux Anabaptistes, aux Mennonites, &c. sur le même passage de l’écriture. C’est un argument ad hominem auquel les protestans n’ont jamais répondu rien de solide. (G)

Esprit, (Saint-) Ordre du Saint-Esprit, (Hist. mod.) est un ordre militaire établi en France sous le nom d’ordre & milice du Saint-Esprit, le 31 Décembre 1578, par Henri III. en mémoire de trois grands évenemens arrivés le jour de la Pentecôte & qui le touchoient personnellement ; savoir sa naissance, son élection à la couronne de Pologne, & son avenement à celle de France. L’ordre du Saint-Esprit doit n’être composé que de cent chevaliers, qui sont obligés pour y être admis de faire preuve de trois races.

Le roi est grand-maître de cet ordre, & prête en cette qualité serment le jour de son sacre, de maintenir toûjours l’ordre du Saint-Esprit ; de ne point souffrir, autant qu’il sera en son pouvoir, qu’il tombe, ou diminue, ou qu’il reçoive la moindre altération dans aucun de ses principaux statuts.

Tous les chevaliers portoient autrefois une croix d’or au cou, pendant à un ruban de couleur bleu céleste : maintenant elle est attachée sur la hanche au bas d’un large cordon bleu en baudrier. Tous les officiers & commandeurs portent toûjours la croix cousue sur le côté gauche de leurs manteaux, robes, & autres habillemens de dessus.

Avant que de recevoir l’ordre du S. Esprit, ils reçoivent celui de S. Michel ; ce qui fait que leurs armes sont entourées de deux colliers ; l’un de S. Michel, composé d’SS & de coquilles entrelacées ; l’autre du S. Esprit, qui est formé de fleurs-de-lis d’or, d’où naissent des flammes & des bouillons de feu, & d’HH couronnées avec des festons & des trophées d’armes.

Parmi les chevaliers sont compris neuf prélats, qui sont cardinaux, archevêques, évêques, ou abbés, du nombre desquels est toûjours le grand-aumônier, & ils sont nommés commandeurs de l’ordre du Saint-Esprit. Henri III. avoit aussi projetté d’attribuer à chacun des chevaliers des commanderies ; mais son dessein n’ayant pas eu d’exécution, il assigna à chacun d’eux une pension de mille écus d’or, réduite depuis à 3000 liv. qui sont payées sur le produit du droit du marc d’or affecté à l’ordre. (G)

Esprit, (Saint-) Ordre du Saint-Esprit du droit Desir, (Hist. mod.) ordre de chevalerie institué à Naples dans le château de l’Œuf en 1352, par Louis d’Anjou dit de Tarente, prince du sang de France, roi de Jérusalem & de Sicile, & époux de Jeanne Ire reine de Naples. Les constitutions de cet ordre étoient en vingt-cinq chapitres, dont voici le préambule dans le style de ce tems-là : « Nous Loys, par la grace de Dieu roi de Jérusalem & de Sicile, allonneur du Saint-Esprit ; lequel jour par la grace nous fumes couronnés de nos royaumes, en essaucement de chevalerie & accroissement d’onneur, avons ordonné de faire une compagnie de chevaliers qui seront appellés les chevaliers du Saint-Esprit du droit desir, & les dits chevaliers seront au nombre de trois cents, desquels nous, comme trouveur & fondeur de cette compagnie, serons princeps, & aussi doivent être tous nos successeurs, rois de Jérusalem & de Sicile, &c. »

Mais la mort de ce prince sans laisser d’enfans, & les révolutions qui la suivirent, firent périr cet ordre presque dès sa naissance. On ne sait comment les constitutions en tomberent entre les mains de la république de Venise, qui en fit présent à Henri III. lorsqu’il s’en retournoit de Pologne en France. On dit que ce prince en tira l’idée & les statuts de l’ordre, qu’il institua ensuite sous le nom du Saint-Esprit ; & que pour ne pas perdre le mérite de l’invention, il remit ces constitutions du roi Louis d’Anjou au sieur de Chiverni, avec ordre de les brûler ; ce que celui-ci ayant cru pouvoir négliger sans préjudice de l’obéissance dûe à son souverain, elles se sont conservées dans sa famille, d’où elles avoient passé dans le cabinet du président de Maisons, & M. le Laboureur les a données au public dans ses additions aux mémoires de Castelnau. Mais en comparant ces statuts avec ceux qu’Henri III. fit dresser pour son nouvel ordre du Saint-Esprit, on n’y trouve aucune conformité qui prouve que ceux-ci soient une copie des premiers. (G)

Esprit, (Saint-) terme de Blason : Croix du Saint-Esprit, est une croix d’or à huit raies émaillées, chaque rayon pommeté d’or, une fleur-de-lis dans chacun des angles de la croix, & dans le milieu un Saint-Esprit ou colombe d’argent d’un côté, & de l’autre un Saint-Michel. La croix des prélats-commandeurs porte la colombe des deux côtés ; parce qu’ils n’ont que l’ordre du Saint-Esprit, & non celui de Saint-Michel. (G)

Esprit, (Philos. & Belles-Lettr.) ce mot, en tant qu’il signifie une qualité de l’ame, est un de ces termes vagues, auxquels tous ceux qui les prononcent attachent presque toûjours des sens différens. Il exprime autre chose que jugement, génie, goût, talent, pénétration, étendue, grace, finesse ; & il doit tenir de tous ces mérites : on pourroit le définir, raison ingénieuse.

C’est un mot générique qui a toûjours besoin d’un autre mot qui le détermine ; & quand on dit, voilà un ouvrage plein d’esprit, un homme qui a de l’esprit, on a grande raison de demander duquel. L’esprit sublime de Corneille n’est ni l’esprit exact de Boileau, ni l’esprit naïf de Lafontaine ; & l’esprit de la Bruyere, qui est l’art de peindre singulierement, n’est point celui de Malebranche, qui est de l’imagination avec de la profondeur.

Quand on dit qu’un homme a un esprit judicieux, on entend moins qu’il a ce qu’on appelle de l’esprit, qu’une raison épurée. Un esprit ferme, mâle, courageux, grand, petit, foible, leger, doux, emporté, &c. signifie le caractere & la trempe de l’ame, & n’a point de rapport à ce qu’on entend dans la société par cette expression, avoir de l’esprit.

L’esprit, dans l’acception ordinaire de ce mot, tient beaucoup du bel-esprit, & cependant ne signifie pas précisément la même chose : car jamais ce terme homme d’esprit ne peut être pris en mauvaise part, & bel-esprit est quelquefois prononcé ironiquement. D’où vient cette différence ? c’est qu’homme d’esprit ne signifie pas esprit supérieur, talent marqué, & que bel-esprit le signifie. Ce mot homme d’esprit n’annonce point de prétention, & le bel-esprit est une affiche ; c’est un art qui demande de la culture, c’est une espece de profession, & qui par-là expose à l’envie & au ridicule.

C’est en ce sens que le P. Bouhours auroit eu raison de faire entendre, d’après le cardinal du Perron, que les Allemands ne prétendoient pas à l’esprit ; parce qu’alors leurs savans ne s’occupoient guere que d’ouvrages laborieux & de pénibles recherches, qui ne permettoient pas qu’on y répandît des fleurs, qu’on s’efforçât de briller, & que le bel-esprit se mêlât au savant.

Ceux qui méprisent le génie d’Aristote au lieu de s’en tenir à condamner sa physique qui ne pouvoit être bonne, étant privée d’expériences, seroient bien étonnés de voir qu’Aristote a enseigné parfaitement dans sa rhétorique la maniere de dire les choses avec esprit. Il dit que cet art consiste à ne se pas servir simplement du mot propre, qui ne dit rien de nouveau ; mais qu’il faut employer une métaphore, une figure dont le sens soit clair & l’expression énergique. Il en apporte plusieurs exemples, & entre autres ce que dit Periclès d’une bataille où la plus florissante jeunesse d’Athenes avoit péri, l’année a été dépouillée de son printems. Aristote a bien raison de dire, qu’il faut du nouveau ; le premier qui pour exprimer que les plaisirs sont mêlés d’amertumes, les regarda comme des roses accompagnées d’épines, eut de l’esprit. Ceux qui le répéterent n’en eurent point.

Ce n’est pas toûjours par une métaphore qu’on s’exprime spirituellement ; c’est par un tour nouveau ; c’est en laissant deviner sans peine une partie de sa pensée, c’est ce qu’on appelle finesse, délicatesse ; & cette maniere est d’autant plus agréable, qu’elle exerce & qu’elle fait valoir l’esprit des autres. Les allusions, les allégories, les comparaisons, sont un champ vaste de pensées ingénieuses ; les effets de la nature, la fable, l’histoire présentes à la mémoire, fournissent à une imagination heureuse des traits qu’elle employe à-propos.

Il ne sera pas inutile de donner des exemples de ces différens genres. Voici un madrigal de M. de la Sabliere, qui a toûjours été estimé des gens de goût.

Eglé tremble que dans ce jour
L’hymen plus puissant que l’amour,
N’enleve ses thrésors sans qu’elle ose s’en plaindre.
Elle a négligé mes avis.
Si la belle les eût suivis,
Elle n’auroit plus rien à craindre.

L’auteur ne pouvoit, ce semble, ni mieux cacher ni mieux faire entendre ce qu’il pensoit, & ce qu’il craignoit d’exprimer.

Le madrigal suivant paroît plus brillant & plus agréable : c’est une allusion à la fable.

Vous êtes belle & votre sœur est belle,
Entre vous deux tout choix seroit bien doux ;
L’amour étoit blond comme vous,
Mais il aimoit une brune comme elle.

En voici encore un autre fort ancien ; il est de Bertaud évêque de Sées, & paroît au-dessus des deux autres, parce qu’il réunit l’esprit & le sentiment.

Quand je revis ce que j’ai tant aimé,
Peu s’en fallut que mon feu rallumé
N’en fît le charme en mon ame renaître,
Et que mon cœur autrefois son captif

Ne ressemblât l’esclave fugitif,
A qui le sort fit rencontrer son maître.

De pareils traits plaisent à tout le monde, & caractérisent l’esprit délicat d’une nation ingénieuse. Le grand point est de savoir jusqu’où cet esprit doit être admis. Il est clair que dans les grands ouvrages on doit l’employer avec sobriété, par cela même qu’il est un ornement. Le grand art est dans l’à-propos. Une pensée fine, ingénieuse, une comparaison juste & fleurie, est un défaut quand la raison seule où la passion doivent parler, ou bien quand on doit traiter de grands intérêts : ce n’est pas alors du faux bel-esprit, mais c’est de l’esprit déplacé ; & toute beauté hors de sa place cesse d’être beauté. C’est un défaut dans lequel Virgile n’est jamais tombé, & qu’on peut quelquefois reprocher au Tasse, tout admirable qu’il est d’ailleurs : ce défaut vient de ce que l’auteur trop plein de ses idées veut se montrer lui-même, lorsqu’il ne doit montrer que ses personnages. La meilleure maniere de connoître l’usage qu’on doit faire de l’esprit, est de lire le petit nombre de bons ouvrages de génie qu’on a dans les langues savantes & dans la nôtre.

Le faux-esprit est autre chose que de l’esprit déplacé : ce n’est pas seulement une pensée fausse, car elle pourroit être fausse sans être ingénieuse ; c’est une pensée fausse & recherchée. Il a été remarqué ailleurs qu’un homme de beaucoup d’esprit qui traduisit, ou plûtôt qui abrégea Homere en vers françois, crut embellir ce poëte dont la simplicité fait le caractere, en lui prétant des ornemens. Il dit au sujet de la réconciliation d’Achille :

Tout le camp s’écria dans une joie extrème,
Que ne vaincra-t-il point ? Il s’est vaincu lui-même.

Premierement, de ce qu’on a dompté sa colere, il ne s’ensuit point du tout qu’on ne sera point battu : secondement, toute une armée peut-elle s’accorder par une inspiration soudaine à dire une pointe ?

Si ce défaut choque les juges d’un goût sévere, combien doivent révolter tous ces traits forcés, toutes ces pensées alambiquées que l’on trouve en foule dans des écrits, d’ailleurs estimables ? comment supporter que dans un livre de mathématiques on dise, que « si Saturne venoit à manquer, ce seroit le dernier satellite qui prendroit sa place, parce que les grands seigneurs éloignent toûjours d’eux leurs successeurs » ? comment souffrir qu’on dise qu’Hercule savoit la physique, & qu’on ne pouvoit résister à un philosophe de cette force ? L’envie de briller & de surprendre par des choses neuves, conduit à ces excès.

Cette petite vanité a produit les jeux de mots dans toutes les langues ; ce qui est la pire espece du faux bel-esprit.

Le faux goût est différent du faux bel-esprit ; parce que celui-ci est toûjours une affectation, un effort de faire mal : au lieu que l’autre est souvent une habitude de faire mal sans effort, & de suivre par instinct un mauvais exemple établi. L’intempérance & l’incohérance des imaginations orientales, est un faux goût ; mais c’est plûtôt un manque d’esprit, qu’un abus d’esprit. Des étoiles qui tombent, des montagnes qui se fendent, des fleuves qui reculent, le Soleil & la Lune qui se dissolvent, des comparaisons fausses & gigantesques, la nature toûjours outrée, sont le caractere de ces écrivains, parce que dans ces pays où l’on n’a jamais parlé en public, la vraie éloquence n’a pu être cultivée, & qu’il est bien plus aisé d’être empoulé, que d’être juste, fin, & délicat.

Le faux esprit est précisément le contraire de ces idées triviales & empoulées ; c’est une recherche fatigante de traits trop déliés, une affectation de dire en énigme ce que d’autres ont déjà dit naturellement, de rapprocher des idées qui paroissent incompatibles, de diviser ce qui doit être réuni, de saisir de faux rapports, de mêler contre les bienséances le badinage avec le sérieux, & le petit avec le grand.

Ce seroit ici une peine superflue d’entasser des citations, dans lesquelles le mot d’esprit se trouve. On se contentera d’en examiner une de Boileau, qui est rapportée dans le grand dictionnaire de Trévoux : C’est le propre des grands esprits, quand ils commencent à vieillir & à décliner, de se plaire aux contes & aux fables. Cette réflexion n’est pas vraie. Un grand esprit peut tomber dans cette foiblesse, mais ce n’est pas le propre des grands esprits. Rien n’est plus capable d’égarer la jeunesse, que de citer les fautes des bons écrivains comme des exemples.

Il ne faut pas oublier de dire ici en combien de sens différens le mot d’esprit s’employe ; ce n’est point un défaut de la langue, c’est au contraire un avantage d’avoir ainsi des racines qui se ramifient en plusieurs branches.

Esprit d’un corps, d’une société, pour exprimer les usages, la maniere de penser, de se conduire, les préjugés d’un corps.

Esprit de parti, qui est à l’esprit d’un corps ce que sont les passions aux sentimens ordinaires.

Esprit d’une loi, pour en distinguer l’intention ; c’est en ce sens qu’on a dit, la lettre tue & l’esprit vivifie.

Esprit d’un ouvrage, pour en faire concevoir le caractere & le but.

Esprit de vengeance, pour signifier desir & intention de se vanger.

Esprit de discorde, esprit de révolte, &c.

On a cité dans un dictionnaire, esprit de politesse ; mais c’est d’après un auteur nommé Bellegarde, qui n’a nulle autorité. On doit choisir avec un soin scrupuleux ses auteurs & ses exemples. On ne dit point esprit de politesse, comme on dit esprit de vengeance, de dissention, de faction ; parce que la politesse n’est point une passion animée par un motif puissant qui la conduise, lequel on appelle esprit métaphoriquement.

Esprit familier se dit dans un autre sens, & signifie ces êtres mitoyens, ces génies, ces demons admis dans l’antiquité, comme l’esprit de Socrate, &c.

Esprit signifie quelquefois la plus subtile partie de la matiere : on dit esprits animaux, esprits vitaux, pour signifier ce qu’on n’a jamais vû, & ce qui donne le mouvement & la vie. Ces esprits qu’on croit couler rapidement dans les nerfs, sont probablement un feu subtil. Le docteur Méad est le premier qui semble en avoir donné des preuves dans la préface du traité sur les poisons.

Esprit, en Chimie, est encore un terme qui reçoit plusieurs acceptions différentes ; mais qui signifie toûjours la partie subtile de la matiere. Voyez plus bas Esprit, en Chimie.

Il y a loin de l’esprit, en ce sens, au bon esprit, au bel esprit. Le même mot dans toutes les langues peut donner toûjours des idées différentes, parce que tout est métaphore sans que le vulgaire s’en apperçoive. Voyez Eloquence, Elégance, &c. Cet article est de M. de Voltaire.

Esprit, (Chimie.) ce nom a été employé dans sa signification propre, par les Chimistes comme par les Philosophes & par les Medecins, pour exprimer un corps subtil, délié, invisible, impalpable, une vapeur, un souffle, un être presque immatériel.

Tous les chimistes antérieurs à Stahl & à la naissance de la Chimie philosophique, ont été grands fauteurs des agens de cette classe, qui ont été mis en jeu dans plusieurs systèmes de physique. Un esprit du monde, un esprit universel, aérien, éthérien, ont été pour eux des principes dont ils se sont fort bien accommodés, & ils ont enrichi eux-mêmes la Physique de plusieurs substances de cette nature : l’archée, le blas, la magnale de Vanhelmont, les ens de Paracelse, &c. sont des phantômes philosophiques de cette classe, si ce ne sont point cependant des expressions énigmatiques, ou simplement figurées.

Des êtres très-existans qui mériteroient éminemment la qualité d’esprit, ce sont les exhalaisons qui s’élevent des corps fermentans & pourrissans de certaines cavités soûterraines, du charbon embrasé, & de plusieurs autres matieres. Ces corps sont véritablement incoercibles, invisibles, & impalpables ; mais on n’a pas coûtume dans le langage chimique, de les désigner par ce nom. Nous les connoissons sous celui de gas. Voyez Gas.

Depuis que notre maniere plus sage de philosopher nous a fait rejetter tous ces esprits imaginaires dont nous avons parlé au commencement de cet article, nous ne donnons plus ce titre qu’à différentes substances beaucoup plus matérielles même que les gas ; savoir à certains corps expansibles ou volatils, dont l’état ordinaire sous la température de nos climats est celui de liquidité, & dont les différentes especes qui sont classées par ce petit nombre de qualités communes, sont d’ailleurs essentiellement différentes, ensorte que c’est ici une qualification très-générique, exprimant une qualité très-extérieure très-vaguement déterminée.

Les diverses substances qu’on trouve désignées dans les ouvrages des Chimistes, par le nom d’esprit, sont :

Premierement, un être fort indéterminé, connu plus généralement sous le nom de mercure, qui est compté dans l’ancienne Chimie parmi les principes ou produits généraux de l’analyse des corps. Voyez Mercure & Principe.

Secondement, la plûpart des liqueurs acides retirées des minéraux, des végétaux, des animaux, par la distillation. Voyez Vitriol, Nitre, Sel marin, Analyse végétale, au mot Végétal, Vinaigre, Substances animales, & Fourmi.

Troisiemement, les sels alkalis volatils sous forme liquide. Voyez. Sel alkali volatil.

Quatriemement, les liqueurs inflammables retirées des vins. Voyez à l’article Vin.

Cinquiemement, les eaux essentielles ou esprits recteurs. Voyez Eaux distillées.

Sixiemement, les huiles essentielles très subtiles, retirées des baumes par la distillation à feu doux. Voyez Huile & Terebenthine.

Septiemement, enfin les esprits ardens chargés par la distillation de la partie aromatique, ou alkali volatil de certains végétaux. Voy. Eaux distillées, Esprit ardent, Citron, Cochléaria, & Esprit volatil aromatique huileux.

Nota. Que dans le langage ordinaire, on ne désigne le plus souvent les esprits particuliers que par le nom de la substance qui les a fournis, sans déterminer par une qualification spécifique la nature de chaque esprit. Ainsi on dit esprit de vitriol, & non pas esprit acide de vitriol ; esprit de soie, & non pas esprit alkali de soie ; esprit-de-vin, (c’est-à-dire de suc de raisin fermenté, selon la signification vulgaire du mot vin), & non pas esprit ardent de vin de raisin ; esprit de terebenthine, & non pas esprit huileux de terebenthine ; esprit de citron, & non pas esprit-de-vin chargé de l’aromate du citron. Ainsi toute cette nomenclature est presque absolument arbitraire ; & d’autant plus que diverses substances, comme le sel ammoniac, la terebenthine, le citron, &c. peuvent fournir plusieurs produits qui mériteroient également le nom d’esprit, quoiqu’il ne soit donné qu’à un seul dans le langage reçu : on se familiarise cependant bien-tôt avec ces dénominations vagues ; on les apprend comme des mots d’une langue inconnue. (b)

Esprit ardent, (Chimie.) Voyez Esprit-de-Vin, sous le mot Vin.

Esprit recteur, (Chimie.) Voyez Eaux distillées.

Esprit-de-Vin, (Chimie.) Voyez au mot Vin.

Esprit volatil, (Chimie.) Toutes les substances auxquelles les Chimistes ont donné le nom d’esprit, sont volatiles (voyez Esprit) ; il a plû cependant à quelques-uns de prendre la dénomination qui fait le sujet de cet article, dans un sens particulier ; de l’attribuer aux alkalis volatils sous forme fluide ; & de les distinguer par ce titre, des alkalis volatils, concrets, qu’ils ont appellés tout aussi arbitrairement, sels volatils. Voy. Sel alkali volatil. (b)

Esprit-de-Vinaigre, spiritus aceti. Voyez Vinaigre distillé, au mot Vinaigre.

Esprits sauvages, (Chimie.) spiritus sylvestres de Vanhelmont. Voyez Gas, Fermentation, & Vin.

Esprit volatil aromatique huileux, (Pharmac. & Mat. med.) On a donné ce nom à une préparation officinale, qui n’est proprement qu’un mêlange d’esprit volatil de sel ammoniac, & d’un esprit aromatique composé. Voici cette préparation, telle qu’elle est décrite dans la nouvelle pharmacopée de Paris.

Prenez six dragmes de zestes récens d’oranges, autant de ceux de citron ; deux dragmes de vanille, deux dragmes de macis, une demi-dragme de gérofle, une dragme de canelle, quatre onces de sel ammoniac : coupez en petits morceaux les zestes & la vanille : concassez le macis, le gérofle & la canelle : pulvérisez le sel ammoniac, & mettez le tout dans une cornue de verre, versant par-dessus quatre onces d’eau simple de canelle, & quatre onces d’esprit-de-vin rectifié : fermez le vaisseau, & laissez digérer pendant quelques jours, ayant soin de remuer de tems en tems.

Ajoûtez, après deux ou trois jours de digestion, quatre onces de sel de tartre ; & sur le champ ajoûtez au bec de la cornue un récipient convenable, que vous luterez selon les regles de l’art : faites la distillation au bain de sable. Vous garderez la liqueur qui passera, dans une bouteille bien bouchée.

L’esprit volatil aromatique huileux, est un cordial très-vif, un sudorifique très-efficace, un bon emménagogue, un hystérique assez utile. On le fait entrer ordinairement à la dose de trente ou de quarante gouttes, dans des potions de quatre à cinq onces, destinées à être prises par cuillerées. (b)

Esprits animaux. Voyez Nerfs, Fluide nerveux, &c.

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Étymologie de « esprit »

Bourguig. esperi ; provenç. esperit, sperit ; espagn. espiritu ; portug. espirito ; ital. spirito, spirto ; du latin spiritus, esprit, proprement souffle, de spirare, souffler, respirer. Quoique la dérivation de ce mot soit certaine, il fait difficulté : espir est correct, de spiritus, avec l'accent sur spi ; mais esprit suppose ou une transposition de espir sous la forme espri ou esperi, ou une accentuation vicieuse, spiritus au lieu de spiritus.

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(début XIIIe siècle) Du latin spīrĭtus (« souffle »).
L’interjection québécoise est la contraction de Saint-Esprit.
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Phonétique du mot « esprit »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
esprit ɛspri

Évolution historique de l’usage du mot « esprit »

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Citations contenant le mot « esprit »

  • Il est des lieux où souffle l'esprit. Maurice Barrès, La Colline inspirée, Plon
  • Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière. Charles Baudelaire, Fusées
  • Les défauts de l'esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • L'esprit est toujours la dupe du cœur. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • On est quelquefois un sot avec de l'esprit, mais on ne l'est jamais avec du jugement. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Que les gens d'esprit sont bêtes ! Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, I, 1
  • Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, V, 3
  • Le propre de l'esprit, c'est de se décrire constamment lui-même. Henri Focillon, Vie des formes, P.U.F.
  • Il y a une forte raison de ne pas dire au premier arrivant ce qui vient à l'esprit, c'est qu'on ne le pense point. Émile Chartier, dit Alain, Éléments de philosophie, Gallimard
  • C'est un point de grande importance, pour bien mettre son esprit à repos, de se considérer principalement soi-même, son état et sa condition. Jacques Amyot, Œuvres morales, traduit de Plutarque.
  • L'esprit a tendance à se délivrer du palpable pour arriver à ses fins. Antonin Artaud, Lettre à Léon Daudet, 26 avril 1931 , Gallimard
  • Là où d'autres proposent des œuvres, je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit. Antonin Artaud, L'Ombilic des limbes, Gallimard
  • La méchanceté combinée avec l'intérêt personnel équivaut à beaucoup d'esprit. Honoré de Balzac, Les Employés
  • La morale consiste à se savoir esprit et, à ce titre, obligé, absolument ; car noblesse oblige. Émile Chartier, dit Alain, Lettres sur la philosophie de Kant, Flammarion
  • C'est par l'esprit que l'homme se sauve, mais c'est par l'esprit que l'homme se perd. Émile Chartier, dit Alain, Mars ou la Guerre jugée, Gallimard
  • Il n'y a de paix qu'entre esprit et esprit. Émile Chartier, dit Alain, Mars ou la Guerre jugée, Gallimard
  • Nous n'aurons jamais trop de ces fiers esprits qui jugent, critiquent et résistent. Ils sont le sel de la cité. Émile Chartier, dit Alain, Propos d'un Normand, tome I , Gallimard
  • Tous les moyens de l'esprit sont enfermés dans le langage ; et qui n'a point réfléchi sur le langage n'a point réfléchi du tout. Émile Chartier, dit Alain, Propos sur l'éducation, P.U.F.
  • Désordre dans le corps, erreur dans l'esprit, l'un nourrissant l'autre, voilà le réel de l'imagination. Émile Chartier, dit Alain, Système des beaux-arts, Gallimard
  • On nuit plus aux progrès de l'esprit en plaçant mal les récompenses qu'en les supprimant. Jean Le Rond d'Alembert, Discours préliminaire à l' Encyclopédie
  • L'esprit a, comme le corps, ses maladies épidémiques et son scorbut. Julien Offray de La Mettrie, L'Homme machine
  • Nous devons entendre par esprit une réalité qui est capable de tirer d'elle-même plus qu'elle ne contient. Henri Bergson, Écrits et paroles, Message au Congrès Descartes , P.U.F.
  • La nature de l'esprit comporte qu'il n'est jamais serf de ce qu'il considère, mais de ce qu'il néglige. Emmanuel Berl, Mort de la pensée bourgeoise, Grasset
  • L'égalité est l'idéal de l'esprit de l'homme, et l'inégalité, le penchant de son cœur. Élémir Bourges, Les Oiseaux s'envolent et les fleurs tombent, Mercure de France
  • Les dons les plus précieux de l'esprit ne résistent pas à la perte d'une parcelle d'honneur. André Breton, Manifeste du surréalisme, Pauvert
  • Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger. Anthelme Brillat-Savarin, Physiologie du goût
  • L'esprit humain n'a pas de bornes, il s'étend à mesure que l'univers se déploie. Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, Histoire naturelle, De l'homme
  • Les singes sont tout au plus des gens à talents, que nous prenons pour des gens d'esprit. Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, Histoire naturelle, De l'homme
  • Si on nous apporte sous le titre de l'esprit quelque chose qui ne soit contenue en l'Évangile, ne le croyons pas. Jean Calvin de son vrai nom Cauvin , Institution de la religion chrétienne
  • L'esprit n'est pas aussi solide que le corps. Alexis Carrel, L'Homme, cet inconnu, Plon
  • On n'imagine pas combien il faut d'esprit pour n'être pas ridicule. Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées
  • Rien ne dessèche tant un esprit que sa répugnance à concevoir des idées obscures. Émile Michel Cioran, Syllogismes de l'amertume, Gallimard
  • Votre esprit est sans pente. Paul Claudel, Correspondance avec A. Gide, Gallimard
  • […] Ce n'est pas l'esprit qui est dans le corps, c'est l'esprit qui contient le corps, et qui l'enveloppe tout entier. Paul Claudel, Le Soulier de satin, I, 6, le roi , Gallimard
  • Les esprits généreux jugent tout par eux-mêmes. Pierre Corneille, Théodore, IV, 1, Placide
  • La culture de l'esprit s'identifiera à la culture du désir. Salvador Dalí, Le Surréalisme au service de la révolution, n° 3
  • J'appelle vices des maladies de l'âme, qui ne sont point si aisées à connaître que les maladies du corps, parce que nous faisons assez souvent l'expérience d'une parfaite santé du corps, mais jamais de l'esprit. René Descartes, Cogitationes privatae
  • La principale règle que j'ai toujours observée en mes études, et celle que je crois m'avoir le plus servi pour acquérir quelque connaissance, a été que je n'ai jamais employé que fort peu d'heures par jour aux pensées qui occupent l'imagination, et fort peu d'heures par an à celles qui occupent l'entendement seul, et que j'ai donné tout le reste de mon temps au relâche des sens et au repos de l'esprit. René Descartes, Correspondance, à Élisabeth, 28 juin 1643
  • La constitution de notre nature est telle que notre esprit a besoin de beaucoup de relâche afin qu'il puisse employer utilement quelques moments en la recherche de la vérité, et qu'il s'assoupirait au lieu de se polir s'il s'appliquait trop à l'étude. René Descartes, Correspondance, à Élisabeth, 6 octobre 1645
  • Ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. René Descartes, Discours de la méthode
  • On a dit que l'amour qui ôtait l'esprit à ceux qui en avaient en donnait à ceux qui n'en avaient pas. Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien
  • L'esprit est ce qu'il y a de plus bête au monde. Maxime Du Camp, L'Attentat Fieschi, Charpentier
  • Le bel esprit a le malheur d'affaiblir tout ce qu'il croit orner. François de Salignac de La Mothe-Fénelon, Lettre à l'Académie
  • Pour les prédicateurs […], ce n'est pas la religion mais leur bel esprit qu'ils ont intérêt de persuader au monde. François de Salignac de La Mothe-Fénelon, Lettre à l'Académie
  • Pour que la matière ait tant de pouvoir, il faut qu'elle contienne un esprit. Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine
  • Chacun dit du bien de son cœur, et personne n'en ose dire de son esprit. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Le cœur se trompe comme l'esprit […]. Anatole François Thibault, dit Anatole France, Le Petit Pierre, Calmann-Lévy
  • Une femme qui est belle a toujours de l'esprit ; elle a l'esprit d'être belle, et je ne sais pas lequel vaut celui-là. Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin
  • Les plus douteux égarements de la chair m'ont laissé l'âme plus tranquille que la moindre incorrection de mon esprit. André Gide, Journal des Faux-Monnayeurs, Gallimard
  • L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a. Jean-Baptiste Louis Gresset, Le Méchant
  • Entre l'esprit religieux, au vrai sens du terme, et l'esprit moderne, il ne peut y avoir qu'antagonisme. René Guénon, Orient et Occident, Éditions Véga
  • On peut faire semblant d'être grave ; on ne peut pas faire semblant d'avoir de l'esprit. Sacha Guitry, In l'Esprit de Guitry Gallimard
  • Ami, cache ta vie et répands ton esprit. Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres, À un poète
  • L'âme française est plus forte que l'esprit français, et Voltaire se brise à Jeanne d'Arc. Victor Hugo, Tas de pierres, Éditions Milieu du monde
  • L'instinct, c'est l'âme à quatre pattes ; la pensée c'est l'esprit debout. Victor Hugo, Tas de pierres, Éditions Milieu du monde
  • La plus grande infirmité qui puisse échoir à un esprit faible, c'est de devenir un esprit fort. Victor Hugo, Tas de pierres, Éditions Milieu du monde
  • La vieillesse n'ôte à l'homme d'esprit que des qualités inutiles à la sagesse. Joseph Joubert, Pensées
  • L'esprit de la conversation consiste bien moins à en montrer beaucoup qu'à en faire trouver aux autres : celui qui sort de votre entretien content de soi et de son esprit l'est de vous parfaitement. Jean de La Bruyère, Les Caractères, De la société et de la conversation
  • Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit. Jean de La Bruyère, Les Caractères, Du mérite personnel
  • Le dernier point d'appui de toute vérité et de toute existence, c'est la spontanéité de l'esprit. Jules Lachelier, Psychologie et métaphysique, Alcan
  • Mon Dieu, que ces gens d'esprit sont bêtes ! Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses
  • Avant l'homme, l'esprit dormait pour ainsi dire dans la nature. Il dormait, et le monde était son rêve : rêve obscur et gigantesque […]. Jules Lagneau, Discours de Vanves, 1886
  • Le corps est dans l'esprit. Jules Lagneau, Fragments
  • La philosophie n'est autre chose que l'effort de l'esprit pour se rendre compte de l'évidence. Jules Lagneau, In Revue philosophique février 1880
  • Au moment où la foi sort du cœur, la crédulité entre dans l'esprit. Félicité de La Mennais, Mélanges religieux et philosophiques
  • On trouve des moyens pour guérir de la folie, mais on n'en trouve point pour redresser un esprit de travers. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Tous ceux qui connaissent leur esprit ne connaissent pas leur cœur. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Le travail du corps délivre des peines de l'esprit, et c'est ce qui rend les pauvres heureux. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Un homme d'esprit serait souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Le beau péché du monde est celui de l'esprit. Patrice de La Tour du Pin, Une somme de poésie, Gallimard
  • L'âme haute et l'esprit pur Se nourrissent de rancune. Patrice de La Tour du Pin, Une somme de poésie, Gallimard
  • Avoir de l'esprit. Plaire aux femmes. Rien qui s'oppose davantage. Paul Léautaud, Propos d'un jour, Mercure de France
  • L'amour-propre d'un sot est aussi dangereux que celui d'un homme d'esprit est utile. Charles Joseph, prince de Ligne, Mes écarts
  • Je connais des gens qui n'ont d'esprit que ce qu'il leur faut pour être des sots. Charles Joseph, prince de Ligne, Mes écarts
  • Il est d'un petit esprit, et qui se trompe ordinairement, de vouloir ne s'être jamais trompé. Louis XIV, Mémoires
  • Soyez en garde contre le goût que vous avez pour l'esprit. Trop d'esprit humilie ceux qui en ont peu. Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon, Conseils à la duchesse de Bourgogne
  • L'Acropole est le seul lieu du monde hanté à la fois par l'esprit et par le courage. André Malraux, Oraisons Funèbres, Hommage à la Grèce , Gallimard
  • Où l'esprit est divin et véhément La liberté y est parfaitement. Marguerite d'Angoulême, Les Prisons
  • Le trop spirituel est un homme qui n'a jamais assez d'esprit pour savoir la juste mesure qu'il en faut avoir. Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, Réflexions
  • La plupart des femmes qui ont beaucoup d'esprit ont une certaine façon d'en avoir qu'elles n'ont pas naturellement, mais qu'elles se donnent. Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, La Vie de Marianne
  • L'esprit de la révolution sera trahi par l'esprit militaire. Roger Martin du Gard, Correspondance avec A. Gide, Gallimard
  • Il ne suffit pas d'avoir de l'esprit. Il faut en avoir encore assez pour s'abstenir d'en avoir trop. André Maurois, De la conversation, Hachette
  • [Notre esprit] étant en quelque façon infini, trouve par toutes sortes de ressentiments et d'expériences que ce monde-ci n'est pas sa propre demeure. abbé Marin Mersenne, Impiété des déistes athées et libertins, renversée et confondue
  • Nul n'aura de l'esprit hors nous et nos amis. Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, Les Femmes savantes, III, 2, Armande
  • Quand on court après l'esprit, on attrape la sottise. Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, Mes pensées
  • Il y a de deux sortes d'esprits, l'un géométrique, et l'autre que l'on peut appeler de finesse. Le premier a des vues lentes, dures et inflexibles ; mais le dernier a une souplesse de pensée qu'il applique en même temps aux diverses parties aimables de ce qu'il aime. Blaise Pascal, Discours sur les passions de l'amour
  • Différence entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. - En l'un, les principes sont palpables, mais éloignés de l'usage commun […] Mais dans l'esprit de finesse, les principes sont dans l'usage commun et devant les yeux de tout le monde. Blaise Pascal, Pensées, 1 Pensées
  • La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle. Blaise Pascal, Pensées, 793 Pensées
  • L'esprit est un monde à l'envers. Le clair y procède de l'obscur, la pensée y sort des mots. Jean Paulhan, Les Fleurs de Tarbes, Gallimard
  • […] Rien ne marque tant la vaste étendue d'un esprit que de pouvoir s'élever en même temps aux plus grandes choses et s'abaisser aux plus petites. Charles Perrault, Histoires ou Contes du temps passé, Préface
  • Les personnes d'esprit sont-elles jamais laides ? Alexis Piron, La Métromanie, II, 8, Damis
  • Le bonheur est salutaire pour les corps, mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, le Temps retrouvé , Gallimard
  • La matière est réelle parce qu'elle est une expression de l'esprit. Marcel Proust, Pastiches et mélanges, Gallimard
  • L'esprit dans les grandes affaires n'est rien sans le cœur. Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz, Mémoires
  • Esprit moqueur, petit esprit. La moquerie est la fiente de l'esprit critique. Pierre Reverdy, En vrac, Éditions du Rocher
  • L'esprit qui s'élève sur les siècles s'élève pour des siècles. Romain Rolland, Le Théâtre du peuple, Albin Michel
  • L'amour est le comble de l'esprit. Denis de Rougemont, Penser avec les mains, Gallimard
  • On dirait que mon cœur et mon esprit n'appartiennent pas au même individu. Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions
  • Je ne sais ce que c'est que le cœur, […] je n'appelle ainsi que les faiblesses de l'esprit. Donatien Alphonse François, comte de Sade, dit le marquis de Sade, La Philosophie dans le boudoir
  • Jeune, on se passe très aisément d'esprit dans la beauté qu'on aime et de bon sens dans les talents qu'on admire. Charles Augustin Sainte-Beuve, Mes poisons
  • C'est l'esprit qui mène le monde et non l'intelligence. Antoine de Saint-Exupéry, Carnets, Gallimard
  • L'illumination n'est que la vision soudaine, par l'Esprit, d'une route lentement préparée. Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, Gallimard
  • Il faut ramener toutes les définitions à la conscience : l'esprit est un sophiste qui conduit les vertus à l'échafaud. Louis Antoine Léon Saint-Just, Fragments sur les institutions républicaines
  • Il en est de certains esprits comme de certaines maisons sordides ; ils ouvrent sur des basses-cours. Joseph-Marie, dit Joséphin Soulary, Promenade autour d'un tiroir
  • En son fourmillement d'âmes, dont chacune résume un monde, l'Humanité est […] l'amorce d'un Esprit supérieur. Pierre Teilhard de Chardin, Écrits du temps de la guerre, Le Seuil
  • Il n'y a pas, concrètement, de la Matière et de l'Esprit : mais il existe seulement de la Matière devenant Esprit. Pierre Teilhard de Chardin, L'Énergie humaine, Le Seuil
  • La grande erreur des gens d'esprit est de ne croire jamais le monde assez bête. Claudine Alexandrine Guérin de Tencin, Cité par Nicolas de Chamfort dans Caractères et Anecdotes
  • Le secret d'un homme d'esprit est moins secret que le secret d'un sot. Paul Valéry, Choses tues, Gallimard
  • Notre esprit est fait d'un désordre, plus un besoin de mettre en ordre. Paul Valéry, Mauvaises Pensées et autres, Gallimard
  • L'esprit est peut-être un des moyens que l'Univers s'est trouvé pour en finir au plus vite. Paul Valéry, Mélange, Gallimard
  • Je ne sais pas ce qu'est la conscience d'un sot, mais celle d'un homme d'esprit est pleine de sottises. Paul Valéry, Monsieur Teste, Extraits du Log-book de Monsieur Teste , Gallimard
  • Il n'y a peut-être point de vérité qui ne soit à quelque esprit faux matière d'erreur. Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Réflexions et Maximes
  • On ne s'amuse pas longtemps de l'esprit d'autrui. Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Réflexions et Maximes
  • Tous les tableaux humains qu'un Esprit pur m'apporte S'animeront pour toi quand devant notre porte Les grands pays muets longuement s'étendront. Alfred, comte de Vigny, Les Destinées, la Maison du berger
  • L'esprit meut la masse [de la matière]. Virgile en latin Publius Vergilius Maro, L'Énéide, VI, 727
  • Un esprit solide dans un corps humain, c'est la plus grande force dans la plus grande faiblesse. Isocrate, À Démonicos, 40 (traduction Mathieu et Brémond)
  • Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'esprit de Dieu habite en vous ? ,  Saint Paul, Épître aux Corinthiens, Ière, III, 16
  • La lettre tue, l'esprit vivifie. ,  Saint Paul, Épître aux Corinthiens, IIe, III, 6
  • Appliquez-vous à conserver l'unité de l'esprit par ce lien qu'est la paix. ,  Saint Paul, Épître aux Éphésiens, IV, 3
  • N'éteignez pas l'Esprit. ,  Saint Paul, Épître aux Thessaloniciens, Ière, V, 19
  • Le vent souffle où il veut ; Tu entends sa voix, Mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit. , Évangile selon saint Jean, III, 8
  • Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux. , Évangile selon saint Matthieu, V, 3
  • Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ; l'esprit est ardent, mais la chair est faible. , Évangile selon saint Matthieu, XXVI, 41
  • Il y a quelqu'un qui a plus d'esprit que Voltaire, c'est tout le monde. Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, Discours à la Chambre des pairs, 24 juillet 1821
  • Les grands esprits sont sûrement de proches alliés de la folie, et de minces cloisons les en séparent. John Dryden, Absalom and Achitophel, I
  • - Je suis l'esprit qui toujours nie, et c'est avec justice : car tout ce qui existe est digne d'être détruit ; il serait donc mieux que rien n'existât. Johann Wolfgang von Goethe, Premier Faust, cabinet d'étude Faust I, Studierzimmer
  • La terreur que l'esprit ressent devant le corps a rendu fous d'innombrables mortels. David Herbert Lawrence, Le Serpent à plumes, Préface The Plumed Serpent, Preface
  • C'est souvent la pauvreté de l'esprit qui rend les gens studieux. Poul Martin Møller, Pensées détachées
  • L'homme qu'anime l'esprit n'achoppe pas devant les barrières et les différences ; elles le stimulent plutôt. Seul l'homme dénué d'âme en sent le poids et l'entrave. Friedrich, baron von Hardenberg, dit Novalis, Foi et amour Glauben und Liebe
  • L'esprit est le principe de la vie, la matière en est l'élément fondamental. Sima Qian, Traduction D. Tsan
  • Si l'on ne commence pas par assurer l'équilibre de son esprit, comment gouverner le monde ? Sima Qian, Traduction D. Tsan
  • L'esprit libre et curieux de l'homme est ce qui a le plus de prix au monde. John Steinbeck, À l'est d'Eden, 13 East of Eden, 13
  • Dans tout l'univers ne reste immuable que l'esprit. Anton Pavlovitch Tchekhov, La Mouette, I, Nina
  • Rappelez-vous : corps-esprit, esprit-corps, tout est lié. De Olivier Lockert / Hypnose , 
  • A esprit libre, univers libre. De Koan zen , 
  • L'esprit de révolution, l'esprit d'insurrection est un esprit radicalement contraire à la liberté. De François Guizot / Histoire parlementaire de France , 
  • Il y a deux sortes d'esprit : l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. De Blaise Pascal / Discours sur les passions de l'amour , 
  • Un esprit sain dans un corps sain. De Juvénal / Satires , 
  • Esclave de corps, d’esprit libre. De Sophocle , 
  • Que chacun apprenne à connaître son esprit. De Cicéron , 
  • Vide ton esprit de toi-même. De Sagesse bouddhiste , 
  • Plutôt manquer d’yeux que d’esprit. De Proverbe turc , 
  • C’est l’esprit qui vivifie. De Saint Jean , 
  • Dans la langue yanomami, qui est l’une des six langues de la famille des langues yanomami, le mot « utu » signifie ombre, et aussi esprit. Dans la culture Yanomami, tout a un esprit, que ce soit un objet, un animal ou un élément de la nature. Lorsque quelqu’un meurt, tout ce qui lui appartenait doit disparaître avec lui : les biens matériels sont détruits ou brûlés, la ferme est détruite, les pavillons de chasse sont brûlés, les traces sont effacées. Pressenza, L’esprit de l’image
  • Un mordant que l’on retrouve dans les notes sur bout de papier dans lesquels il consignait des bons mots, traits d’esprit et anecdotes qui alimentaient l’art de la conversation dans lequel il excellait. « Les cartouches de l’homme du monde qui, tous les jours, est obligé de tirer pour riposter dans les salons. » Ce sont ces cartouches, cousues et rassemblées en livre (les fameuses Maximes et pensées) par Guinguené, qui ont assuré la postérité de leur auteur. « Sans lui on aurait oublié Chamfort ». www.lejdc.fr, Chamfort, un esprit libre et révolté raconté par Jean-Baptiste Bilger - Paris (75000)
  • Inspiré du nom donné aux manutentionnaires du marché central des Halles de Paris au XIXème siècle, L’esprit des Forts propose, pour sa première gamme, de réinventer une icône chargée d’histoire : le débardeur Marcel. , Montpellier. L’Esprit des Forts, l'élégance à la Française made in Occitanie | Métropolitain
  • Cette épreuve a permis de renforcer encore davantage la solidarité au sein du réseau AXEO Services et l’esprit d’appartenance des franchisés. Touchés par l’implication et l’engagement de leur franchiseur à leurs côtés dans cette période sombre, ces derniers ont tenu à exprimer leur reconnaissance en réalisant une vidéo de remerciements dédiée aux équipes de la tête de réseau. Toute la Franchise, AXEO Services : La crise a mis en exergue l’esprit de solidarité au sein du réseau
  • L'esprit est toujours la dupe du cœur. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Il est des lieux où souffle l'esprit. Maurice Barrès, La Colline inspirée, Plon
  • Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière. Charles Baudelaire, Fusées
  • Les défauts de l'esprit augmentent en vieillissant, comme ceux du visage. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes

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Traductions du mot « esprit »

Langue Traduction
Anglais mind
Espagnol mente
Italien mente
Allemand verstand
Chinois 心神
Arabe روح
Portugais mente
Russe разум
Japonais マインド
Basque gogoan
Corse mente
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Synonymes de « esprit »

Source : synonymes de esprit sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « esprit »

Combien de points fait le mot esprit au Scrabble ?

Nombre de points du mot esprit au scrabble : 8 points

Esprit

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