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Hypotypose - Figure de style [définition et exemples]

Définition de l'hypotypose

L’hypotypose est une figure de style qui consiste à décrire de manière précise un objet ou une scène, développer de façon imagée une partie du récit et le rendre vivant. 

À l’instar de l'accumulation, l’hypotypose multiplie les éléments descriptifs du récit en donnant des détails. Ainsi, le lecteur va pouvoir se représenter la scène décrite, qui devient alors plus réaliste.

Cette figure de style stimule l'imaginaire du lecteur par la force du récit


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Pierre Fontanier la définit très justement comme une figure de style par imitation qui « peint les choses d’une manière si vive et si énergique, qu’elle met en quelque sorte sous les yeux, et fait d’un récit ou d’une description, une image, un tableau, ou même une scène vivante. »

Fréquemment utilisée dans de nombreux genres littéraires (policier, fantastique, romans, théâtre…), l’hypotypose apparaît dans une phrase, voire plusieurs phrases

Comme le montre cet exemple cité par Patrick Bacry dans Les Figures de style, le lecteur peut laisser libre cours à son imagination en visualisant le tableau de la scène décrite :

La lame aigüe de l’instrument, glissant du haut en bas, avait entamé la mâchoire. Une convulsion tirait les coins de la bouche. Du sang, caillé déjà, parsemait la barbe. Les paupières closes étaient blêmes comme des coquilles ; et les candélabres à l’entour envoyaient des rayons.

Gustave Flaubert, Hériodas

Autre exemple d'hypotypose, quand Théramène raconte la mort d’Hyppolyte, dans la pièce de théâtre Phèdre de Jean Racine, le côté très visuel du récit, suscite l’imagination du personnage Thésée et du spectateur, qui a l’impression que la scène se déroule sous ses yeux :

A peine nous sortions des portes de Trézène,
Il était sur son char. Ses gardes affligés
Imitaient son silence, autour de lui rangés ;
Il suivait tout pensif le chemin de Mycènes ;
Sa main sur ses chevaux laissait flotter les rênes ;
Ses superbes coursiers, qu'on voyait autrefois (…)
L'onde approche, se brise, et vomit à nos yeux,
Parmi des flots d'écume, un monstre furieux.
Son front large est armé de cornes menaçantes ;
Tout son corps est couvert d'écailles jaunissantes ;
Indomptable taureau, dragon impétueux,
Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
Ses longs mugissements font trembler le rivage.
Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage,
La terre s'en émeut, l'air en est infecté ;
Le flot qui l'apporta recule épouvanté. (…)

Jean Racine, Phèdre

Il est fréquent que de longs récits, souvent des descriptions de personnages ou d’objets, forment une hypotypose sur plusieurs pages. C’est ainsi que d’autres figures de styles se mêlent au récit, contribuant à la création de l'image. 

Pierre Bacry cite un extrait du livre IV de La Franciade, poème épique inachevé écrit par Pierre de Ronsard. Dans ce récit, « c’est en réalité un grand nombre de figures différentes qui concourent à produire l’effet désiré par Ronsard (…). L’hypotypose est donc moins une figure en elle-même que, le plus souvent, le résultat d’un concours de figures : elle se définit par l’effet qu’elle produit et non, comme la plupart des figures, par les moyens qu’elle met en œuvre, et qui sont très variables » :

Ainsi courra, de la fureur guidé,
Avec grand bruit ce peuple débordé.
Mais tout ainsi qu'alors qu'une tempête
D'un grand rocher vient arracher la tête,
Puis, la poussant et lui pressant le pas,
La fait rouler du haut jusques à bas :
Tour dessus tour, bond dessus bond se roule
Ce gros morceau qui rompt, fracasse et foule
Les bois tronqués, et d'un bruit violent
Sans résistance à bas se va boulant ;
Mais, quand sa chute en tournant est roulée
Jusqu'au profond de la creuse vallée,
S'arrête coi : bondissant il ne peut
Courir plus outre, et d'autant plus qu'il veut
Rompre le bord, et plus il se courrouce,
Plus le rempart, le pousse et le repousse ;
Ainsi leur camp en bandes divisé,
Ayant trouvé le peuple baptisé,
Bien qu'acharné de meurtre et de tuerie
Sera contraint d'arrêter sa furie

Pierre de Ronsard, La Franciade, IV

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Les personnalités politiques usent de ce procédé pour évoquer leurs idées, argumenter leurs discours de longues descriptions, sensibilisant ainsi leur auditoire. 

Hypotypose et diatypose

Il ne faut pas confondre l’hypotypose avec la diatypose, terme moins courant qui provient du grec désignant l’action de façonner, de modeler. On évoque la diatypose quand il y a un mouvement, une animation, une expression plus intense dans le récit.

Pierre Bacry définit la diatypose comme « la description dynamique d’une scène animée et agitée » alors que pour Bernard Dupriez, il s’agit d’une « hypotypose réduite à quelques mots ».

Étymologie et origine de l'hypotypose

Le terme hypotypose provient du grec ancien ὑποτύπωσις, hupotupôsis. Composé du mot « typos » qui signifie « frappe, impression » (se rapportant au vocabulaire de la typographie) et du mot « hypo » pour « sous », hypotypose signifie donc « esquisse, ébauche, modèle, image, tableau ».

L’hypotypose est souvent confondue avec l’ekphrasis (du grec ἐκφράζειν, signifiant « expliquer jusqu’au bout »). Dès le début de l’Antiquité grecque, l’ekphrasis se définissait, d’après Aélius Théon, comme « un discours qui présente en détail et met sous les yeux de façon évidente ce qu'il donne à connaître. Il y a des descriptions de personnes, de faits, de lieux, et de temps (…) Il y a aussi des descriptions de manière ». 

La description animée dont parle Aélius Théon, puis d’autres rhéteurs par la suite, sera nommée hypotypose à partir du XVIe siècle, et citée dans l’Art Poétique de Jacques Pelletier du Mans.

La notion d’ekphrasis est désormais utilisée pour écrire une description littéraire, réaliste et précise, d’une œuvre d’art, au point de la rendre présente pour le lecteur.

Exemples d'hypotyposes

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur

Victor Hugo, Demain, dès l’aube

L’alambic, avec ses récipients de forme étrange, ses enroulements sans fin de tuyaux, gardait une mine sombre ; pas une fumée ne s’échappait ; à peine entendait-on un souffle intérieur, un ronflement souterrain ; c’était comme une besogne de nuit faite en plein jour, par un travailleur morne, puissant et muet.

Emile Zola, L’assommoir

Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j'étouffe, je ne puis crier. C'est l'enfer, l'éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !

Arthur Rimbaud, Nuit de l’enfer

Son coursier écumant sous son maître intrépide,
Nage, tout orgueilleux de la main qui le guide.

Nicolas Boileau, Épîtres

La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j'étouffe, je ne puis crier. C'est l'enfer, l'éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !

Arthur Rimbaud, Nuit de l’enfer

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