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Être

Variantes Singulier Pluriel
Masculin être êtres

Définitions de « être »

Trésor de la Langue Française informatisé

ÊTRE1, verbe intrans.

1reSection. Emploi abs., au sens fort. Exister. Cf. avoir, devenir, paraître.
I.− [D'un point de vue abstr.]
A.− [Dans un cont. relig. judéo-chrét., philos. ou littér., avec une idée d'éternité, d'absence de commencement et de fin; p. réf. à la célèbre définition de Dieu dans l'Exode (III, 14)] Dieu se nomme « celui qui est » ou, plus concrètement : Eyé, « je suis » (Weill, Judaïsme,1931, p. 98):
1. Il [Dieu] dit : Je suis. C'est tout. C'est en bas qu'on dit : j'ai. Hugo, Dieu,1885, p. 149.
2. « On ne se plonge jamais deux fois dans le même fleuve ». Je ne le sais que trop. Il n'y a que l'Éternel qui soit. Ce nom d'Éternel est le plus beau qu'on ait donné à Dieu. Green, Journal,t. 2, 1937, p. 106.
B.− [Dans un cont. philos. et littér., sans idée d'éternité] Commencer d'être. L'homme est incessamment et nécessairement opposé à ce qui est par le souci de ce qui n'est pas! (...) il enfante laborieusement, ou bien par génie, ce qu'il faut pour donner à ses rêves la puissance et la précision mêmes de la réalité (Valéry, Variété I,1924, p. 36):
3. ... le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, quant au présent instantané, chacun sait bien qu'il n'est pas du tout, il est la limite d'une division infinie, comme le point sans dimension. Sartre, Être et Néant,1943, p. 150.
[Être au passé simple, avec valeur inchoative] :
4. Chair, mystère plus noir et plus mélancolique Que tous autres, pourquoi toi? Mais Dieu te voulut, Et tu fus, et tu vis, comment? au vent oblique Des funestes saisons et du mal qui t'élut. Verlaine, Poèmes divers,1896, p. 168.
II.− P. ext. [D'un point de vue concr.]
A.− [En parlant d'un être vivant]
1. Être au monde; vivre en général :
5. Tout passe, ils [ces arbres] sont debout, dix races ont été; Et moi qui, jeune encor, sous leur ombre ai chanté, Moi-même dans la tombe ils me verront descendre... L. de Fontanes, Œuvres,t. 1, La Forêt de Navarre, 1821, p. 3.
[Avec valeur intensive] Cf. exister C.Pour sa fille et pour son fils, c'étoit déjà comme s'il n'avoit jamais été (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 421).
N'être plus. Être mort :
6. Première séance (...) pour le jury de l'Exposition de 1855. J'y ai vu le pauvre Visconti à deux heures (...) à cinq heures, il n'était plus! Delacroix, Journal,1853, p. 141.
Expr. proverbiale. On ne peut pas être et avoir été :
7. Une tristesse indéfinissable, poignante, irrésistible, m'étreignait le cœur, la tristesse des existences accomplies, qui se débattent encore dans les souvenirs comme on se noie dans une eau profonde. De ma place, je voyais passer sur la route les voitures, brillantes et rapides, allant de Nice à Monaco. Et, dedans, des femmes jeunes, jolies, riches, heureuses; des hommes souriants et satisfaits. Elle suivit mon regard, comprit ma pensée et murmura avec un sourire résigné : « On ne peut pas être et avoir été ». Maupass., Contes et nouv.,t. 1, J. Romain, 1886, p. 1294.
2. Vivre une vie pleinement humaine. La volonté d'être; le bonheur d'être. « La Difficulté d'être » (J. Cocteau, 1947).Son œuvre [de MmeJuliette Lamber] est presque tout entière une apothéose de la terre et de la vie terrestre. Croyance passionnée à la bonté des choses; ivresse d'être et de sentir; libre vie qui, pour être heureuse, n'en est pas moins noble (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 133):
8. Brusquement, Paris, 1896-1902. Luttes et crises − politiques, morales, esthétiques. Tout à la fois. En ces troubles années, petits provinciaux découvrant la ville, nous nous battions pour nos vérités, pour nos raisons d'être − et aussi pour nous faire d'autres yeux, d'autres oreilles, une façon neuve de sentir le monde. L. Febvre, Combats pour hist.,1935, p. 46.
9. Délicieuse angoisse d'être, proximité exquise d'un danger dont nous ne connaissons pas le nom, vivre, alors, est-ce courir à sa perte? Camus, Été,1954, p. 188.
Se montrer, se comporter, dans des circonstances particulières, dans ses relations avec autrui. Ce n'est pas dans sa manière d'être; changer sa manière d'être; cet acte reflète une singulière façon* d'être. P. ext. La manière d'être d'une époque.
Rem. 1. Raison d'être, au sing. et au plur., peut être compris de deux manières : a) raison de vivre (cf. supra) et dans ce cas concerne plus particulièrement l'homme; b) raison d'exister, d'être là, à cet endroit, à ce moment-là et dans ce cas concerne la fonction, la définition même d'une chose. L'argent a été aussi victime du papier-monnaie : en effet, l'établissement, parallèlement à la monnaie d'or, de billets de banque convertibles, a fait perdre à la monnaie d'argent sa raison d'être (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1968, p. 47). 2. Manière d'être s'emploie également quoique plus rarement en parlant d'une chose. La manière d'être du cuivre [à l'état natif], parfois soudé, mais non combiné à l'argent natif et souvent adhérent à des cristaux de calcite, ne laisse guère de doute sur l'espèce de galvanoplastie naturelle qui a amené le métal à cet état (Lapparent, Minér., 1899, p. 595).
B.− [En parlant d'une chose] Exister, être réellement comme le vérifie l'expérience; en partic. être conforme à la réalité. Ce temps n'est plus; le temps n'est plus où... :
10. Le procès de l'intellectualisme n'est pas le sujet que je veux traiter : je veux parler de la science et pour elle, il n'y a pas de doute : par définition, pour ainsi dire, elle sera intellectualiste ou elle ne sera pas. Ce qu'il s'agit précisément de savoir, c'est si elle sera. H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 217.
11. « Ce qui se passe là, devant moi », se dit tout à coup Antoine, « aurait été jadis absolument imprévisible... Daniel, infirme, mal tenu, métamorphosé en bonne d'enfant!... Et ce petit, qui est le fils de Jenny et de Jacques!... Pourtant, cela est. Et c'est à peine si je m'étonne... Tant la réalité a d'évidence... Tant cette évidence s'impose!... Dès que les choses sont arrivées, nous ne pensons même plus qu'elles auraient pu ne pas être... ou qu'elles auraient pu être toutes différentes... » Martin du G., Thib.,Épil., 1940, pp. 830-831.
[Pour rappeler une situation bien établie; en début de phrase ou en incise] Loc. Cela étant; ce* étant (rare); (et) si cela était; (et) quand cela serait. Je ne sais pas si tu as besoin d'argent; car tu ne m'a jamais parlé de tes affaires. Si cela était, tu en demanderais à mon frère qui a 200 louis à moi (Napoléon Ier, Lettres Joseph.,1796, p. 29).Maurice (...) Monsieur, vous êtes le chevalier de Maison-Rouge? (...) Le chevalier. Et quand cela serait? (Dumas père, Chev. Maison-Rouge,1847, V, 11, p. 110):
12. Le propre de toutes les disputes philosophiques est de laisser chacun des philosophes précisément dans les opinions qu'il avait auparavant. Cela étant, il vaut bien mieux ne pas disputer puisque ainsi on arrive au même résultat sans faire d'effort. Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1843, p. 67.
III.− En partic., formes figées de être
A.− Soit, subj. lexicalisé
1. Ainsi soit-il (v. amen).[Pour exprimer qu'un souhait ou un ordre se réalise]
a) [Sert à conclure une prière] Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort, Ainsi soit-il! (2epartie de la prière dite Ave Maria).
b) P. ext., fam. et qqf. p. plaisant. [Pour conclure un discours, un raisonnement] :
13. − Oui : c'est tout à fait ça! Bientôt il nous reviendra, guéri! − Plus étonnant que jamais! − Solide comme le fer! − Aussi dur qu'un granit. − Toujours affable! − Ainsi soit-il! Les bons vents l'accompagnent et qu'il pense à nous! Cladel, Ompdrailles,1879, p. 87.
14. Je saurai dire : « Ainsi soit-il », à quoi que ce soit qui m'advienne, fût-ce à ne plus être, à disparaître après avoir été. Mais à présent je suis et ne sais trop ce que cela signifie. Je voudrais tâcher d'y voir clair. Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 308.
2. [Pour exprimer une hypothèse ou une supposition (principalement dans les énoncés mathématiques); la forme peut se présenter au sing. ou au plur.] Synon. étant donné.Soit n un entier naturel et A un nombre réel différent de zéro (J. Commeau, Math. Élémentaires, Analyse,Paris, Masson, 1965, p. 247):
15. Soient x et y les bornes d'entrée et de sortie d'un dipôle entre lesquelles existe un contact A qui peut être ouvert ou fermé. G. Casanova, L'Algèbre de Boole,Paris, P.U.F., 1972, p. 90.
Soit à + inf.Représenter une droite perpendiculaire à l'un quelconque des plans bissecteurs : 1oSoit d'abord à représenter une droite perpendiculaire au premier plan bissecteur (X. Antomari, Cours de géom. descriptive,Paris, Libr. Vuibert et Nony, 1910, p. 39).
P. ext. :
16. Tel ouvrage allemand de premier ordre est lourd et insupportable en français (...). Soit, par exemple, l'admirable introduction de G. de Humboldt à son essai sur le kawi, où se trouvent réunies les plus fines vues de l'Allemagne sur la science des langues, cet essai serait traduit en français qu'il n'aurait aucun sens et paraîtrait d'une insigne platitude : et c'est là ce qui en fait l'éloge ... Renan, Avenir sc.,1890, p. 498.
3. [Pour expliciter un cont.] Synon. c'est-à-dire*, à savoir.La production globale de cette usine est de 5 000 unités par mois soit le tiers de la production nationale :
17. Ils [des phénomènes périodiques ou pseudo-périodiques variés] sont en quelque sorte prévisibles. Si, par exemple, il s'agit du do au-dessus du la du diapason (440) soit 1 056 périodes par seconde, dans ce dixième il y aura 105 de ces périodes, ce qui est largement suffisant pour identifier la hauteur de ce son. Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 52.
B.− [Autres emplois mentionnés à leur rang alphabétique]
1. [Pour exprimer le consentement, la concession] Soit (!), adv. d'affirmation. Admettons qu'il en soit ainsi.
2. [Pour exprimer l'alternative] Soit*... soit, soit*... ou.
3. Peut-être*, adv. (Comme) cela peut être.
2eSection. Premier élément d'une expression binaire.
I.− [Affirme ce que quelqu'un ou quelque chose est, dans son essence, sa réalité, son apparence; ou sert à traduire une modalité de jugement sur quelqu'un ou quelque chose]
A.− [Copule de prédicat attributif]
1. [L'attribut est un adj.]
a) [Le suj. est un animé (divin, humain, animal)] Dieu est éternel, l'homme est mortel; je ne tiens pas à lui être agréable; ne vous faites pas plus mauvais que vous n'êtes. Il n'y a qu'une manière d'être libre, c'est de le vouloir. La liberté se prend, ne se mendie pas (Fondateurs 3eRépubl., Ferry, 1865, p. 312).C'est un caniche. Il est blanc, et comme tous les chiens blancs en France, il a nom Black (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, III, 5, p. 146):
18. Les gens de lettres sont rarement jaloux des réputations quelquefois exagérées qu'ont certains ouvrages de gens de la cour; ils regardent ces succès comme les honnêtes femmes regardent la fortune des filles. Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 72.
19. M. Thibault songeait au fugitif. « Au moins s'il est dehors, il n'aura pas trop froid. » L'émotion amollit ses jambes. Il s'arrêta et se tourna vers son fils. L'attitude d'Antoine lui rendait un peu d'assurance. Il avait de l'affection pour son fils aîné; il en était fier; et il l'aimait particulièrement ce soir, parce que son animosité vis-à-vis du cadet s'était accrue. Martin du G., Thib.,Cah. gr., 1922, p. 588.
Fam. [Avec inversion du suj. dans une tournure exclam.] Est-il drôle! :
20. Ce fut une protestation comique de la part de ces messieurs. Philippe leur cria de ne pas se gêner. Vandeuvres demanda s'il fallait sortir. Georges était venu prendre Satin par la taille et l'avait ramenée à sa place. − Êtes-vous bêtes! dit Nana, vous la faites rougir, cette pauvre mignonne... Va, ma fille, laisse-les blaguer. Ce sont nos petites affaires. Zola, Nana,1880, p. 1367.
Rem. Les dict. enregistrent le proverbe : il faut être tout un ou tout autre « il faut choisir un parti et le suivre ».
b) [Le suj. est un inanimé] Le silence est profond; la terre est ronde; quel est le résultat de vos réflexions? La littérature française est si belle, les Français ont tant de trésors, qu'ils sont comme les gens fort riches, ils ignorent leurs trésors (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1835, p. 18).Allons, prends une chaise, vieux, assieds-toi. Quel dommage que tu ne puisses pas goûter de ce pâté, il est délicieux! (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 27):
21. Il allait très vite, singulièrement vite sur ce mauvais sentier qu'il n'avait cependant suivi qu'une fois − plus vite qu'elle − avec une assurance de somnambule. L'air était calme autour d'eux, et si froid, qu'ils avaient l'impression d'une sorte de résistance imperceptible, ainsi que d'une légère soie qui se déchire. Bernanos, Crime,1935, p. 741.
c) [Le suj. est un neutre] Rien n'est trop beau pour lui. Cf. également infra : c'est et il est.Rien n'est plus cher pour une nation que les réputations à créer (Constant, Principes pol.,1815, p. 50):
22. Les grandes puissances représentent à la fois une population nombreuse, une civilisation développée, une grande force politique. C'est à elles qu'incombent les plus grandes responsabilités. Cela est particulièrement manifeste en cas de crise internationale, et notamment s'il s'agit d'appliquer les sanctions de l'article 16. Cons. S.D.N.,1938, p. 13.
d) [Le suj. est un inf. employé seul ou suivi d'un compl.] Agir était plus atroce que Paulina n'avait pu l'imaginer (Jouve, Paulina,1925, p. 206):
23. Se lamenter d'avoir une mauvaise épouse est aussi sot, aussi pitoyable que se lamenter d'avoir une sale gueule... Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 119.
EXPR. [À demi figées placées en position marginale ou en incise] a) Quel(le,s) qu'il (elle,s) soi(en)t; quel que fût l'avenir du monde; quelle que fût sa nature, quelle que soit l'époque. b) Si particulier qu'il soit, si intelligent qu'il fût par ailleurs. c) [En construction sub. par que relatif ou comme] Sotte qu'elle est, méchant que tu es; malheureux, intelligent comme* il est. d) [Avec inversion du suj.] Si malin, si heureux soit-il; maudit soit-il; fût-il riche, fût-elle la plus jolie.
Rem. 1. On rencontre dans la docum., le tour expressif et fam., utilisé dans le style direct, consistant à préciser le suj. réel en fin de phrase par le nom qu'il représente par anticipation. Il est très bon ton ragoût. Madame va en manger avec moi. N'est-ce pas, Madame? (Zola, Assommoir, 1877, p. 469). Arrivé au porte-monnaie, il [Volpatte] le considéra d'un air plein de pitié. − Il est salement plat, le frère (Barbusse, Feu, 1916, p. 194). − « Dis donc, il est beau ton petit, Marie-Jeanne! » Marie-Jeanne, la gorge gonflée de joie, souriait humblement (Queffélec, Recteur, 1944, p. 165). Ce tour s'emploie dans des constructions pop. : il est en voyage le père; elle est à Paris la petite; il est arrivé le colis. 2. Le redoublement du suj. (gén. un pronom personnel à la forme tonique, repris par la forme atone) peut avoir lieu en début de phrase dans des énoncés du type : eux, ils sont très beaux. Elle [la femme aimée], elle était l'âme qui m'avait donné la force de le subir... (J. Bousquet, Trad. du silence, 1935-36, p. 182). Cf. également infra c'est A II b.
2. [L'attribut est un subst.]
a) [Subst. sans article ni adj. déterminatif]
α) [Le subst. concr. ou abstr., sert à exprimer une manière d'être, avec valeur de quasi-adj. qualificatif] Être vainqueur, victime; être bon copain; être gens de parole; être bon père; en bon mari qu'il est; être poire, vache (pop.). Ce nom, c'était Héloïse. Elle était femme, et elle écrivait en latin; elle était abbesse, et elle avait un amant! (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 88):
24. Jean Valjean n'avait jamais rien aimé. Depuis vingt-cinq ans il était seul au monde. Il n'avait jamais été père, amant, mari, ami. Au bagne il était mauvais, sombre, chaste, ignorant et farouche. Le cœur de ce vieux forçat était plein de virginités. Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 524.
25. Cela c'était du temps de mon père, quand il était petit garçon. Mais quand j'étais petit, grand-père racontait que du temps de son père à lui le tombeau servait de poste à feu où l'ancêtre et des voisins de ce temps-là, tous des campagnards comme nous le sommes restés, allaient s'embusquer pour tirer les oiseaux au moment de leur passage, au printemps et en automne. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 149.
Rem. À noter des expr. où le nominal neutre ou l'adv. prend valeur d'épithète. Ce sont des expr. cour. du type : il n'est rien de tout cela; elle est tellement plus que tout cela.
En partic. [Le subst. attribut désigne une catégorie mentale ou une valeur sociale ou morale] Être signe, source de; être occasion à; ce travail est œuvre de charité; ce châtiment est justice; le dimanche est jour de repos; la forêt était autrefois terre de chasse. Le génie, c'est d'avoir à la fois la faculté critique et les dons du simple. Le génie est enfant; le génie est peuple, le génie est « simple » (Renan, Avenir sc.,1890, p. 469).La croyance est rencontre : elle est rencontre de l'homme avec la vérité comme avec les autres hommes (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 118):
26. Dieu est esprit et vérité. Il voit tout, il sait tout, il contient en lui toutes choses. Dieu est justice : il punira toutes les fautes. Dieu est bonté : il pardonne au repentir. Enfin Dieu est miséricorde : il a pitié de tous nos maux. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 126.
β) [Le subst. exprime une profession, un rôle, un rang dans la société] Être médecin, paysan. Il est grave : il est maire et père de famille (Verlaine, Poèm. saturn.,1866, p. 77).F... − Je ne suis pas noble. Mon père est mort aux galères. Ma mère est blanchisseuse. Blanchisseuse de fin, il est vrai (Audiberti, Mal court,1947, III, p. 191).
SYNT. Être avocat, écrivain; être danseuse; il est, de son métier, ébéniste; être soldat, officier; être conseiller d'État, préfet, président; être roi, comte; être élève, professeur; être prêtre; être domestique; être locataire, propriétaire.
b) [Subst. avec article ou adj. déterminatif]
α) [En réponse à la question qu'êtes-vous? Article gén. indéf. Appartenance à une catégorie d'êtres; le contenu de l'énoncé est non réversible] La liberté est un mêts qui ne convient pas à tous les estomacs (Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 108).Le soleil est un globe immense qui, par les jets de sa lumière, électrise tous les corps planétaires (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 342).En l'an 3000 avant notre ère déjà, les Égyptiens étaient un peuple civilisé (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 18):
27. Jouir est une science, et l'exercice des cinq sens veut une initiation particulière, qui ne se fait que par la bonne volonté et le besoin. Baudel., Salon,1846, p. 98.
28. Ce méchant bouquin, dont se servit ma mère pour m'enseigner l'art si difficile de la lecture, ce livre qu'elle-même possédait déjà, du temps qu'elle était écolière, me fait donc songer qu'elle a été une petite fille. Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 90.
En partic. [Dans des raisonnements de type syllogistique] :
29. − Je ne voudrais pas, mon lieutenant, que vous me preniez pour un homme qui se monte la tête. Il y a des choses que je me dis depuis longtemps. Mais n'est-ce pas? on ne veut pas se l'avouer. On a déjà tant de sujets de ne pas être gai. On ne cherche pas à se rentrer la tête sous l'eau... Les poilus sont des sacrifiés... Voilà... Quand je dis ça, je le dis pour vous comme pour nous, mon lieutenant... Je ne suis pas assez bête. Vous êtes un poilu comme nous. Alors vous aussi, vous êtes un sacrifié. Romains, Hommes bonnes vol.,1938, p. 124.
β) [En réponse à la question qui êtes-vous? Article gén. défini. Jugement d'identification, le contenu de l'énoncé est réversible sous une forme le plus souvent légèrement modifiée] Cet enfant est votre fils; il est l'homme de ma vie (l'homme de ma vie [c']est lui, cf. infra 3esection I A 2 b); vous serez mon héritier. Le souvenir est, dit-on, le seul bien des amans malheureux : soit; mais avouons qu'il est le seul mal des amans heureux (Bichat, Rech. physiol. vie et mort,1822, p. 63).M. Salle est cet ancien avocat à qui un membre du conseil de guerre de 1894 a confié que Dreyfus avait été condamné sur une pièce secrète soustraite à son examen (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 50).Napoléon est vraiment le premier homme moderne (J.-R. Bloch, Destin S.,1931, p. 259):
30. Jésus est l'équilibre du monde, il est l'accomplissement de tout ce qui est humain et de tout ce qui est divin, il est l'anneau qui manquait, l'anneau de l'ancienne et de la nouvelle alliance, il est la rencontre de l'homme avec Dieu, la rencontre unique d'où a jailli l'étincelle de la charité. Psichari, Voy. centur.,1914, p. 218.
31. La notion de bénéfice a fait couler beaucoup d'encre; aujourd'hui encore, mais moins que dans le passé, le salarié y voit la cause de beaucoup de ses difficultés. Devenir le propriétaire ou le copropriétaire de l'entreprise a été longtemps l'ambition des travailleurs. « Tous patrons » était le signe d'une époque où l'état de salarié était sans espoir. Univers écon. et soc.,1960, p. 4404.
SYNT. et EXPR. Être l'espoir, le modèle de, le moyen de / pour, l'objet, l'œuvre, le refuge, le résultat, le symbole, le théâtre de; être le berceau de; être l'auteur de; Pierre est la bonté, l'innocence même; il est notre chef; tu seras la mère de mes enfants; quand on est l'homme (étant l'homme) que vous êtes.
c) [Pour exprimer le caractère absolu d'une affirmation; l'attribut reprend le mot employé comme suj.] Les affaires sont les affaires; Dieu est Dieu; la guerre est la guerre; un homme est un homme; un sou est un sou; un ordre est un ordre; une parole est une parole. Blanche, sa [de M. de Saint-Genis] mère est sa mère. Si elle a des défauts, je ne veux pas les voir (Becque, Corbeaux,1882, II, 5, p. 121).
Rem. Lorsque l'attribut est un nom propre on peut rencontrer des énoncés de 2 types a) [Inclusion simple : qqn de la valeur de (Shakespeare, Hugo)] N'est pas Shakespeare qui veut. Il m'est impossible de te confondre avec le littérateur littéraire, dont, fût-il un Hugo, le vrai portrait se vit à maint exemplaire dans les réceptions du sabbat chez H. (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1899, p. 365). b) [Double inclusion c'est-à-dire identité] C'est la période dans laquelle on invente Hamlet, si l'on s'appelle Shakespeare; le Cid, si l'on se nomme Corneille; les Brigands, si l'on est Schiller (Dumas père, C. Howard, 1834, avertissement, p. 206). Comme toujours, il [Bloch] choisit le parti de l'action. Il se jeta dans la résistance. Son centre d'opération fut la ville même où il était né, Lyon. Et il cessa d'être Marc Bloch pour devenir à la fois le « Maurice Blanchard » de sa fausse carte d'identité, et « Narbonne » (L. Febvre, Combats pour hist., Bloch et Strasbourg, 1939-45, p. 405).
3. [L'attribut est un nom. ou un pron.]
a) [Le nominal ou le pronom a une valeur qualificative] Il n'est plus ce qu'il a été; notre sentiment est ce qu'il était hier; il est ce qu'il est. Faible soulagement! Lamontette sentit bientôt qu'il était ce que j'avais été (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 140).Malatesta. − Il ne s'agit pas seulement de vivre, mais de vivre en étant et en paraissant tout ce qu'on est (Montherl., Malatesta,1946, I, 8, p. 459):
32. chantecler. − Je t'adore, Soleil! Tu mets dans l'air des roses Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson! Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses. O Soleil! toi sans qui les choses Ne seraient que ce qu'elles sont! E. Rostand, Chanteclerc,1910, I, 2, p. 28.
Être soi ou soi-même. Être fidèle à ce qu'on a toujours été; devenir soi-même, s'affirmer. Françoise n'avait pas osé être elle-même, et elle comprenait dans une explosion de souffrance que cette hypocrite lâcheté l'avait conduite à n'être rien du tout (Beauvoir, Invitée,1943, p. 297).
Être quelqu'un (d'important). [M. Ferdinand Brunetière] est quelqu'un; son avis compte, on sent qu'il n'est jamais négligeable. En un mot, il a l'autorité (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 217).
En partic. Être qqc. pour qqn; votre présence est un véritable réconfort pour elle; je sais ce que vous êtes pour moi; que crois-tu être pour lui?; vous ne m'êtes plus rien :
33. « Oh! oui, − dit-il en tombant à ses genoux, − oh! oui, vous êtes tout pour moi... vous êtes la seule qui m'ayez témoigné de l'intérêt... je vous aime de toute la tendresse que j'ai dans le cœur, je vous aime comme une mère, comme une sœur, comme une amie... » Sue, Atar Gull,1831, p. 33.
b) [Le pronom exprime une identité] Qui êtes-vous?; qui que vous soyez; votre prix sera le mien; mon opinion est la même que la vôtre. Carus distingue divers degrés du rêve prophétique. Les plus simples de ces songes sont ceux qui présagent des modifications dans l'organisme du rêveur (Béguin, Âme romant.,1939, p. 141):
34. Si j'avais été à l'égard de mon pauvre mari celle que j'aurais dû être, je me serais moins scandalisée au début, j'aurais été plus indulgente, et bien des malheurs ne seraient pas arrivés. Gobineau, Pléiades,1874, p. 176.
c) [Le pronom neutre représente]
α) [un antécédent immédiat placé en position marginale (subst., adj., part. passé passif)] Méchante, elle l'est; trompé, il l'est :
35. Ainsi se confirmaient déjà et menaçaient de se réaliser toutes les paroles de l'exécrable vieillard. Épouvanté, on le serait à moins, M. de La Seiglière ne rêvait plus que bouleversements et révolutions. Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 234.
Fam. [L'antécédent est sous-entendu] L'être. Être trompé. C'est notre sort... C'en est fait... je le suis (Boucher de Perthes, 1836ds Larchey, Excentr., 1865, p. 127).
Rem. Les dict. enregistrent un autre sens fam. : L'être, l'être encore « être encore vierge ».
β) [un antécédent placé en attribut dans une prop. antérieure] Il est très gai comme on peut l'être à son âge :
36. Le foible est toujours foible, il ne varie que dans sa foiblesse; mais le fort est foible quelquefois. Le sage paroît toujours semblable, il l'est autant que l'homme peut l'être, autant qu'il est bon que l'homme le soit; il maîtrise ses sensations ou se les déguise à lui-même. Senancour, Rêveries,1799, p. 79.
4. Cas partic. [Le suj. logique est un inf. ou une prop. sub. complétive; l'attribut est placé en tête de phrase de manière à être mis en relief, mais aussi parce que la lang. répugne d'ordinaire à mettre en tête de phrase une construction inf. ou une sub. complétive introduite par que] Être de + inf.; être que.Ma seule ambition est de devenir professeur [réversible en : devenir professeur est ma seule ambition]; mon unique désir est qu'il réussisse [réversible en : qu'il réussisse est mon unique désir]. Une autre circonstance que vous ignorez, et qui jusqu'à ce jour a retardé son voyage, est qu'il manque d'argent (Lemercier, Pinto,1800, II, 6, p. 55).La morale d'un loup est de manger des moutons, comme la morale des moutons est de manger de l'herbe (France, Vie fleur,1922, p. 470).
SYNT. et EXPR. a) L'essentiel, le plus sûr est de (cf. de II B 1 d); mon premier geste, mouvement, réflexe a été de; son unique ressource, le tout était de; mon rêve serait de; le but de la conversation fut de; son devoir, son métier est de. b) Ma conception, ma conviction, mon opinion est que; le seul espoir qui reste est que.
Rem. À noter l'expr. si tant est que; tant étant ici un archaïsme synon. de cela : si cela est que.
B.− [Être est suivi d'un adv., d'une loc. adv., ou d'un syntagme prép.]
1. [Pour indiquer une situation dans l'espace]
a) [D'un point de vue concr.] Être là; être ailleurs, dehors; y être; ici, à cette place où nous sommes; vous êtes ici chez vous; je serai à mon hôtel, chez moi à partir de 20 heures. Monsieur est à la chasse, madame en ville, et Joseph en course (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 156).La nuit, qui était partout, ouvrait, entre les maisons de plâtre qui flanquent la chaussée, de grands carrés sombres (Carco, Équipe,1919, p. 15):
37. Il y avait huit jours que M. de Kergaz, sa femme et le vicomte Andrea étaient arrivés à Kerloven. Ils étaient allés, le dimanche, à la messe du village, Armand donnant le bras à sa femme. − Quand nous serons en Bretagne, lui avait dit Andrea, vous saurez tout. Et ils étaient à Kerloven depuis huit jours, et Andrea ne paraissait point disposé à ouvrir la bouche. Ponson du Terr., Rocambole,t. 3, 1859, p. 488.
38. Il y en a qui se croient pas mal forts et qui pensent qu'ils peuvent se passer de l'aide du bon Dieu quand ils sont dans leur maison ou sur leur terre; mais dans le bois... Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 144.
SYNT. et EXPR. a) Être au salon, à table, à son bureau; être à la campagne, à l'hôpital, à la maison; être à la messe, à vêpres; être dans son bain; être dans son bureau; être en prison, en France; je serai entre Paris et Lyon à cette heure-là. b) Ce village est après, avant, auprès de, à côté de tel autre; cette maison est dans le voisinage; cette maison est contre, devant, derrière l'église; la voiture est en bas; les clés sont après la porte (fam.); les documents sont en lieu sûr. c) À combien sommes-nous de la ville la plus proche? Ce village est à 60 km de la préfecture. [Parallèlement expression de la distance en temps]. Mon atelier est à 5 minutes de chez moi; nous sommes à 10 minutes de la gare.
b) Au fig. Nous sommes loin de notre sujet; ce travail est au-dessous de tout; cet événement est encore dans toutes les mémoires; ma vie est entre vos mains; ce refrain est encore sur toutes les lèvres. L'artiste est en dehors de la politique (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 283):
39. Le bonheur a marché côte à côte avec moi; Mais la fatalité ne connaît point de trêve : Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve, Et le remords est dans l'amour; telle est la loi. − Le bonheur a marché côte à côte avec moi. Verlaine, Poèmes saturn.,1866, p. 82.
40. Dans le train, Mmede Séryeuse relisait : « Madame, La hâte avec laquelle je vous fais remettre cette lettre vous prépare déjà à ce que je viens vous dire. Pourtant, combien vous êtes loin de la vérité, comme il y a peu de jours, moi-même je l'étais! ... » Radiguet, Bal,1923, p. 166.
SYNT. et EXPR. Être à côté de la vérité, au-dessus des préjugés; être dans ses idées, dans les nuages; être dans la main de Dieu; cette décision est dans l'air; être sous le charme; être sous la domination, la tutelle de qqn; être sur la bonne voie, sur un coup, sur la piste d'une découverte, sur un sujet.
Être ailleurs. Avoir l'esprit ailleurs; ne pas prêter attention. Qu'a-t-elle aujourd'hui? Elle ne suit pas, elle est ailleurs. Cf. absent.
Fam. Être un peu là. Manifester de grandes capacités :
41. chichinette (à sa bonne). − ... t'as même gardé (...) le je-ne-sais-quoi. C'est tout à fait l'avis de Léon (...). Comme il disait : « Éponine, il y a ça de bon avec elle, elle n'en fout pas une datte (...) mais pour la chose physique, à faire dégobiller les ours, on peut dire qu'elle est un peu là ... » Courteline, Les Linottes,Le Madère, 1897, p. 213.
c) En partic. [Être est précédé du pron. adv. y]
α) Se trouver en un lieu. Y être; y être (pour qqn). − Monsieur Lorrain, vous me ferez le plaisir de dire que je n'y suis pas (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 232):
42. Il [Courtial] gueulait encore du tréfonds de la cave... Et surtout pas d'importuns! Pas d'emmerdeurs! Pas d'ivrognes! T'entends, je n'y suis pour personne! Je m'isole! Je m'isole absolument! ... Je resterai peut-être parti deux heures! ... peut-être deux jours! ... Mais je veux pas qu'on me dérange! Céline, Mort à crédit,1936, p. 439.
β) Au fig. Comprendre (un propos, une situation, etc.), suivre (un développement, etc.). Une terrible cacophonie ne tarda pas à s'ensuivre, et bientôt les musiciens cessèrent de jouer. « Eh! cher maître (...) arrêtez-vous donc! nous n'y sommes plus! » (Berlioz, Grotesques mus.,1869, p. 37).Henri dit gaiement : − Vous n'y êtes pas du tout; mais il y a de l'espoir. − Vous croyez? − J'en suis sûr. Asseyez-vous là, que je vous explique un peu le personnage (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 274):
43. Un soir que je passais par la rue de Bièvre (j'avais été demeurer dans celle des Bernardins qui en est proche), de loin j'aperçus à la fenêtre une femme (j'ignorais si c'était la mère ou la fille), qui gesticulait, en parlant à un grand clerc de procureur. Je la fixai, en avançant toujours. Je crus voir la mère, qui faisait des signes très intelligibles au jeune clerc; celui-ci lui répondait sur le même ton. Je passai sans regarder la femme en face. « J'y suis enfin, » pensai-je; « elle a d'autres vues pour sa fille! M'y voilà! » Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 196.
Fam. Ne pas être dans le coup. Ne pas comprendre.
[Dans un cont. de maladie] N'y être plus; la tête n'y est plus. Pauvre garçon! il ne vous entend pas, il n'y est plus! (Augier, Beau mar.,1859, IV, p. 172).[Pour excuser un ouvrier insolent :] c'est pas un mauvais garçon, seulement quand il a un verre de pichenet dans le fusil, il n'y est plus (Poulot, Sublime,1872, p. 134):
44. On a craint pour moi une fièvre cérébrale (...). Mon corps était bien au lit sous l'apparence du sommeil, mais mon âme galopait dans je ne sais quelle planète. Pour parler tout simplement, je n'y étais plus et je ne me sentais plus. Sand, Corresp.,t. 1, 1830, p. 107.
γ) Fam. [Pour constater l'aboutissement ou le résultat d'un effort, etc.] Y être. Être prêt. C'est prêt! Y êtes-vous, là-haut? cria la Maheude (Zola, Germinal,1885, p. 1205):
45. − Quelle heure qu'il est? demanda-t-il. − Eh! fit l'autre, je le sais t'y, moi! Dans les onze heures minuit, p't-êt' bien! Voyons, sacré lambin, y es-tu? Qué'q' tu cherches encore? Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 2, p. 112.
Ça y est. Cela est terminé, cela est prêt. Cf. cela et y.
[Pour exprimer un dénombrement] Le compte y est. Cf. compte ex. 5.
δ) Y être pour qqc. Cf. infra être pour.
EXPR. Tant qu'il y est, était (fam.); pendant que nous y sommes; le cœur n'y est plus; le ton n'y était pas.
d) [Aux temps passés, dans le style dir. et le lang. fam. être, suivi d'un compl. ou d'un adv. de lieu, s'emploie comme substitut de aller] Il a été trop loin; elle a été hier au bal; Pierre a été à la porte et l'a ouverte. J'avais été au temple avec ma mère; puis, à la sortie, je l'avais laissée (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 32).Le cirque... − Tiens!... tu fais bien de me le dire!... C'est justement là que j'allais te mener... − J'm'en doutais, et j'y ai été trois fois... (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 260):
46. ... on a été manger quelque chose à la Reine des Rascasses, une maison très distinguée; après, on est retourné au Bar du Cygne et de la Galère, après... je ne me rappelle plus. On a été partout; au Pavé d'amour, bien sûr. Mille, Barnavaux,1908, p. 55.
[Souvent sans expression du lieu, suivi d'un inf.] Le Cardinal. − Prenez garde à Lorenzo, duc. Il a été demander ce soir à l'évêque de Marzi la permission d'avoir des chevaux de poste cette nuit (Musset, Lorenzaccio,1834, IV, 10, p. 240).Autrefois je barbouillais du papier avec mes filles, Atala, Blanca, Cimodocée; chimères qui ont été chercher ailleurs la jeunesse (Chateaubr., Rancé,1844, p. VIII).La nourrice. − La nuit! C'était la nuit! Et tu veux me faire croire que tu as été te promener, menteuse! D'où viens-tu? (Anouil., Antig.,1946, p. 139).Cf. ex. 46.
[Avec en exprimant le lieu d'où l'on part] Emploi abs. Les groupes murmurèrent et s'en furent (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 159).Il courba le dos, et s'en fut (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 190).
Rem. Cf. en pron. II B 2 d, rem. sur s'en aller.
Fam. Ça a été. Synon. ça a marché (fam.).Cf. ça va (fam.).« Y a pas eu d'alerte, rien. Pour aller, ça a été... » (Barbusse, Feu,1916, p. 172):
47. Elle hochait la tête, en avançant les lèvres, comme une personne qui voudrait bien en savoir plus long, mais qui n'ose pas interroger. Elle demanda seulement : − Comme ça, la Picardie, ça n'a pas été? Bazin, Blé,1907, p. 376.
2. [Pour indiquer une situation dans le temps]
a) [Suivi d'une prép.]
Être au début de l'hiver, dans l'hiver (fam.), en hiver; être au mois de décembre; mon rendez-vous est à 16 heures. On était au 24 octobre. Ce jour-là, Pencroff était allé visiter les trappes, qu'il tenait toujours convenablement amorcées (Verne, Île myst.,1874, p. 207):
48. Le temps, changé, était devenu calme, brumeux, morne. L'alizé austral était mort à son tour, et la limpidité des tropiques était perdue. Une grande fraîcheur humide surprenait nos sens. On était en août, et c'était le froid de l'autre hémisphère qui commençait. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 78.
Être à l'âge de, où; être sur ses quinze ans. Honorine est dans sa quatre-vingt-septième année, mais elle ne peut pas dire l'âge de son frère, qui vient de mourir (Renard, Journal,1901, p. 683).Mon petit, tu es dans l'âge où l'on croit que la vie n'a que des sourires et des caresses (France, Pt Pierre,1918, p. 176).
Être à la mort (au moment de la mort). Sa grand' mère la [Catherine] réclama d'urgence, affirmant qu'elle était à la mort (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 168):
49. Dimanche 25 novembre. Rod (...) raconte un dîner de l'année dernière avec le ménage Forain, arrivé à huit heures dans la maison où l'on dînait, et la femme à son entrée s'écriant : « Pardon, nous sommes en retard... C'est que ma belle-mère est à l'agonie! » Goncourt, Journal,1894, p. 667.
Être sur la fin, sur le retour. Le vice-roi est sur le départ. Il entre par la porte fixe gauche et sans s'arrêter, sans se retourner, il sortira par la porte fixe droite (Claudel, Soulier,1944, 2epart., 7, p. 1071).
[Périphrase exprimant l'aspect duratif d'une action] Être en voie de; cette affaire était sur le point d'être conclue; je suis en train de travailler. Tu sais combien la jeune Hélène me plut. J'avais été bien près de l'aimer (Krüdener, Valérie,1803, p. 135).
b) [Sans prép.]
[Avec adv. en emploi abs.] Fam. Vous avez été bien (trop) longtemps; ne sois pas longtemps. Victor rentre et s'assied. − Je n'ai pas été long-temps, et pourtant j'ai conclu une bonne affaire (Leclercq, MmeSorbet,1835, 7, p. 161).
[Avec adv. déterminé] Être longtemps à, avant de, sans; nous serons longtemps avant de connaître la vérité sur cette affaire; il était longtemps à, avant de se décider; elle fut longtemps à s'endormir. Eutrope Gagnon s'en alla bientôt; les Chapdelaine, restés seuls, furent longtemps sans parler (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 145):
50. J'étois si fâché contre votre dernière petite lettre, chère sœur, que je voulois être encore longtemps sans vous écrire, mais je n'ai pu tenir à ma grande colère... Chateaubr., Corresp.,t. 1, 1789-1824, p. 354.
Rem. On rencontre ds la docum. des expr. du type (n')être (pas) long à + inf. où l'adj. attribut a une valeur quasi-adv. Il ne sera pas long à deviner ce dont il est question. Jean. − Veux-tu que je vous laisse seules, pour que vous fassiez la paix à votre tour? ... Elle. − Oh! ne blague pas! ... Tu vois! Tu vois, elle n'a pas été longue à se venger! ... Ah! je prévois un malheur pour tantôt! (Guitry, Veilleur, 1911, II, p. 12).
[Avec un nom] J'ai été un moment à comprendre tes gentillesses; j'ai ri de tes souvenirs. Vous autres femmes, vous avez de la mémoire (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1808, p. 158).
3. [Pour indiquer un état ou p. ext. une manière d'être]
a) [Avec une idée de durée] Être en train de.
Être à + inf.Être (sans cesse, toujours) à faire qqc.; je suis là à t'attendre, à ne rien faire; vous êtes là à boire mes paroles. Lettre XXXIX. De la Brenta, le... Aujourd'hui, pour la première fois, je suis sorti de ma chambre; j'ai été dans le cabinet du comte; il était à écrire; il ne m'a pas remarqué (Krüdener, Valérie,1803, p. 166).Vous croyez que c'est lui qui l'a tuée?... Qui aurait pensé ça hier au soir, alors que nous étions à bavarder gentiment tous les trois?... (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 99):
51. Je reconnaissais cette heure inutile, vestibule profond du plaisir, et dont j'avais appris à Balbec à connaître le vide sombre et délicieux, quand, seul dans ma chambre comme maintenant, pendant que tous les autres étaient à dîner, je voyais sans tristesse le jour mourir au-dessus des rideaux, sachant que, bientôt, après une nuit aussi courte que les nuits du Pôle, il allait ressusciter plus éclatant dans le flamboiement de Rivebelle. Proust, Guermantes 2,1921, p. 390.
Être à + subst. :
52. − Madame la comtesse, dit Morcef, était à sa toilette lorsque le vicomte l'a fait prévenir de la visite qu'elle allait avoir le bonheur de recevoir; elle va descendre, et dans dix minutes elle sera au salon. Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 608.
b) [Sans idée de durée]
α) [Pour indiquer une situation, une manière d'être, une disposition de qqc. ou de qqn] Être dans une situation désastreuse; être en mauvais état.
En partic. [Pour indiquer l'état de santé de qqn] Être bien, mal, très mal, au plus mal, mieux; être dans le coma; être en santé, en vie; être sur pied :
53. L'empereur, sur les quatre heures, a voulu essayer son anglais; mais il n'était pas bien; tout dans la journée lui avait paru mauvais, disait-il, rien ne lui avait réussi. La promenade du jardin ne l'a point remis; il n'était pas bien à dîner; il n'a pu faire ses parties d'échecs accoutumées; il s'est retiré souffrant aussitôt après la première partie. Las Cases, Mémor. Ste Hélène,t. 1, 1823, p. 381.
Au fig. Être au courant de, au fait de; être dans l'embarras, la misère, la servitude; être en contact avec, en possession de. Appliquer loyalement la constitution et (...) donner enfin à la France le gouvernement du pays par le pays (...) puisqu'on était en république (Fondateurs 3eRépubl., Gambetta, 1877, p. 105).Christophe ne pensait à rien. Il était dans la béatitude. Il n'en sortait que pour faire part de sa joie à ceux qu'il rencontrait (Rolland, Nouv. journée,1912, p. 1444).
Fam. Être dans le coup. Participer.
SYNT. (usuels). Être à bonne école, aux cents coups, à la charge de qqn; être à foison; être à la disposition de; être à la mode; être dans une grande détresse, dans une inquiétude extrême; être dans de beaux draps, dans ses petits souliers (fam.); être dans son droit, dans son tort; être en abondance, en surnombre, en/de trop; être en droit de; être en règle; être en société; être en plein essor, en pleine maturité; être en chômage, en congé, en retraite; être en difficulté; être en amitié, en disgrâce, en froid, en guerre, en quarantaine.
Rem. On rencontre ds la docum. les formules figées placées en position marginale ou en incise, pour exprimer l'état, la manière d'être, la situation de qqc. ou de qqn. Qui mieux (pis, plus) est. Ce qui est mieux (pis, plus).
β) En partic.
[Pour exprimer l'état d'une relation entre deux pers.] Être avec (qqn).
Être en compagnie de quelqu'un. Il était avec nous il y a une minute. Spéc., fam. Vivre maritalement. Elle est avec lui depuis un an.
Être en sympathie avec quelqu'un; en partic., le soutenir, être de son côté, de son parti. La chance, Dieu, les dieux est (sont) avec nous; la paix soit avec toi; qui n'est pas avec moi est contre moi (cf. avec ex. 7).Les paysans armés du second bistrot se levèrent lentement. Amis! crièrent les gardes, bloquant d'un coup leurs freins. Nous sommes avec vous! (Malraux, Espoir,1937, p. 502).
[Pour exprimer, avec une imprécision volontaire, les activités, la profession ou l'état (social) de qqn] Être dans.Être dans les affaires, dans les assurances, dans la chaussure (fam.), dans la coiffure, dans le commerce, dans l'édition, dans la restauration. Cf. dans I B 1 :
54. Que me cachez-vous? Les affaires ne vont pas? Et ils sont tous là, autour de toi, la langue tirée : le gendre qui est dans les rhums et le petit-gendre qui ne fait rien, et notre fils Hubert, l'agent de change... Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 39.
Rem. On rencontre ds la docum. le tour. Être dans l'intention de. Ses talents de ménagère [de Madame Bordin] étaient connus, et elle avait une petite ferme admirablement soignée. Foureau interpella Bouvard : − « Est-ce que vous êtes dans l'intention de vendre la vôtre?Mon dieu, jusqu'à présent, je ne sais trop... » (Flaub., Bouvard, t. 1, 1880, p. 49).
[Pour exprimer la manière d'être extérieure et en partic. l'apparence vestimentaire de qqn] Être en.Être en habit; être en haillons, en loques :
55. − Et maintenant, me diras-tu pourquoi tu es en frac? − Papa, je vais dans le monde. − Eh bien! vas-y, mon enfant, c'est de ton âge... Mais je ne t'y accompagne pas. D'ailleurs, on ne m'a pas invité; ce qui me prouve bien que tu fréquentes des rastaquouères... Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 36.
Être en blanc. Être de blanc vêtu.
Être en marin. Porter l'uniforme de marin.
Être en arlequin, en bergère. Porter le déguisement d'arlequin, de bergère.
SYNT. Être en costume, en jaquette, en gilet; être en bottes, en souliers vernis; être en chemise, en jupon; être en cheveux; être en bourgeois; être en grand deuil.
Être sans.N'avoir pas, manquer de. Être sans forces, sans ressources; être sans argent, sans le sou. Fam. Être sans un [sans un sou] :
56. − Écoute-moi, reprit Hulot. Peux-tu me loger dans une chambre de domestique, sous les toits, pendant quelques jours? Je suis sans un liard, sans espérance, sans pain, sans pension, sans femme, sans enfants, sans asile, sans honneur, sans courage, sans ami, et pis que tout cela! sous le coup de lettres de change... Balzac, Cous. Bette,1846, p. 320.
Être sans nouvelles de qqn. Depuis quinze jours, elle était sans nouvelles de son gosse. Elle ouvrit fébrilement le télégramme (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 135).
[Le suj. désigne une chose] Être sans prix. Volé! Je suis volé, Jules... et perdu! (Il m'expliqua le fait.) Ce livre est sans prix, introuvable (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 169).
[Périphrases négatives pour renforcer l'affirmation]
N'être pas sans + inf.Vous n'êtes pas sans savoir (= vous savez sûrement) ; vous n'êtes pas sans avoir entendu parler de; nous ne sommes pas sans éprouver une certaine crainte, émotion, gêne devant... L'oubli n'est pas sans altérer profondément la notion du temps (Proust, Fug.,1922, p. 593):
57. Une autre brimade, et qui celle-là nous touchait davantage, consistait à nous imposer de baraque en baraque des déménagements perpétuels. Les Allemands n'avaient pas été sans s'aviser de l'étrange répugnance des Français à transporter leurs pénates, et ils en jouaient sans vergogne. Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 264.
Rem. On observe dans la langue parlée la formule fautive vous n'êtes pas sans ignorer que née du croisement des deux formes équivalentes : vous n'êtes pas sans savoir que, vous n'ignorez pas que. N'être pas sans + subst. N'être pas sans beauté, grandeur, intérêt, naïveté, vraisemblance; l'absorption de ce médicament n'est pas sans danger; cette décision ne sera pas sans conséquence; ce fait n'est pas sans analogie avec; ce n'est pas sans une vive satisfaction, sans une certaine émotion que. Pour moi je n'étais pas sans inquiétude, et j'attendais avec impatience que les troupes commençassent à défiler (Delécluze, Journal, 1827, p. 446) :
58. « Le service militaire a du bon! » On a vu où cet adage sournois menait l'Europe. En outre on se refusait à reconnaître que le service militaire a pour résultat d'entretenir ou de développer mensonge, saleté, paresse, grossièreté, ivrognerie et débauche. Mais enfin, à ce prix, il munissait le jeune homme d'une certaine correction physique, d'une certaine souplesse qui n'étaient pas sans agrément. J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 126.
Rem. Être est très souvent suivi de comme, adv. de comparaison. a) [Pour exprimer la manière d'être] Je suis comme je suis; voilà comme je suis; je suis comme cela, comme tout le monde; je prends les gens comme (tels qu') ils sont. b) [En partic. dans la figure de style dite comparaison] Ne soyez pas comme les moutons qui, lorsque le loup a enlevé l'un d'eux, s'effraient un moment et puis se remettent à paître (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 99). Les pays sont comme les fruits, les vers sont toujours à l'intérieur (Giraudoux, Siegfried, 1928, I, 6, p. 39). Tous les mots de la langue sont comme des poissons dans une rivière. Les uns sont faits pour manger les autres (Bousquet, Trad. du silence, 1935-36, p. 94). Les mythes sont comme de grands rêves où l'âme humaine cherche à établir une communication et une connivence avec une âme cachée (Durry, Nerval, 1956, p. 150). c) [Pour exprimer un jugement de valeur atténué] Synon. pour ainsi dire. Il était comme égaré, mort, perdu; vous êtes comme un père pour moi. Je suis comme enfermé dans ma propriété de percevoir (Valéry, Variété I, 1924, p. 141).
c) [Être est suivi d'un adv. de quantité ou d'un numéral] Combien sommes-nous? Nous sommes huit; nous sommes autant qu'hier. Nous arrivons au bas du pic.Vous n'y monterez pas, me dirent-ils; non, vous n'y monterez pas : nous sommes trois et vous êtes seul (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 138):
59. La noce tourna à droite, descendit dans Paris par le faubourg Saint-Denis, Coupeau et Gervaise marchaient de nouveau en tête, courant, devançant les autres. M. Madinier donnait maintenant le bras à Madame Lorilleux, maman Coupeau étant restée chez le marchand de vin, à cause de ses jambes. Puis venaient Lorilleux et Madame Lerat, Boche et Madame Fauconnier, Bibi-La-Grillade et Mademoiselle Remanjou, enfin le ménage Gaudron. On était douze. Ça faisait encore une jolie queue sur le trottoir. Zola, Assommoir,1877, p. 442.
Rem. Être à + numéral présente une ambiguïté. Être à huit, p. ex., peut signifier « être huit, être au nombre de huit » ou « (en) être au chiffre ou au nombre 8 » (infra en être à).
d) Spéc., MATH. [Pour exprimer la situation de proportion dans un rapport, une relation] Nous y [dans l'analyse de la distinction de la gauche et de la droite] trouvons (...) deux idées : 1 dédoublement d'un être complet en deux parties distinctes l'une de l'autre, tout au moins par l'inversion de leur orientation; et 2 l'existence d'une relation involutive entre les deux parties, telle que A soit à B ce que B est à A, le symétrique du symétrique redonnant l'élément initial (Gds cour. pensée math.,1948, p. 59).
Au fig. Rome chrétienne a été pour le monde moderne, ce que Rome payenne fut pour le monde antique, le lien universel (Chateaubr., Génie,t. 2, 1803, p. 537, 538).Le mal est à l'amour ce qu'est le mystère à l'intelligence (S. Weil, Pesanteur,1943, p. 81).
4. [Pour indiquer une relation d'appartenance entre qqn et qqn ou qqn et qqc.] Être à + subst. ou pron.
a) Être à.Appartenir à.
α) Au sens fort. Être à qqn; ce qui est à toi est à moi; tout est à nous; ma vie est à qui veut la prendre. Au fig. L'avenir, la victoire est à nous. Tiens, papa, si M. Teissier était un autre homme, un homme juste, après le mérite que tu as eu et la peine que tu t'es donnée, voici ce qu'il te dirait : cette fabrique m'a appartenu d'abord, elle a été à tous deux ensuite, elle est à vous maintenant (Becque, Corbeaux,1882, I, 1, p. 61):
60. le frère mineur. − Eh bien, ce que vous ne pouvez leur donner, qu'ils le prennent! le pape pie. − C'est une chose défendue que de prendre ce qui n'est pas à soi. le frère mineur. − Cela sera à eux une fois qu'ils l'auront pris. Hélas, cela fera partie de toutes ces choses qui sont tellement à eux et qui les rendent si contents. Claudel, Père humil.,1920, II, 1, p. 518.
Être à qqn.Appartenir à quelqu'un à qui on s'est donné ou à qui on veut se donner par amour :
61. − Sois à moi, dit Stephen; au milieu du monde, seuls tous les deux, que nous importe l'univers? Et il lui donnait les noms les plus tendres. Et son éloquence et ses baisers vainquirent Magdeleine. − À toi, Stephen, je suis à toi! Et Stephen la prit dans ses bras, et, sous ces mêmes tilleuls où autrefois elle avait promis d'être à lui, elle tint sa promesse. Karr, Sous tilleuls,1832, p. 302.
Rem. 1. La langue parlée utilise fréquemment l'expr. La parole est à M. Untel, à vous; c'est à vous, p. ell. de c'est : à vous pour exprimer un tour dans l'ordre des interventions au cours d'un débat, d'une conférence, etc. 2. On rencontre ds la docum. le sens vx être à qqn. Être de ses partisans, de sa cour ou plus gén. être à son service. Le comte de Cruas est à son Éminence, Mon cher... Il sera bon d'avoir un gendre au cardinal (Augier, Diane, 1852, II, p. 33). 3. Qq. dict. enregistrent le sens ,,vieilli`` n'être plus à soi. Ne plus se contrôler.
β) P. ext. Accorder son temps et son attention à quelqu'un ou à quelque chose.
[Dans la conversation fam.] Je suis à vous dans un instant; je suis à vous. Qu'avez-vous à me dire?
Rem. La formule fam. de conclusion épistolaire, je suis (bien) à vous, est gén. employée sans la copule. Bien à vous. Je charge madame la baronne d'embrasser M. le baron. Je suis tout à vous, chère madame, et vous baise les mains (Flaub., Corresp., 1871, p. 217).
[Avec un compl. indiquant une occupation] Être à qqc.; n'être à rien; être à ce qu'on dit, à ce qu'on fait. M. de Camors (...) fit un whist avec le général. Il remarqua que M. de Campvallon n'était pas à son jeu, et vit même sur ses traits l'empreinte d'une préoccupation profonde (Feuillet, Camors,1867, p. 335).
5. [Pour indiquer une tendance ou une orientation]
a) [En parlant du développement d'une tendance inhérente à une chose naturellement changeante] Le temps est au beau, à l'orage, à la pluie; le vent est à la tempête; les prix des légumes sont à la baisse; la mode est à l'antiquité :
62. Une question très grave agitait alors l'Europe : on parlait de bruits de guerre, de rupture prochaine. Les notes échangées entre les cabinets devenaient chaque jour plus menaçantes. Nous étions à la baisse, mon agent de change et moi, sans cependant y marcher avec une grande hardiesse. Il était de notoriété publique que le banquier qui règne sur les emprunts allait frapper un coup à la hausse, et la prudence conseillait de se tenir sur la défensive. Reybaud, J. Paturot,1842, p. 404.
P. ext. Être à la joie; l'humeur, l'atmosphère est à l'orage. Hier, je suis allé passer la soirée dans une maison où tout est à la guerre, même la femme avec son mari (Balzac, Œuvres div.,t. 2, 1830-35, p. 71):
63. Castelnau se plaignait aussi de défaillances chez certains généraux, mais il les excusait en raison de la gravité des circonstances dans lesquelles ils étaient placés. Je répondis que l'heure n'était pas à la pitié, que l'intérêt général primait toute autre considération, et qu'il fallait impitoyablement retirer leur commandement à ceux qui n'étaient pas capables de l'exercer. Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 445.
b) [En parlant de la manifestation d'une tendance morale inhérente à un être] Être + homme + à + inf.(N')être (pas) femme, homme à s'arrêter en si bon chemin, à battre en retraite, à s'embarrasser pour si peu, à oublier qqc. :
64. Si nous étions gens à étudier sérieusement les questions, − et je souhaite que cette envie nous vienne, − nos architectes auraient bien vite reconnu que l'art du Moyen Âge, appliqué à l'architecture privée comme à toute autre, n'est pas affaire de profils et de quelques formes banales qui traînent dans les recueils archéologiques, mais avant tout, un principe de liberté dans les moyens d'exécution qui peut s'adapter aussi bien aux besoins des gens du xivesiècle qu'à ceux du xixe. Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 376.
[Pour exprimer le déploiement possible d'une capacité estimée, inhérente à qqn] Être à même de :
65. clotilde. − Qu'est-ce que vous voulez, Monsieur? Je ne connais personne... J'ai tout de même une position irrégulière, et les gens convenables qui pourraient me conseiller, je ne suis pas à même de les connaître, de les fréquenter. T. Bernard, M. Codomat,1907, I, 5, p. 148.
6. [Pour exprimer l'origine, la provenance, la conformité avec un modèle et p. ext. la caractéristique ou le caractère inhérent à qqn ou qqc., la qualité d'élément ou de membre d'un groupe]
a) [D'un point de vue concr.]
[Provenance matérielle] Être de*, en* bois, métal; être d'ivoire, de terre; être de cuir, de caoutchouc. Loc. verbale : être du bois dont on fait les flûtes.
Être constitué, composé de. Son capital est de trois cent mille francs; le délai est de quatre jours; le nombre officiel des victimes est de quatre-vingts.
[Provenance dans l'espace] Être de la région, être du midi; ces légumes sont de notre jardin. Cf. de I A 2 b ex. 19.
[Provenance dans le temps] (N')être (pas) d'hier; ce bronze est de l'époque gallo-romaine; ce château est du Moyen Âge.
[Provenance quasi-biologique] :
66. panisse. − On dira : « S'il l'a quittée, c'est qu'il [Marius] a vu qu'il n'était pas arrivé le premier. » Ou alors « qu'il n'était pas sûr que l'enfant soit de lui » ... Et on dira aussi : « D'ailleurs, c'est l'habitude dans la famille. Il y a déjà eu sa tante Zoé qui n'a jamais eu le temps de remettre ses pantalons... » Et voilà le calvaire que tu [César] prétends imposer à ces deux femmes? Pagnol, Fanny,1932, II, 8, p. 159.
Au fig. Cette toile est de Rembrandt; cette lettre est de mon père. [Mon courage] M'enseigna que le trait qui m'avait fait amant Ne fut pas de cet arc... (Moréas, Énone,1894, p. 152).Il regarde l'affiche de « Poil de Carotte. » − Ah! c'est de vous aussi, cette pièce? − Oui, c'est de moi (Renard, Journal,1901, p. 635).
b) [D'un point de vue abstr.]
[Provenance du caractère ou du tempérament d'un individu; caractéristique, partie inhérente à un individu en soi composite] Cette action, cette décision est d'un homme sage; cela est d'un bon fils; cela est, c'est (bien) de lui (fam.). Cf. de I C 5 b :
67. ... le pieux Paul IV songeait à faire repiquer le mur sur lequel il [Michel-Ange] avait peint jadis le Jugement dernier. Il n'était pas d'un vieux prêtre de sentir que l'indécence est impossible dans ce sujet. Stendhal, Hist. peint. Ital.,t. 2, 1817, p. 305.
P. ext. Cela est de son caractère; cela est de la nature humaine; il est de la bonté d'un père de; cela n'est pas de mon ressort. Je vais porter l'Ordonnance aux Tuileries et la faire signer, mais il est de ma tendre amitié de tout vous dire, pour prévenir le mal que je puis vous faire (Chateaubr., Corresp.,t. 4, 1789-1824, p. 1).
[En rapport inverse du précédent; pour exprimer le caractère inhérent ou non à qqn ou qqc., équivaut à avoir] Être d'esprit très libéral, de première force, de grande qualité; être de nature étrange; cet enfant est d'un caractère taciturne; c'est de famille (fam.); cette œuvre est d'une grande beauté.
Rem. On rencontre également ds la docum. le tour emphatique à la forme exclam. être de + adj. substantivé et être de + subst. abstr. désignant une qualité. Être d'un blanc, d'un lourd, d'un simple, d'un vieux! être d'une fraîcheur, d'une vérité! Cf. de II A 2a.
c) [Qualité de membre ou élément d'un groupe (de toute nature)] Être de la classe 40, de la même promotion; vous êtes de mes amis. Vieilli. Il est d'Église, d'Épée, de Robe (Ac.). Notre pauvre maman, dit Zoé, avait la manie des raccommodages. Ce qu'on faisait de reprises à la maison!... − Oui, elle était d'aiguille (France, Bergeret,1901, p. 48):
68. Les Académies vivent de gloire, j'admire souvent leur sobriété, mais cette fois l'Académie Française sera gourmande, et vous [Jules Janin] nommera. J'en suis sûr, et tellement sûr qu'en entendant sonner quatre heures, je déclare la chose faite, et je vous écris pour vous remercier de la bonté que vous avez d'être notre confrère. Je tiens à ce que vous soyez de l'Académie puisque j'en suis, à ce qu'il paraît. Hugo, Corresp.,1865, p. 490.
SYNT. a) Être de la même espèce, de la même race; être du même bord; être de la famille, de la maison. b) Être de la police; être de la cloche, de la haute (arg.); être du bâtiment, du métier; être de la vieille école.
Rem. On rencontre ds la docum. les expr. a) arg. Être de la jaquette, de la pédale. Être homosexuel (cf. infra e α rem.). b) Être de ce monde. α) Vivre. Lorsque Madame était encore de ce monde. β) Appartenir à. La perfection n'est pas de ce monde. c) Être de son temps, de son siècle. Un grand esprit est de tous les temps; mais M. Pierre Hamp, lui, n'appartient qu'au nôtre (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 157). En rapport inverse du précédent. − On a vieilli tous les deux, et ces folies ne sont plus de notre âge... Mais elles redeviennent de celui de nos successeurs (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 209).
P. ext. Participer à. Être d'une fête, être du voyage; être de la noce. Serez-vous des nôtres ce soir? Lorsque Pauline (...) se remit à accompagner Lazare, elle sentit tout de suite, entre ce dernier et Louise, un air nouveau, des regards, des rires dont elle n'était pas (Zola, Joie de vivre,1884, p. 907):
69. − J'm'en rappellerai, moi, d'la saucisse de Montmirail... tu pouvais pas t'déplacer, les obus te pistaient... ah! les tantes... Demachy avait repris sa mine grave et regardait ces hommes avec envie. − J'aurais bien voulu y être, dit-il... être d'une victoire Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 17.
P. méton. Être de ceux, celles; du nombre de ceux, celles qui. Être du même bord. Il [le jeune homme] était de ce petit nombre d'êtres qui vivent sans bruit et savent gré aux autres de ne pas s'apercevoir de ce qu'ils valent (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 299).
Être de l'avis [de l'opinion de ceux qui], être d'avis que; m'est avis que (fam.). Être partisan de cette opinion.
[Avec l'idée de tour à l'intérieur d'une occupation qui requiert le concours de beaucoup] Être de garde, de semaine, de service; être de corvée :
70. − C'est bon. Tu prendras le quart demain matin avec le mousse. − C'est que je préférerais être de quart la nuit. − Pourquoi? − Parce que je ne dors pas la nuit. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 172.
Rem. Être de + subst. peut signifier également, selon le cont., « être de corvée ». Être de noce, être de courses. Quelle est cette tenue, monsieur Vatel? êtes-vous d'enterrement, ou la marée manque-t-elle? (Augier, Gendre M. Poirier, 1854, p. 288).
d) [Conformité de quelque chose, à une norme, à une règle]
N'être pas de, du jeu. N'être pas conforme aux règles du jeu :
71 ... la gêne des artistes à introduire ces chants [de Beethoven] dans leur programme de concert. Ces chants ont beau y apparaître, de loin en loin; ils n'y sont jamais devenus familiers. Ils écrasent le chanteur et, l'on pourrait presque dire, l'auditeur. Ils ne sont plus de l'art. Quand ils sont bons, ils sont au-dessus de l'art. Quand ils sont mauvais, ils sont au-dessous. Ce n'est plus de jeu! Ils rompent le jeu... Beethoven parle. Qui oserait se substituer à lui? Rolland, Beethoven,t. 1, 1937, p. 182.
Rem. Ac. 1835, 1878 enregistre le sens fig. et fam. ,,Cela n'en est pas ou celui-là n'en est pas quand une personne fait ou dit quelque chose qui ne doit pas se faire ou se dire et à quoi on ne s'attend pas. Il ne s'agit que de jeux, les coups n'en sont pas``.
(N')être (pas, plus) de saison. En harmonie avec la saison. De mêmen'être plus de mode; une telle familiarité n'est pas de mise :
72. Le visage de la jeune femme flamba. La plaisanterie n'était pas de saison : Venant le vit bien. Didace se leva de table et sortit. Z'Yeux-Ronds, toujours en jeu, sauta au milieu de la place pour le suivre. D'un coup de pied, Amable envoya le chien s'arrondir dans le coin. Guèvremont, Survenant,1945, p. 48.
Spéc. Être de qqc. à qqn. Avoir quelque prix pour quelqu'un; l'intéresser. Cf. infra vous ne n'êtes plus rien et ex. 33 :
73. Rien n'est plus naturel que de s'interroger sur ce que veut, à ce point de vue, réaliser cette grande force neuve qui s'appelle la France libre, en attendant que, par la victoire, elle se confonde avec la France tout court. Il est vrai qu'à cette question : « Que veut la France libre? » certains, qui ne lui sont de rien, se hâtent souvent de répondre à sa place. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 630.
Rem. 1. On rencontre ds la docum. l'expr. n'être de rien à qqn. N'être rien pour lui, ni par parenté ni par amitié. − Ta, ta, ta, ta, dit le tonnelier sur quatre tons chromatiques, le fils de mon frère par-ci, mon neveu par-là. Charles ne nous est de rien, il n'a ni sou ni maille; son père a fait faillite; et, quand ce mirliflor aura pleuré son soûl, il décampera d'ici; je ne veux pas qu'il révolutionne ma maison (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 110). 2. La docum. enregistre les constr. demi-figées suiv. a) gallicisme. [Pour exprimer l'inhérence jusqu'à l'identité] Si j'étais (que) de vous, de Untel, plus cour. si j'étais vous. Cf. de II B 2 a. b) Comme si de rien n'était. Sans avoir l'air d'être concerné (en quelque chose). Un jour (c'était le lundi de Pâques, elle s'en était toujours souvenue, la pauvre Pierrette et me l'a raconté souvent); un jour donc qu'elle était assise devant la porte de monsieur le curé, travaillant et chantant comme si de rien n'était, elle vit arriver vite, vite, un beau carrosse dont les six chevaux trottaient dans l'avenue, d'un train merveilleux (Vigny, Serv. et grand milit., 1835, p. 101). c) Quant* à, pour* ce qui est, était de + inf. ou subst.
e) [Cas partic. de être de avec pron. adv. : en être]
α) [Pour exprimer la qualité d'élément d'un groupe] Malatesta. − Et toi, me tutoyer, tu l'oses! Qui es-tu donc? Ah! mais je te reconnais. Tu en étais, de ce tribunal (Montherl., Malatesta,1946, II, 4, p. 469):
74. fanny. − Je pense à ma mère et à ma famille. césar. − Je me fous de ta mère et de la famille. Ta famille, c'est Marius et ton petit, et moi. Quant à ce monsieur, qu'il se taise, il n'en est pas. Allons, viens à la maison. Pagnol, Fanny,1932, II, 8, p. 157.
Participer à. C'est pour demain, en êtes-vous? Et une fois quitte, que faites-vous ce soir? − Le tour de quelques dancings, avec Conan. Vous en êtes?... (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 43).
Rem. Les dict. enregistrent le sens vulg. [Avec imprécision par tabou] En être « être homosexuel ». Cf. Proust, Sodome, p. 941.
β) [Pour marquer un moment ou une étape dans le déroulement ou l'évolution de quelque chose] Où en êtes-vous? voilà où nous en sommes; j'en suis au début; j'en suis là; nous (en) étions au dessert quand il est arrivé; il en est à son cinquième verre de vin. Je voudrais bien savoir aussi où vous en êtes de vos travaux. J'y pense souvent et en attends le résultat avec une vive impatience. Pour les miens (...) j'aurai fini mes deux derniers volumes dans trois mois à peu près (Gobineau, Tocqueville, Corresp.[avec Tocqueville], 1854, p. 215).Nous en sommes en médecine où la chimie en était il y a deux siècles. Nous en sommes à la période empirique, à la période des doctrines individuelles (Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 178):
75. ... on en était encore à l'équipement au gaz d'éclairage qui n'était pas distribué dans toutes les villes d'Italie que déjà mon père achetait les chutes d'eau dans les Alpes et rêvait de l'électrification de la péninsule! Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 111.
Autres expr. usuelles. En être à ce point; en être réduit au point où j'en suis; il n'(en) est pas où il croit; en être à ses débuts, à sa première affaire, à son premier essai; nous en sommes à l'heure où; (dans un comptage) nous en sommes à cinquante.
En être à + inf.J'en suis encore à me demander ce qui me vaut cet honneur; j'en suis à compter les minutes; il en est à maudire le jour où il est né. Comme de vrai, il [Franz] en était à se traîner aux genoux de sa maîtresse, et à lui protester par les plus solennels serments qu'il l'épouserait (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 92):
76. Jerphanion regardait, fort démoralisé lui-même, les bras coupés. La position qu'on venait de lui remettre avait tellement l'air d'une plaisanterie, que l'on en était à se demander si le guide ne vous y avait pas menés par erreur. Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 149.
[Pour exprimer la confusion, le désordre]
Hé, où en sommes-nous (Ac.). Où en sommes-nous grand Dieu! :
77. − Je... me fiche du... docteur, bredouilla le malade d'une voix pâteuse. Restez là une minute... voyons... voyons... où en sommes-nous?... sacrée grippe! je me sens de mieux en mieux, et... pas capable de joindre deux idées ensemble... ça colle au cerveau comme un caramel au palais... Bernanos, Crime,1935, p. 838
Ne plus savoir où l'on en est :
78. champbourcy. − Neuf, dix... mais non! trois quatre... vous m'embrouillez, père Colladan. colladan. − Je ne vous parle pas. champbourcy. − Vous ne me parlez pas, mais vous me dites : « Sept, huit, » ça me fait dire : « Neuf, dix... » je ne sais plus où j'en suis. Labiche, Cagnotte,1864, I, 2, p. 21.
En être là. J'en étais là de mes conjectures quand plusieurs incidents que je ne vous dis pas m'ouvrirent tout à fait les yeux (Fromentin, Dominique,1863, p. 226):
79. Elle se leva et repoussa sa chaise : « tu avoues! tu verrouilles tes tiroirs, à cause de moi. Nous en sommes ! − C'est pour t'éviter des tentations, dit-il; cette fois la gaieté de sa voix sonnait tout à fait faux. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 262.
Autres expr. usuelles. Si on m'avait écouté, on n'en serait pas là (fam.); Dieu merci, nous n'en sommes pas là; tout le monde en est là; il en était là de sa tâche quand la mort le surprit.
Attacher de l'importance à quelque chose. Il n'en est pas à une erreur près, à cent francs près, à cela près.
En être de, pour sa peine, pour son temps. Perdre son temps, sa peine. J'en suis pour ce que j'ai dit. Ceux-là avaient peu reçu et beaucoup dépensé. Ils en étaient du leur et réclamaient leur paiement (France, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 387):
80. ... tu peux garder ce que tes hommes m'ont volé, car c'est tout ce que tu auras de moi. Je suis pauvre, mon père n'a rien, mes frères mangent souvent leur pain sec, je ne connais ni banquiers ni ambassadeurs, et si tu me nourris dans l'espoir d'une rançon, tu en seras pour tes frais, je te le jure! About, Roi mont.,1857, p. 102.
Rem. Dans le même sens, fam. j'y suis de ma poche. [La Couteau] : − (...) Et puis, si vous n'avez plus confiance en moi, dites-le : vous enverrez votre argent directement (...) et moi, ça me soulagera beaucoup, car, dans tout cela, j'y suis de mon temps et de ma peine (Zola, Fécondité, 1899, p. 298).
7. [Pour exprimer la finalité, la destination de quelque chose (ou de quelqu'un)]
a) Être pour
[Destination simple] Cet argent est pour acheter une maison; ce pain est pour mes enfants; ma première pensée sera pour vous; tout le plaisir est pour moi; ma fille n'est pas pour cet homme.
Soutenir quelqu'un ou quelque chose; être en faveur de. Je suis pour ce candidat, pour la paix dans le monde, pour cette hypothèse; Dieu, le bon droit, la loi est pour nous. Abs. Je suis pour. Anton. être contre* :
81. Marianne approuve, de temps en temps, par des mouvements de tête, des gestes silencieux, ces discours violents... elle aussi, sans doute, la République la ruine et la déshonore... elle aussi est pour le sabre, pour les curés et contre les juifs... dont elle ne sait rien d'ailleurs, sinon qu'il leur manque quelque chose, quelque part. Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 121.
Avoir une part ou une participation à/dans quelque chose. Être pour qqc. dans.La maladie est pour beaucoup dans son comportement; il n'est pour rien là-dedans. Il est si facile de ne point profaner le trésor de joies qui n'appartient qu'à l'amour, à ce sentiment divin que cet enfant et moi nous partageons!... le reste? − est-ce que cela nous regarde? − le cœur y est-il pour quelque chose? le plaisir pour quelque chose? l'« ennui même » pour quelque chose?... (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 340):
82. Gondran allait entrer aux Monges. Il fait un saut en arrière pour bien se dégager de la porte, pour bien faire voir qu'il n'y est pour rien, qu'il n'est pas entré, que Janet est mort de la mort, tout simplement. Giono, Colline,1929, p. 186.
Rem. La participation peut être indiquée de manière précise dans le cont. : être pour un tiers, pour moitié (dans une affaire, une découverte).
Vieilli. Être pour + inf.Être sur le point de. Le temps est pour changer. Tu diras à ton père de m'écrire lorsqu'il sera pour partir, afin que j'aille au-devant de vous à la diligence (Sand, Corresp.,t. 2, 1842, p. 240).Lucette. − Tout ce que je sais, c'est qu'ils [ma sœur et Budor] étaient pour se marier ensemble (...). Papa ne voulait pas... maman non plus... (Labiche, Pied ds crime,1866, II, 5, p. 375).
[Pour exprimer la conséquence] Être de nature à, afin de (avec une négation). Ces nouvelles n'étaient pas pour me surprendre; vos manœuvres ne sont pas pour m'intimider :
83. ... les Britannicus et les Bajazet, ces amants captifs et timides, n'étaient pas pour me convenir. La pourpre du jeune César me séduisait bien davantage! mais quel malheur ensuite de ne rencontrer à dire que de froides perfidies! Nerval, Filles du feu,Dédicace à A. Dumas, 1854, p. 499.
b) Fam. Être après
Être occupé à. Être après qqc.L'enfant est après son dessin :
84. Philippe Goutay, au comptoir, rinçait des verres. On fit les présentations. MmeGoutay apparut sur le seuil de la cuisine. Elle s'excusa d'être surprise en souillon. − J'étais après la vaisselle, dit-elle. Je cours changer de tablier et je vous suis. Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 10.
Harceler (sans cesse) qqn. Être après qqn.[Bélisaire :] Personne ne l'aimait dans le quartier, ce grand rouge-là [un sergent de ville]! Les chiens, les enfants, tout le monde lui était après (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 230):
85. Le jour, elle [Agnès] est assez tranquille; mais quand la nuit vient, c'est un train, un vacarme... On diroit que tous les démons sont après elle; ah! c'est une véritable réprouvée. Le médecin que votre charité a envoyé ici n'en espère presque rien; cependant il vient tous les jours. Cottin, Mathilde,t. 5, 1805, p. 230.
II.− [Être en fonction d'auxil. des formes composées des verbes]
A.− [Auxil. des temps composés actifs de certains verbes intrans.]
1. [Avec une valeur temporelle du passé] J'en étais là de ma lettre, ma chère cousine, et de mes tristes complaintes, lorsque le commandeur est entré chez moi avec le bruit d'un ouragan (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1713).Un soir, bien tard, il [Santos] était venu, avenue de Wagram, rapporter à la Chica un bracelet qu'elle avait laissé tomber, cette sotte, en jouant au tennis, dans le parc Saint-Augustin (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 186):
86. ... on a vu que l'un de ces pavillons, un peu plus blanc que les autres, brillait de toutes ses lumières à toutes les fenêtres, au premier comme à l'entresol. On a été sonner à la porte. Notre cheval toujours derrière nous. Un homme épais et barbu nous ouvrit. « Je suis le maire de Noirceur − qu'il a annoncé tout de suite, sans qu'on lui demande − et j'attends les Allemands! » Et il est sorti au clair de lune pour nous reconnaître le maire. Quand il s'aperçut que nous n'étions pas des Allemands nous, mais encore bien des Français, il ne fut plus si solennel, cordial seulement. Et puis gêné aussi. Céline, Voyage,1932, p. 57.
87. Quant à sœur Aurélie, elle était toujours séparée de lui [le malade] par son guichet. C'était inexact. Un détail lui revenait. Quand il était parti, elle se trouvait à l'extérieur de son bureau et elle l'avait reconduit jusqu'à la porte. Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 15.
2. [Avec une valeur aspective pour marquer le résultat d'une action] Aussitôt que mon oncle fut sorti, je me jetait sur l'in-folio; mais je tombai dans une autre perplexité (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 167).De quelle planète est tombé, au milieu d'un paysage d'azur, cet être étrange [La Joconde] (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 26):
88. − J'étais là lorsque Rodolphe est rentré, dit Marcel à Mimi essoufflée d'avoir parlé aussi longtemps. Comme il prenait sa clef chez la maîtresse d'hôtel, celle-ci lui a dit : − La petite est partie. Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 253.
89. Au Mexique plus encore qu'au Pérou, les massacres rituels qui ne cessaient pas avaient plongé les peuples dans une torpeur hébétée qui les rendit incapables de résister plus de deux ans à l'effort de l'envahisseur. Ils ne retrouvèrent un reste d'énergie que pour aider Cortez à chasser de Tenochtitlan les Aztèques qui les tenaient depuis deux siècles sous le joug. À tout prendre, la religion de Torquemada immolait moins de victimes que celle de Montezuma. Et d'ailleurs, sur ce sol, il était passé de si profonds flots d'hommes, depuis mille ans, qu'une indifférence absolue venait à ses plus anciens possesseurs, du maître auquel il fallait payer, au nom du dieu qu'il apportait, l'impôt d'or et de sang. Faure, Hist. art,1912, p. 239.
Rem. 1. Le part. passé s'accorde en genre et en nombre avec le suj. du verbe. 2. Dans le lang. fam. et pour certains verbes, l'auxil. avoir est quelquefois utilisé à la place de être pour insister sur le procès en tant que tel. Ex. : j'ai monté [l'escalier] trop rapidement au lieu de je suis monté.
B.− [Auxil. des temps composés des verbes pronom. ou à la forme pronom.] Deux détenus se sont évadés cette nuit; un doute s'était soudain emparé de son sprit. Nous faisions les cent pas, le long des parapets, sous la lune, examinant attentivement la terre, le ciel et les eaux et écoutant avec anxiété les moindres bruits de la nuit, la respiration de la mer, le vent du large qui commença à chanter vers trois heures du matin. Mrs Édith, qui s'était levée, vint alors rejoindre Rouletabille sous sa poterne (G. Leroux, Parfum,1908, p. 56):
90. La langue ecclésiastique s'est stabilisée sans cesser pour cela d'être une langue vivante (mais non mobile), puisqu'elle était écrite et parlée, et l'est encore. Potiron, Mus. église,1945, p. 29.
Rem. 1. Le part. passé s'accorde en genre et en nombre avec le pronom quand celui-ci est compl. d'obj. dir. du verbe : elle s'est suicidée par le gaz. Il ne s'accorde pas avec le pronom a) Quand celui-ci est obj. indir., ce qui est le cas quand il y a un compl. d'obj. dir. autre que le pronom. L'insuccès du concours étant le seul but que s'était proposé l'Académie (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 28). Cher vieux, Vallette me dit que je t'ai omis sur la liste des envois. 1. Tu as un exemplaire de luxe!! 2. Excuse un oubli que le 1 a je pense motivé, m'étant fait une petite liste personnelle où te voir une fois suffisait (Gide, Corresp. [avec Valéry], 1897, p. 299). Si cet obj. est placé avant le verbe, le part. passé s'accorde avec lui comme si l'auxil. était avoir : la peine qu'il s'est donnée; la tâche que s'était proposée l'Académie; la petite liste que je m'étais faite. b) Quand le verbe pronom. en construction indir. est intrans. et ne peut donc pas avoir de compl. d'obj. dir. Plusieurs directeurs se sont succédé à la tête de cette entreprise; ils se sont plu dès le premier instant. 2. Lorsque le part. passé est suivi d'un inf. a) Il s'accorde avec le suj. implicite de cet inf. si ce suj. est le même que celui du verbe introducteur. Là-dessus, le vieil Arribial, tout pantois et tout crispé, s'étant laissé choir sur un banc de marbre scellé dans le maçonnage, enfonça ses mains en sa crinière épaisse, et songea... (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 340). Rieux descendait déjà et deux hommes passèrent devant lui quand il fut dans la rue. Apparemment, ils allaient vers les portes de la ville. Certains de nos concitoyens en effet, perdant la tête entre la chaleur et la peste, s'étaient déjà laissés aller à la violence et avaient essayé de tromper la vigilance des barrages pour fuir hors de la ville (Camus, Peste, 1947, p. 1303). b) Dans le cas contraire il reste invar. Elle s'est laissé entraîner, persuader, surprendre. Ce général [M. Zwlinden] nous faisait la grâce d'accepter le portefeuille de la Guerre pour donner un coup de main aux complices de Henry. Mais comme il pensait bien que cela ne durerait guère, il stipula qu'il lui serait permis de ne pas se donner de successeur, afin de reprendre sa place dès que Brisson, s'étant vu berner, lui signifierait l'ordre de départ (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 213). On a vu − rarement − des chefs de guerre se rendre avant tout combat ou à la suite d'un simulacre de combat, après s'être laissé persuader par leur adversaire qu'ils étaient dans une situation désespérée (Billotte, Consid. strat., 1957, p. 4002). 3. La forme pronom. peut avoir une valeur passive, en tournure personnelle ou impersonnelle. Cela ne s'est encore jamais vu, dit, passé ainsi; ce lot de marchandises s'est bien vendu; il ne s'en est vendu que deux ou trois exemplaires. La situation ne serait pas la même si le chemin de fer s'était construit selon des normes économiques et géographiques, comme aux États-Unis (Pineau, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 47).
C.− [Auxil. des temps simples ou composés des verbes à la forme passive (généralement suivie d'un compl. d'agent)] Neptune était nommé Poséidon par les Grecs (Divin.1964, p. 224):
91. Marianne comment peux-tu parler de ta souffrance? Tu aimes et tu es aimée de l'être que tu aimes... Qu'oses-tu demander d'autre au destin? Qu'exiges-tu de plus que ce bonheur inimaginable? Mauriac, Mal Aimés,1945, I, 3, p. 172.
[Passif sans compl. d'agent] :
92. Il [le brancardier R. Vanier] est né d'une famille modeste à Montfort-L'Amaury. Un de ses frères, séminariste, caporal téléphoniste au 146erégiment, a été tué le 2 mars devant Douaumont : la jambe brisée par un obus, il a été transporté au ravin des Fontaines où il a expiré peu après. Son corps est resté là. Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 252.
Rem. 1. Le passif se reconnaît notamment à ce fait que dans la forme composée l'auxil. ne garde pas sa valeur temporelle propre (cf. supra ex. 92). 2. La lang. parlée (très) familière connaît la tournure usuelle du type : cette robe a besoin de laver au lieu de cette robe a besoin d'être lavée. 3. À noter les formes cour. suiv. : étant donné(e, s), entendu que (cf. donné II B et entendu II C 2), cela étant dit; soi dit en passant.
Rem. gén. On attribue parfois au verbe être suivi de à + inf. actif, une valeur d'auxil. de modalité, la « modalité » (en réalité rendue plutôt par la prép. à étant celle de destination et/ou d'obligation inhérente ou extérieure, l'inf. de forme active prenant alors une valeur passive; la tournure équivaut à la construction devoir + inf. passif). Cette idée est à creuser, à développer (doit être creusée, développée); ce devoir est à refaire; cet exemple est à méditer; cet homme est à ménager; cela est, c'est à prendre ou à laisser; l'occasion est à saisir; cf. également à I A 1 b ex. 8. Cavalier hors de pair [Jacques d'Arblade], ayant monté dès sa petite enfance, à cru, sur tout ce qui pouvait s'enfourcher; possédant le sens inné du cheval, ce je ne sais quoi qui fait deviner l'humeur d'un animal, comment se servir de lui et jusqu'où; s'étant rompu, affiné dans l'art équestre par une longue et savante pratique, partout où une leçon était à recevoir, une théorie à approfondir; alliant enfin, en selle, le doigté à la force et l'instinct à l'expérience, il résolut de tirer parti de ces dons et d'aborder la vie sur ses étriers, et plus outre la fortune (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 179). Dans un sens plus atténué, la valeur modale correspond à celle de la construction pouvoir + inf. passif. Cet accident était à prévoir; le prix est à débattre; cet appartement est à louer. Allons voir tout de suite si elle [la maison] est à louer. La maison était vacante et à louer deux mille francs (Dumas fils, Dame Camélias, 1848, p. 181). Laurency, profondément offensé. − Ma fille n'est pas à vendre, sidi... son mariage ne sera pas un marché, mais un choix (H.-R. Lenormand, Simoun, 1921, 5etabl., p. 58). La copule disparaissant, la tournure à + inf. peut s'employer en construction dir. avec un subst. antécédent : occasion à saisir, prix à débattre, appartement à louer, à vendre. L'usage impose le plus souvent cette tournure moyennant une transposition p. ex. de cette idée est à creuser en c'est une idée à creuser. Autres constr. cour. Être à battre, à blâmer, à craindre, à embrasser, à tuer, etc., le plus souvent en tournure impersonnelle avec il : il est à craindre, à croire, à espérer, à penser, à présumer, à prévoir, à souhaiter que.
3eSection. Second élément d'une expression binaire.
I.− [L'expr. est introd. par ce]
A.− [Pour souligner ou marquer l'identité précise entre le signifié désigné par ce et le signifiant explicite]
1. [Dans l'interr. dir.] Forme inversée de c'est. Est-ce (le plus cour.), était-ce; sera-ce (rare), sont-ce (rare), etc. Fi donc, fi, monsieur! Sont-ce là des manières et des chants dignes du génie de la nature qui vous voit et vous entend? (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 250):
93. ... le xviiiesiècle : qui a tenu la haute main de l'humanité durant ce grand siècle? Quels sont les noms qui frappent à la première vue jetée sur l'histoire de cette époque? Est-ce Choiseul? Est-ce Richelieu? Est-ce Maupeou? Est-ce Fleury? Non; c'est Voltaire, c'est Rousseau, c'est Montesquieu, c'est toute une grande école de penseurs qui tient puissamment le siècle, le façonne et crée l'avenir. Renan, Avenir sc.,1890, p. 451.
94. ... le responsable désigné lui disait [à Marat] avoir recruté dix, vingt, cinquante partisans, il ne les voyait jamais, c'eût été contraire aux règles de sécurité, l'autre pouvait aussi bien les avoir inventés de toutes pièces, par vantardise ou pour toucher des subsides, étaient-ce bien eux qui avaient fait le sabotage dont leur chef revendiquait le mérite? Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 179.
Rem. Le lang. fam. utilise peu ce type de forme inversée. On rencontre, en partic., dans la lang. parlée la constr. c'est, suivie de l'énoncé et d'un point d'interr. C'est grave? C'est elle? C'est bien vous que j'ai rencontré il y a quelques jours? (cf. ex. 97).
a) [En combinaison avec un pron. interr. qui précède et un pron. rel. qui suit est-ce] Qui est-ce qui a fait cela? Qui est-ce que tu as rencontré? Qu'est-ce qui t'a mis dans cet état? De même Quand, où est-ce que...? Qu'est-ce que c'est qu'un cardinal? C'est un prêtre habillé de rouge, qui a cent mille écus du roi, pour se moquer de lui au nom du pape (Chamfort, Max. et pens.,1794, p. 79).Démétrios! Qu'est-ce que j'entends? D'où t'est venu ce ton-là? Est-ce bien toi qui parles? Explique-moi! Je t'en conjure! Qu'est-il arrivé entre nous? C'est à se briser la tête contre les murailles... (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 200):
95. le professeur. − Élève Hamlet! l'élève hamlet (sursautant). − ... Hein... Quoi... Pardon... Qu'est-ce qui se passe... Qu'est-ce qu'il y a... Qu'est-ce que c'est? ... le professeur (mécontent). − Vous ne pouvez pas répondre « présent » comme tout le monde? Pas possible, vous êtes encore dans les nuages. Prévert, Paroles,1946, p. 68.
b) Est-ce que. Loc. interr. utilisée dans la lang. parlée pour éviter l'inversion du suj. ce :
96. Enfin, j'évalue bien à deux millions la perte éprouvée par l'industrie et le commerce... Hein? Qu'est-ce que vous en dites? Nous voilà au chiffre de cinq millions, pour une ville de treize mille habitants! Et vous nous demandez encore quarante-deux mille francs de contribution, je ne sais sous quel prétexte! Est-ce que c'est juste, est-ce que c'est raisonnable? M. de Gartlauben hochait la tête, se contentait de répondre : − Que voulez-vous? C'est la guerre, c'est la guerre! Zola, Débâcle,1892, p. 559.
97. Il [Brogan] sourit : « J'ai des amis qui se sont mis à écrire quand ils ont vu que je gagnais de l'argent rien qu'en restant assis devant ma machine, mais ils ne sont pas devenus des écrivains. − Est-ce qu'ils ont gagné de l'argent? » Il se mit à rire franchement : « Il y en a un qui a tapé cinq cents pages en un mois; il a dû payer gros pour les faire imprimer et sa femme lui a défendu de recommencer; il a repris son métier de pickpocket. − C'est un bon métier? demandai-je. − Ça dépend. À Chicago il y a une grosse concurrence. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 305.
c) Ne serait-ce que, ne fût-ce que (= quand ce ne serait que). Loc. à valeur restrictive et conditionnelle, toujours au sing., en position marginale ou en incise. Ne serait-ce, ne fût-ce que pour lui, que pour lui faire plaisir :
98. Je soulève doucement le voile qui couvrait un visage aimé. Je pense avec un sourire : « Mon amour pour elle, vraiment, ne faisait qu'un avec le sentiment que j'ai de l'absolu. Quel dommage qu'elle n'en sache rien! Si elle avait, ne fût-ce qu'un instant, compris mon amour, elle n'aurait jamais pu s'en distraire, même pour danser. » J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 68.
Fût-ce. Même sens. Charité. − On se fait beaucoup d'illusions sur l'étendue de cette vertu (...). Ne jamais médire. Ne jamais parler en mal de qui que ce soit, fût-ce d'un enfant, à moins que cela ne soit utile (Dupanloup, Journal,1851-76, p. 60).Pourtant elle n'achetait pas le journal, par défiance (...) et par une sorte de point d'honneur qu'elle se faisait de n'être pas volée, fût-ce d'un sou (France, Anneau améth.,1899, p. 367).
d) N'est-ce pas. Loc. placée dans le discours dir. pour demander l'adhésion de l'interlocuteur ou solliciter son attention :
99. − Voyons donc, que diable! Assieds-toi. J'éprouve un véritable chagrin. − Quel chagrin? − De ce que tu ne puisses pas vider un verre de vin avec moi et goûter ces beignets : quelque chose d'extraordinaire! David s'assit en riant à son tour. − Tu les as inventés, n'est-ce pas? dit-il. Tu fais toujours des inventions pareilles. − Non, rebbe, non; ce n'est ni moi ni Katel. Je serais fier d'avoir inventé ces beignets, mais rendons à César ce qui est à César : l'honneur en revient à la petite Sûzel... Tu sais, la fille de l'anabaptiste! Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 86.
Rem. Les dict. enregistrent la loc. si est-ce que (vx) appartenant à une lang. littér. cultivant l'arch., et placée dans le discours pour marquer une opposition à ce qui vient d'être dit; synon. ou expr synon. néanmoins, si tant est que, c'est pourtant un fait.
2. [Réponse réelle ou supposée à la question portant sur ce qui est désigné par ce] C'est nous, ce sont eux. Non, il ne faut pas quitter le pays; c'est une maladresse; ce serait faire dire à tout le monde qu'on avait raison contre nous, et donner gain de cause aux bavards (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 264).Mon oncle et ma tante habitaient avec leurs cinq enfants rue de Lecat. C'était une de ces tristes rues de province, sans magasins, sans animation d'aucune sorte, ni caractère, ni agrément (Gide, Si le grain,1924, p. 411).Cf. également ex. 93 et 94 :
100. Un des mérites les plus éminents de MmeJuliette Lamber, c'est sa passion des beaux paysages et sa puissance à les décrire. Ses tableaux ont de l'éclat et un pittoresque grandiose. Ce sont des paysages du Midi, chauds et lumineux; et ils sont vivants, vraiment pleins de dieux, la nature y ayant des formes vaguement animales et respirantes... Lemaitre, Contemp.,1885, p. 134.
101. − Regarde, Papadakis, je t'ai bluffé, ma badine n'est pas une canne-épée. Elle est trop mince et beaucoup trop flexible. C'est une simple épine de rose. Il n'y a même pas une pointe au bout. Elle est si fragile qu'on ne pourrait administrer avec une fessée à un ange. Regarde, la résille est en or. Elle est infiniment précieuse. C'est du beau travail d'artiste. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 175.
Rem. On rencontre ds la docum. la constr. cour. de c'est, en phrase exclam. a) Avec valeur laud. exprimée par le 2eterme de la tournure. Ces Anciens, c'étaient des hommes. − Oh! C'est que Vincent, c'est quelqu'un! dit Lambert d'une voix mordante. Il sait tout, il juge tout le monde, il ne se trompe jamais et vous n'avez pas besoin de le payer pour qu'il vous donne des leçons (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 270). b) Avec inversion du second terme précédé de quel à valeur qualificative. Grand-père de Vandomme, par exemple, quel gaillard c'était! Toujours plein de bière, à ras bord, jusqu'à son bonnet de laine, mais serviable au pauvre monde (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1431).
a) [Pour constater qu'une situation actuelle suggérée ou l'objet convenu implicite a tel caractère] Ce n'est rien, c'(en) est trop, c'est comme cela, c'est contre le règlement, c'est sans espoir, c'est justice, c'est dimanche, c'est (bien) l'heure, c'était le temps où, c'est mon tour. C'est l'automne, la pluie et la mort de l'année! La mort de la jeunesse et du seul noble effort Auquel nous songerons à l'heure de la mort : L'effort de se survivre en l'Œuvre terminée. Mais c'est la fin de cet espoir, du grand espoir, Et c'est la fin d'un rêve aussi vain que les autres Le nom de Dieu s'efface aux lèvres des apôtres Et le plus vigilant trahit avant le soir (Rodenbach, Règne silence,1891, p. 235).L'accident dont MlleGodreau a été victime s'est produit le 3 août... C'est bien cela? C'est cela... Le jour du concert... (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 73):
102. Une autre fois, j'osai parler d'amour à une paysanne, aussi pauvre que moi, et vêtue à peine de quelques haillons déchirés. Celle-là, ce fut autre chose, elle me regarda d'un air de profonde pitié, et elle était si affligée de ne pouvoir me trouver beau, que sans rien dire, elle en versa deux grosses larmes. Les anges sans doute les ont recueillies. Banville, Gringoire,1866, 5, p. 41.
103. Il [Philippe] haussa les épaules. − Est-ce que vous croyez, Suzanne, que je ne sente pas les choses qui vous touchent comme si elles se passaient dans l'intérieur même de mon être? Oh! J'ai tout compris : vous partez! C'est clair. Ce n'est que trop clair et c'est même horrible à penser. Alors je dis : quand partez-vous? − Qui parle de partir? Partir? J'irai à Paris demain. Duhamel, Suzanne,1941, p. 252.
b) [Précédé d'un terme (subst., pron., inf.) ou d'une prop. complète en position marginale, sert à réintroduire à l'intérieur de la phrase ce qui avait été détaché, en lui donnant la valeur de suj. dans une prop. à constr. attributive] Un enfant, c'est le sourire de la vie; elles, ce sont mes sœurs; le mieux, c'est de. Tout verbe exprime toujours un état, puisque tout verbe signifie toujours être quelque chose. Faire, c'est être faisant; aimer, c'est être aimant; avoir, c'est être ayant (Destutt de Tr., Idéol., 2, 1803, p. 53).Penser c'est, comme agir ou sentir, réagir au milieu (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 103):
104. ... il ne saurait être question ni de prévoir l'acte avant qu'il s'accomplisse, ni de raisonner sur la possibilité de l'action contraire une fois qu'il est accompli, car se donner toutes les conditions, c'est, dans la durée concrète, se placer au moment même de l'acte et non plus le prévoir. Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 183.
c) [En corrélation avec qui, que, sert à mettre en relief le terme encadré par c'est et qui/que] C'est moi qui l'ai dit; c'est ce qui me détermine à penser que; c'est un homme qui a quelque chose à se reprocher; c'est d'en parler (de cela) qui me fait du bien; c'est ce que je pense de vous; c'était à moi qu'il en voulait; c'était de toi que je parlais. Cf. ce II A 1 b ex. 17 et 18.
d) [Sert à sélectionner ou mettre en relief celui, celle à qui il appartient de faire ceci ou cela] C'est à... de/à + inf.(cf. ce II A 1 a) :
105. Il [Alain] n'avait plus de nouvelles de Juliette Sancey. Il avait eu quelquefois la pensée, la tentation d'aller chez elle comme on l'y avait invité, de prendre de ses nouvelles. Il n'avait jamais osé. Il réveillerait sans doute chez Juliette des masses de souvenirs pénibles. Et d'ailleurs, pour elle comme pour lui, ces choses devaient être à présent tellement lointaines, − presque irréelles. À cela se mêlait l'orgueil, l'amour-propre. Il avait été utile, il avait servi. Ce n'était pas à lui à aller ainsi quémander en quelque sorte une récompense. C'était à eux de venir. Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 246.
[Avec une valeur de superl. ou une idée de primauté dans une situation où il y a rivalité entre plusieurs pers.] C'est, c'était à qui... Le despotisme a produit la corruption des mœurs, et la corruption des mœurs a soutenu le despotisme. Dans cet état de choses, c'est à qui vendra son âme au plus fort pour légitimer l'injustice et diviser la tyrannie (Robesp., Discours,Sur la constitution, t. 9, 1793, p. 497):
106. Paul et François ne se turent pas une minute. Chacun abandonnait une partie de sa personnalité, s'efforçait de ressembler à l'autre. C'était à qui cacherait son cœur. Radiguet, Bal,1923, p. 74.
e) C'est-à-dire*.
f) [Avec l'idée d'explication]
C'est que + ind., ce n'est pas que + subj. (loc. conj.).S'il a agi ainsi, c'est qu'il avait ses raisons; ce n'est pas qu'il soit méchant, mais... Cf. ce II A 2 ex. 34 et 35.
Rem. 1. Être peut être éventuellement omis pour marquer une rupture dans le niveau d'énonciation, le suj. parlant ou écrivant donnant, p. ex., son opinion au milieu d'un développement linéaire et mettant ainsi en évidence l'attribut, le jugement qu'il émet. Triste spectacle qu'une telle déchéance. 2. On rencontre encore la loc. si ce n'est « excepté, sinon » (cf. ce II A 1 d ex. 33) et si ce n'est que « excepté que, sauf que ».
[P. ell. du pron. ce, avec un suj. inversé « réel » et non repris dans la phrase] N'étai(en)t, n'eût été, n'eussent été. Si ce n'était, s'il n'y avait (cf. sans). N'était le portrait, elle était assez contente de la docilité de Max (Mérimée, A. Guillot,1847, p. 118).Edmond aurait certainement pris le parti de sa mère, n'eût été qu'il la trouvait sotte, et qu'il était d'une incroyance foncière (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 201):
107. Une veste et un pantalon de toile rayée composaient toute sa toilette, et lorsque, après avoir entouré son cou d'un madras, couvert sa tête grisonnante d'un grand chapeau de paille, il sortit de sa dunette, la figure calme et reposée, l'air souriant, satisfait, les mains croisées derrière le dos... vrai, n'eussent été les feux dévorants de l'équateur qui faisait étinceler l'Océan comme un miroir au soleil, la chaleur étouffante et le plancher mobile du brick... on eût pris M. Benoît pour un campagnard, humant l'air parfumé du matin dans son bosquet de tilleuls fleuris... Sue, Atar Gull,1831, p. 2.
g) [Relie un suj. postposé (annoncé par le 2ece) à ce que attribut anticipé exclam.] Ce que c'est (que, quand). Ce que c'est que les liqueurs! (Labiche, Affaire rue Lourcine,1857, 15, p. 475).Madame Vigneron. − Je sais ce que c'est que de perdre son mari. J'ai passé par là (Becque, Corbeaux,1882, II, 1, p. 102).Hugo. − J'ai quitté ma famille et ma classe, le jour où j'ai compris ce que c'était que l'oppression (Sartre, Mains sales,1948, 2etabl., 4, p. 50).
Absol. (Voilà) vous savez ce que c'est. J'avais mené, dès mon adolescence, une vie de garçon. Vous savez ce que c'est. Libre et sans famille, résolu à ne point prendre de femme légitime, je passais tantôt trois mois avec l'une, tantôt six mois avec l'autre, puis un an sans compagne en butinant sur la masse des filles à prendre ou à vendre (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Ermite, 1886, p. 1055).
B.− [Dans la conversation fam., est relie ce (ce qu'on montre, l'objet en situation) à un attribut implicite et vague, le sens précis étant tiré de la situation; c'est reste au sing.] C'est combien? C'est trois francs. On lui donne un lit − ce sera trois francs (Vallès, Réfract.,1865, p. 122).
II.− [L'expr. est introd. par il impers.]
A.− Cour. [Constr. impers. simple; pour indiquer la situation dans un moment du temps]
1. [Il s'agit d'un moment précis dans le temps] Quelle heure est-il?; il est l'heure de partir; il est l'heure (absol.); il était moins une (fam.). Il était cinq heures lorsque je sortis du collège pour aller dîner chez M. M. (Jouy, Hermite,t. 4, 1813, p. 31):
108. Baïe, qui a la scarlatine, regarde l'heure à son petit coucou suisse. Elle ne sait pas bien la lire. Elle sait, par exemple, s'il est plus de deux heures, ou moins, et s'il est deux heures. Elle connaît l'heure, dit-elle, « quand il est juste ». Renard, Journal,1900, p. 607.
Rem. L'usage cour. préfère ce à il pour exprimer la précision. C'est l'heure, mais il est l'heure de partir.
2. [Le plus souvent suivi d'un adv., la localisation dans le temps étant alors plus vague] Il est encore trop tôt pour; demain il sera trop tard; il est grand matin; avant qu'il soit longtemps; faites cela pendant qu'il en est temps encore; il est temps de rentrer. Absol. Il est temps; il n'était que temps :
109. voix du général. − Il est par là, vous dites? petypon. − Nom d'un chien, cachons-la! (Il prend le tapis de table qui est sur la chaise du fond et en recouvre complètement sa femme. Paraît le général.) Ouf! Il était temps! Feydeau, Dame Maxim's,1914, I, 24, p. 26.
3. Dans un lang. recherché. Il n'est pas nuit, mais il n'est plus jour, et déjà les eaux brunissantes de la Néva annoncent l'heure du repos (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 1, 1821, p. 253).Il est crépuscule. Le soleil s'abîme derrière les monts, un vieux monument détache sa large silhouette noire sur le ciel (Valéry, Corresp.[avec G. Fourment], 1887-1933, p. 49):
110. Quand les chiens dépistés abandonnent la voie, Maladroit le chasseur s'il lâche aussi sa proie! Donc je poursuis la mienne, et, tant qu'il sera jour, Je courrai mon gibier, mon beau gibier d'amour. Brizeux, Marie,1840, p. 55.
B.− Lang. littér. recherchée. [Suivi d'un mot indéf. ou d'une négation] Il existe, il y a. Il fut une époque, un temps où; il en est peu, beaucoup, trop qui, que. Il n'est point ici-bas de bonheur sans mélange (Chênedollé, Génie homme,1807, p. 95).Il est des Songes vrais, s'il en est de menteurs (Fontanes, Œuvres,t. 1, Chant VIII, 1821, p. 336).Je veux qu'il soit un Dieu pour pouvoir blasphémer (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 515):
111. Les mots, en exprimant des pensées, en rappelant des souvenirs, intéressent nos cœurs et influent sur leurs affections; ils entraînent nos volontés comme notre pensée; il en est que l'on ne sauroit entendre sans une émotion profonde; d'autres, plus étonnans, semblent affoiblir les objets et nous les rendre indifférens. Senancour, Rêveries,1799, p. 228.
112. Ne te plains point, regarde : il n'est rien qui demeure, C'est ainsi que s'enfuit un nuage léger, C'est ainsi, chaque jour, que tourne d'heure en heure, L'ombre que font au sol les arbres du verger! Muselli, Travaux et jeux,1914, p. 28.
Rem. Cf. également en I A 2 b ex. 9 et I A 3 a.
1. [Pour introd. un conte, une histoire] :
113. ... l'écriture, c'est ce qui signale l'œuvre littéraire en tant que telle, mais ce signal est écriture dans la mesure où il est délibéré et où il proclame et affiche l'identité de l'œuvre et ses intentions. (...) dans certains emplois modernes, le passé-simple n'est pas la simple représentation d'un « temps », mais il donne ce temps comme imaginaire, objet d'une création romanesque; de même le « il était une fois » du conteur transporte immédiatement l'auditeur en littérature. Langage, Guiraud − Fonctions sec. langage, 1968, p. 456.
2. [En position marginale ou en incise; tour laud.] S'il en est, s'il en fut. La bande noire, bonne œuvre et sainte, s'il en est (Courier, Pamphlets pol.,Disc. souscr. acquis. de Chambord, 1821, p. 86).Swann qui est, d'ailleurs, un garçon d'esprit s'il en fut (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 472):
114. Il [Antricon-Balaston] avait une allègre figure très hâlée, un menton recourbé comme la carène d'un vaisseau, des yeux vairons, un sourire où vivait la malice indomptable de son âme; étique, il paraissait dodu; long, il paraissait bref. Un pareil trompe-l'œil provenait de sa conformation, irrégulière s'il en fut. Cladel, Ompdrailles,1879, p. 221.
3. [Encadré de la restriction ne... que, exprime l'identité absolue, la valeur de l'objet sélectionné] Il n'est vendange que d'automne (Colette, Naiss. jour,1928, p. 17).Je savais qu'il n'est de science que de ce qui se répète (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 576):
115. Paradis d'ombre fraîche et de chaleur extrême, Où mûrit la grenade, et, non loin du jasmin, Cette double pastèque agréable à la main : Badoure, il n'est jardin que des fleurs où l'on aime. Toulet, Contrerimes,1920, p. 132.
C.− [Sert à exprimer un jugement de valeur, une appréciation]
1. [Constr. simple; le plus souvent suivi d'un adj.] Il est certain, évident, probable, vraisemblable que; il est bon, nécessaire de; il n'est que juste de; tant il est vrai que; il m'est très douloureux de vous annoncer que. Cette conduite [de Malek Adhel] renferme d'étranges mystères, repartit Richard d'un air mécontent (...). − Ce sont des mystères, il est vrai, répondit l'archevêque, mais des mystères de vertu, de générosité, que je me garderai d'approfondir par respect pour la main qui ne veut verser ses bienfaits qu'en se cachant (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 192).Il fut impossible au vidame de Maulle de trouver ce qu'en termes de justice on nomme un alibi (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 266):
116. Elle [Vanessa] parcourait la pièce noire d'un regard lent. − ... Marino dit qu'on ne peut t'arracher de l'Amirauté. Est-ce vrai? Elle s'établissait maintenant peu à peu, à mes yeux brouillés par la surprise, avec la fixité parfaite, la quiétude d'une flamme de bougie élevée dans une chambre calme. Dans le fouillis poussiéreux de la pièce, la carnation égale et très pâle de ses bras et de sa gorge suggérait à l'œil une matière extraordinairement précieuse, radiante, comme la robe blanche d'une femme dans la nuit d'un jardin. − Il est vrai que je n'en bouge guère. Et je me plais ici, c'est vrai. Gracq, Syrtes,1951, p. 85.
Rem. 1. Il est et c'est ne s'emploient pas indifféremment. Ce évoquant qqc. de connu, peut se passer de complément. Il, en revanche, annonce un sujet qui sera exprimé ultérieurement. Cf. dans l'ex. 116 l'opposition entre c'est vrai et il est vrai que. De même c'est impossible et il est impossible de/que. 2. Il est est plus rarement suivi d'un subst. ou d'un adv. Toutefois on rencontre couramment ds la docum. a) il est question de ou il est besoin de, s'il en est besoin et, p. ell. du pron., en constr. incise, si besoin est/ était (cf. besoin II D 2, ex. 20 à 24); b) toujours est-il + adj. + que ou toujours est-il que. Que les générations directes, qui font l'objet de ce chapitre, aient ou n'aient pas réellement lieu, ce sur quoi, maintenant, je n'ai point d'avis prononcé; toujours est-il certain, selon moi, que la nature en exécute de réelles au commencement de chaque règne de corps vivans, et que sans cette voie elle n'eût jamais pu donner l'existence aux végétaux et aux animaux qui habitent notre globe (Lamarck, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 89). À Andernach, quatre compagnons ayant fait équipe eurent l'imprudence de laisser percer leur projet et furent dénoncés, on n'a jamais su exactement par qui. Toujours est-il qu'à l'heure fixée pour leur départ, dans la nuit du 28 au 29 mars 1941, comme ils enfilaient l'obscur couloir long de six mètres qui devait les conduire à la liberté, des gardiens embusqués sur leur passage les accueillirent d'un feu roulant (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 226).
2. [Pour marquer le caractère de qqc.]
a) Il est de. Il est de toute évidence, de toute nécessité, de tradition, de bon ton, d'usage, de/que :
117. Ils [Gérard et Hélène] se regardèrent un moment dans le fond des yeux. Hélène ne put s'empêcher de sourire; mais, redevenant promptement grave, elle reprit : − Je vous trouve sévère... Je sais qu'il est de mauvais goût de trop vanter ce qui nous touche de près; mais, bien que Georgette soit votre fiancée, il me semble que vous poussez la modestie un peu loin. Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 86.
[Pour exprimer le fait qu'un caractère est inhérent à qqn ou qqc.] Il est de mon devoir, de ma dignité, de mon honneur de; il est de l'équité, de la justice de. Tout pays policé renferme deux classes d'hommes. L'une s'instruit et raisonne, l'autre vit dans l'inscience. La première sera toujours estimée par cela seul qu'il est de sa nature de mépriser l'autre (Senancour, Rêveries,1799, p. 155).Il est de l'essence même de ce diabolique génie [Hitler] d'utiliser pour sa guerre la dégradation des autres (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 422).
Rem. Dans le même sens et rare : il est essentiel à qqn de.
b) Il est dans, en. Il est dans la nature des choses de + inf.; il n'est pas en mon pouvoir de changer cet état de choses :
118. À la mort d'Émile Roux, l'Institut Pasteur de Paris rendit au professeur Bordet le plus bel hommage qu'il était en son pouvoir de lui rendre, lorsqu'il lui demanda de présider le conseil scientifique institué alors pour veiller, de façon permanente, sur les hautes destinées de la maison de Pasteur et de Roux. Ce que la Fr. a apporté à la méd.,1946, p. 62.
Expr. Il n'est pas en moi de. Il n'est pas en mon pouvoir; il n'est pas dans ma nature, dans mon caractère de faire cela :
119. ... sans cacher ma pensée, ni voiler mes paroles, j'ai dit sale débauche, infâme prostitution, et me voilà devant vous, Messieurs. Mais je suis du peuple; je ne suis pas des hautes classes, quoi que vous en disiez, monsieur le président; j'ignore leur langage, et n'ai pas pu l'apprendre. Soldat pendant longtemps, aujourd'hui paysan, n'ayant vu que les camps et les champs, comment saurais-je donner aux vices des noms aimables et polis? Peut-être aussi ne le voudrais-je pas, s'il était en moi de quitter nos rustiques façons de dire, pour vos expressions, vos formules. Courier, Pamphlets pol.,Procès, 1821, p. 128.
3. [Être sert à affirmer une réalité à propos d'une situation référée par en] Il en est (de). Qu'en sera-t-il?; il n'en sera que ce que vous voudrez; en serait-il autrement? quoi qu'il en soit/fût; (puisque, s')il en est (malheureusement, toujours) ainsi (de); je te dirai ce qu'il en est; il n'en fut rien :
120. Lorsque Philippe ressentait un vif désir, lorsqu'il cédait à quelque tentation, ses mouvements étaient bien visibles. Il ne dissimulait rien; il se comportait avec franchise et insouciance, comme s'il avait la garantie commode que toute faute peut être remise. Il n'en était pas de même pour moi. J'appréhendais sans cesse qu'une mauvaise action ne me fît dévier pour toujours de la voie étroite qu'un idéal sévère me présentait comme le juste chemin. Lacretelle, Silbermann,1922, p. 22.
Rem. À noter a) l'équivalence de être et de aller (emploi impers.). Il en va de même (ou ainsi) de (ou pour); il en va (tout) autrement (de ou pour + nom de pers.); cf. aller II A 2); b) forme vieillie il est ainsi avec omission de en, s.v. ainsi ex. 13 et 14.
[Tour littér. pour introd. une comparaison] Il en est (de) ... ainsi/comme. Il en est ici comme des volcans, dont il faut respecter le silence et l'immobilité (Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 228).Il en est de la toilette comme de toute passion; ce que l'on a sert tout au plus à faire ressortir ce qui manque (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 203):
121. Thomas Gourvennec, Yves Lannuzel, François Guillerm, chacun accomplissait sa besogne. Sous la trame usée du ciel gris, l'aube s'efforçait de poindre au-dessus de l'horizon, qui luisait faiblement, comme une vieille jupe. La pointe du Raz retrouvait la place où on l'avait vue hier. Il en était des pêcheurs ainsi que de comédiens batteurs de province et qui, pour la millième fois, commencent la première scène du même drame. Les yeux ouverts, et tout en exécutant les gestes requis, ils s'efforçaient de ne pas prendre le travail trop à cœur, de somnoler encore, de se réserver... Queffélec, Recteur,1944, p. 71.
4. [Tours négatifs]
a) Il n'est que de + inf.Il est suffisant, il n'y a qu'à :
122. Pour comprendre à quel point nous avons appris à « abstraire » la musique, il n'est que de comparer le diagramme du son réel et sa représentation musicale. Où sont donc les notes et les accords dans l'enchevêtrement incroyable des oscillations? Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 52.
b) Vieilli. Il n'est pas que + subj. (double négation).Il n'est pas que vous n'ayez entendu parler de :
123. À madame..., née Camille Il n'est pas, madame, que vous n'ayez gardé quelque souvenir de Stephen, ou, du moins, j'espère n'avoir pas besoin de vous rappeler le nom sous lequel vous l'avez connu. Karr, Sous tilleuls,1832, p. 313.
Rem. 1. Effacement possible de la copule. Être peut être supprimé du fait de son haut degré d'abstraction. a) C'est le cas lorsque la constr. attributive devient globalement obj. d'un verbe introducteur. Pierre est très savant devient Nous savons Pierre très savant. Temps et mode sont assurés par le verbe immédiatement antécédent. Cf. supra 2esection I B 4 a α rem. b) Le caractère figé de la phrase proverbiale entraîne fréquemment la suppression de la copule (être est dans ce cas intemporel ou omnitemporel). Tel père, tel fils = tel est le père, tel est le fils. Cette constr. inverse les termes du propos qui est le fils est tel que (est) le père. c) Dans le style télégraphique, temps et mode sont suffisamment inclus, c'est-à-dire présupposés et donc intuitivement compris dans la situation de communication entre expéditeur et destinataire du télégramme. Nous sommes bien arrivés devient bien arrivés, l'auxil. disparaît. De même la copule disparaît dans Pierre est l'heureux père d'un petit Bernard qui devient Pierre heureux père petit Bernard. L'ordre des mots et la ponctuation forte rendent aisée la compréhension du message. d) Rappel des indications ou exemples donnés dans le corps de l'article. α) Dans une répétition enchaînée de constr. identiques. Cf. supra 2esection I B 1 a et ex. 39 type Monsieur est à la chasse, Madame en ville, Joseph en course. β) Dans la lang. parlée, pour marquer un ordre dans les interventions au cours d'une conférence, d'un débat. La parole est à vous peut devenir à vous. Cf. 2esection I B 4 a α rem. γ) La formule de la concl. épistolaire je suis (bien) à vous devient bien à vous. Cf. 2esection I B 4 a β rem. δ) Dans la lang. comm., l'auxil. peut disparaître dans l'occasion est à saisir, cette maison est à vendre qui deviennent à saisir, à vendre, à louer. De même, ce devoir est à refaire devient à refaire. Cf. 2esection II rem. finale. ε) Dans un but stylistique, pour marquer une rupture dans le niveau d'énonciation. Cf. 3esection I A 2 f rem. Triste spectacle qu'une telle déchéance. 2. La docum. enregistre le sens mod. de étant, subst. masc., en philos. et en partic. dans la philos. de Heidegger. Ce qui est, l'étantrecouvre tous les objets, toutes les personnes dans un certain sens, Dieu lui-même. L'être de l'étantc'est le fait que tous ces objets et toutes ces personnes sont. Il ne s'identifie avec aucun de ces étants, ni même avec l'idée de l'étant en général (E. Lévinas, En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 1974 [1932], p. 56).
Prononc. et Orth. : [ε:tʀ ̥], (je) suis [sɥi]. Homon. aîtres (ou êtres), hêtre. Ds Ac. 1694-1932.
Étymol. et Hist. A. 1. a) 842 suivi d'un compl. prép. donnant des indications sur l'état, la situation, la localisation ou toutes circonstances caractérisant l'état ou l'existence du suj. (Serments de Strasbourg ds Bartsch Chrestomathie, 2, 11); b) 1119 spéc. être à suivi d'un inf. « devoir être » est a preisier « doit être prisée » (Ph. de Thaon, Comput, éd. E. Mall, 137); c) 1174-76 être à « être en train de, être occupé à » (G. de Pont-Ste-Maxence, Saint Thomas, éd. E. Walberg, 5239); 2. a) 881-82 suivi d'un attribut indiquant une qualité, une caractéristique du sujet « présenter, avoir la qualité de » (Ste Eulalie ds Bartsch Chrestomathie, 3, 1); b) 881-82 suivi d'un attribut indiquant la qualité essentielle ou la situation du suj. (Ste Eulalie, ibid., 3, 12); c) 2emoitié xes. suivi d'un attribut indiquant la qualité de l'état ou de la situation du suj., sa manière d'être (St Léger, éd. J. Linskill, 160). B. Emploi abs. 1. 2emoitié xes. « exister, avoir réalité, être vrai (suj. animé) » (St Léger, 37); 2.a) 1130-40 « exister, avoir réalité, vivre (suj. animé) » (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. M, 729 : Deus qui est e fu); b) fin xiies. au passé « avoir vécu, être mort » (Orson de Beauvais, 959 ds T.-L.). C. Pron. dém. suj. 1. a) ca 980 le pron. suj. remplace simplement un inanimé (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 13-14); b) 2emoitié xes. le pron. suj. remplace un animé ou un inanimé mis en valeur par la constr. de type c'est (St Léger, 99); 2. ca 1170 le pron. dém. est en inversion dans les constr. interr. (Rois, éd. E. R. Curtius, I, VI, 4, p. 13). D. 1. Ca 980 à la 3epers. du sing. impers. pour introduire ou mettre en valeur un élément de la phrase (Passion, 151); 2. ca 980 id. avec le sens de « il y a », « on trouve » (Passion, 88). E. Auxil. 1. ca 980 du passif (Passion, 170); 2. ca 980 du passé des verbes pronom. (Fragment de Valenciennes ds Bartsch Chrestomathie, 4, 37); 3. ca 980 du passé de certains verbes intrans. (Passion, 325). Du lat. class. esse (lat. pop. *essĕre d'où l'inf. a. fr. estre) dont les formes conjuguées lat., avec des altérations dès le b. lat. et des réfections anal., ont donné plus ou moins régulièrement les formes fr., le part. passé et peut-être l'imp. et le futur mis à part (cf. E. R. Thurneysen, Das Verbum être und die fr. Conjugation, Halle, Karras, 1882). Il est admis que le part. passé esté, de même prob. que le part. prés. estant, a été empr. au verbe d'a. fr. ester issu du lat. stare « se tenir debout, se tenir, rester »; une même orig. pour l'imp. de type a fr. esteie qui a supplanté les formes de type iere ou ere a été envisagée (cf. Diez, Romanische Grammatik, 2eéd., t. 2, p. 211) puis rejetée pour des raisons phonét. en admettant une réfection sur l'inf. est(re) (cf. Diez, op. cit., 3eéd., t. 2, p. 229; Meyer-Lübke, Grammaire historique des langues romanes, t. 2, § 262); on peut cependant supposer que esteie représente stabam, mais avec une réfection pré-littér. sur le verbe avoir. Quant au rad. du futur ser(ai) qui a supplanté les formes en ier et er issues du lat., on l'explique par une constr. syntagmatique à partir de essere de type (es)sere + áio (parallèlement à essere + áio > estrai en a. fr.; pour les détails, v. notamment Fouché Morphol., 415-423).
STAT. − Été, part. passé. Fréq. abs. littér. : 69 902. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 115 464, b) 100 374; xxes. : a) 88 809, b) 91 565. Étant. Fréq. abs. littér. : 12 080. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 18 573, b) 18 433; xxes. : a) 17 380, b) 15 196.
BBG. − Bogacki (K.). Perspective fonctionnelle et locativité. Kwart. neofilol. 1976, t. 23, no1/2, pp. 49-55. − Chevalier (J.-C.). Exercices portant sur le fonctionnement des présentatifs. Lang. fr. 1969, no1, pp. 82-92. − de Kock (J.). Avoir et être, auxil. des formes actives, passives et pronom. Trav. Ling. Gand. 1969, no1, pp. 13-69; Avoir et être, auxil. de qq. régisseurs intrans. Ling. antverp. 1968, no2, pp. 109-114. − Engwer (Th.). Avoir und être als Hilfsverben bei Intransitiven. Rom. Forsch. 1951, t. 63, pp. 79-94. − Joly (A.). Les Auxil. avoir et être, approche psychosystématique. Fr. monde. 1977, no129, pp. 22-28. − Klein (H.-W.). La Répartition des verbes auxil. avoir et être ds l'usage moderne. Classe (La) de français. 1956, t. 6, pp. 298-302. − Kosmata (R.). Beobachtungen zum Gebrauch der Hilfsverben avoir und être im modernen Französisch. Vox rom. 1965, t. 24, pp. 238-268. − Locker (E.). Être und avoir : leur expr. ds les lang. Anthropos. 1954, t. 49, pp. 481-510. − Moignet (G.). Incidence et attribut du compl. d'obj. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no1, p. 261. − Morard (M.S.). Le Double usage du verbe être. Freiburger Z. für Philosophie und Theologie. 1957, t. 4, pp. 420-432. − Moreau (M.-L.). C'est. Ét. de synt. transformationnelle. Bruxelles, 1976. − Pichon (E.). L'Auxil. être ds le fr. d'auj. Fr. mod. 1934, t. 2, pp. 317-330. − Querido (A.A.M.). Les Séries verbales du type être, devenir, rendre. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. rom. 13. 1971. Québec. Québec, 1976, t. 1, pp. 1107-1124. − Regula (M.). Axiome des Sprachdenkens und ihre Auswirkungen auf die Syntax. Vox rom. 1954/55, t. 14, p. 74. − Rey-Debove (J.). Les Relations entre le signe et la chose ds le discours métalinguistique : être, s'appeler, désigner, signifier et se dire. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1969, t. 7, no1, pp. 113-129. − Roth (W.). Beiträge zur Formenbildung von lat. esse im Romanischen. Bonn, 1965, 345 p. − Todorov (C.). La Hiérarchie des liens ds le récit. Semiotica. 1971, t. 3, no2, pp. 121-139. − Van Ginneken (J.). Avoir et être. In : [Mél. Bally (C.)]. Genève, 1939, pp. 83-92. − Yvon (H.). Aller et être. Fr. mod. 1949, t. 17, pp. 17-23.

ÊTRE2, subst. masc.

I.− PHILOS. et lang. abstr., seulement au sing. [Inf. substantivé]
A.− Emploi abs : L'existence en général. Étudier l'être :
1. Aristote définissait la philosophie première comme science de l'être en tant qu'être. Mais depuis, le développement de la connaissance a montré qu'on ne peut précisément constituer une science de l'être qu'en renonçant à le saisir en tant qu'être, et en le déterminant comme objet. F. Alquié, La Nostalgie de l'être,Paris, P.U.F., 1950, p. 119.
P. méton. Ce qui existe, conçu sous la forme la plus abstraite. L'être (p. oppos. au non-être, au néant); l'être et le devenir; le sentiment de l'être; accéder à l'être :
2. Qu'est-ce que l'existence, sinon le mode le plus général et le plus essentiel de l'être, ce par quoi il se distingue de ce qui n'est pas (...) notre intelligence ne conçoit pas le néant et ne peut lui donner aucune place dans l'idée qu'elle se fait de la formation des choses. Pour concevoir le néant, il faudrait en quelque sorte faire le vide dans notre esprit et supprimer jusqu'aux éléments les plus simples et les plus nécessaires de la pensée, puisque toute pensée, toute idée est la pensée ou l'idée de quelque chose, c'est-à-dire d'un être... A. Franck, Dict. des Sc. Philos.,Paris, Hachette, 1885, [1843], pp. 492-493.
3. Quand je vois un objet, j'éprouve toujours qu'il y a encore de l'être au-delà de ce que je vois actuellement, non seulement de l'être visible, mais encore de l'être tangible ou saisissable par l'ouïe, − et non seulement de l'être sensible, mais encore une profondeur de l'objet qu'aucun prélèvement sensoriel n'épuisera. Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 250.
B.− L'existence de qqn ou de qqc. en situation. Le sentiment, la plénitude de l'être; durer, persévérer dans l'être; avoir, posséder l'être; l'être au monde, dans le monde :
4. ... pour le Pour-soi, être c'est choisir sa manière d'être sur fond d'une contingence absolue de son être-là. Sartre, Être et Néant,1943, p. 460.
Lang. littér. et par emphase. Recevoir l'être de qqn; les auteurs de mon être (cf. existence, jour(s), naissance, vie) :
5. Ah! périsse à jamais le jour qui m'a vu naître! Ah! périsse à jamais la nuit qui m'a conçu! Et le sein qui m'a donné l'être, Et les genoux qui m'ont reçu! Lamart., Médit.,1820, p. 257.
Rem. Les dict. enregistrent le sens vx : « souche, origine (d'une race, d'un peuple, d'une famille) ».
C.− Ce qui distingue quelqu'un ou quelque chose fondamentalement (cf. essence1). (Ce qui fait) l'être de qqc. ou de qqn; son être est de; l'être profond, le fond de l'être (p. oppos. au paraître) :
6. Si elle [la révolte] veut une révolution, elle la veut en faveur de la vie, non contre elle. C'est pourquoi elle s'appuie d'abord sur les réalités les plus concrètes, la profession, le village, où transparaissent l'être, le cœur vivant des choses et des hommes. Camus, Homme rév.,1951, p. 368.
P. anal., vieilli. Manière d'être, en partic. dans la société (cf. état; condition, rang) :
7. Ainsi parlent ces gens nés autrement que nous, c'est-à-dire bien nés, qui se rangent à part, avec quelque raison; classe privilégiée, supérieure, distinguée. Voilà leur langage familier. Veulent-ils s'exprimer noblement? Ce ne sont qu'altesses, majestés, excellences, éminences. Ils croient que le style noble est celui du blason. Malheur des courtisans, ne point connaître le peuple, qui est la source de tout bon sens. Ils ne voient en leur vie que des grands et des laquais; leur être se compose de manières et de bassesses. Courier, Pamphlets pol.,Procès, 1821, p. 97.
II.− P. méton., au sing. et au plur. Celui, celle, ce qui existe.
A.− [P. oppos. à réalité objective; concept d'origine philosophique] Être de raison. Objet de pensée sans référence dans la réalité objective. Anton. objet réel.[Le] mot imaginaire, [est] employé maintenant en Géométrie pure, où il exprime un être de raison sans existence (...) auquel on applique les mêmes raisonnements qu'à un objet réel et palpable (Chasles, Aperçu hist. orig. et développ. méth. géom.,1837, p. 207):
8. Le gène est dès aujourd'hui directement repérable. Il se laisse deviner, il transparaît sous sa vêture chromatique, peut-être même déjà l'œil l'a-t-il aperçu. Et nul doute que demain il ne cesse d'être un « être de raison » pour devenir un objet sensible. Guénot, Rostand, Introd. génét.,1936, p. 22.
P. ext. et souvent péj. Ce qui n'a qu'une existence purement imaginaire :
9. On peut trouver que la philosophie de M. Bergson est répugnante, que celles de Boutroux, de Leibniz l'étaient, avec bien des raisons limitées à ces objets, mais on ne peut pas dire qu'elles sont répugnantes parce qu'elles constituent des déviations passagères, des maladies accidentelles de la philosophie éternelle, qui n'existe pas. On ne trahit point un être de raison. Nizan, Chiens garde,1932, p. 18.
B.− [P. oppos. à chose] Être animé et par assimilation être inanimé; être vivant.
1. Gén. Les êtres et les objets; l'être humain; la chaîne, l'échelle, la série des êtres. L'homme, comme tous les êtres, se manifeste à la vie par une naissance, fruit d'une génération (P. Leroux, Humanité,t. 1, 1840, p. 270).Montrer l'influence que le « fluide » peut exercer, généralement au sortir des mains, sur des végétaux ou des êtres inanimés (Amadou, Parapsychol.,1954, p. 66):
10. Oh! mystère! Quel mystère? L'œil... Tout l'univers est en lui, puisqu'il le voit, puisqu'il le reflète. Il contient l'univers, les choses et les êtres, les forêts et les océans, les hommes et les bêtes, les couchers de soleil, les étoiles, les arts, tout, tout, il voit, cueille et emporte tout; et il y a plus encore en lui, il y a l'âme, il y a l'homme qui pense, l'homme qui aime, l'homme qui rit, l'homme qui souffre! Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Cas div., 1886, p. 1068.
11. ... par la nature, j'entends l'élan qui nous pousse à conquérir tout notre espace vital, élan qui nous est commun avec l'ensemble des êtres vivants, et qui les pousse à se développer en s'appropriant ce qui les entoure, au moyen de la nutrition, elle-même multipliée par la reproduction de l'espèce. Lalande, Raison et normes,1948, p. 93.
SYNT. L'évolution, l'apparition, l'ensemble, la géographie des êtres vivants; êtres organisés, végétaux, animaux; être actuel, fossile; être microscopique; les êtres inférieurs, intelligents; un être nuisible (animé ou inanimé); un être sexué; un être fantastique, mythique, surnaturel; un être (im)matériel.
Lang. littér. Un être de. Qui participe de. Un être de mort, de néant; un être de clarté, de feu, de lumière, d'ombre, de ténèbres :
12. Je vous prie, Mademoiselle Antoinette, comme si j'étais un frère aîné, de rester dans ce pays [la Vaucreuse] où votre nom est respecté, où, personnellement, vous êtes populaire; de ne pas le maudire parce qu'il est plus malade que bien d'autres pays de France, mais de faire pour lui ce que nos parents n'ont pas su faire : d'y vivre. Rien qu'en l'habitant, vous y ferez beaucoup de bien, vous serez une vraie grande dame, un être de grâce et de miséricorde... R. Bazin, Blé,1907, p. 218.
Dieu. L'être éternel, incréé, infini, parfait, suprême; le premier être; l'Être des êtres; l'Être souverain. Tu prendras quelque idée des perfections de ce grand être qui est au-delà du temps, et dans qui tous ces divins attributs sont éternels comme lui, parce qu'ils n'existent et n'agissent que dans sa sainte et sublime unité (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 51):
13. Le cogito cartésien met en lumière l'essentiel : en face de la contingence du monde et de toutes les imperfections du « je », l'esprit ne peut faire qu'il n'aperçoive, avec une éblouissante certitude, la réalité de l'existence divine, de l'être absolu, suffisant, nécessaire. Philos., Relig., 1957, p. 3610.
[Avec ou sans maj.] L'être suprême; la fête de l'Être suprême :
14. Article premier. − Le peuple français reconnaît l'existence de l'être suprême et l'immortalité de l'âme. Article 2 − Il reconnaît que le culte digne de l'être suprême est la pratique des devoirs de l'homme. Article 3 − Il met au premier rang de ces devoirs de détester la mauvaise foi et la tyrannie, de punir les tyrans et les traîtres, de secourir les malheureux, de respecter les faibles, de défendre les opprimés, de faire aux autres tout le bien qu'on peut, et de n'être injuste envers personne. Doc. hist. contemp.,1794, p. 74.
2. Cour. Personne, individu; au plur. gens. Un être connu, familier; les êtres chers; les affinités entre deux êtres; ne former (plus) qu'un seul être; aimer qqn plus qu'aucun être au monde; nul être au monde n'est plus heureux que moi; je me sens (devenir) un autre être; les êtres qui nous entourent. Nous aimons mieux apprendre de nos semblables ce que nous sommes que de l'étudier en nous-mêmes. Je vais tous les jours demandant à ce qui m'entoure, si je suis un être bon, aimable, bien ordonné, digne de louange ou de blâme (Maine de Biran, Journal,1816, p. 236).Les deux contraires qui déchirent l'amour humain : aimer l'être aimé tel qu'il est et vouloir le recréer (S. Weil, Pesanteur,1943, p. 70):
15. Le joyeux Marius était bien l'amoureux qui devait plaire à cette ingénue [Georgette]. Intrépide danseur et bon vivant, ayant la mine fleurie et la barbe touffue, l'œil hardi et la langue dorée, il apparaissait à Georgette comme un être singulièrement séduisant et irrésistible. Les filles bien élevées ont toujours eu du goût pour les mauvais sujets, et mademoiselle Grandfief trouvait l'amour du poëte, savoureux comme un fruit défendu. Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 191.
16. ... j'ai cru en vous. Même aujourd'hui, même à cet instant, je chercherais en vain dans votre visage une marque, un signe, la flétrissure imperceptible du passé! Pour vous, il n'y a pas de passé, ô merveille! Lorsqu'on a scruté tant de lippes qui ont de loin l'air d'être vivantes, qui ne sont pourtant que des grimaces figées, depuis des siècles peut-être, par quelque mal héréditaire, quelle surprise de découvrir tout à coup un être, le plus humble des êtres, du moins en accord profond avec lui-même, libre, intact! Vous étiez cet être. Bernanos, Joie,1929, p. 669.
[Pour exprimer une intention affectueuse] (Cher) petit être. Petit enfant. Un pauvre petit être. Enfant chétif, malade. Un bambin (...) qu'on lance en l'air, qu'on reçoit sur un pied, sur une main, un aérien petit être qui semble voler (Colette, La Vagabonde,1910, p. 83).Nicolas posa la main sur les cheveux de Gilles et soupira : « Ah! petit être! » (Mauriac, Galigaï,1952, p. 65).
Regarder, considérer qqn comme un être supérieur (cf. essence supérieure). Michaud, à l'exemple de son général, regarda sa jeune femme comme un être supérieur auquel il fallait obéir militairement, sans arrière-pensée (Balzac, Paysans,1844, p. 186).
Péj. Individu; type (pop.). Quel être! Quel être insupportable! C'est un être abject, répugnant. Quel drôle d'être ça fait! Quelle tête d'oiseau! Sait-on ce qu'elle [Mmede Marelle] veut et ce qu'elle aime? (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 171).
[Suivi d'un subst. en apposition] Un être profondément femme. Seulement, que voulez-vous? Est-ce que je puis, moi, l'homme double, lié à tout ceci par une moitié de moi-même, est-ce que je puis peupler cette vie d'un être enfant, dont les loisirs m'épouvantent? (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 270).
SYNT. a) Être adorable, affectueux, bienveillant, borné, candide, charmant, chétif, comblé, délicat, disgracié, distingué, estimable, exquis, farouche, fragile, froid, incomparable, influençable, intelligent, juste, malingre, médiocre, merveilleux, passionné, primesautier, privilégié, pur, secret, simple, sociable, tendre, vibrant, volontaire; un être bizarre, énigmatique, étrange, (bien) singulier. b) Un pauvre être. c) Un être à part; un être d'élite, d'exception, d'initiative; un être (tout) de douceur, de gentillesse, de raison; un être de basse extraction; un être sans défense. d) Un être fait de chair et de sang.
3. [Aspect de la personnalité individuelle ou collective]
a) [Par croisement avec le sens I C] Personnalité profonde cachée sous les apparences; sensibilité intime de la personne. Exprimer son être véritable; vouloir qqc. de tout son être; être remué, touché jusqu'au fond de l'être. Elle [MmeBovary] se laissait aller au bercement des mélodies et se sentait elle-même vibrer de tout son être comme si les archets des violons se fussent promenés sur ses nerfs (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 66).Le mot d'un poète, parce qu'il touche juste, ébranle les couches profondes de notre être (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 31):
17. Ce qui tourmente une âme au déclin de la vie, Ce n'est plus ou l'orgueil, ou la crainte, ou l'envie; C'est un désir ardent et plein d'anxiété De se juger soi-même en toute vérité; Aucun homme, aucun roi jusqu'au fond de son être Ne descend tant qu'il vit... Mourir, c'est se connaître! Bornier, Fille Rol.,1875, p. 67.
18. Il n'est pas exclu que la psychologie elle-même trouve dans l'astrologie un précieux auxiliaire et une source de développements encore insoupçonnés. Si cela se produisait, un progrès important aurait été accompli sur la voie d'une meilleure connaissance de l'homme, de son être intime et de ce qu'on est convenu d'appeler sa destinée. Divin.1964, p. 174.
SYNT. et EXPR. Frémir, tressaillir de tout son être; croire à qqc. de tout son être; se retirer dans le secret de son être; un élan, une révolte de tout l'être.
b) Dimension, modalité d'être de l'être humain et de la personne. L'être conscient, sensible; l'être social (de chacun). La vie de Poë, ses mœurs, ses manières, son être physique (...) nous apparaissent comme quelque chose de ténébreux et de brillant à la fois (Baudel., Hist. extr.,1856, p. xxi).Former l'homme, c'est former l'être physique et moral et pas seulement le « roseau pensant » (L. Cros, Explosion scol.,1961, p. 131):
19. Les civilisations germaniques laissent une plus large survivance à l'être instinctif, à toutes les magies et à toutes les mythologies dont il nourrit ses rêves; ... Mounier, Traité caract.,1946, p. 107.
c) P. anal. [Pour désigner les traits caractéristiques communs à une collectivité] Cf. entité, personne morale; état, nation, humanité.Être collectif, universel. L'Allemagne est un être récent en tant que nation (Valéry, Conq. méth.,1897, p. 52):
20. ... le département n'est pas seulement une circonscription administrative; il est un être moral personnifiant les intérêts collectifs des habitants. En cette qualité, il peut contracter, acquérir, posséder, aliéner, comparaître en justice. Mais pour ce faire, il lui faut un représentant actif qui est le préfet. Baradat, Organ. préfect.,1907, p. 97.
Identité. L'être économique d'un pays. La politique étrangère moderne met plus ou moins en jeu toutes les ressources d'une nation et s'efforce d'atteindre dans tout leur être national les pays auxquels elle s'adresse (Chazelle, Diplom.,1962, p. 35).
Prononc. et Orth. : [ε:tʀ ̥]. Homon. aîtres (ou êtres), hêtre. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1120-50 « état, situation, apparence » (Grand mal fit Adam, 1, 94 ds T.-L.); 2. mil. xiiies. « entité douée de vie, individualité vivante » (Huon Le Roi, Ave Maria, 116, ibid.); 3. 1269-78 au sing. seulement « existence, vie » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 6302). Emploi subst. de être1*.
STAT. − Être1 et 2. Fréq. abs. littér. : 1 756 732. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 479 553, b) 2 391 305; xxes. : a) 2 462 625, b) 2 593 105. Êtres. Fréq. abs. littér. : 8 350. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 11 950, b) 10 407; xxes. : a) 9 944, b) 13 758.
BBG. − Champigny (R.). Le Mot être ds L'Être et le néant. R. de Métaphys. et Mor. Paris, 1956, t. 61, pp. 155-165. − Gohin 1903, p. 324. − Gougenheim (G.). Aspects du sémantisme du subst. être. R. Ling. rom. 1970, t. 34, pp. 186-193. − Quem. DDL t. 2.

Wiktionnaire

Nom commun - français

être \ɛtʁ\ masculin

  1. Existence, c’est-à-dire le fait d’exister, au sens abstrait.
    • Quoi ! Je ne saurai point de qui j’ai reçu l’être ? — (M. Le Grand, Louis XIV et le Masque de fer, acte II, scène 6 ; Limodin imprimeur de la section des Lombards, Paris, 1791, page 18)
    • Pour échapper au monisme de Parménide, Aristote eût pu faire remarquer que l’expression « L’Être est » est vide de sens, car aucune expérience vécue ne correspond à la saisie de l’être en soi : nous n’appréhendons que des « étants ». — (Louis Rougier, Histoire d’une faillite philosophique : la Scolastique, 1925, éd. 1966)
  2. Organisme, créature vivante.
    • Enfin, dans tous les groupes étudiés jusqu’ici, l’individualité de chaque être se manifeste dès la première apparition du germe, dès les premiers rudimens de l’œuf, et persiste pleine et entière jusqu’à la mort. — (Jean Louis Armand de Quatrefages de Bréau, Les Métamorphoses et la généagénèse, Revue des deux Mondes, 2e période, tome 3, 1856 (pp. 496-519))
    • […] jamais je n’ai chassé, car cette idée que j’aurais pu, délibérément et de sang froid, arracher la vie à un être quelconque, me semblait impossible et monstrueuse. — (Octave Mirbeau, Contes cruels : La Chanson de Carmen (1882))
    • Hélas si l’homme peut quelquefois avoir pitié des bêtes, quel être supérieur aura pitié de lui? — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Je n’éprouvais plus qu’une sensation vague des objets et des êtres. Tout passait devant moi, avec des formes indécises. — (Octave Mirbeau, Lettres de ma chaumière : La Tête coupée, A. Laurent, 1886)
  3. Personnalité ; âme.
    • Ah ! Deubel, qui t’es si mal suicidé, quelle attirance avaient sous terre ton corps pourri et dans mon être l’écho douloureux de tes vers ? — (Francis Carco, Maman Petitdoigt, La Revue de Paris, 1920)
    • Mme de Gasparin persista dans son être. Aussi bien avait-elle le choix ? Telle une force de la nature, elle était immodérable par définition. — (Valérie Boissier de Gasparin avec ‎Marie Dutoit, Mon Jura...et le monde, Naville, 1930, p.XVIII)
    • Elle livrait un culte magnifique à l’érotisme, dans une sexualité débordante qui constituait pour elle la vraie musique de l’être, la fureur et l’enchantement pour " inouïr " la vie. Géraldine B. aimait les hommes et ceux-ci le lui rendaient à merveille. — (Kä Mana, Guérir l'Afrique du SIDA: problèmes, handicaps, défis et perspectives, Éditions Sherpa, 2004, page 27)
    • Les esclaves africains l’avaient bien compris. Ils avaient compris que l’esclavage leur ôterait leur humanité, qu’il ferait d’eux non plus des êtres, mais des choses. Qu’ils aient pris les Blancs pour des cannibales n’a rien de surprenant. — (Françoise Vergès, À vos mangues !, traduction de Dominique Malaquais, dans Politique africaine, 2005/4, n° 100, p. 320)
  4. (Par extension) (Plus rare) Ce qui constitue une chose.
    • La véridicité se confirme donc quand le discours dit vrai conformément à son être, quand se présente en ressemblance la chose du discours. Elle diffère nécessairement d’un discours à l’autre. — (François Bousquet, La Vérité, Éditions Beauchesne, 1983, p. 104)

Verbe - français

être \ɛtʁ\ intransitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. Définir un état, une caractéristique du sujet. Note : En grammaire, ce type de verbe est appelé une copule, et le mot qu’il introduit est un attribut. En linguistique, il existe différentes manières de caractériser ces constructions attributives, existentielles, locatives ou posturales qui peuvent être introduites en français par être.
    • Les anciens avaient justement montré le rôle de l’organisme vivant comme cause génératrice des maladies, les éléments extérieurs en étant les causes provocatrices. — (Joseph Grasset, Traité élémentaire de physiopathologie clinique, tome 2, Éditions Coulet, 1911, page 13)
    • De fait, René se sentait apaisé plus que ne l’eût été aucun mortel en un lieu moins épouvantable qu'un franc-bord de canal au milieu de la nuit. — (Jean Lahougue, « Un amour de René Descartes », chap. 8, dans le recueil de nouvelles: La Ressemblance et autres abus de langage, Paris : les Impressions nouvelles, 1989)
    • — D’où est-il ?
      — Il est de Paris.
  2. Se situer, se trouver, rester, spécifiant une location, une situation.
    • Nous sommes en ville.
  3. (Absolument) Exister.
    • Je pense, donc je suis. — (René Descartes)
    • Être, ou ne pas être, c’est là la question.
      Y a-t-il plus de noblesse d’âme à subir
      la fronde et les flèches de la fortune outrageante,
      ou bien à s’armer contre une mer de douleurs
      et à l’arrêter par une révolte ?
      — (William Shakespeare, Hamlet, prince de Danemark acte III, scène 1)
    • Il n’est plus, il est mort.
    • L’Algérie française était ; elle n’est plus. — (Alexis Jenni, L’Art français de la guerre, 2011, p. 604)
  4. (Impersonnel) (Soutenu) Il y a.
    • J’ai donc rédigé un long billet, intitulé Attention manip : le “pacte 2012” de “l’Institut pour la Justice”, où je démontais point par point le procédé sur la forme, et le message sur le fond. Je n’y reviendrai pas, il n’est que de le lire. — (Maître Eolas, Eolas contre Institut pour la Justice : Episode 1. Le Compteur Fantôme., 14 janvier 2019 → lire en ligne)
    • Il est des hommes que la résistance anime, il en est d’autres qu’elle décourage.
  5. (Impersonnel) Le moment de la journée. Note : Dans certaines régions, le démonstratif est utilisé à la place du pronom impersonnel afin de demander : C’est quelle heure ?
    • — Quelle heure est-il ?
      — Il est quatorze heures cinquante huit.
    • Il est l’heure de partir.
    • Il est tard.
  6. Le jour de la semaine ou la date du moment.
    • Pendant cette année 1912 je travaillais d’arrache-pied. Nous étions en mars et le certificat d'étude était pour la mi-juin. — (Joseph Ligneau, Comment j'ai passé le certificat d'études 1912, édité par Didier H Touchet, Tampa Florida L.L.C., 2016, page 67)
    • — Quel jour sommes-nous ?
      — Nous sommes mardi.
    • Nous sommes le deux novembre deux mille sept.
  7. (Familier) Aller, se rendre. Note : Avec l’auxiliaire avoir.
    • Avez-vous été à Paris la semaine dernière ?
  8. (Auxiliaire) Verbe auxiliaire servant à former les temps composés de certains verbes intransitifs indiquant un mouvement ou un changement d’état et tous les verbes réflexifs.
    • Il est passé.
    • Il est tombé.
    • Il s’est trompé.
  9. (Auxiliaire) Verbe auxiliaire servant à former la forme passive.
    • Quand il sera aimé.
  10. (Construit avec sur ou dessus) S’occuper d’une affaire particulière, s’en occuper.
    • — Je suis sur un dossier là... C’est vraiment pas du propre. — (2017, Fares C. aka John Mitzewich)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ÊTRE. (Je suis, tu es, il est; nous sommes, vous êtes, ils sont. J'étais. Je fus. Je serai. Sois. Soyons. Soyez. Que je sois; que nous soyons. Que je fusse. Étant. Ayant été.) v. intr.
Exister. Je pense, donc je suis. Dieu, dans l'Écriture sainte, s'appelle Celui qui est. Tous les hommes qui ont été, qui sont, ou qui seront. Vous n'étiez pas encore au monde, ou simplement Vous n'étiez pas encore lorsque cet événement arriva. Qui sait si nous serons demain? Il n'est plus, Il est mort. Prov., On ne peut pas être et avoir été, On ne peut pas être toujours jeune. Ainsi soit-il, Formule d'affirmation, d'adhésion, de vœu par laquelle on termine plusieurs prières religieuses. On le dit quelquefois, dans le langage ordinaire, par manière de souhait. Soit, troisième personne du singulier du présent du subjonctif, s'emploie souvent pour marquer Adhésion, consentement. Eh bien, soit. Voyez SOIT, conjonction, à son ordre alphabétique. Il est s'emploie souvent, dans le style soutenu ou poétique, pour Il y a. Il est des hommes que la résistance anime, il en est d'autres qu'elle décourage. Il est, près de ces lieux, une retraite ignorée. Il est midi, une heure, deux heures, etc. L'heure présente est midi, une heure, etc. Quelle heure est-il? À l'heure qu'il est. On dit de même Il est l'heure de partir. Il est temps de finir. Il est tard. Etc. On dit aussi Il est jour, il est nuit, Il fait jour, il fait nuit. Avec les prépositions À, Dans, En, Sur,

ÊTRE signifie Se trouver dans telle ou telle situation. Il sera à Paris dans quelques jours. Être au lit, à table. Être à genoux. Être à l'abri. Être dans le commerce. Nous sommes dans la belle saison. Être dans la misère. Il est actuellement en France. Nous étions en hiver, en été. Être en bonne santé. Quand il est sur ce sujet, il est intarissable. Dans la langue familière, il signifie Aller, se rendre. Avez-vous été à Paris la semaine dernière? Il signifie aussi Résider, se trouver. J'étais à Londres pendant que vous étiez à Paris. Il signifie également Tirer son origine de. D'où est-il? De Bretagne, de Paris, de Hollande. Sur d'autres emplois du verbe

ÊTRE avec les prépositions À, Dans, De, En, Sur, etc., voyez ces prépositions à leur ordre alphabétique. Fam., Je suis, je serai à vous dans un moment, Je vais me mettre à votre disposition, je vais m'occuper de vous dans un moment. Je suis tout à vous, entièrement à vous, Je suis prêt à vous servir. Cette phrase s'emploie comme formule de politesse à la fin d'une lettre familière. Il n'est point à lui, il n'est plus à lui se dit de Quelqu'un qui est agité d'une violente passion. Fam., Il faut être l'un ou l'autre, tout l'un ou tout l'autre, Il faut avoir une conduite, une manière de penser décidée. Y être, Être chez soi, recevoir. Madame y est-elle? J'y suis pour un tel. Je n'y suis pour personne. Ne pas y être, Se méprendre sur la véritable interprétation d'une parole, d'une action. Il se dit aussi à une Personne qui ne saisit pas, qui ne touche pas le point d'une affaire, ou qui ne s'y prend pas bien pour faire quelque chose. On dit dans le sens contraire : Vous y êtes, j'y suis, etc. En êtes-vous là? Croyez-vous cela? Êtes-vous donc dans cette résolution, dans cette erreur? Il signifie aussi Êtes-vous dans un tel embarras, dans une telle détresse? Où en sommes-nous? se dit quelquefois par indignation, par forme de plainte, quand on voit quelque grand désordre. Il ne sait où il en est, se dit de Quelqu'un qui est troublé, embarrassé, qui ne sait ce qu'il fait, qui ne sait par où sortir d'affaire.

ÊTRE s'emploie aussi pour relier au sujet une qualité, une manière d'être qu'on lui attribue et qui est exprimée par un adjectif ou par un nom faisant fonction d'adjectif ou par un adverbe. Dieu est éternel. Les hommes sont mortels. Cette proposition est vraie, est fausse. Mon fils est malade. Il est le père de cet enfant. Être avocat, médecin, professeur. Il sera mon héritier. Cela est bien. Son médecin dit qu'il est mieux. Être couché, debout, assis. Impersonnellement, Il en est ainsi. Il est bon de savoir à quoi s'en tenir. Il m'est impossible de mieux faire. Fam., Voilà ce que c'est, Voilà en quoi consiste la chose, voilà ce qu'on se propose, ce dont il s'agit. Il signifie aussi La chose est arrivée par votre faute. Voilà ce que c'est que de désobéir. Sur CE, employé avec le verbe

ÊTRE, voyez l'article CE, pronom démonstratif. Être bien avec quelqu'un, Être bien vu de quelqu'un, être dans ses bonnes grâces; et, dans le cas contraire, Être mal avec quelqu'un.

ÊTRE s'emploie aussi comme auxiliaire pour former les verbes passifs. Je suis aimé. Il a été aimé. Quand il sera aimé. Que je fusse aimé. Il sert également à former les temps composés de quelques verbes intransitifs et ceux de tous les verbes pronominaux. Il est passé. Il est venu. Il est tombé. Il est descendu. Il s'est dégagé. Il s'en est allé. Elle s'est blessée. Ils se sont embrassés. Elle s'est fait une robe. Ils se sont rendu mutuellement des services. Impersonnellement, Il s'est bâti de superbes immeubles dans ce quartier. Il s'était commis un grand crime en ce lieu-là. Il s'est tenu une assemblée. Avec certains verbes intransitifs, il s'emploie aux temps passés, concuremment avec Avoir, mais avec une acception différente. J'ai monté trop rapidement. Je suis monté chez nous.

Littré (1872-1877)

ÊTRE (ê-tr'), je suis, tu es, il est, nous sommes, vous êtes, ils sont ; j'étais ; je fus ; je serai ; je serais ; sois, qu'il soit, soyons, soyez, qu'ils soient ; que je sois, que tu sois, qu'il soit, que nous soyons, que vous soyez, qu'ils soient ; que je fusse ; étant ; été v. n.
  • 1Il sert en général à lier l'attribut au sujet, à indiquer l'existence de l'attribut dans le sujet, à attribuer à quelqu'un ou à quelque chose une qualité, un état, etc. ; c'est là le sens propre et primitif. La terre est ronde. Louis XIV fut roi de France. Il était négociant. Mais soit cette croyance ou fausse ou véritable, Corneille, Poly. II, 3. Je suis toujours moi-même et mon cœur n'est point autre, Corneille, Cinna, III, 4. Et ne l'écouter pas est le faire enrager, Molière, Mélic. I, 3. Je crois que deux et deux sont quatre, Molière, D. Juan, III, 1. Son pays le crut fou [Démocrite] ; petits esprits ! mais quoi ! Aucun n'est prophète chez soi ; Ces gens étaient les fous, Démocrite le sage, La Fontaine, Fabl. VIII, 26. Combien de gens, seigneur, s'ils faisaient même chose, Sachant ce qu'ils étaient et voyant ce qu'ils sont, Auraient à votre cour moins d'orgueil qu'ils n'en ont ! Boursault, Ésope à la cour, v, 3. Rarement un esprit ose être ce qu'il est, Boileau, Ép. IX. J'étais père et sujet, je suis amant et roi, Racine, Théb. v, 4. Mardochée à ses yeux est une âme trop vile, Racine, Esth. II, 1. Qu'ils soient comme la poudre et la paille légère Que le vent chasse devant lui, Racine, ib. 1, 3. Jetez-moi dans les troupes comme un simple soldat, je suis Thersite ; mettez-moi à la tête d'une armée dont j'aie à répondre, je suis Achille, La Bruyère, IX. Être chrétien et n'être pas pénitent était une nouveauté, Massillon, Car. Jeûne. Séparez ce que nous sommes du ministère que nous remplissons, Massillon, Car. Parole. Ce qui rend la ferveur si essentielle est la majesté de celui que nous prions, Massillon, Car. Prière 2. Il ne faut que des substantifs pour nommer tous les objets dont nous pouvons parler ; il ne faut que des adjectifs pour en exprimer toutes les qualités ; enfin il ne faut que le seul verbe être pour prononcer tous nos jugements, Condillac, Gramm. I, 13.

    Soyons se dit souvent, surtout dans le style élevé, en se parlant à soi-même. Soyons indigne sœur d'un si généreux frère, Corneille, Hor. IV, 4. Étouffe tes soupirs, malheureuse Constance ; Soyons en tous les temps digne de ma naissance, Voltaire, le Prince de Navarre, III, 3. Ah ! soyons sage, il est bien temps de l'être, Voltaire, Enfant prod. III, 6. Soyons vrais, de nos maux n'accusons que nous-mêmes, La Harpe, Warwick, v, 5.

    Terme de manége. Être droit, se dit d'un cheval qui ne boite point.

  • 2Avec un sens antonomastique, par suppression de l'attribut, avoir l'existence réelle. Dieu, dans l'Écriture sainte, s'appelle celui qui est. Et je garde avec vous la même liberté Que si votre Sylla n'avait jamais été, Corneille, Sertor. III, 2. Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est, Pascal, Pensées, art. I, 1. Qui sait même ce que c'est qu'être, puisqu'il n'y a rien de plus général et qu'il faudrait d'abord, pour l'expliquer, se servir de ce mot-là même, en disant : c'est être… ? Pascal, Entret. avec M. de Saci, p. XI, édit. HAVET. Quoique fils d'Abraham, il [Jésus-Christ] était devant qu'Abraham fût fait, Bossuet, Hist. II, 6. Notre âme n'est pas devant notre corps, et quelque chose lui manque lorsqu'elle en est séparée, Bossuet, ib. Et les faibles mortels, vains jouets du trépas, Sont tous devant ses yeux comme s'ils n'étaient pas, Racine, Esth. I, 3. Et confonds tous ces dieux qui ne furent jamais, Racine, ib. I, 4. Hâtons-nous aujourd'hui de jouir de la vie ; Qui sait si nous serons demain ? Racine, Athal. II, 9. Peut-être sommes-nous cause qu'on y a fait [dans les autres planètes] le procès à des philosophes qui ont voulu soutenir que nous étions [que la terre avait des habitants], Fontenelle, Mondes, 4e soir. Les espèces inférieures sont pour les espèces supérieures : la plante est pour la brute, la brute pour l'homme, l'homme pour des natures plus parfaites ; celles-ci pour d'autres plus parfaites encore, Bonnet, Œuvres mêlées, t. XVIII, p. 198, dans POUGENS. Accablés du soin d'être et du travail de vivre, Saint-Lambert, Saisons, III.

    Il se dit aussi d'une existence purement idéale. En un mot, une conversion qui n'est pas entière, n'est point du tout, Massillon, Car. Pâques. Où la vertu n'est point, la liberté n'est pas, Ducis, Abufar, II, 7.

    Cela n'est pas, je doute que cela soit, c'est-à-dire cela n'est pas vrai, réel, je doute que cela soit vrai.

    Cela sera, cela ne sera pas, c'est-à-dire cela arrivera, cela n'arrivera pas.

    Vous n'étiez pas encore au monde, ou, simplement, vous n'étiez pas encore, quand… c'est-à-dire vous n'étiez pas encore né, quand…

    En poésie et dans le style élevé, n'être plus, avoir cessé de vivre. J'apprends en ce moment que mon père n'est plus, Corneille, Othon, v, 9. Nos pères ont péché, nos pères ne sont plus, Et nous portons la peine de leurs crimes, Racine, Esth. I, 5.

    Le prétérit fut, ou, impersonnellement, il fut, se dit pour signifier que quelque chose a cessé d'exister. Il fut des Juifs, il fut une insolente race, Racine, Esth. II, 1. Homère m'a guidé dans les champs où fut Troie, Delille, Imagin. VII.

  • 3Être, se dit quelquefois pour exprimer la réalité, par opposition à l'apparence. Rien n'est bon que d'avoir une belle et bonne âme : on la voit en toute chose comme au travers d'un cœur de cristal : on ne se cache point ; vous n'avez point vu de dupes là-dessus ; on n'a jamais pris longtemps l'ombre pour le corps ; il faut être, il faut être, si l'on veut paraître…, Sévigné, Lett. 9 sept. 1675.
  • 4Se trouver en un lieu. Soyez ici ou là, que m'importe ?

    Fig. Être ailleurs, ne pas prêter son attention. Répétez, je vous prie, j'étais ailleurs.

  • 5Être, se construit avec certains adverbes et avec des locutions adverbiales. Mais laissez-moi passer entre vous deux, pour cause : Je serai mieux en main pour vous conter la chose, Molière, Princ. d'Él. I, 2. Soyons de concert auprès des malades, Molière, Am. méd. III, 1.

    Être bien, être mal avec quelqu'un, être avec quelqu'un dans de bons, dans de mauvais rapports.

    Être bien, être mal, se porter bien, se porter mal. Et sans ces adverbes : Comment est notre malade, comment va-t-il ?

  • 6Être, construit avec la préposition à, exprime en particulier l'appartenance, la dépendance. Cette maison est à moi. Avant que d'être à vous, je suis à mon pays, Corneille, Hor. II, 5. Mais, pour en disposer, ce sang est-il à vous ? Corneille, Poly. IV, 3. Que si j'étais à moi, je voudrais être à vous, Corneille, Tois. d'or, V, 1. Que dis-je ? votre vie, Esther, est-elle à vous ? N'est-elle pas au sang dont vous êtes issue ? N'est-elle pas à Dieu dont vous l'avez reçue ? Racine, Esth. I, 3. Vous n'êtes point à vous ; le temps, les biens, la vie, Rien ne vous appartient, tout est à la patrie, Gresset, Sidnei, II, 6.

    Être à…, être lié par les nœuds du mariage, de l'amour. Ce qu'elles nous sont [les liens qui nous attachent à elles] ferait qu'avec justice On nous imputerait ce mauvais artifice, Corneille, Hor. II, 8. Je vous vis, je formai le dessein d'être à vous, Racine, Mithr. I, 2. Je ne suis point à vous, je suis à votre père, Racine, ib. II, 6. Nous en avons parlé cent fois le comte et moi, sans qu'il sût ce que je vous suis, Dancourt, la Folle enchère, sc. 22.

    Être à, être au service de. … Je connais ce valet, il est à don Fadrique…, Th. Corneille, Engagem. du has. I, 6. Cela vient d'un gentilhomme qui était à M. de Turenne, Sévigné, 201.

    Je suis tout à vous, tout disposé à faire ce qui vous sera agréable.

    Je suis à vous dans un moment, c'est-à-dire attendez-moi, je reviens à l'instant, ou je vais m'occuper de vous. Je suis à toi dans un moment, Hamilton, Gramm. 4.

    Il n'est plus à lui, se dit d'un homme dont l'esprit est dans une agitation extrême. Je ne suis plus à moi quand j'entends ce discours, Corneille, Poly. II, 1.

    On dit dans un sens analogue, n'être plus soi-même. Je ne vous connais plus ; vous n'êtes plus vous-même, Racine, Andr. III, 1.

    Être à, se dit aussi de la situation, du temps, de l'occupation, etc. Le malade est à l'agonie. Il est à son travail. Il est au lit. Ma famille est à la campagne. Nous sommes au mois de janvier. Vous êtes à la fin du trimestre.

    Être à jeun, se dit d'une personne qui n'a pris aucun aliment dans la journée.

    Être à mépris, être méprisé. Et toi, pour te montrer que tu m'es à mépris, Voilà ton demi-cent d'épingles de Paris, Molière, Dép. am. IV, 4.

    Être à, se dit, dans le langage des mathématiques, des rapports et des proportions. 2 est à 4 comme 8 est à 16. Comme le produit d'un terrain inculte est au produit d'un terrain cultivé, de même le nombre des sauvages dans un pays est au nombre des laboureurs dans un autre, Montesquieu, Esp. XVIII, 16.

    Être à quelque chose, s'en occuper, y prêter attention. Il est tout à ce qu'il fait. Vous n'êtes pas à ce que je vous dis.

    Être à, suivi d'un infinitif, être occupé à… Je fus samedi tout le jour chez Mme de Villars à parler de vous, Sévigné, 15.

    Être longtemps à, mettre beaucoup de temps. Il est longtemps à faire son ouvrage. Ces soleils sont parfois longtemps à se lever, Tristan, M. de Chrispe, IV, 2.

    Familièrement. Il est toujours à se plaindre, ils sont toujours à se quereller, il ne cesse de se plaindre, ils ne cessent de se quereller.

    Être à faire, à savoir, etc. c'est-à-dire ne pas faire encore, ne pas savoir encore, etc. Ah ! sire, êtes-vous donc à vous apercevoir Qu'il sème…, Mairet, Solim. II, 2. Ce glorieux vainqueur est encore à savoir Le mauvais traitement qu'il me fait recevoir, Mairet, Soph. I, 4. Je n'étais pas à savoir en combien de choses elle [Mlle Choin] entrait, Saint-Simon, t. VIII, p. 264, édit. CHÉRUEL. Je n'étais pas à dire mon avis avec colère à Mme la duchesse d'Orléans sur sa manière d'être avec Monseigneur, Saint-Simon, t. VIII, p. 262.

    Être à plaindre, à blâmer, être digne de pitié, de blâme. Cela est à vendre, à louer, c'est-à-dire on veut vendre, on veut louer cela.

    On dit aussi cette marchandise est à prendre ou à laisser.

    Cela est à faire, cela est à recommencer, c'est-à-dire on devra faire, recommencer cela.

    Être homme à, être capable de… Albert n'est pas un homme à vous refuser rien, Molière, Dép. am. I, 2.

    Impersonnellement. Il est à croire, à désirer, etc. on doit croire, désirer, etc.

  • 7Être, construit avec la préposition de, indique le rapport de l'effet à la cause, l'origine, l'extraction. Cette tragédie est de Corneille. Cet enfant est de lui. Cette marchandise est de fabrique anglaise. Ces figues sont du Levant. Ces damnables complots sont des gens de la cour, Rotrou, Bélis. II, 9. Le poëte Épiménide, qui fit un voyage à Athènes du temps de Solon, était de Crète, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IV, p. 483, dans POUGENS. Ces lois viennent des dieux, le reste est des humains, Voltaire, Orphel. II, 3.

    Être de, exprime la profession, la condition. Il est d'Église, d'épée, de robe.

    Il exprime la matière. Cette statue est de marbre.

    Il exprime l'occupation. Je suis de service, de garde. Un interne est de garde dans un hôpital. Il est de semaine.

    Marque la participation. Il est de moitié dans l'affaire. Il sera de la partie. [Ils] Sont de tous leurs cadeaux, de toutes leurs parties, Molière, Éc. des f. IV, 8. Mais, monsieur, cela serait-il de la permission que vous m'avez donnée, si je vous disais…, Molière, Don Juan, I, 2. On ne voit pas que vous évitiez ces entretiens, ces lieux, ces plaisirs qui sont pourtant de toutes vos confessions, Massillon, Car. Inconst. Je vous supplierais de permettre que le nonce du pape en Pologne fût du souper, Voltaire, Lett. à Cath. 20. Aussi disait-on de Fontenelle qu'il avait été le patriarche d'une secte dont il n'était pas, D'Alembert, Élog. Despréaux. M. de Melun fut du voyage, Genlis, Mlle de Clermont, p. 116, dans POUGENS.

    Être du nombre de, ou, simplement, être de, être parmi. Je ne suis pas de ces gens qui…

    Je suis d'avis que…, c'est-à-dire mon avis est que… Le prince [Alexandre] ayant mis l'affaire en délibération, Parménion était d'avis d'accepter ces offres, et dit que pour lui il le ferait s'il était Alexandre, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 303, dans POUGENS.

    Cela est bien de son caractère, cela est bien de lui, c'est-à-dire cela est conforme à son caractère, à sa manière de penser et d'agir.

    Cela n'est pas du jeu ou de jeu, c'est-à-dire cela n'est pas selon les règles du jeu, ne fait pas partie des conventions.

    Exprime la manière d'être. Cet enfant est d'une grande intelligence. Cette étoffe est d'un teint trop clair. Il est d'une jalousie qui devient tous les jours plus insupportable, Genlis, Théât. d'éduc. la Bonne mère, II, 3.

    Être de, avec un substantif, exprime quelquefois la nécessité, l'obligation d'une chose. Dans ce lieu une mise décente est de rigueur. Comme si le respect qu'on a pour les anciens philosophes était de devoir, et que celui qu'on porte aux plus anciens pères était seulement de bienséance, Pascal, Autorité en phil.

    Exprime la conformité. Ces habitudes ne sont plus de nos mœurs.

    Être de l'avis, de l'opinion de quelqu'un, partager son avis, son opinion.

    Être de quelque chose à quelqu'un, l'intéresser. Le Rhône et Lyon me sont de quelque chose, Sévigné, 39.

    Il ne m'est de rien, nous ne sommes pas parents.

    Familièrement. Il ne m'est ni d'ève ni d'Adam, je n'ai pas avec lui de parenté si éloignée qu'elle soit.

    Impersonnellement. Il est d'homme sage, etc. c'est l'action d'un homme sage. Pourquoi cette ruine ? était-il d'homme sage De mutiler ainsi ces pauvres habitants [arbres fruitiers] ? La Fontaine, Fabl. XII, 20.

    Il est de la justice, etc. la justice commande.

    La peste soit du butor ! Peste soit de vous ! Voy. PESTE.

  • 8 Terme de généalogie. Être du trois au quatre, du cinq au quatre avec quelqu'un, être dans un degré de parenté tel que les deux personnes dont il s'agit, appartenant à deux branches différentes, aient un bisaïeul, un trisaïeul commun ; ainsi la parenté du grand Condé avec M. de Vardes était du cinq au quatre, c'est-à-dire qu'ils avaient un trisaïeul commun, la Trémouille. Ce qui fait que l'on exprime ainsi cette parenté, c'est que le point de départ n'est compté qu'une fois : la Trémouille, une fille, une fille, une fille, Condé, cinq ; de l'autre côté, une fille, un garçon, une fille, Vardes, quatre. Elle [la princesse de Tarente] n'est que du trois au quatre avec madame la Dauphine ; il faut être son neveu ou sa nièce pour qu'elle compte cela pour quelque chose, Sévigné, Lett. 25 mai 1680.
  • 9Être, construit avec la particule en, exprime le point où l'on est parvenu dans un travail, dans une affaire, et quelquefois l'état où l'on est réduit. Où en êtes-vous de votre ouvrage ? Où en est l'affaire ? Où en êtes-vous de votre procès ? j'en suis à faire nommer un rapporteur. Voilà où j'en suis. Juge, Araspe, où j'en suis, s'il veut tout ce qu'il peut, Corneille, Nicom. II, 1. Et où en eussiez-vous été, si on eût pris vos poëmes au pied de la lettre ? Fontenelle, Homère, Ésope.

    Il ne sait où il en est, il est troublé au point qu'il ne sait plus ce qu'il fait. Je ne sais où j'en suis, Corneille, Ment. v, 6.

    En êtes-vous là ? croyez-vous cela ? ou bien êtes-vous dans cette résolution, dans cette erreur ?

    Où en sommes-nous ? se dit par indignation ou par plainte, quand on voit quelque grand désordre.

    Il n'en est pas où il croit, il est bien loin de ce qu'il espère ou imagine.

    On supprime quelquefois la particule en. Tu n'es pas où tu crois ; en vain, tu files doux : Ton excuse n'est point une excuse de mise, Molière, Amph. II, 3.

    En être, être de la partie, de l'affaire, etc. Je vous baise les mains, je m'en vais ici près Chez mon oncle dîner. - ô Dieu ! le galant homme ! J'en suis. , Régnier, Sat. VIII. On proposait une chasse, elle déclara qu'elle en voulait être, Fénelon, Tél. VII. Ma foi, je n'en suis plus ; ceci devient tragique, Campistron, Jaloux désabusé, IV, 6. S'il faut prendre longtemps de la peine, je n'en suis plus, Rousseau, Confess. IV.

    J'en suis pour ce que j'ai dit, je garde l'opinion que j'avais exprimée.

    Elliptiquement et familièrement. Il en est, il est d'une société, d'une bande suspecte, de la police.

    Elliptiquement et populairement. C'en est, je crois que c'en est, se dit, par euphémisme, des excréments humains.

    Cela n'en est pas, celui-là n'en est pas, c'est-à-dire on ne doit pas faire cela. Il s'agit de jeux, et les coups n'en sont pas.

    J'en suis pour ma peine, pour mon argent, j'ai perdu ma peine, mon argent. J'en suis pour une dent, j'y ai perdu une dent. J'en suis pour mon honneur ; mais à toi, qui me l'ôtes, Je t'en ferai du moins pour un bras ou deux côtes, Molière, Sgan. 6. Peste soit du lourdaud qui me vient fracasser ; Je crois que j'en serai du moins pour une côte, Legrand, Roi de Cocagne, III, 9. J'en fus pour mes lorgneries et mes soupirs, dont même je m'ennuyai bientôt, Rousseau, Confess. VI.

    En être sur, pointiller sur… Quand je vois des gens en être avec moi sur le plus ou sur le moins…, La Bruyère, VI.

    En être, se dit du résultat, des conséquences d'une chose. On l'a traité outrageusement, et il n'en a rien été. Il en sera de cette affaire ce qu'il vous plaira.

    On peut aussi supprimer la particule en : Il sera de cette affaire ce qu'il vous plaira.

    Il en sera ce qu'il plaira à Dieu, se dit pour exprimer qu'on se résigne à la volonté de Dieu, à l'événement quel qu'il soit.

    Ce qui en est, la réalité, la vérité. On prétend qu'elle plut au roi, je ne sais ce qui en est, Mme de Caylus, Souven. p. 142, dans POUGENS.

    Il en est, il n'en est pas de, exprime la similitude, la conformité. Il en est des peintres comme des poëtes, ils ont la liberté de feindre. Il en est de même de tout le reste.

    Il n'en est rien, c'est-à-dire cela n'a aucune vérité, cela est faux. Ne croyez pas cette nouvelle, il n'en est rien.

    Il n'y a pas lieu à mettre en, lorsque la phrase a un complément qui en tient lieu. Je prie Dieu, monseigneur, qu'il ne soit rien de tout ce que je viens dire, Guez de Balzac, liv. II, lett. 6.

  • 10Être construit avec la particule y. Y être, être chez soi. Y être pour quelqu'un, avoir donné l'ordre précis de recevoir une personne. Et pourquoi lui dire que je n'y suis pas ? est-ce pour les personnes comme elle qu'on n'y veut pas être ? Dancourt, Chev. à la mode, II, 8.

    Par plaisanterie. Allez voir là dedans, et, plus souvent, allez voir dehors si j'y suis, se dit pour renvoyer quelqu'un avec qui l'on ne se gêne pas ou contre qui l'on se fâche. Voyez là dedans si j'y suis, Legrand, Roi de Cocagne, II, 10.

    Je n'y suis pour rien, je n'ai pris aucune part à la chose dont il s'agit, ou je n'y suis pas compromis. Avez-vous perdu à cette faillite ? Non, je n'y suis pour rien.

    Vous n'y êtes pas, vous ne comprenez pas. Il y est, il a compris. M. de Lauzun épouse dimanche, au Louvre, devinez qui… c'est assurément Mlle de Créqui. - Vous n'y êtes pas, Sévigné, 9. Comment ? je n'y suis pas ; vous plairait-il de recommencer ? La Bruyère, V.

    Il n'y est plus, il ne fait plus attention, ou il est dérouté.

    La tête n'y est plus, il est fou, il est tombé en enfance.

  • 11Être se construit avec différentes prépositions.

    Être après, être occupé à. On est venu lui dire et par mon artifice, Que les ouvriers sont après son édifice, Molière, l'Étour. II, 1.

    Être après quelqu'un, l'obséder, le poursuivre, ou le harceler en paroles. Je ne puis bouger sans qu'il soit après moi. Vous êtes bien moqueur, pourquoi êtes-vous toujours après moi ?

    Être avec quelqu'un, vivre habituellement avec lui. Y a-t-il longtemps que vous n'êtes plus avec votre frère ?

    Être avec quelqu'un, se trouver quelque part avec lui. Vous étiez avec moi lorsqu'il me parla.

    Être avec quelqu'un, rester avec lui. Soyez avec madame, Molière, Mis. III, 6. Dans le langage biblique, le Seigneur est avec lui, le protége. Le Seigneur était avec lui, et tout lui réussissait heureusement, Sacy, Bible, Genèse, XXXIX, 2.

    Être en, désigne la manière d'être. Être en toilette, en robe de chambre, en pantoufles. Être en fête, en promenade. Une exposition en plein midi. En printemps, en hiver. Déguisé en Turc.

    Être dans une affaire pour un quart, pour un dixième, y avoir un intérêt d'un quart, d'un dixième.

    Être pour, suivi d'un infinitif, être propre à, capable de. Ce serait pour monter à des sommes très hautes, Molière, Fâch. III, 3. Morbleu ! vous n'êtes pas pour être de mes gens, Molière, Mis. I, 1. Lui aurait-on appris qui je suis, et serais-tu pour me trahir ? Molière, l'Avare, II, 2. Il y a quelques dégoûts avec un tel époux, mais cela n'est pas pour durer, Molière, ib. III, 8.

    Être pour, suivi d'un substantif, être du parti de. Je ne suis point pour Albe et ne suis plus pour Rome, Corneille, Hor. I, 1.

    Dieu est pour nous, Dieu nous protége.

    Être pour, être destiné à. Ceci, cette part est pour vous. Mes vœux sont pour vous. Sa dernière pensée a été pour vous. Ce que je dis n'est que pour le contenter.

    Être pour, être d'avis de. Vous hésitez ? Moi je suis pour la promenade.

    Être sans fortune, sans amis, n'avoir point de fortune, point d'amis.

    On dit de même être sans connaissance, sans vie, sans pitié, etc.

    Être… sans…, rester… sans… On fut quelque temps à la cour sans entendre parler des affaires d'Angleterre, La Fayette, Mém. cour de Fr. Œuvres, t. II, p. 390, dans POUGENS. On fut deux ans sans entendre parler d'elle, Genlis, Veillées du château t. I, p. 169, dans POUGENS.

    Vous n'êtes pas sans savoir… vous n'ignorez pas sans doute.

    Cela n'est pas selon la raison, selon la loi, selon les convenances, etc. cela n'est pas conforme à la raison, à la loi, aux convenances, etc.

    C'est selon, la chose dépend des circonstances.

    Être sous, dépendre de. J'étais sous un dur maître.

    Être sous, suivre les leçons de. J'étais sous tel professeur.

    Être sur, siéger sur, être placé sur. Être sur les tréteaux. Un grand causeur, s'il est sur les tribunaux, ne laisse pas la liberté de juger, La Bruyère, Théophr. 7.

    Être sur, s'occuper de quelqu'un, de quelque chose, en converser. … Nous étions tout à l'heure sur toi, Molière, le Dép. I, 2. Sur quoi en étiez-vous, mesdames, lorsque je vous ai interrompues ? Molière, Critique, 5. Vous êtes là sur une matière qui depuis quatre jours fait presque l'entretien de toutes les maisons de Paris, Molière, ib. 6. L'autre ouvrage considérable et qui n'est pas encore imprimé, est la traduction de Quinte-Curce, sur laquelle il [Vaugelas] avait été trente ans, la changeant et la corrigeant sans cesse, Pellisson, Hist. Acad. t. I, p. 300, dans POUGENS.

    Dans le langage de l'Écriture, la main de Dieu est sur… signifie le châtiment infligé par la colère divine. La main de Dieu fut sur lui, son règne fut court, et sa fin fut affreuse, Bossuet, Hist. I, 6.

  • 12Être que de, être de, être à la place de ; ne se dit qu'avec les conjonctions si ou quand. Quand je serais de vous, je ne le ferais pas davantage. Si j'étais que de vous et que j'eusse une nièce, Je saurais m'en défaire aussitôt…, Th. Corneille, Bar. d'Albikrac, IV, 7. Si j'étais que de vous, je lui achèterais dès aujourd'hui une belle garniture de diamants, Molière, Am. méd. I, 1. Mais enfin si j'étais de mon fils son époux, Je vous prierais bien fort de n'entrer point chez nous, Molière, Tart. I, 1. Je ne souffrirais point, si jétais que de vous, Que jamais d'Henriette il pût être l'époux, Molière, Femm. sav. IV, 2.
  • 13 Impersonnellement. Il est, c'est-à-dire il y a, on trouve. Il est des hommes que la résistance anime. Est-il puissance capable de contraindre la volonté ?

    Un coquin s'il en est, un coquin s'il en fut, se dit pour exprimer qu'un homme est aussi coquin qu'il est possible. Grand et hardi menteur s'il en fut jamais, Guez de Balzac, Lett. à Conrard, 28 avril 1653.

    Des grammairiens ont demandé s'il fallait écrire s'il en fut ou s'il en fût. Le verbe n'est pas au subjonctif, comme on le voit quand le verbe est un présent.

    Il est en… de, il est au pouvoir de… Il est en vous de l'éviter [la colère du ciel] par un prompt repentir, Molière, Festin, IV, 9.

    Il n'est pas en moi de faire telle chose, je n'ai pas le pouvoir de faire telle chose, ou bien mon caractère ne me le permet pas.

    Est-il, signifiant il est certain, ne s'emploie que dans des phrases construites ainsi : toujours est-il, or est-il. Vous soutenez cet homme, toujours est-il qu'il a commis une mauvaise action. Or est-il que j'en fais un tel fondement, que je ne vous rends pas même les devoirs ordinaires, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 3. Or est-il que le Fils de Dieu a voulu choisir la parole pour être l'instrument de sa grâce, Bossuet, Prédic. 3.

    Il n'est rien de si beau que…, nulle chose n'est aussi belle que…

    Il est midi, une heure, trois heures, c'est-à-dire l'heure actuelle est midi, une heure, trois heures. Quelle heure est-il ? à l'heure qu'il est.

    Il est jour, il est nuit, il fait jour, il fait nuit.

    Il n'est que lundi, mardi, etc. nous ne sommes encore qu'à lundi, mardi. J'y reçus une de vos lettres ; et, quoiqu'il ne soit que lundi et que celle-ci ne parte que mercredi, je commence à causer avec vous, Sévigné, Lett. 19 juill. 1677.

    Ce qu'il peut être, autant qu'il peut être. Et Pompée est vengé ce qu'il peut l'être ici, Corneille, Pomp. v, 4.

    Il n'est que telle chose, c'est-à-dire il n'est rien de tel que, cela seul convient. Pour perdre des amants celles qui s'en affligent Donnent trop d'avantage à ceux qui les négligent ; Il n'est lors que la joie, elle nous venge mieux, Corneille, Mél. III, 5.

    Il n'est que de… c'est-à-dire le mieux est de… Il n'est que de prendre les choses comme elles viennent. Il n'est que d'être fin et de soir et de nuit, Régnier, Épît. II. Il n'est que d'être libre, et en deniers comptants, Régnier, ib. II. L'éclat d'un tel affront l'ayant trop décriée, Il n'est à son avis que d'être mariée, Corneille, Suite du Ment. I, 1. Ma foi, il n'est que de jouer d'adresse en ce monde, Molière, Mal. im Interm. I, sc. 6. Il n'est que d'entreprendre pour réussir, Exil de Cicéron, dans DESFONTAINES. Il n'est pour se haïr que d'être un peu parent, Boissy, Babillard, sc. 3. Il n'est que d'être roi pour être heureux au monde ; Bénits soient tes décrets, ô sagesse profonde, Qui me voulus heureux, et, prodigue envers moi, M'as fait dans mon asile et mon maître et mon roi, Chénier, Élég. XXIV. Il n'est que de s'entendre ; cet homme-là et moi sommes quasi d'accord, Courier, I, 282.

    Il n'est que de… signifie aussi : en fait de choses dont il s'agit, la meilleure vient de. Il n'est pommes que de Normandie. Il n'est pruneaux que de Tours.

    Il n'est pas que… avec ne, et le verbe suivant au subjonctif, il n'est pas supposable que… Il n'est pas que vous ne sachiez quelques nouvelles de cette affaire, Molière, l'Av. v, 2. Il n'est pas que vous n'ayez ouï parler du goût bizarre de cet empereur qui préféra les écrits de je ne sais quel poëte aux ouvrages d'Homère, Boileau, Dissert. sur Joconde.

  • 14Être, construit avec ce antécédent, voy. pour les règles de cette construction CE, à l'article et aux remarques.

    Ce se rapportant à une personne, à une chose, à une action déjà déterminée. C'est ce que je désirais. C'est bon. C'est vrai. Vous m'aviez bien promis des conseils d'une femme, Vous me tenez parole et c'en sont là, madame, Corneille, Cinna, IV, 4. Est-ce là ce beau feu, sont-ce là tes serments ? Corneille, Poly. v, 3. De grâce, est-ce pour rire, ou si tous deux vous extravaguez de vouloir que je sois médecin ? Molière, Méd. m. lui, I, 6. Hé parbleu ! je l'aurais pendue [citrouille] à l'un des chênes que voilà ; C'eût été justement l'affaire, La Fontaine, Fabl. IX, 4.

    Ce se rapportant à une personne, à une chose, à une action indiquée seulement dans la suite de la phrase. C'est moi qui l'ai dit. Qui de vous deux aujourd'hui m'assassine ? Sont-ce tous deux ensemble, ou chacun à son tour ? Corneille, Poly. v, 3. A-ce été sous mon nom que j'ai brigué l'empire ? Corneille, Pulch. III, 3. Mais est-ce un coup bien sûr que votre seigneurie Soit désenamourée ? ou si c'est raillerie ? Molière, Dép. amour. I, 4. Sont-ce encore des bergers ? - C'est ce qu'il vous plaira, Molière, Bourg. gent. I, 2. Sont-ce des vers que vous lui voulez écrire ? Molière, ib. II, 6.

    C'est… que, avec un substantif. C'est une plate composition que cette comédie, cette comédie est une plate composition. En un mot, c'est un ambigu de précieuse et de coquette que leur personne, Molière, Préc. I.

    C'est… que, avec un infinitif. Si ce n'est pas à moi trop de témérité que d'oser aspirer à l'honneur de votre alliance, Molière, la Pr. d'Él. v, 1. C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte, Molière, le Fest. de P. I, 3. Vous moquez-vous ? ce serait être fou que d'aller parler à une statue, Molière, ib. III, 7.

    Est-ce que, se dit pour interroger. Est-ce que vous feignez d'ignorer ma naissance ? Rotrou, Herc. mour. IV, 2. Est-ce qu'on croit encor mon supplice trop doux ? Racine, Mithr. v, 4. Est-ce que de Baal le zèle vous transporte ? Racine, Athal. III, 3. Est-ce que vous avez un autre évangile à suivre ? Massillon, Car. Pet. nombre des élus.

    C'est à vous de… il vous appartient de… C'est à moi d'obéir, puisque vous commandez, Corneille, Poly. I, 4. C'est à moi de mourir, mais c'est à vous de vivre, Corneille, Théod. III, 3. C'est bien à vous de faire l'habile homme ! Molière, Am. méd. II, 4. C'est à moi de parler et d'être le maître, Molière, Méd. m. lui, I, 1. Ma fille, c'est à nous de montrer qui nous sommes, Racine, Iphig. II, 4. C'est à l'amour de rapprocher Ce que sépare la fortune, Rousseau J.-B. Cantate XIX. C'est à vous de frémir et non de l'accuser, Ducis, Hamlet, I, 2. C'est à vous à… il vous appartient de. C'est à vous à régler ce qu'il faut que je fasse ; C'est à vous, Émilie, à lui donner sa grâce, Corneille, Cinna, III, 3. C'est à monsieur à me mettre de la façon qu'il veut, Molière, Sicil. 12. C'est à vous à juger de son crime, Voltaire, Brutus, v, 5. Et ce n'est pas à vous à me croire inflexible, Voltaire, Alz. IV, 2.

    Ce n'est pas que… avec l'indicatif, signifie après tout. Ce n'est pas qu'il faut quelquefois pardonner à celui qui, avec un grand cortége, un habit riche et un magnifique équipage, s'en croit plus de naissance et d'esprit : il lit cela dans la contenance et les yeux de ceux qui lui parlent, La Bruyère, II.

    On aura le même sens avec le subjonctif précédé de ne. Ce n'est pas qu'il ne faille quelquefois pardonner…

    Ce n'est pas que, avec le subjonctif, signifie aussi : on ne doit pas dire, prétendre à cause de cela. Ce n'est pas qu'il faille renoncer au monde.

    Ce que c'est que de… , à quoi aboutit… , voilà le sort. Ce que c'est que de nous ! Voyez ce que c'est que du monde aujourd'hui, Molière, l'Ét. I, 9.

    Voilà ce que c'est, voilà en quoi consiste la chose, voilà ce dont il s'agit ; et aussi quelquefois : la chose est faite maintenant comme il convient.

    C'est-à-dire, voy. DIRE.

  • 15Soit ! expression elliptique d'assentiment. Vous le voulez ; soit ! j'irai avec vous.

    Ainsi soit-il ! formule qui termine certaines prières.

    Expression de souhait. Sois-je du ciel écrasé, si je mens ! Molière, Mis. I, 2. Jésus soit notre joie ! Bossuet, 3 Purif. Son sang soit sur nous et sur nos enfants, Bossuet, Hist. II, 10.

    Elliptiquement. Soit fait selon votre volonté, c'est-à-dire qu'il soit fait… Entre nous soit dit. Soit dit confidemment, je crois qu'il est jaloux De tous les sentiments qui m'attachent à vous, Gresset, Méchant, v, 5.

    Soit, conjonction, voy. SOIT.

  • 16 Elliptiquement. N'était, n'eût été, si ce n'était, si ce n'eût été. N'était, n'eût été que je suis votre ami. N'était l'amitié que j'ai pour vous. Et encore n'était le hasard et la perte, Je voudrais…, Régnier, Ép. II. Mais par ma foi, madame, n'était que je lui ai déjà vu jouer mille fois le même rôle, je ne saurais qu'en dire, Baron, Homme à bonnes fort. III, 2.

    Fût-il… quand même il serait… On résolut sa mort, fût-il coupable ou non, La Fontaine, Fabl. x, 2. Fût-elle mon ennemie, je la louerais de même, Genlis, Ad. et Théod. t. III, lett. 40, p. 279, dans POUGENS.

    Ne fût-ce… que, quand ce ne serait que… Despréaux est pour eux une grande autorité, ne fût-ce que parce qu'il est mort, D'Alembert, Latin des modernes.

  • 17Cela étant, vu que la chose est ainsi. Et cela étant, qui doute qu'il ne fallût faire des prières générales ? Guez de Balzac, liv. I, lett. 5. Cela étant, Valère mon maître n'a plus qu'à chercher fortune ailleurs, Lesage, Crisp. riv. de son maître, sc. 2.

    Étant ou en étant, dans une construction absolue, c'est-à-dire ne se rapportant ni au sujet ni au régime de la phrase. Roquebrune n'était pas d'avis qu'on le reçût, en étant des poëtes comme des femmes, Scarron, Roman comique, III, 5. Je n'ai parlé que des noms communs, étant indubitable que c'est fort bien parler que de dire…, Lancelot, Gramm. génér. II, 10. Je dis qu'étant impossible que Dieu emprunte rien du dehors, il ne peut avoir besoin que de lui-même pour connaître tout ce qu'il connaît, Bossuet, Libre arb. 3. Vous ne pouvez différer, étant important de ne vous pas arrêter davantage, Bossuet, Lett. quiét. 477. Nous étant défendu de fixer notre cœur à la terre, la situation doit nous paraître la plus souhaitable, Massillon, Car. Prosp.

    Étant se rapportant au régime. On connaîtra que, n'étant autre chose qu'un poëme ingénieux, on ne saurait le censurer sans injustice, Molière, Tart. Préf.

  • 18Être s'emploie comme auxiliaire des verbes passifs (en ses temps simples et composés : je suis aimé, j'ai été aimé), et d'un grand nombre de verbes neutres (seulement en ses temps simples : je suis venu, j'étais venu. Cependant on pourrait dire : Il devait venir quand j'aurais été parti). Cicéron fut exilé de Rome. Le pont a été emporté par la débâcle. Il est sorti d'Abraham. Ils sont tous morts. Je vous aurais trouvé si je fusse venu à temps. … [l'ours] Vivait seul et caché ; Il fût devenu fou ; la raison d'ordinaire N'habite pas longtemps chez les gens séquestrés, La Fontaine, Fabl. VIII, 10.

    Il est aussi auxiliaire dans tous les verbes réfléchis, directs ou indirects, mais seulement avec ses temps simples. Il s'est emparé de la ville. Elle s'est cassé le bras. Ils se sont blessés en jouant. Chez ces gens pour toujours il [le follet] se fût arrêté, La Fontaine, Fabl. VII, 6.

  • 19Être se dit pour aller, quand on est allé dans un lieu et qu'on en est revenu ; ce qui fait voir qu'en ce sens être a d'abord gardé sa signification naturelle ; il est allé à Rome exprime simplement qu'il a fait le voyage de Rome, sans dire s'il est de retour ; il a été à Rome exprime qu'il est revenu ; être pour aller ne s'emploie qu'aux temps passés : je fus, j'ai été, j'aurai été, j'aurais été, je fusse, ayant été. J'ai été premièrement tout contre l'arsenal au bout du faubourg St-Germain, du faubourg St-Germain au fond du Marais, Molière, Am. méd. II, 3. Mon cheval a fait tout cela aujourd'hui, et de plus j'ai été à Ruel voir un malade, Molière, ib. La comédie de Racine m'a paru belle, nous y avons été, Sévigné, à Mme de Grignan, 15 janv. 1672.

    C'est abusivement qu'on emploie être pour aller en d'autres circonstances ; cependant, dans l'usage vulgaire, on se sert souvent de je fus et j'ai été au sens d'aller avec un infinitif suivant ; et on en trouve des exemples dans d'excellents auteurs et dans de très anciens textes. Il fut recevoir le corps de son frère jusqu'à Pavie ; son frère n'avait été qu'une journée au-devant de lui, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 134. Et nous fûmes coucher sur le pays exprès, C'est-à-dire, mon cher, au fin fond des forêts, Molière, Fâcheux, II, 7. À peine ai-je été les voir trois ou quatre fois, depuis que nous sommes à Paris, Molière, Impromptu, 1. Je fus retrouver mon janséniste, Pascal, Prov. 1. Elle fut au-devant d'elle les bras ouverts, Sévigné, 17. Quand un Porphyre, quand un Julien l'apostat, ennemis d'ailleurs des Écritures, ont voulu donner des exemples de prédictions prophétiques, ils les ont été chercher parmi les Juifs, Bossuet, Hist. II, 5. Il prit deux perdrix et fut chez sa maîtresse, Hamilton, Gramm. 4. Si on eût eu à chercher un homme heureux, on l'eût été chercher bien loin de lui et bien plus haut, mais on ne l'y eût pas trouvé, Fontenelle, Varignon. Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse, Et tu fus demander récompense ou justice Au Dieu qui t'avait envoyé, Lamartine, Méd. II, 7.

PROVERBES

On ne peut pas être et avoir été, on ne peut être vieux et jeune tout ensemble.

Il faut être tout un ou tout autre, il faut avoir une conduite, une manière de penser décidée.

REMARQUE

1. Être se conjugue avec l'auxiliaire avoir : J'ai été, et non je suis été ; ce que dit l'italien : io sono stato ; italianisme qui au XVIe siècle essaya de se glisser.

2. Ce furent mes sœurs qui y allèrent. L'euphonie fait admettre le singulier dans les locutions interrogatives : Fut-ce mes sœurs qui le firent ?

3. Les constructions du verbe être suivant que le sujet est au singulier ou le complément au pluriel, et vice versa, présentent de l'embarras. Il y a trois cas : 1er cas. Un sujet au singulier avec un complément au pluriel, et le verbe au singulier. Une tragédie doit être des passions parlantes, Voltaire, Lett. d'Argental, 12 mars 1740. Cette construction ne fait pas difficulté. 2e cas. Un sujet au singulier, avec un complément au pluriel, et le verbe au pluriel. Le reste des hommes sont des coquins, Pascal, Imag. 8. Tout ce que je vois ne sont que de vains simulacres, Bossuet, Brièveté. L'effet du commerce sont les richesses, la suite des richesses, le luxe, Montesquieu, Espr. XX, 6. La seule chose qui les surprenne [les éléphants] sont les pétards qu'on leur lance, Buffon, Éléphant. Sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de la farine et du gland, Buffon, Écureuil. Tout cela ne sont que des arguties et des subtilités, Rousseau, Prom. 3. Cette construction est archaïque, et aujourd'hui, dans des cas pareils, on met de préférence le verbe au singulier. 3e cas. Un sujet au pluriel, avec un complément au singulier et le verbe au singulier. Et deux ans, dans le sexe, est une grande avance, Molière, Mélic. I, 4. Quatre ou cinq mille écus est un denier considérable, Molière, Pourc. III, 9. Ici deux ans, quatre ou cinq mille écus sont considérés chacun comme un chiffre unique, et le sens entraîne avec soi d'une façon naturelle la construction du verbe au singulier.

4. L'Académie remarque à propos du verbe être que les grammairiens (et il vaudrait mieux mettre : quelques grammairiens) l'appellent verbe substantif. Cela est vrai ; mais il aurait fallu ajouter : 1° qu'ils lui donnent ce nom par opposition à tous les autres verbes, qu'ils nomment verbes adjectifs ; 2° que, dans tous les cas, ces deux dénominations sont fort mauvaises, puisque substantif et adjectif désignent deux espèces de mots, et verbe une troisième ; et que le rapprochement de ces mots contradictoires n'a absolument aucun sens ; 3° que Dumarsais, considérant que tout verbe se résout dans le verbe être suivi de son participe présent, appelait être le verbe simple ou absolu, et tous les autres des verbes composés ; 4° que ces mots entraînaient une confusion, puisque, à un autre point de vue, mettre est un verbe simple, et admettre, commettre, etc. des verbes composés ; 5° que Beauzée a trouvé le véritable nom en appelant être le verbe abstrait ; et alors tous les autres verbes sont concrets, comme réunissant au sens du verbe être celui de leur participe ; ou attributifs, parce que ce participe commence l'attribut dans la proposition où ils entrent.

HISTORIQUE

IXe s. Nul plaid qui cist meon fradre Karle in damno sit [qui soit en dommage à ce mien frère Charle], Serment. In nulla aiudha [en nulle aide] contra Lodhuwig non li vi [y] er [serai], ib.

Xe s. Buona pulcella fut Eulalia, Eulalie. Chi [qui] rex eret [était] à cels dis [à ces jours] sovre pagiens, ib. Por o [pour cela] s' furet [fuerat] morte à grant honestet, ib. Seit niuls, Frag. de Val. p. 467. Et si fu co [cela], ib. p. 467. E eret [était] mult las, ib. p. 468. Si astreient [seraient] li Judei perdut, si cum il ore sunt, ib. p. 468. E io ne dolreie [je ne serais pas affligé] de tanta millia hominum, si perdut erent [seront] ? ib. p. 469. Quand il se erent convers [quand ils se seront convertis] de via sua mala, ib. p. 469. Seietst [soyez] unanimes in dei servitio, ib. p. 469.

XIe s. Si ceo fust u evesqué u abeïe, Lois de Guil. 1. À grant dolur ermes [nous serons] hoi desevrez [séparés], Ch. de Rol. CXLV. [Des pechés] Que je ai fait dès l'hore que nés [je] fui, ib. CLXXII. Il ne pot [peut] estre [il est impossible] qu'il seient desevrez, ib. CCLXXXVI. Mais li quens Guenes. se fut bien pourpenset, ib. XXXII. N'est hom quil [qui le] veit e conoistre le sait, Qui ce ne die…, ib. XXXIX. De là [ils] s'en furent [s'en allèrent] pour la chrestientet, ib. LIII. Se vous mourez, esterez sainz martirs, ib. LXXXVII. Set ans touz pleins ad ested en Espeigne, ib. I. Li reis Marsil esteit en Saragoce, ib. II. Que nous seiuns conduit à mendier, ib. Quant chascuns ert [sera] à son meillor repaire, ib. IV. Charles serat ad Ais à sa chapele, ib. Dient paien : ainsi puet-il bien estre, ib. Là où cis [ceux-là] furent, des autres i ot bien, ib. VIII. S'est qu'il demandet [s'il y a quelqu'un qui le demande], ne l'esteut [il n'est besoin de] enseigner, ib. Seit qui l'ocie, toute pais puis auriumes, ib. XXVIII.

XIIe s. Ah ! rois de gloire, tu soies mercié, Ronc. p. 160. À dame Deu soiez…, ib. p. 17. S'il est qui croire veuille ma volonté, ib. p. 20. Qui mout sont à prisier, ib. p. 30. Là s'est armez li cortois Olivier, ib. p. 49. Sempres morrai, mais cher me sui venduz, ib. p. 93. Tant a esté [tant est allé], [que] devant la tour antie Est descenduz voyant sa baronie, ib. p. 115. D'une grant terre qui fu au roi Orsaire, ib. p. 145. Si [je] m'i confort [en son souvenir], quant ele m'est lointaine [absente], Couci, VIII. Mais itant fu à moi reconforter Que, nuit et jour, en plorant [je] la remir [regarde], ib. x. Mais il convient qu'à sa volonté [je] soie, ib. XX. D'hui cest jour en un an soiez prest d'ostoier [entrer en campagne], Sax. XVI. Comment vous a esté entre la gent foraine [étrangère] ? ib. XX. Mult nota les paroles que li quens respundi, Pur ço que li quens ert [était] cusins al rei Henri, Et erent d'un conseil et durement ami, Th. le mart. 51. Se vus nel delivrez, nus sumes mal bailli : Li reis e saint iglise e nus iermes [serons] huni, ib. 12. Et quant vous estes eschapé Et li besoin sont trespassé, Dont ne vous est gaires de nous [vous ne vous souciez guères de nous], Roman de Brut, v. 6346. Mon tré [tente] tendez en milieu del mostier, Et en ces porches esseront mi sommier, Raoul de C. 150. Et jo li serrai pur pere, e il me serrad pur fiz, Rois, p. 144. Uns hom astoit en la terre Us, ki out num Job, Job, p. 441.

XIIIe s. Quant nous fusmes [allâmes] au bois arcoier et joier, Alexandre, dans DU CANGE, arcuare. La dame à qui je sui, s'el me velt retenir, Vidame de Chartres, Romancero, p. 114. Jà pour autre ne me devra guerpir [quitter], Quant el saura com je lui ai esté Fins et verais, courtois, sans repentir, Le Comte D'Anjou, ib. p. 124. Et tout cil qui avoient devant esté contre lui estoient ce jour à sa volenté, Villehardouin, LXXXVI. Il i avoit un Grieu [Grec] qui miex estoit de l'empereour que tuit li autre, Villehardouin, XCVII. Ensi demorerent huit jors pour atendre les nes [vaisseaux] qui encore estoient à venir, Villehardouin, LXI. Ilec troverent Guillaume de Braiecuel et cex qui avoec lui estoient, qui mout estoient à grant paor, Villehardouin, CXXXVIII. Tant se travailla Jofrois li mareschaux à l'aide des barons qui estoient dou conseil au marchis, Villehardouin, CXX. Et de corone d'or [je] fui par vous coronnée, Berte, XVI. Si [elle] saignoit com ce fust perceüre de clou, ib. XXXII. Ainsi com vous orrez [ouïrez], s'il est qui vous le die, ib. LX. Dame, ce dist Constance, si soit com dit avez, ib. CXXXII. Pour ce qu'il ert [était] divenres [vendredi]…, ib. I. Vers le lion [il] s'en va, ou soit sens ou folie, ib. II. Ne soiez vers les pauvres ne sure [aigre] ne amere, ib. IV. Sire, fait-ele, c'estroit [ce serait] lait, Lai de l'ombre. Et tant furent ensamble qu'il en ot un filg et une fille, Chr. de Rains, p. 9. Et li rois respondi que li legas disoit sa volenté, ne ne savoit pas à quoi ce montoit : car Sarazin estoient moult sage et estoient sour le leur, et bien veoient lor meillour quant temps et lius en estoit, ib. p. 101. Sire, ormais n'est que dou haster la besoigne, ib. p. 51. Evain en son cuer porpensoit Que s'ele encor une en avoit, Plus belle estroit la compaignie, Ren. 61. Car c'est cele qui la bonté Me fist si grant qu'ele m'ouvri Le guichet del vergier flori, la Rose, 1264. Je t'enseignerai bien autre hui ; Autre, non pas, mès ce meïsmes, Dont chascun puet estre à meïsmes [être à même], Mès qu'il prengne l'entendement D'amors ung poi plus largement, ib. 6462. Trop sunt dolentes et confuses Pucelles qui sunt refusées, ib. 5860. Avis m'iere [m'était] qu'il estoit mains [matin], Il a jà bien cincq ans, au mains [au moins], En mai estoie, ce sonjoie, El tems amoureus plain de joie, ib. 45. Enciez [avant] qu'il vint, si m'escria : Vassal, pris ies [tu es], noient n'i a Du contredire, ne defendre, ib. 1694. Il fu que [il y eut un temps où] toutes les bonnes viles et li castel de Lombardie furent à l'empereur de Romme, en son domaine, et tenues de li, Beaumanoir, XXX, 64. Aucuns dons et pramesses porroient estre convenencié qui ne seroient pas à tenir, Beaumanoir, VI, 24. Donques quant plusor parchonier ont compaignie en tix [tels] heritages, il doivent estre à ferme ou à loier, Beaumanoir, XXII, 4. Tout soit il ainsi que commune renommée keure [coure] entre une feme qui est en mariage, qu'ele est bien de plusors homes carnelment, Beaumanoir, XVIII, 4. S'on esperoit qu'il se fust tués par aucune maladie, par le [la] quele il ne fust pas à soi, si oir [ses héritiers] ne doivent pas perdre ce qui de li vient, Beaumanoir, LXIX, 10. Nous en sons [sommes] bien entré en voie, N'i a si fol que ne le voie, Quant Constantinoble est perdue, Rutebeuf, 101. Un chevalier qui estoit à monseigneur Erart de Brene, Joinville, 244. Sire, il me semble que il iert [sera] bon que vous retenez les formens et les orges et les ris, Joinville, 216. Et dit l'en que nous estions trestous perdus dès celle journée, se le cors le roy [le roi de sa personne] ne feust [ne se fût trouvé là], Joinville, 227.

XIVe s. Quant nous avons communellement delettacion en aucune chose, c'est signe que nous suymes [sommes] à telles choses enclins, et quant nous avons tristesce en aucunes choses, c'est signe que nous suymes enclins à l'opposite, Oresme, Eth. 55. S'ainsi sons [nous sommes] pris au broi [piége], s'iert [ce sera] de grant lachetey, Girart de Ross. v. 3270.

XVe s. Orai-je un petit d'escusance De ce quelors trop jones ere [j'étais] Et de trop ignorant maniere, Froissart, Espinette amoureuse. Et tel que fui, encor le sui, ib… Beau fieulz, es-se [est-ce] Belle chose de bien ouvrer ? Froissart, ib. Or, regardez si je disoie bien voir [vrai], veez là les vingt six mille hommes d'armes ; si ils sont trois mille lances, ils sont cent mille, Froissart, II, Il, 212. Ainsi estoient menacés les Anglois par les François, et donnoient grand marché, et montroient par leurs paroles que tout fut à eux, Froissart, II, IÏI, 40. Lors demanda le roy à son conseil qu'il estoit de faire, Froissart, I, I, 51. Et quant le jour du parlement qui estoit assigné à Mons, fut venu, ils y furent, Froissart, I, I, 101. Et sachez que, si ne fussent les gentils hommes qui dedans Aubenton estoient et qui la gardoient, elle eut esté tost prise et d'assaut, Froissart, I, I, 103. Sitost que le jour fut…, Froissart, I, I, 144. Quand messire Aghos des Baux sentit que ceux de la Reole se vouloient rendre, il ne voulut oncques estre à leur traité, mais se partit d'eux, Froissart, I, I, 237. Votre capitaine où est-il ? ne veut-il point estre de ce traité, ib. Si avoit un frere par son pere qui avoit esté [feu son père], ID. I, I, 147. Il ne peut estre que en un tel ost que le roi d'Angleterre menoit, qu'il n'y ait des vilains garçons et des malfaiteurs, ID. I, I, 272. Et fit depuis si grands prouesses [Watelet de Mauny] qu'on n'en pourroit savoir le nombre, si comme vous orrez avant en l'histoire, s'il est qui vous le die, Froissart, I, I, 46. Tu es l'aisné fils du roi, auquel, par la grace de Dieu, tu es à succeder, et es à estre notre roi et seigneur, Monstrelet, I, 48. Et les aucuns disoient que le duc de Baviere avoit laschement faict qu'il n'avoit tué le duc de Bourgongne soudainement et s'en estre allé en Allemaigne, et il n'en eust plus esté, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1413. Et eussent les choses esté plus triumphantes, se n'eust esté le temps, qui moult fut mal advenant, J. de Troyes, Chron. 1482. Ce mout doutoit le roy, qui estoit tourné contre luy, et plus lui en estoit que de tous les aultres à qui il avoit à faire, Fenin, 1413. Et de tels y en eut qui bien se doubtoient de ce qui en estoit, mais rien n'en dirent à present, ID. 1407. Et sagement savoit jeter son regard et ses semblans, que nul n'apperceust où son cœur estoit, Boucic. I, 8. Qui, pour le moins, ay tousjours esté des chambellans [de Louis XI], Commines, Prol. Le quel me print en son service, et fut l'an mil quatre cens soixante quatre, Commines, I, 1. Et faisoit le cas si enorme que nulle chose qui se peut dire à ce propos pour faire honte et vitupere à un prince, ne fust qu'il ne dist, ib. Mon cousin, vous soyez le très bien venu, ID. IV, 10. Moult se tenoit bienheureux de ce qu'il pouvoit estre bien d'icelle [être bien avec elle], Perceforest, t. I, 1, f° 66.

XVIe s. D'estre assis je n'ai plus d'envie : Il n'est que d'estre bien couché, Marot, II, 247. Et fusse Helaine au gracieux maintien, Qui me vinst dire, amy, fais mon cueur tien, Je respondrois : point ne seray muable, Marot, II, 398. Les fons du temple estoit une fontaine, Où decouroit un ruisseau argentin, Marot, I, 182. Bref, fust de nuict ou fust de jour, Je ne songeois rien que l'amour, Du Bellay, J. VII, 23, verso. Prenez le cas que cinq ou six hyvers Soi'nt jà passez, et qu'avec longue peine Ils soi'nt venus en accroissance pleine, Du Bellay, J. VII, 23, verso. Soyez doux et clement, la doulceur te doit plaire, Du Bellay, J. VIII, 41, verso. [Socrate se retiroit avec fierté] regardant tantost les uns, tantost les aultres, amis et ennemis, d'une façon qui encourageoit les uns et signifioit aux aultres qu'il estoit pour vendre bien cher son sang et sa vie à qui essayeroit de la lui oster, Montaigne, III, 6. N'estoit que… [si ce n'est que], Montaigne, I, 7. Estre d'avis que…, Montaigne, I, 14. Le roy qui est à present [qui règne], Montaigne, I, 16. Ce sont vices toujours conjoincts, Montaigne, I, 22. C'estoient les formes vrayement romaines, Montaigne, I, 24. Est ce à toy de nous gouverner ? Montaigne, I, 89. Il est en nous de… [nous pouvons], Montaigne, I, 115. Il nous faudroit des topographes qui nous feissent des narrations des endroicts où ils ont esté, Montaigne, I, 234. Puisque nous en sommes sur le froid, Montaigne, I, 261. Pompeius le feut veoir, Montaigne, I, 301. Satan est l'adversaire qui machine nostre ruine, le peché est les armeures desquelles il use pour nous opprimer et meurtrir, Calvin, Inst. 728. Qu'est-ce autre chose que… ? Calvin, ib. 701. Si ne feront-ils jamais tant par leur belle rhetorique, qu'une mesme chose soyent deux, Calvin, ib. 61. Estes vous encore à savoir que les femmes n'ont amour ni regret ? Marguerite de Navarre, Nouv. XXXII. Le pauvre gentilhomme ne savoit où il en estoit [qu'en penser], Marguerite de Navarre, ib. LIII. Madame fust hyer disner aux Loges, dont elle s'est bien trouvée, Marguerite de Navarre, Lett. 68. Je feusse plus toust partie, n'eust esté la grant envie que j'avois de voir Chumbert, Marguerite de Navarre, ib. 152. Le cardinal d'Armaignac a esté à la mort, abandonné des medecins, Marguerite de Navarre, ib. 142. Ils demeurerent long temps muets, comme si fussent esté des images, Yver, p. 636. Le guet nous prit, j'en fus pour mes trois jours au Chastelet, D'Aubigné, Faen. II, 11. Il n'est pas que vous n'aiez veu un sonnet à sa louange qui a fort couru, D'Aubigné, ib. II, 12. Ce lict m'est un tombeau, puis qu'ils [les martyrs protestants] n'ont point de tombeaux, D'Aubigné, Hist. I, 132. A il jamais esté que les tyrans, pour s'asseurer, n'aient… ? La Boétie, 61. Toujours il a esté que cinq ou six ont eu l'oreille du tyran, La Boétie, 62. Il n'est pas qu'eux mesmes ne souffrent quelques fois de luy, La Boétie, 65. Et faire que ma cité n'ait point faute d'aucune chose qui soit pour l'embellir et orner, La Boétie, 199. Il avoit abandonné à piller à ses soudards quelques vases d'or qui avoient anciennement esté à Alexandre le grand, Amyot, P. Aem. 38. Un peu avant que je fusse la premiere fois à Athenes, on dit qu'il y advint une telle chose, Amyot, Démosth. 45. Et si Heraclides par envie a esté desloyal et meschant, est ce pourtant à dire que Dion par courroux doive maculer sa vertu ? Amyot, Dion, 59. [Voyant tout cela] il se tourna devers ses familiers, et leur dit : C'estoit estre roy cecy, à vostre advis, n'estoit pas ? [n'est-ce pas ?], Amyot, Alex. 37. La premiere chose qu'on leur donna, furent du sel et des lentilles, Amyot, Crassus, 38. Les Egyptiens disent qu'il fut aussi en leur païs, Amyot, Lyc. 6. Qu'il ait esté en Afrique et en Espagne et jusques aux Indes, je ne sache personne qui l'ait escrit, Amyot, ib. Si j'estois à renaistre au ventre de ma mere, Ronsard, 810. …E+ par esclats les lances acerées Furent toucher les voutes etherées, Ronsard, 619. Car l'amour et la mort n'est qu'une mesme chose, Ronsard, 304. …Pour faire voir clairement à chascun Que les vortus et les dames n'est qu'un, Ronsard, 765. La perte des grands rois sont les langues flateuses, Ronsard, 663. L'impudence aujourd'hui sont les meilleures armes Dont on se puisse aider…, Ronsard, 978. Une autre branche de la dissolution, sont les excez de table, et tenir grand equipage, Lanoue, 16. Ils repliqueront que ce que j'ay allegué sont conseils evangeliques et non preceptes obligatoires, Lanoue, 75. Une des plus singulieres choses qu'on remarque en France, sont les beaux edifices dont les campagnes sont parsemées, Lanoue, 166. La seconde cause furent les voyages qui s'entreprirent pour la conqueste de la terre saincte, Lanoue, 228. Plusieurs choses qui se firent alors et qui arriverent, fut plus par hazard et inopinément quasi que par conseil, Lanoue, 652. Le dit sieur de Vieilleville fut [alla] estrader avesques 200 salades, Carloix, II, 13.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. ÊTRE. Ajoutez :
20Être, avoir été, à l'infinitif, pris substantivement. Le seoir est aussi naturel que l'étre debout ou le marcher, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. Ce qui est plus assuré, c'est l'avoir été, Malherbe, ib.

REMARQUE

5. Vous n'étiez pas encore quand… se dit pour signifier : Vous n'étiez pas encore né quand… (voy. au Dictionnaire ÊTRE 1, au num. 2). J. J. Rousseau a étendu cette locution au présent avec emploi affirmatif. L'envie et la haine sont maintenant contre moi à leur comble ; elles diminueront… alors, si je suis encore, vous me servirez et l'on vous écoutera, Lett. à Moultou, 22 juin 1762. Cela est moins conforme à l'usage, mais se comprend et est correct.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ÊTRE, s. m. (Métaph.) notion la plus générale de toutes, qui renferme non-seulement tout ce qui est, a été, ou sera, mais encore tout ce que l’on conçoit comme possible. On peut donc définir l’être ce à quoi l’existence ne répugne pas. Un arbre qui porte fleurs & fruits dans un jardin est un être ; mais un arbre caché dans le noyau ou dans le pepin n’en est pas moins un, en ce qu’il n’implique point qu’il vienne au même état. Il en est de même du triangle tracé sur le papier, ou seulement conçu dans l’imagination.

Pour arriver à la notion de l’être, il suffit donc de supposer unies des choses qui ne sont point en contradiction entre elles, pourvû que ces choses ne soient point déterminées par d’autres, ou qu’elles ne se determinent point réciproquement. C’est ce qu’on appelle l’essence par laquelle l’être est possible. Voyez Essence, Attribut, Mode.

Être feint, c’est un être auquel nous supposons que l’existence ne répugne pas, quoiqu’elle lui répugne en effet. Cela arrive, par exemple, lorsque notre imagination combine des parties qui semblent s’ajuster, mais dont le tout ne pourroit néanmoins subsister. Un peintre peut joindre une tête d’homme à un corps de cheval, & à des piés de bouc ; mais un peu d’attention à la disproportion des organes, montre que leur assemblage ne produiroit pas un être vivant. Cependant comme on ne sauroit absolument démontrer l’impossibilité de ces êtres, on les laisse dans la classe des êtres ; & il faut les nommer êtres feints.

Être imaginaire, c’est une espece de représentation qu’on se fait de choses purement abstraites, & qui n’ont aucune existence réelle, ni même possible. L’idée de l’espace & du tems sont ordinairement de ce genre. Les infiniment petits des Mathématiciens sont des êtres purement imaginaires, qui ne laissent pas d’avoir une extreme utilité dans l’art d’inventer. Une telle notion imaginaire met à la place du vrai une espece d’être, qui le représente dans la recherche de la vérité : c’est un jetton dans le calcul, auquel il faut bien prendre garde de ne pas donner une valeur intrinseque, ou une existence réelle. Voy. Différentiel, Infini, &c.

Être externe, c’est celui qui a une relation quelconque avec un être donné.

Être singulier, voyez Individu.

Être universel, c’est celui qui n’a pas toutes ses déterminations, mais qui ne contient que celles qui sont communes à un certain nombre d’individus ou d’especes. Il y a des degrés d’universalité qui vont en augmentant à mesure qu’on diminue le nombre des déterminations, & qui vont en diminuant quand les déterminations se multiplient. Les êtres universaux qui ne sont autre chose que les genres & les especes, se forment par abstraction, lorsque nous ne considérons que les qualités communes à certains êtres, pour en former une notion sous laquelle ces êtres soient compris. La fameuse question de l’existence à parte rei des universaux, qui a fait tant de bruit autrefois, mérite à peine d’être indiquée aujourd’hui. Pierre & Paul existent : mais où existe l’idée générale de l’homme, ailleurs que dans le cerveau qui l’a conçûe ? Voyez Abstraction.

Être actuel, c’est celui qui existe avec toutes ses déterminations individuelles, & on l’appelle ainsi par opposition au suivant.

Être potentiel ou en puissance, c’est celui qui n’existe pas encore, mais qui a ou peut avoir sa raison suffisante dans des êtres existans : c’est ce qu’on appelle la puissance prochaine. Mais quand les êtres qui renferment la raison suffisante de quelques autres n’existent pas encore eux-mêmes, la puissance des êtres qui en doivent résulter est dite éloignée ; & cela plus ou moins, à proportion de l’éloignement où sont de l’existence les êtres qui renferment leur raison d’existence. Une semence féconde à laquelle il ne manque que le tems & la culture, est dans la puissance prochaine de devenir la plante ou l’arbre qu’elle contient ; mais les plantes de même espece qui viendront de la semence produite par la plante qui est encore cachée elle-même dans sa semence, ne sont que dans une puissance éloignée.

Être positif, c’est celui qui consiste dans une réalité, & non dans une privation. La vûe, par exemple, la lumiere, sont des êtres positifs qui désignent des choses réelles dans les sujets où ils se trouvent.

Être privatif, c’est celui qui n’exprime qu’un défaut, & l’absence de quelque qualité réelle : tels sont l’aveuglement, les ténebres, la mort. On transforme souvent par une notion imaginaire ces privations en êtres réels, & on leur donne gratuitement des attributs positifs : cependant c’est un abus, & l’être privatif n’est autre chose que la négation de tout ce qui convient à l’être positif.

Être permanent, c’est celui qui a toutes ses déterminations essentielles à la fois. Un horloge est un être permanent, dont toutes les parties existent ensemble.

Être successif, c’est celui dont les déterminations essentielles sont successives : tel est le mouvement, dont une détermination n’existe qu’après l’autre.

Être simple, composé, fini, infini, nécessaire, contingent, vrai ; voyez-en les articles. Article de M. Formey.

Être moral, (Droit nat.) Les êtres moraux sont certaines modifications attachées aux choses, soit essentiellement par la volonté divine, soit par institution humaine pour le bonheur & l’avantage des hommes dans la société, autant qu’elle est susceptible d’ordre & de beauté, par opposition à la vie des bêtes.

Tous les êtres moraux essentiellement attachés aux choses, peuvent être réduits à deux, le droit & l’obligation : c’est-là du moins le fondement de toute moralité ; car on ne reconnoît rien de moral, soit dans les actions, soit dans les personnes, qui ne vienne ou de ce que l’on a droit d’agir d’une certaine maniere, ou de ce que l’on y est obligé.

Les êtres moraux qui ont été produits par l’institution divine, ne peuvent être anéantis que par le créateur : ceux qui procedent de la volonté des hommes, s’abolissent par un effet de la même volonté, sans pourtant que la substance physique des personnes reçoive en elle-même le moindre changement. Par exemple, quand un gentilhomme est dégradé, il ne perd que les droits de la noblesse ; tout ce qu’il tenoit de la nature subsiste toujours en son entier : c’est ce qu’exprime si bien le beau mot de Démetrius de Phalere, lorsqu’on eut appris à ce philosophe que les Athéniens avoient renversé ses statues ; mais, répondit-il, ils n’ont pas renversé la vertu en considération de laquelle ils me les avoient dressées. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Être sensitif ou Ame, voyez Evidence.

Être suprème, Dieu, premiere cause, intelligence par essence. Voyez Evidence.

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Étymologie de « être »

Bourguign. Être ; Berry, je seus, je suis ; provenç. esser ; catal. esser, ser ; espagn. et portug. ser ; ital. essere ; d'une forme latine barbare essere, pour esse, être, du radical es ou as, qui fait aussi, dans l'allemand ist, et dans le sanscrit asmi, le verbe abstrait. Le verbe être est formé de trois verbes latins différents : 1° esse, qui a donné l'infinitif estre, le présent je suis, tu es, il est, nous sommes, vous êtes, ils sont, le subjonctif je sois, le futur je serai, le conditionnel je serais ; 2° fuo, qui a donné le prétérit je fus et le subjonctif je fusse (voy. FUS, pour l'étymologie) ; 3° stare, qui a donné l'imparfait j'estois, le participe présent estant, et le participe passé esté (voy. le verbe ESTER). D'après Vaugelas, qu'il soit, qu'ils soient se prononçait sait, saient ; c'est une prononciation usitée encore en Normandie. L'ancienne langue, à côté de l'imparfait estoie, avait un autre imparfait ere ou iere qui représente le latin eram, et, à côté du futur serai, elle avait un autre futur ere ou iere qui représente le latin ero. Dans le latin barbare esse-re, re provient d'une assimilation faite mal à propos avec les verbes en ere (le 1er e étant un e bref) ; car déjà, dans es-se, se représente ce re.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : L'imparfait j'estois est dit provenir du latin stabam ; c'est une erreur qu'il faut corriger, d'après ce qui est dit dans l'Hist. de la langue franç. t. II, p. 201 : « J'estois, tu estois, il estoit a été tiré, sans contestation aucune, de stabam, stabas, stabat ; en effet la dérivation est correcte, et il ne serait possible d'élever aucun doute, sans le dialecte normand, qui offre, si je puis user de ce terme, un réactif plus délicat et qui fait apparaître le véritable élément. Le verbe stare est de la première conjugaison ; par conséquent, son imparfait, que l'on suppose être devenu celui du verbe être, confondu, il est vrai, dans les autres dialectes sous une forme commune, s'en dégagerait dans le dialecte normand, et ferait je estoe, tu estoes, il estot. Or il n'en est rien, et cet imparfait du verbe être y est toujours je esteie, tu esteies, il esteit, désinences caractéristiques des autres conjugaisons et ici, en particulier, de la troisième. Je esteie ou je estoie, suivant les dialectes, est imparfait régulier de l'infinitif étre, verbe de la troisième conjugaison et dérivé d'un bas-latin estere, qui prévalut dans les Gaules, au lieu de essere (pour le changement de ss en st comp. l'anc. franç. tistre, de tessere, dit pour texere). Le verbe stare a son représentant qui fait à l'infinitif ester et à l'imparfait, dans les autres dialectes, je estoies, tu estoies, il estoit, mais dans le normand je estoe, tu estoes, il estot, aussi distinct ici, par la forme que par le sens, de l'imparfait du verbe substantif. »

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(Date à préciser) De l’ancien français estre (« être »), du latin vulgaire *essĕre (« être »), forme remaniée par analogie du latin classique esse (« être »), ainsi que de l’ancien français ester, du latin stare (« être debout »). Ce dernier ne subsiste que dans les participes été, étant et les conjugaisons de l’imparfait de l’indicatif, ainsi que dans les expressions aujourd’hui désuètes ester en justice ou ester en jugement.
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Phonétique du mot « être »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
être ɛtr

Évolution historique de l’usage du mot « être »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « être »

  • De tout ce qui fut nous, presque rien n'est vivant. Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres, Tristesse d'Olympio
  • J'ai l'habit d'un laquais et vous en avez l'âme. Victor Hugo, Ruy Blas, V, 3, Ruy Blas
  • Être contesté, c'est être constaté. Victor Hugo, Tas de pierres, Éditions Milieu du monde
  • Je n'évolue pas, je suis. Pablo Ruiz Picasso, Cité par Gaétan Picon dans Les Lignes de la main, La Mesure de Picasso , Gallimard
  • Le peuple n'a guère d'esprit et les grands n'ont point d'âme : celui-là a un bon fond et n'a point de dehors ; ceux-ci n'ont que des dehors et qu'une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas, je veux être peuple. Jean de La Bruyère, Les Caractères, Des grands
  • Le chaos n'est rien. Être ou ne pas être, soi et toutes les choses, il faut choisir. Jules Lagneau, Cours sur Dieu
  • On se console souvent d'être malheureux par un certain plaisir qu'on trouve à le paraître. François, duc de La Rochefoucauld, Maximes
  • Je ne sais si cela se peut ; mais je sais bien que cela est. Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, L'Amour médecin, II, 2, Lisette
  • [La mort] ne vous concerne ni mort ni vif : vif, parce que vous êtes ; mort, parce que vous n'êtes plus. Michel Eyquem de Montaigne, Essais, I, 20
  • La plus grande chose du monde, c'est de savoir être à soi. Michel Eyquem de Montaigne, Essais, I, 39
  • Tout ce qui était n'est plus ; tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux. Alfred de Musset, La Confession d'un enfant du siècle
  • Tout ce qui est incompréhensible ne laisse pas d'être. Blaise Pascal, Pensées, 430 Pensées
  • Il s'agit à tout moment de sacrifier ce que nous sommes à ce que nous pouvons devenir. Charles Du Bos, Approximations, Le Rouge et le Noir
  • On ne peut à la fois être sincère et le paraître. André Gide, L'Immoraliste, Mercure de France
  • Dis-moi de quoi tu te piques et je te dirai ce que tu n'es pas. Henri Frédéric Amiel, Journal intime, 8 septembre 1866
  • Retire-toi dans toi, parais moins, et sois plus. Théodore Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques
  • Un jour par an, le Mardi gras par exemple, les hommes devraient retirer leur masque des autres jours. Claude Aveline, Avec toi-même, etc., Mercure de France
  • Mais si je ne suis rien, si je ne dois rien être, pourquoi ces rêves de gloire depuis que je pense ? Marie Bashkirtseff, Journal, 25 juin 1884 , Fasquelle
  • Qui ne meurt pas de n'être qu'un homme ne sera jamais qu'un homme. Georges Bataille, L'Expérience intérieure, Gallimard
  • Le besoin de l'homme, c'est de s'égaler soi-même, en sorte que rien de ce qu'il est ne demeure étranger ou contraire à son vouloir […]. Maurice Blondel, L'Action, P.U.F.
  • On ne peut être et avoir été. Mais si ! On peut avoir été un imbécile et l'être toujours. Léon Bloy, Exégèse des lieux communs, Mercure de France
  • Ce qu'on doit être, on l'est. On l'est avant le fruit, avant la fleur, avant même la graine close. Henri Bosco, Un oubli moins profond, Gallimard
  • Qu'il y ait un seul moment où rien ne soit, éternellement rien ne sera. Jacques Bénigne Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même
  • Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es. Anthelme Brillat-Savarin, Physiologie du goût
  • Tout ce qui peut être est. Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, Histoire naturelle, Premier discours
  • Être et penser sont pour nous la même chose. Georges Louis Leclerc, comte de Buffon, Histoire naturelle, De l'homme
  • Je me révolte, donc je suis. Albert Camus, L'Été, Gallimard
  • Je pense, donc je suis. René Descartes, Discours de la méthode
  • La liberté d'être ce que nous sommes ne nous suffit pas ; nous voulons encore celle d'être ce que nous ne sommes pas. Jean Grenier, Entretiens sur le bon usage de la liberté, Gallimard
  • La nature du monde change-t-elle, ou bien est-ce la véritable nature qui triomphe de l'apparence ? André Pieyre de Mandiargues, Dans les années sordides, Gallimard
  • L'être humain n'a jamais le temps d'être, il n'a jamais le temps que de devenir. Georges Poulet, Mesure de l'instant, Fénelon , Plon
  • Je suis comme je suis. Je suis faite comme ça. Jacques Prévert, Paroles, Je suis comme je suis , Gallimard
  • Pourquoi prendrai-je le parti de ce qui est contre ce qui sera ? Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle, Gallimard
  • On ne fait pas ce qu'on veut et cependant on est responsable de ce qu'on est. Jean-Paul Sartre, Situations II, Gallimard
  • Car si je me trompe, je suis. saint Augustin, La Cité de Dieu, XI, 26 René Descartes dans ses Méditations métaphysiques
  • Il ne suffit pas d'avoir une cithare pour être citharède. Varron en latin Marcus Terentius Varro, Économie rurale, II, 1, 3
  • Ce qui était, était de toute éternité et sera de toute éternité. Mélissos, de Samos, De la nature (traduction J. Zafiropulo)
  • Car c'est la même chose qu'on peut penser et qui peut être. Parménide, d'Élée, De la nature, fg. 5 Diels (traduction J. Zafiropulo)
  • L'habit d'un homme proclame ce qu'il fait, sa démarche révèle ce qu'il est. , Ancien Testament, Ecclésiastique XIX, 30
  • Soyez vous-même ! dis-je à quelqu'un ; mais il ne le pouvait : il n'était personne. Petrus Augustus De Genestet, Individualités
  • Que dit ta conscience ? - Tu dois devenir celui que tu es. Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir Die fröhliche Wissenschaft
  • Être ou ne pas être : voilà la question. William Shakespeare, Hamlet, III, 1, Hamlet
  • Semblez être la fleur innocente, mais soyez le serpent qu'elle dissimule. William Shakespeare, Macbeth, I, 5, lady Macbeth
  • Être ce que nous sommes et devenir ce que nous sommes capables de devenir, tel est le seul but de la vie. Robert Louis Balfour Stevenson, Études familières sur les hommes et les livres Familiar Studies of Men and Books
  • Etre asocial, c'est être. De Romain Gary , 
  • Etre inerte, c'est être battu. De Charles de Gaulle , 
  • Etre raisonnable c'est être désabusé. De Anonyme , 
  • Etre adulte, c’est être seul. De Jean Rostand / Pensées d’un biologiste , 
  • Etre musicienne ? C'est être fée ! De Françoise Dumoulin-Tessier / Le salon vert , 
  • Etre bien pour apprendre s’adresse aux enseignants, les accompagne dans la mise en place d’une pédagogie basée sur l’apprendre à apprendre, le bien-être et la coopération, mais les accompagne aussi dans leurs questionnements, dans l’évolution de leurs pratiques. ,  Bien-être : Juliette François et Isabelle Grossetête : Etre bien pour apprendre
  • En effet, malgré les effets d’annonces et le fait que la diminution par deux des personnes ne bénéficiant pas d’un accès à une eau potable (qui se chiffre à près de 2 milliards d’êtres humains), figure dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OM) de l’ONU, la situation est loin d’être pleinement satisfaisante, et ne cesse de s’aggraver dans nombre d’Etats de la planète et va ainsi devenir un risque majeur de sécurité nationale lorsque ce n’est pas déjà le cas. Le HuffPost, Après le coronavirus, la prochaine crise mondiale pourrait être la guerre de l'eau | Le HuffPost
  • Une assistante maternelle peut-elle être payée quatre euros de l'heure, comme le dit Ruffin ? Libération.fr, Une assistante maternelle peut-elle être payée quatre euros de l'heure, comme le dit Ruffin ? - Libération
  • Avec autour de 200 millions d’iPhone vendus par an et près de 300 millions de smartphones Samsung, ce sont donc près de 500 millions de blocs d’alimentation qui sont expédiés chaque année pour, peut-être un usage négligeable ou redondant. Il en va de même des écouteurs : aujourd’hui, le kit main libre de base fourni avec la plupart des smartphones est un accessoire bas de gamme, facilement cassé et vite remplacé — quand il n’est pas tout simplement laissé dans la boîte. Numerama, Tous les smartphones doivent être vendus sans chargeur (et le plus tôt sera le mieux)
  • Bref, mon identité multiple, déracinée et dominée, exige d’être respectée en bloc, comme Clemenceau exigeait qu’on parlât de la Révolution. Alors c’en est fini de se moquer de mon patronyme et de mes parents. C’en est fini de rire de leur attachement à la République qui les a aidé, malgré tout et peut-être parfois même malgré elle, à être ce qu’ils sont devenus. Chacun doit respecter l’héritage des gens de mon sang mêlé de bâtard comme le fut mon arrière-grand-père qui, violence suprême, fut déposé de ce fait et nuitamment à l’établissement des Enfants Trouvés de Palerme. Ce que je suis, je le suis. Moi l’éternel métèque à qui on osa demander, alors qu’au nom de l’Assemblée Nationale dont j’étais un élu je venais présider la Commission de Surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations, si j’étais bien français ! Marianne, "Mon identité multiple, déracinée et dominée, exige d’être respectée en bloc" | Marianne
  • Une soixantaine de résidents d'un immeuble du quartier de Celleneuve à Montpellier ont dû être évacués par sécurité après l'embrasement du bâtiment la nuit dernière. France 3 Occitanie, Montpellier : 60 résidents d'un immeuble en feu évacués pour être mis en sécurité
  • Nicolas Ferran, responsable du pôle contentieux à l’Observatoire international des Prisons (OIP), explique en quoi cet arrêt pourrait être un grand pas dans la prise en compte des conditions de détention en France. L'Obs, Des détenus pourront être libérés en cas de conditions indignes : « L’occasion est historique »
  • Toujours selon la presse japonaise, le planning des compétitions ne devrait pas être changé dans sa majeure partie et tous les détenteurs de tickets auront la possibilité de se faire rembourser. Deux éléments qui devraient être entérinés lors de l'Assemblée Générale du comité international olympique (CIO) organisée le 17 juillet. L'Équipe, JO de Tokyo : tous les sites prévus en 2020 pourront être utilisés en 2021 - JO 2020 - L'Équipe
  • L'affaire Élodie Kulik, dont le supplice avait durablement marqué la région, mérite « une audience sereine, juste, équitable et dépassionnée », estiment les avocats de Willy Bardon, qui demandent à être reçus pour faire entendre leurs arguments. leparisien.fr, Affaire Élodie Kulik : Willy Bardon demande à être remis en liberté - Le Parisien
  • De tout ce qui fut nous, presque rien n'est vivant. Victor Hugo, Les Rayons et les Ombres, Tristesse d'Olympio
  • J'ai l'habit d'un laquais et vous en avez l'âme. Victor Hugo, Ruy Blas, V, 3, Ruy Blas
  • Être contesté, c'est être constaté. Victor Hugo, Tas de pierres, Éditions Milieu du monde
  • Je n'évolue pas, je suis. Pablo Ruiz Picasso, Cité par Gaétan Picon dans Les Lignes de la main, La Mesure de Picasso , Gallimard
  • Je ne balance pas, je veux être peuple. Jean de La Bruyère, Les Caractères, Des grands

Traductions du mot « être »

Langue Traduction
Anglais to be
Espagnol estar
Italien essere
Allemand sein
Chinois 成为
Arabe أن تكون
Portugais ser estar
Russe быть
Japonais することが
Basque izan
Corse esse
Source : Google Translate API

Synonymes de « être »

Source : synonymes de être sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « être »

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Être

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