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Laisser

Définitions de « laisser »

Trésor de la Langue Française informatisé

LAISSER1, verbe trans.

I. − Faire rester.
A. − Qqn/qqc. laisse qqn/qqc. (dans un lieu)
1. Quitter momentanément. Laisser qqn en chemin; laisser ses enfants, ses amis pour voyager; adieu, je vous laisse. Un matin de mai, les Chanteau, laissant au lycée Lazare, âgé alors de quatorze ans, partirent pour s'installer définitivement à Bonneville (Zola, Joie de vivre,1884, p. 822).J'ai des parents que j'ai laissés, il faut que j'aille les retrouver (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 120).Je demeure seul en face d'une idée fixe que je laisse, que je reprends, que je retourne, résume, amplifie (Mauriac, Du côté Proust,1947, p. 138):
1. Il laissa, dans l'antichambre, sa gabardine gorgée d'eau, son feutre déformé, ses gants, son jonc à pomme d'or. Puis il gagna son cabinet de travail. Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 214.
2. Quitter délibérément et définitivement.
a) Qqn laisse qqc.Laisser son dessert; laisser son appartement, sa maison, son pays. Au premier beau jour de printemps, la mère a disparu avec l'enfant, laissant meubles et hardes (France, Bonnard,1881, p. 292).À chaque œuf que vous mangiez (...) votre bonne maman ne manquait pas de s'écrier (...) : « Eh! laisse le blanc, petiton : il n'y a que le jaune qui compte! » (Gide, Si le grain,1924, p. 384):
2. Nous sommes semblables à ces personnes dégoûtées qui tâtent d'une viande, puis la laissent, et portent incontinent la main sur une autre, qu'ils laissent encore, et ainsi ils ne prennent goût à rien. Du Bos, Journal,1928, p. 27.
[P. allus. littér. à l'inscription à la porte de l'enfer de Dante] Laissez toute espérance, vous qui entrez. « Vous qui passez le seuil, laissez y l'espérance. » ... l'enfer est partout où l'espoir n'entre pas (Dumas Père, Alchimiste,1839, III, 4, p. 233).Il y a dans le surréalisme (...) l'héritage de Rimbaud, justement, que Breton résume ainsi : « Devons-nous laisser là toute espérance? » (Camus, Homme rév.,1951, p. 119).
En partic.
Abandonner (une activité, une opinion); cesser de s'occuper de, de parler de. Synon. renoncer à.− Vous avez le front de votre père, lui dis-je − Laissez le front de mon père (Giraudoux, Siegfried et Lim.,1922, p. 162).Je laissai toute fierté vis-à-vis d'Albertine, je lui envoyai un télégramme désespéré lui demandant de revenir à n'importe quelles conditions (Proust, Fugit.,1922, p. 476).Laissons l'analyse intellectuelle, ne quittons pas le domaine propre de la création poétique (Bremond, Poés. pure,1926, p. 112):
3. − Tu disais à Marion qu'il avait emmené sa femme à Vienne. − C'est un détail, fit Albert avec impatience; laissons cela, veux-tu; j'ai besoin de travailler. Chardonne, Épithal.,1921, p. 262.
Abandonner (une direction). Virginie, laissant les guérets, avait dû se diriger vers le château (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 488).Nous laissions à notre droite derrière nous la Corse, toute blanche, toute radieuse, comme une mariée, dans la matinée carillonnante! (Claudel, Part. midi,1949, I, p. 1078):
4. À la patte d'oie, où trois allées s'écartent en éventail, M. de Remilleret laissa à droite l'allée de Bouchebrand, à gauche celle de Malvaux, et prit au centre celle qui monte vers Buzidan. Genevoix, Raboliot,1925, p. 186.
[Pour sommer qqn de se décider à qqc., de faire un choix] C'est à prendre ou à laisser. Il faut accepter la chose telle quelle, selon les conditions fixées, ou y renoncer. C'est à prendre ou à laisser, Monseigneur; je veux savoir si, tout de bon, vous m'obéirez désormais (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 279).Il fallait qu'on marche avec lui!... C'était à prendre ou à laisser! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 512):
5. Quand je dis qu'elle propose... Je crois qu'il ne faut pas discuter : c'est à prendre ou à laisser. Voilà : elle règle naturellement toutes les dépenses de la maison, les voyages, les autos, enfin tout. Bourdet, Sexe faible,1931, I, p. 452.
P. ell. À prendre ou à laisser. Quatre-vingt mille francs comptant, et vous me laisserez les diamants (...). − Mais (...). − À prendre ou à laisser, reprit Gobseck en remettant l'écrin à la comtesse, j'ai trop de risques à courir (Balzac, Gobseck,1830, p. 414).Un certain style à l'emporte-pièce, la dure frappe impitoyable − vraiment à prendre ou à laisser − de profil de médaille (Gracq, Beau tén.,1945, p. 126).
Il y a à prendre et à laisser. Il y a de bons et de mauvais côtés, du vrai et du faux (dans une chose qui présente divers aspects contradictoires).
Loc. synon. fam. il y a à boire et à manger. Il condamne peut-être les méthodes en cours. − Il faut en prendre et en laisser (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 192):
6. Je suis loin de tout admettre sans distinction dans les tableaux d'Elstir. Il y a à prendre et à laisser. Mais ce n'est toujours pas sans talent. Et il faut avouer que ceux que j'ai achetés sont d'une beauté rare. Proust, Guermantes 2,1921, p. 501.
Emploi abs. [À l'impér., pour inciter qqn à ne plus s'occuper de qqc.] Ne pas intervenir (dans une situation). Synon. laisser tomber (v. laisser2).Laissez! Laissez donc! Je fis signe au garçon. Robert eut alors un geste étonnant : − Non, Monsieur, laissez : je peux bien vous offrir ça (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 209).Elle ne permettait pas à Henriette de laver la vaisselle : « Laissez, disait-elle, laissez, j'ai l'habitude... » (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 217):
7. (Elle se lève et il veut l'aider.) Laissez, mon fils, je ne suis pas infirme. Voyez ces mains qui sont encore fortes. Elles pourraient maintenir les jambes d'un homme. Camus, Malentendu,1944, I, 6, p. 140.
b) Qqn laisse qqn.Rompre avec. Synon. planter là, abandonner.Laisser sa famille, ses enfants, un ami. Cf. aussi laisser là (infra) et laisser tomber (v. laisser2).
En partic. Rompre avec (une femme) après un mariage ou après une liaison. Synon. lâcher (fam.), plaquer (pop.).Tu m'as aimée, un jour, et je m'en souviens. Il fallait me laisser comme les autres... comme Marie-Louise (Chardonne, Épithal.,1921, p. 310).
3. Mettre en dépôt, en garde. Synon. déposer.Laisser ses bagages à la consigne; laisser un enfant à la crèche, chez la gardienne, chez la nourrice. Faire la queue ennuyait les femmes : elles laissaient les pots, le laitier les emplissait, et elles venaient les chercher (Malraux, Espoir,1937, p. 537).
4. Oublier. Laisser son sac, ses gants, son parapluie chez qqn, dans le train. Il m'arrivait de laisser, par mégarde, sur ma table, au milieu d'autres lettres, une certaine qu'il n'eût pas fallu qu'elle vît (Proust, Guermantes 2,1921, p. 501).Grange cherchait ses lunettes. « Petit, j'ai dû les laisser à l'entrepôt » (Pourrat, Gaspard,1931, p. 21):
8. Sur la table, elle avait laissé son chapeau et son sac. Serge alla à la fenêtre et attendit que Marguerite apparût sur le trottoir. (...). − Tu as oublié ton sac, cria Serge, et il le lui lança. Nizan, Conspir.,1938, p. 215.
En partic. Ne pas remarquer, ne pas supprimer. Laisser des erreurs, des fautes, des répétitions. Le faussaire, en laissant l'adresse, a été d'une bêtise (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 399).En vingt ans... je n'ai jamais laissé une erreur dans un compte... ni dans une balance (Flers, Caillavet, M. Brotonneau,1923, III, 5, p. 22).
5. Perdre quelque part ou en quelque occasion ce qui nous appartient en propre (vie, santé, jeunesse) ou perdre des biens. (Y) laisser de l'argent, sa santé, sa fortune. Je suis sûr que si je quittais cette pauvre chambre, j'y laisserais le meilleur de moi-même (A. Daudet, Rois en exil,1879, p. 44).Jamais son fils ne se serait embarqué dans cette stupide exploitation des algues (...). Tant pis pour elle, si elle y avait laissé des sous! Lui, le pauvre garçon, y avait bien laissé de sa santé et de son avenir! (Zola, Joie de vivre,1884, p. 928).
Laisser sa vie au combat; y laisser la vie. Mourir. Non, je ne mourrai pas ainsi!... Je laisserai ma vie dans ma dernière morsure; mais elle sera mortelle (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 553).La mer est peuplée d'espèces assez voraces... pour faire disparaître promptement la dépouille des pauvres diables qui laissent leur vie dans les flots (Delacroix, Journal,1824, p. 110).
Au fig.
(Y) laisser la/sa peau, ses os (fam.), (y) laisser ses bottes (pop.). Mourir. Il n'entendait pas laisser ses bottes chez le mastroquet, à la fleur de l'âge (Zola, Assommoir,1877, p. 516).Tu travailles trop et c'est un sale climat. Tu finiras par y laisser la peau (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 44):
9. Piéchaud, l'aîné, avait failli laisser sa peau lors de l'arrestation d'un Polonais et sa joue droite portait la cicatrice d'une balle de revolver. Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 104.
(Y) laisser des plumes, des poils (fam.). (Y) perdre de l'argent; (en) éprouver quelque dommage ou désagrément. Laisser des plumes au jeu. Ne nous engageons pas à la légère dans une aventure où nous pouvons laisser des plumes (France, Île ping.,1908, p. 203):
10. En apprenant qu'il n'avait plus un franc et qu'il avait près d'un million de dettes, Saniette a eu une attaque. − Mais aussi pourquoi a-t-il joué? (...). De plus fins que lui y laissent leurs plumes... Proust, Prisonn.,1922, p. 324.
Y laisser sa dernière chemise. V. chemise ex. 2.
6. Faire subsister après soi.
a) Faire rester après son passage. Laisser une trace/des traces, une traînée; partir sans laisser d'adresse; fleuve qui laisse des alluvions; marée qui laisse des coquillages (en se retirant); liquide qui laisse un dépôt; eau qui s'évapore sans laisser de trace; boisson qui laisse un goût. Le coursier blanc comme lait (...) galopait, laissant derrière lui des tourbillons de poussière (Mérimée, Guzla,1827, p. 205).Quand il traversait les jardins, il voyait sur le sable des empreintes très fines comme en laissent les gazelles (Barrès, Jardin Oronte,1922, p. 16).Le vin coulait frais dans la gorge, vous laissait au palais une rustique et bonne âpreté (Genevoix, Raboliot,1925, p. 134):
11. Il s'appuya au dossier de sa chaise, et allongea sa jambe. (Son accident lui avait laissé au genou droit une raideur qui, certains jours, le faisait boiter légèrement.) Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 26.
P. anal. Laisser des regrets, un bon souvenir, une bonne/mauvaise réputation; laisser le souvenir d'un homme bon, doux, dévoué. Quand il sort, il laisse un froid, au milieu de nous... (Goncourt, Journal,1887, p. 729).Son ancien diocèse, où il avait laissé la réputation d'un brave homme inoffensif (Bernanos, Imposture,1927, p. 338).
Au fig. Avoir pour conséquence, être suivi d'(un effet durable). Coup qui laisse des marques, blessure qui laisse des cicatrices; maladie qui laisse des séquelles; souvenir qui laisse un goût d'amertume; voyage qui laisse des souvenirs agréables. Ils allèrent à Pompéi, à Salerne, à Paestum, belles visions trop courtes qui laissaient dans l'esprit de blanches et confuses images comme un rêve à demi oublié (Maurois, Ariel,1923, p. 257):
12. ... le poème de Dante, les romans de d'Annunzio sont une succession d'images, et laissent l'impression étrange d'une œuvre d'art non point faite (...) pour se dérouler dans le temps, mais pour s'étaler dans l'espace. Faure, Espr. formes,1927, p. 102.
b) Abandonner après sa mort.
Laisser une femme, des descendants, des héritiers. Si je mourais en laissant des enfants, il [Gobseck] serait leur tuteur (Balzac, Gobseck,1830, p. 420).Au bout d'un an, elle est morte, me laissant un enfant (Claudel, Violaine,1901, I, p. 591).
Laisser des manuscrits, une fortune, un héritage, un nom. Un médecin de Châlons (...) mort il y a une dizaine d'années en laissant une grande réputation dans les départements de l'est (Goncourt, Journal,1895, p. 846).Il n'a pas tardé à mourir en laissant quelque douze cents francs (Barrès, Cahiers, t. 7, 1908, p. 81).
7. Faire subsister à côté. Synon. ménager.Laisser une marge, un espace, un intervalle. La division claustrale qui divise le bâtiment en chambres d'égale grandeur, en ne leur laissant d'autre issue qu'un long corridor (Balzac, Gobseck,1830p. 384).Les grandes nébuleuses de l'hémisphère austral scintillaient comme des taches de phosphore, laissant entre elles des espaces vides, de grandes trouées noires (Loti, Mariage,1882, p. 149).Je me mis à écrire en lettres minuscules, sans laisser un espace blanc (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 68).
B. − Qqn/qqc. laisse qqn/qqc. + adj. attribut ou compl. circ. indiquant un état.
1. [Le suj. est une pers.] Faire rester (en abandonnant, en renonçant à, en se débarrassant de) dans tel état. Laisser (qqn) ahuri, interdit; laisser qqn à la porte, debout, dehors, dans le froid, dans le doute, dans l'embarras, dans l'erreur, dans la misère, sans le sou. Elle était partie en laissant l'enfant endormi (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1066).On comprenait mal qu'elle laissât dans l'oisiveté un garçon de vingt ans (Radiguet, Bal,1923, p. 80):
13. Je m'apercevais que j'étais différent des autres, sans savoir si c'était en bien ou en mal, et cela m'effrayait. Enfin, j'étais surpris douloureusement de voir mes parents me laisser sans conseils et sans direction, comme s'ils ne découvraient aucun emploi qui me convînt. France, Vie fleur,1922, p. 431.
Laisser un travail inachevé, un crime impuni; laisser le champ libre (v. champ1III), la bride sur le cou (v. bride A 2 a) à qqn; laisser une terre en friche, un ouvrage en chantier, la porte/la fenêtre ouverte, la lumière allumée; laisser tout en désordre, à l'abandon; laisser les choses telles quelles, en l'état. Afin de n'avoir personne dans la maison qu'il (...) habitait, il s'en était fait le principal locataire et il en laissait toutes les chambres inoccupées (Balzac, Gobseck,1830, p. 437).Il laissa sa tête découverte par déférence (Proust, Temps retr.,1922, p. 861):
14. Elle s'éveillait de bonne heure, sautait à pieds nus sur le carrelage rugueux de sa chambre qu'elle laissait dans la poussière et sans entretien; elle se lavait en un cabinet obscur et très froid l'hiver. Jouve, Paulina,1925, p. 121.
Laisser qqn seul (souvent à l'impér.). Se retirer, quitter quelqu'un pour qu'il soit seul. Laisse-moi seul un moment et empêche qui que ce soit d'entrer ici. Ernest sortit (Balzac, Gobseck,1830p. 432).Je m'en allai, le laissant seul (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 265).
Laisser (qqn) tranquille, en paix (loc. fam.). Ne pas ou ne plus importuner. J'ai prié cet homme [le gardien du musée de Grenoble] de me laisser tranquille à cette fenêtre et d'aller... s'asseoir dans son fauteuil (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 198).Mon Dieu, si elle pouvait nous laisser tranquilles (Proust, Sodome,1922, p. 863):
15. − Est-ce qu'il est tué? Un grand « oui » de la tête, et (...) une sorte de plaisir, comme si maintenant tout était dit, comme si maintenant c'était fini, on allait le laisser en paix, et toujours : « Oui. Oui. Tu as trouvé. Tu sais ce que tu voulais. Maintenant laisse-moi en paix. » Montherl., Songe,1922, p. 163.
[P. ell. du compl. circ.] Laissez-moi donc! − Minet-chéri, si tu disais bonsoir gentiment à Mme Bruneau? − Elle dort à moitié, laissez-la, cette petite (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 74).Laissez-le, chère amie, il a tout l'air d'être enragé. D'ailleurs il n'a rien. Bella caressait le chien. Il était sur le flanc (Giraudoux, Bella,1926, p. 154):
16. − Laissez-moi. Je n'ai besoin de rien. C'est un peu de fièvre. La vieille demanda si elle voulait de la quinine : − Non, rien, rien que le repos, que me tourner contre le mur. Allez-vous en. Mauriac, Génitrix,1923, p. 341.
Laisser qqn pour mort. S'éloigner de quelqu'un en étant persuadé qu'il est mort (tué). Dantès tomba sur lui, le laissa pour mort. Remis des coups, Narracq se tint muet (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 91).
Laisser (qqn/qqc.) de côté. Ne pas s'occuper de (v. côté II C 2). Synon. laisser tomber (v. laisser2).Ils n'avaient guère de relations et c'étaient de ces gens qu'on laissait de côté, hors des grandes occasions (Proust, Sodome,1922, p. 676).
Laisser (qqn) derrière soi. Dépasser, distancer, et au fig. surpasser. Je pense encore pour le soyeux, pour l'incarnat vivant de la copie que vous en faites. Ah! vous laissez bien loin derrière vous Pisanello et Van Huysum, leur herbier minutieux et mort (Proust, Guermantes 1,1920, p. 214).Des milliers de mystiques ont puisé à sa flamme des ardeurs tellement passionnées qu'elles laissent loin derrière elles, en éclat et en pureté, les élans et les dévotions de n'importe quel amour humain (Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 329).
Laisser (qqn/qqc.) en plan (fam.), en rade (pop.), en carafe (pop.). Quitter brusquement; quitter définitivement. Synon. planter là.Je laissai en plan une marquise pour la gouvernante d'un chanoine (Toulet, Mar. Don Quichotte,1902, p. 70).
Laisser en blanc (un mot, un nom, une inscription). Réserver la place de (pour le préciser ultérieurement). La séance fut levée, après que chacun eut signé, sur le registre, la délibération, que le maître d'école avait préparée à l'avance, en laissant en blanc le résultat du vote (Zola, Terre,1887, p 163).
Laisser là (qqn/qqc.). Quitter brusquement; abandonner; cesser de s'occuper de. Laissons là les vains rêves; à part quelques moments de crise, toujours le choix des Ministres dépendra des intrigues de la Cour (Marat, Pamphlets, Suppl. Offrande à la Patrie, 1789, p. 47).Les habitans (...) devenaient tous comme insensés de désespoir; ils laissaient là femmes et enfans, et s'en allaient éperdus (Barante,Hist. duc. Bourg., t. 4,1821-24,p. 349).− (...) ma belle-mère m'avait adoptée (...). − Laissons-là mes parents, voulez-vous? coupa-t-il sèchement (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 30):
17. Puis un jour, laissant sa petite maison, emportant ses meubles et son mari dérisoire, elle déménagea et s'en fut habiter très loin de nous, tout là-haut, à Bel-Air. Colette, Mais. Cl.,1922, p. 78.
Laisser (une marchandise, et au fig. qqn) pour compte. V. compte II C 3 a et laissé-pour-compte.
2. [Le suj. désigne une chose; l'obj. désigne une pers. ou une partie de lui-même] Cela me laisse rêveur. Le gardien, que le costume hétéroclite de son professeur inattendu laissait encore incrédule et défiant (Vallès, Réfract.,1865, p. 70).L'émotion poignante de la confession de sa mère le laissa sans énergie pour se révolter (Maupass., Pierre et Jean,1888, p. 414):
18. Presque tous mes songes se déroulent dans un silence effrayant. Ceux où il y a du bruit, des paroles, des chants, sont rares : ils me laissent l'âme bouleversée pour plusieurs jours. Duhamel, Confess. min.,1920, p. 79.
Qqc. laisse qqn froid (fam.), indifférent. Ne pas toucher, ne pas intéresser. Ça me laisse froid. Rendre service au pays. Bien faire. Tout le reste leur est égal, les laisse froids (Barrès, Cahiers, t. 5, 1907, p. 159):
19. − Il est impossible (...) de mettre plus de bonne volonté (...) dans les efforts que je ne cesse d'accumuler pour me prendre aux choses de la vie. Impossible! Tout me laisse froide et complètement, désespérément indifférente. Je n'ai jamais réussi à avoir d'amour pour personne... Gobineau, Pléiades,1874, p. 191.
II. − Faire garder.
A. − Qqn/qqc. laisse qqn/qqc. à/pour qqn/qqc.
1. Remettre, confier. Laisser des consignes à ses subordonnés, un mot, un message, une carte (de visite) à qqn; laisser des arrhes à un fournisseur, des fonds à un notaire. Nous sortons tous les deux, laissant petit Pierre à sa grand'mère (Loti, Mon Frère Yves,1883, p. 421).Elle avait laissé les clefs aux Misard, en les chargeant de montrer la propriété, si des acquéreurs se présentaient (Zola, Bête hum.,1890, p. 121).Mme Caroline, laissant son propre ménage aux soins de l'unique bonne qui les servait (Zola, Argent,1891, p. 66):
20. Une après-midi, par un des derniers beaux jours de la saison, Claude avait emmené Christine, laissant le petit Jacques à la garde de la concierge, une vieille brave femme, comme ils faisaient d'ordinaire, quand ils sortaient ensemble. Zola, Œuvre,1886, p. 230.
Être laissé à soi-même. Synon. être abandonné, livré à soi-même.Palmerston laissé à lui-même effrayait l'Europe sans jamais la troubler (Maurois, Dialog. commandement,1924, p. 40).Le dîner pris, elles [des dames] nous laissèrent à nous- mêmes, et une tout autre conversation s'institue entre la pipe de Henley et toutes mes cigarettes (Valéry, Regards sur monde act.,1931, p. 101).
2. Céder. Laisser la/sa place, le passage, la parole à qqn; laisser à qqn le soin de, le temps de, l'honneur de, l'initiative de. Il [Dumas] me laisse les premiers numéros de son journal, qui est charmant (Delacroix, Journal,1832, p. 120).Un moment, elle le dévisagea, dans une révolte de tout son être, elle qui d'habitude s'abandonnait docilement, pour les questions d'affaires, lui laissant la signature des traités avec ses directeurs et ses amants (Zola, Nana,1880, p. 1344).
COMM. Consentir à vendre à bas prix, à un prix avantageux pour le client. Synon. solder.Laisser une marchandise à qqn à/pour x francs, à moitié prix, à bon compte, à bon prix. Ce Christ-là vaut cinquante mille francs; mais je le laisserai à trente mille (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Bar., 1887, p. 1303).Le billet était marqué 7 pesetas : on le laissa pour 12 (Montherl., Bestiaires,1926, p. 400):
21. On citait entre autres cinq pierres de prix qui valaient réellement plus de 40 000 francs, et que, dix jours avant la mort du prince, on avait laissées pour 35 000 francs, parce que, disait-on, on avait besoin d'argent. Stendhal, Chartreuse,1839, p. 402.
3. Garder, réserver. Laisser du gâteau à qqn/pour qqn. Il fallait émonder l'arbre, ne lui laisser que les maîtresses branches (Genevoix, Raboliot,1925, p. 138).
Loc. fig. Laisser à qqn du pain* sur la planche, une poire* pour la soif.
Loc. fam. Ne laisser à qqn que les yeux pour pleurer. On a sûrement tué quelqu'un aujourd'hui (...) le fils, notre cheval, le blé, maintenant les chèvres. Dites, vous nous laissez les yeux pour pleurer? (Giono, Gd troupeau,1931, p. 126).
En partic. Abandonner à quelqu'un (ce qui lui revient ou ce qui semble lui être propre). Laissons cela/ce genre de plaisanteries à d'autres; laissons ces méthodes, ces procédés aux charlatans. Il me fâche qu'on parle correctement dans le particulier. Il faut laisser cela aux conférenciers (France, Vie fleur,1922, p. 551):
22. Laissant à Hogarth ses idées morales et utilitaires que reprirent plus tard les Cruikshand; abandonnant, après de nombreux essais, à James Gillray, ses sujets politiques, il s'attaqua aux mœurs et les peignit en d'incomparables satires... Huysmans, Art mod.,1883, p. 225.
4. Accorder. Laisser le choix, la vie, la liberté à qqn. La possibilité ou l'attente d'être distrait commencent déjà à énerver le peu de force que me laisse le temps mal employé de la veille (Delacroix, Journal,1824, p. 67).L'asthme lui laissait du répit. Il sommeillait jusqu'au petit jour sans le secours d'aucun narcotique (Mauriac, Baiser Lépreux,1922, p. 176).
Laisser la paix à qqn. Loc. synon. laisser qqn en paix, tranquille; synon. fiche (fam.) ou foutre (vulg.) la paix à qqn. Qu'on me laisse la paix, à la fin! J'en ai assez des amours des autres! (Mauriac, Mal Aimés,1945, II, 2, p. 232).Folcoche me laisse une paix relative. Elle a compris la nécessité de changer encore une fois de politique (H. Bazin, Vipère,1948, p. 227).
5. En partic. Transmettre (un bien) par succession, par donation ou par disposition testamentaire. Synon. léguer.Laisser à ses enfants, à ses héritiers une maison, une propriété, des terres, une fortune, une rente, un héritage; laisser une somme à une œuvre, des legs à qqn. Mon testament est chez mon notaire. Il lui dit alors qu'il lui laissait en viager l'usufruit de sa fortune (France, Jocaste,1879, p. 65).Plus tard, ils pourraient l'adopter [la petite], par exemple, lui laisser leur bien, ça s'est vu (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 242):
23. Le roi d'Espagne Charles II, beau-frère de Louis XIV et de l'empereur Léopold, allait mourir sans enfant. Selon que Charles II laisserait sa succession à l'un ou à l'autre de ses neveux, le sort de l'Europe serait changé. Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 250.
P. anal. Transmettre à la postérité. [Il] mourut (...) dans la pauvreté la plus noire, nous laissant, en sus de caricatures politiques, d'illustrations de livres et d'études de mœurs, une série de planches gaillardes (Huysmans, Art mod.,1883, p. 226).
En partic. [À la Messe, dans la liturg. de la Communion, paroles du Christ dans l'Évangile, cf. St Jean, chap. 17, verset 27] Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. La première des trois prières d'avant la communion : « Seigneur Jésus-christ, qui avez dit à vos Apôtres : je vous laisse ma paix, je vous lègue ma paix » (Billy, Introïbo,1939, p. 153).
B. − Qqn/qqc. laisse qqc. à faire à qqn/à qqc.
1. Qqn laisse qqc. à + inf. + à qqn.Charger (quelqu'un) de (faire quelque chose). Vous détruisez l'œuvre des siècles, vous ne laissez rien à faire aux barbares (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 136).
Arch., littér. Laisser à + inf. à qqn.Vous voulez tout faire par vous-même, ne rien laisser à faire à Dieu (Du Bos,Journal,1927,p. 240).Laissons à faire à la mort; à quoi bon aider à son jeu? (Gide, Carnets Égypte,1939, p. 1062).
2. Qqn laisse (à qqn) à + penser/juger + complétive ou interr. indir.Réserver, abandonner (à quelqu'un) le soin de penser, de constater par lui-même, ne pas expliquer ce qui paraît suffisamment clair. Je vous laisse à penser, à juger ce que..., combien..., quel..., si... Je laisse à penser avec quel plaisir Mlle Louison entendit proclamer le nom du vainqueur (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 211).Il les eut toutes comme il voulut. Tant que, voulant avoir aussi celle du roi, c'est-à-dire sa maîtresse d'alors, il la fit marchander, dont le roi se fâcha et le mit en prison. S'il fit bien, c'est un point que je laisse à juger (Courier, Pamphlets pol., Disc. souscr., 1821, p. 82):
24. − Vous avez un fameux coup d'œil! s'exclama le révérend. Je vous laisse à penser quel fut le succès de notre retour. Frédie et moi, nous portions le renard attaché par les pattes à une grosse branche, comme les nègres quand ils ont tué un lion. H. Bazin, Vipère,1948, p. 69.
3. Qqn, qqc. laisse (à qqn) à + inf.
Emploi ell.
Laisser à penser. Donner matière à réflexion. Cela laisse à penser. Il néglige saint Thomas pour écrire un poème dont nous ne connaissons que le titre, mais qui laisse à penser : les Bains de Vénus (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 48).
Laisser à entendre (v. entendre II A 1 b rem.).
Laisser à désirer (v. désirer II B 1).
Prononc. et Orth. : [lεse], [le-], (il) laisse [lεs], [lε:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Ne pas intervenir; se comporter de telle sorte qu'une pers., une chose, restent dans le même état. A. Laisser suivi d'un inf. formant une loc. verbale à valeur permissive. 1. avec un inf. de verbe intrans. a) laissier ca 881 (Eulalie, 28, ds. Henry Chrestomathie, p. 3 : a lui [Christus] nos laist venir); 2emoitié xes. (St Léger, éd. J. Linskill, 95 : En u monstier me laisse intrer); fin xes. (Passion, éd. D'Arco S. Avalle, 232 : Poisses laisarai l'en annar); mil. xies. (Alexis, éd. Chr. Storey, 79 : Drecent lur sigle, laisent curre par mer); 1376 cynégét. (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 34, 2 : Se je lesse courre mes chiens au[s] biches); b) pronom. soi laissier ca 1160 soi laissier morir (Eneas, 6884 ds T.-L. s.v. morir); 1176-81 soi lessier cheöir [aux pieds de qqn] « se jeter aux pieds de qqn » (Chrétien de Troyes, Lion, éd. M. Roques, 6720); 2. avec un inf. de verbe trans. a) laissier mil. xies. (Alexis, 579 :... sil laissent metra an terre); b) soi laissier 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 4068 ds T.-L. : a ces dous voleit qu'il se laissast jugier). B. Maintenir (qqn, qqc.) dans un état déterminé 1. fin xes. « laisser subsister, maintenir » (Passion, 64 : Pedra ssubr'altre non laiseront); 1160-74 (Wace, Rou, éd. J. Holden, II, 809); 2. 1176-81 « laisser la liberté, relâcher » (Chrétien de Troyes, Chevalier au Lion, 4332). C. 1160-74 trans. « permettre (qqc.) » (Wace, Rou, II, 1777). II. Mettre une distance entre qqc. et soi; ne pas garder avec soi. A. S'éloigner volontairement 1. a) de qqc., d'un lieu ca 881 (Eulalie, 24, Volt lo seule lazsier); 1155 (Wace, Brut, 13498 ds T.-L. : Celles laissent e abeïes [li bon moine]); b) p. ext. ca 1100 « (dans un parcours) passer devant un lieu sans y pénétrer, y aborder » (Roland, éd. J. Bédier, 2641 : Laisent Marbrise [nom d'un lieu imaginaire]); 2. d'une pers. a) 2emoitié xes. (St Léger, 127 : Domine Deu il lo laissat); b) mil. xieavec attribut du compl. d'obj. (Alexis, 470 : Ou [la maisun] tum laisas dolente ed eguarede). B. 1. Faire demeurer dans un lieu (qqn, qqc.) qu'on ne peut emmener avec soi ca 1100 une pers. (Roland, 3677); 2. ca 1170 une chose (Marie de France, Lais, Fresne, éd. J. Rychner, 306 : Le cofre fist of sei porter; Ne volt lessier ne ubliër). C. Céder 1. ca 1100 « léguer (un bien) » (Roland, 315); 2. 1160-74 « céder (des hommes à qqn pour qu'ils passent sous son obédience) » (Wace, Rou, III, 920 : Les païsanz a mei lessez). D. Perdre, se trouver séparé d'un bien personnel, d'une partie de soi-même 1. ca 1100 laissier sun tens « perdre la vie » (Roland, 1419); 2. 1616 « se trouver involontairement séparé de pers. ou de choses qui demeurent après soi » (D'aubigné, Tragiques, Princes ds Littré : Nous lairrons des enfants qui seront nez esclaves); 3. 1690 « faire demeurer une marque, une trace après soi » (Fur. : ce vin laisse un mauvais goust...; le gibier laisse quelques vestiges ou sentimens par où il passe) [cf. laisse étymol. et Hist. III]. III. Renoncer à, s'abstenir, négliger de; cesser. A. Renoncer à, s'abstenir de qqc. 2emoitié xes. (St Léger, 106; 148 : Quae tot ciel miel laisses por Deu). B. Abandonner, interrompre qqc. en cours fin xes. « interrompre un récit » (Passion, 278 : Lai dei venir o eu laisai); 1216 (Guillaume Le Clerc, Fergus, 4, 19 ds T.-L. : la chace ne laissera Dusqu'adonques que il avra Le cerf pris). C. Laisser de côté, omettre, négliger ca 1100 « laisser de côté, faire volontairement abstraction de » (Roland, 229 : Laissun les fols, as sages nus tenuns!); ca 1274 « oublier, omettre » (Adenet Le Roi Berte, éd. A. Henry, 2585). D. Manquer, s'abstenir, négliger, cesser de. 1. mil. xies. ne laissier ne + subj. « ne pas manquer de » (Alexis, 209); ca 1100 laissier que ne + subj. (Roland, 893); 1387-91 ne laissier de + inf. (Gaston Phébus, Chasse, éd. G. Tilander, 19, 38); ne pas laisser que de + inf. est condamné en 1687 par Th. Corneille, Rem. sur la langue fr. de M. de Vaugelas, t. 2, p. 906, au profit de ne pas laisser de + inf.; 2. 1119 intrans. « cesser » (Philippe de Thaon, Comput, 2018 ds T.-L.); spéc. « cesser de parler » ca 1200 laissier de [aucune rien] (Renaut de Montauban, 202, 35, ibid.) ca 1230 emploi abs. laissiés (Chevalier deux épées, 3408, ibid.). Du lat. laxare « détendre, relâcher, libérer (au propre et au fig.); lâcher, quitter, abandonner, céder, déguerpir »; à basse époque « permettre, laisser, accorder » (TTL, s.v., 1074, 42 sqq.) au Moy.-Age (v-vies. laxare + inf. « laisser (+ inf.) », v. Lofstedt, pp. 191-192; TLL s.v., 1074, 58-59; Nierm. L'a fr. possède à côté du paradigme répondant à laissier, un paradigme répondant à laiier (ind. prés. 3 laie; imp. 6 layevent (lorr.); parfait 3 laia, 6 laierent; impér. 5 laiés; inf. laiier; part. prés. laiant, passé laiié) dont H. Stimm ds Mél. Lommatzsch, 1975, pp. 371-383 a montré qu'il était uniquement pic. et lorr. (cf. encore dans les patois mod. de Picardie, Lorraine et Franche-Comté ds FEW t. 5, p. 225a). H. Stimm, notant que delaiier (v. délai) n'a pas la même répartition géogr., voudrait séparer les deux verbes. Délayer* représenterait un got. *bilaibjan « laisser » (cf. all. bleiben), avec romanisation du préf., d'où le franco-prov. balaiier « retarder »; laiier viendrait d'un frq. occ. *laibjan. Cependant les formes d'Italie du Nord lagare font difficulté. Il paraît donc préférable de ramener toutes ces formes à un type *laggare (en composition *delaggare, *relaggare) altération très anc. du lat. laxare d'apr. un gaul. *laggos « mou » (cf. EWFS2, s.v. délai).

LAISSER2, verbe (semi-)auxiliaire.

I. − Qqn/qqc. laisse qqn/qqc. + inf.
A. − Permettre de, ne pas empêcher de.
1. [Le verbe à l'inf. est intrans. (ou pronom.)] Laisser s'échapper/échapper un animal; laisser qqn passer/passer qqn; s'effacer pour laisser passer qqn; laisser qqn entrer, sortir, partir, venir, parler, mourir, dormir, travailler. Les Josserand allèrent passer quinze jours chez un ami, près de Pontoise, en laissant se répandre la rumeur qu'ils partaient pour une ville d'eaux (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 259).Il (...) baignait l'horrible plaie en laissant couler dessus un petit filet d'eau claire (Maupass., Contes et nouv., t. 1, En mer, 1883, p. 97).C'était une personne d'ordre qui ne laissait rien traîner (Aymé, Jument,1933, p. 72):
1. Les mondains qui ne veulent pas laisser la politique s'introduire dans le monde sont aussi prévoyants que les militaires qui ne veulent pas laisser la politique pénétrer dans l'armée. Proust, Prisonn.,1922, p. 235.
SYNT. Laisser paraître (un sentiment); laisser faire le temps; laisser aller les choses; laisser passer les voitures; laisser passer l'heure, le temps, une occasion; laisser dormir, mûrir, venir qqc. (au fig.); laisser errer son regard, laisser son regard errer au loin; laisser éclater sa joie.
Loc. verb. en emploi intrans. ou abs.
Laisser dire. Ne pas se soucier de ce que disent les autres. On disait aussi : « Ce petit a la soif de s'instruire; il dévore le Larousse! » et je laissais dire (Sartre, Mots,1964, p. 56):
2. ... on célébrait le confort du « petit hôtel » comme si mon oncle en avait le seul occupant, et il laissait dire, sans opposer le démenti formel qu'il aurait dû. Proust, Sodome,1922, p. 1057.
Loc. proverbiale. Bien faire et laisser dire (v. faire1II A 5).
Laisser faire. Ne pas intervenir (dans une action humaine ou dans le cours des événements); ne pas se soucier de ce que font les autres. Ils (...) empoigneront, exigeront la flotte française (...). L'Allemagne laissant faire (Barrès, Cahiers, t. 2, 1900, p. 171):
3. Ne pouvant plus compter sur Jacques II, Louis XIV prit le parti de laisser faire, dans l'idée que l'usurpation de Guillaume d'Orange entraînerait une longue guerre civile et immobiliserait l'Angleterre et la Hollande à la fois. Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 246.
Laissez faire, laissez passer (écon.). Devise du libéralisme économique (attribuée à Gournay ou à d'Argenson) excluant toute entrave à la production et au commerce. La liberté, c'est la solution de tous les problèmes économiques et sociaux, laissez faire, laissez passer (Fondateurs 3eRépubl., Clemenceau, 1884, p. 272).Pour le gouvernement, laisser faire et laisser passer ce serait livrer la nation à des troubles irrémédiables, car sous le choc de la libération l'inflation serait déchaînée et l'on verrait crouler toutes les digues (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 180).Au fig. Allez! laissez passer, laissez faire; l'Amour Reconnaîtra les siens; il est aveugle et sourd (Laforgue, Poés.,1887, p. 193).
Laisser faire à qqn (vieilli). Bah! maman, laisse faire à papa, le bon Dieu l'a toujours protégé (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 102).Fais ton devoir en paix, et laisse faire aux dieux (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1420):
4. Ici, le rayon de midi réapparaît. Il doit tomber à pic sur l'axe de la tuile. Et on laisse faire au soleil. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 197.
Laisser tomber*, choir* (au fig.).
Laisser aller (v. aller1ex. 5 et I B 1 et laisser-aller).Je ne me soucie même pas de chercher des mots. Ça coule en moi, plus ou moins vite, je ne fixe rien, je laisse aller (Sartre, Nausée,1938, p. 21).Laisser aller les choses (v. chose1II A 1).Laisser tout aller. Négliger ses affaires. Elle laissait maintenant tout aller dans son ménage (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 75).
Laisser courir (v. courir I A 1 b β).
Laisser pisser* le mérinos.
Laisser courre (vén.). Découpler les chiens pour attaquer une bête de chasse. (Ds Baudr. Chasses 1834, Duchartre 1973). V. aussi laisser-courre.
Laisser arriver, laisser porter (mar.). Changer d'allure pour arriver vent arrière. Synon. laisser abattre. (Ds Bonn.-Paris 1859).Vent d'est. Dans la matinée, vers quatre heures, au lieu de courir en travers du détroit on laisse porter (Bellot, Voyage mers polaires,1863, p. 102).Le Pourquoi-Pas? est un rude bateau; petit à petit il gagne au vent lentement et à 4 h 30, avec un soupir de soulagement je « laisse arriver » dans le détroit de Magellan (Charcot, « Pourquoi-Pas? »1908-10, 1910, p. 364).
2. [Le verbe à l'inf. est trans.]
a) [Inf. trans. dir.] Laisser qqn reprendre ses esprits. Si vous avez confiance en ma tendresse, laissez-moi vous guider dans la vie (Balzac, Gobseck,1830, p. 380).Heureux d'avoir trouvé un confident à qui se plaindre, ne le laissant pas placer un mot, il se soulagea (Zola, Terre,1887, p. 297).Elle estimait qu'il n'aurait pas été séant de le laisser faire un pas de plus, sans le reconduire (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 64):
5. D'abord, il laissa le cocher suivre la rue jusqu'au bout, sans l'arrêter; puis, il la lui fit redescendre, et cela à trois reprises. Zola, Pot-Bouille,1882, p. 308.
Rem. Je le/lui laisse lire ce livre. Laisser + inf. + à peut introduire un compl. d'agent, mais peut aussi être considéré comme le suj. de la prop. infinitive. Pour la nuance de sens entre le laisser + inf. et lui laisser + inf., v. lui1, leur. « Est-ce qu'il n'y a pas qu'une maman qu'on peut aimer toute seule? » laissant faire à sa mère le complément du raisonnement (Goncourt, Journal, 1891, p. 124).
Loc. Laisser entendre, supposer que. Donner à penser que. Le concierge laissa même entendre que, s'il en poussait un quatrième, le propriétaire leur donnerait congé, car trop de famille dégradait un immeuble (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 360).Si un mot de moi pouvait laisser supposer que je ne resterais pas à la maison, son air inquiet donnait à penser que la joie qu'elle aurait à me voir sortir sans cesse, n'était peut-être pas très sincère (Proust, Prisonn.,1922, p. 129).
b) [Inf. trans. indir.] Laisser (qqn) parler de, rêver à. Marinette se passerait plutôt de pain que de m'en laisser manquer (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 78).
B. − Qqn/qqc. se laisse + inf.Consentir à, céder à, s'abandonner à.
1. [Se est suj. de l'inf., dans des tours pronom. à sens réfl.] Se laisser mourir de faim, se laisser glisser. Il eut un geste vague de protestation, en se laissant tomber sur une chaise (Zola, Joie de vivre,1884, p. 1037).
Au fig. Se laisser aller. S'abandonner; se négliger. Joseph se laissait aller, et commençait à devenir plus communicatif et plus animé qu'elle ne l'eût souhaité (Sand, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 312).J'ai tâché de le remonter, je lui ai dit : « Il ne faut pas se laisser aller (...) » (Proust, Guermantes 1,1920, p. 310):
6. ... avec ma redingote défraîchie et mes souliers à semelle de bois, je n'avais vraiment pas bonne mine (...); Scriassine arrivait d'Amérique où les femmes sont si soignées, il allait remarquer mes sabots. « Je n'aurais pas dû tant me laisser aller », pensai-je. Beauvoir, Mandarins,1954, p. 67.
Se laisser aller à. V. aller1ex. 33.
Fam. Se laisser vivre. Ne pas se faire de soucis. Volontiers il (...) flâne et se laisse vivre, et, à ce prix, il se résigne fort bien à n'avoir qu'un habit râpé (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 236).François retomba dans une fausse quiétude. (...) il continuait à se laisser vivre à la merci de la minute présente (Radiguet, Bal,1923, p. 159).
2. [Se est compl. d'obj. dir. de l'inf., dans des tours pronom. à sens passif] Se laisser battre, bercer, charmer, emporter, prendre, séduire, intimider, impressionner, tromper, toucher. J'ai fait amitié à un chat angora charmant qui me suivait et qui s'est laissé caresser (Delacroix, Journal,1853, p. 44).Laisse-toi soigner puisque tu es malade (Maupass., Pierre et Jean,1888, p. 377).De jeunes touffes de lilas se laissaient balancer par la brise (Proust, Guermantes 1,1920, p. 157):
7. Obéir n'est pas se laisser passivement conduire, ainsi qu'un aveugle suit son chien. Une vieille religieuse comme moi ne souhaite rien de plus que mourir dans l'obéissance, mais dans une obéissance active et consciente. Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 5etabl., 12, p. 1711.
Se laisser mener par le bout du nez. V. bout ex. 22.
Se laisser gagner à, prendre à. Je ne me laisserais pas prendre à ses flatteries (Dumas père, Halifax,1842, I, 11, p. 44).Il se laissa gagner à la gaieté commune (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 157).
Se laisser faire. Ne pas s'opposer à la volonté de quelqu'un, céder à ses désirs; ne pas réagir. Au plus vif de mon plaisir je me demande si l'incomparable causeur − et l'auditeur qui se laisse faire − ne pèchent pas également par insincérité (Proust, Past. et mél.,1919, p. 190).Ce qu'elle offrait d'un cœur impuissant, Dieu se prépare à le prendre, et pour de bon, si toutefois elle consent à se laisser faire (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 612):
8. ... le paysan Patience, naïf, madré, rusé, rossé, volé, se laissant faire, − sa femme baisée, ses champs pillés, se laissant faire, − (...) − forcé d'aller en guerre, recevant tous les coups, se laissant faire... Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1072.
En partic., fam. Accepter ce qui est offert. Synon. se laisser tenter.On joue le Mystère de la Tour Eiffel à Tivoli... Allons, laissez-vous faire (Dabit, Hôtel,1929, p. 110).
Ne pas se laisser faire. Réagir, s'opposer, protester. Il ne se laisserait pas faire. Contre Volat, contre Bourrel, il se défendrait à force (Genevoix, Raboliot,1925, p. 107).Alors on songerait à marier Zaza. « Je ne me laisserai pas faire » me disait-elle (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 220).
Fam. Cela se laisse boire; cela se laisse manger; livre qui se laisse lire; film qui se laisse voir. Être bu, mangé, lu, vu avec un certain plaisir; ne pas être mauvais. − C'est du vin de Bracieux. − Il est bon. − I's' laisse boire, oui... (Genevoix, Raboliot,1925, p. 204).
3. [Se est compl. d'obj. indir. de l'inf.] Se laisser pousser la barbe, la moustache, les cheveux.
Se laisser dire que. Entendre dire que (mais sans avoir la preuve de l'assertion et sans y ajouter vraiment foi). À propos, je me suis laissé dire que la régence lui avait offert la couronne du pays en souveraineté (Fongeray, Soir. Neuilly, t. 1, 1827, p. 315).Je me suis laissé raconter à ce propos un fait assez piquant (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 463):
9. On m'a conté, ces jours-ci, la façon dont le gouvernement achète les savants. Cela n'est pas long. Je m'étais laissé dire que pour corrompre les hommes, il fallait des tâtonnements, des ménagements, un abouchement par des tiers, enfin un peu de temps et quelques façons. Goncourt, Journal,1860, p. 772.
S'en laisser accroire (v. accroire ex. 11), conter (v. conter B).
Loc. fig. Se laisser manger la laine sur le dos (v. laine A 3 b).
Rem. 1. La forme arch. du fut. je lairrai, tu lairras subsiste dans le refrain d'une vieille chanson française (chanson pop. du xviiies.) Compère Guilleri. Mon petit monsieur, écoute une chanson. Et elle fredonna imperceptiblement : Compère Guilleri, Te lairreras-tu mouri? (France, Pt Pierre, 1918, p. 105). 2. Le part. passé laissé s'accorde avec le compl. d'obj. dir. qui le précède lorsque ce dernier désigne la personne qui fait l'action exprimée par le verbe à l'inf.; sinon laissé reste invariable : Je les ai laissés partir. À combien d'autres espiègleries ne se fussent-elles pas laissé prendre (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 98). Les conclusions que nous avons déjà laissé entrevoir (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 8). Toutefois cette règle n'est pas toujours respectée. Je les ai laissé faire (cf. Grev. 1975, § 794). Je me suis souvent demandé par quel prodige la peinture était en avance, et comment il se faisait que la littérature se soit ainsi laissée distancer? (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1199). 3. Vieilli. Laissez que + subj. Permettez que. Laissez que je vous voie, que je vous contemple! (Flaub., MmeBovary, t. 1, 1857, p. 171). Étranger qui viendras, lorsque je serai morte, Contempler mon lac génevois, Laisse que ma ferveur dès à présent t'exhorte À bien aimer ce que je vois (Noailles, Forces étern., 1920, p. 97). « Au moins », supplia-t-elle, « laissez que je vous donne une couverture... » (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 557).
II. − Littér. Ne pas laisser de + inf.Ne pas cesser de, ne pas manquer de (sert à exprimer une affirmation renforcée, notamment dans un contexte d'opposition = néanmoins, pourtant, n'en... pas moins). Ce qu'il y a de certain, c'est que je ne laisserai jamais de m'employer, pour vous, à tout ce qui pourra vous être utile (Chateaubr., Corresp., t. 3, 1822, p. 156).La vie de la duchesse ne laissait pas d'ailleurs d'être très malheureuse (Proust, Temps retr.,1922, p. 1015):
10. J'étais bien décidé à ne pas souffler mot de mon histoire; mais la certitude que ma mère allait me demander des éclaircissements ne laissait pas de m'exaspérer. Duhamel, Confess. min.,1920, p. 30.
Vieilli et plus recherché. Ne pas laisser que de + inf.Même sens. Le contraste de ce ton crayeux avec la couleur brune et foncée des poutres, des toits et du balcon, ne laisse pas que de produire un bon effet (Gautier, Tra los montes,1843, p. 18).Les hommes de 1793 ne laissaient pas que d'avoir leur bon côté pour les Bourbons (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 58):
11. Margaritone, (...) nouvellement établi dans la ville (...) y remarqua [dans l'atelier d'un jeune peintre] une madone encore toute fraîche, qui, bien que sévère et rigide, grâce à une certaine exactitude dans les proportions et à un assez diabolique mélange d'ombres et de lumières, ne laissait pas que de prendre du relief et quelque air de vie. France, Île ping.,1908, p. 151.
Prononc. et Orth. Cf. laisser1. Étymol. et Hist. V. laisser1. Fréq. abs. littér. Laisser 1 et 2: 58 143. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 78 994, b) 85 901; xxes. : a) 84 016, b) 83 307. Bbg. Laisser 1 et 2. Bissell (C.H.). Faire, laisser, avoir and entendre with a dependent infinitive. Mod. Lang. J. 1944, t. 28, pp. 325-337. - Danell (K.J.). Rem. sur la constr. dite causative. Stockholm, 1979, 124 p. - Johansson (A.). Ét. syntaxique sur le verbe faire en fr. mod. In : [Mél. Wahlund (K.)]. Mâcon, 1896, pp. 102-103. - Kalepky (T.). Zwei Erklärungsbedürftige que im Neufranzösischen. Z. für fr. und engl. Unterricht. 1913, t. 12, p. 1. - Kayne (R.S.). Synt. du fr. Paris, 1977, pp. 196-224. - Langacker (R.W.). Les Verbes faire, laisser, voir, etc. Langages. Paris. 1966, t. 3, pp. 72-89. - Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 91-93. - Muller (Ch.). Les Verbes les plus fréq. du fr. Fr. Monde. 1974, no103, pp. 14-17.

Wiktionnaire

Verbe - ancien français

laisser \Prononciation ?\ transitif (voir la conjugaison)

  1. Variante de laissier.
    • Mais Urake nel volt laisser — (Partonopeus de Blois, manuscrit de la Bibliothèque apostolique vaticane. 1175-1200. Fol. 29r. a.)

Verbe - français

laisser \le.se\ ou \lɛ.se\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se laisser)

  1. Quitter quelqu’un ou quelque chose.
    • Je te laisse maintenant.
    • Plus de 400 rescapés laissés en suspens au large de Malte. — (« Ocean Viking, Journal de Bord : Un printemps chaotique en Méditerranée », 6 mai 2020, sur le site SOS Méditerranée)
  2. Ne pas emmener, ne pas emporter avec soi.
    • Jim manœuvra le cordon d’un vasistas, mais l’ouverture donnait sur la loge de Gaby Million où la vedette avait laissé ses chiens. Les bêtes se mirent à aboyer. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Laissez-nous vos enfants jusqu’à ce soir.
    • Laissez ici votre manteau.
  3. Oublier de prendre avec soi.
    • J’ai laissé ces papiers sur mon bureau.
  4. Confier, mettre en dépôt.
    • Il a laissé tous ses papiers à son avocat.
    • Je vous en laisse le soin, la responsabilité, etc.
    • Je ne l’ai point trouvé chez lui, j’ai laissé votre lettre à son domestique.
  5. Ne pas ôter, ne pas retirer.
    • Laissez ces livres sur mon bureau.
  6. Ne pas changer l’état où se trouve une personne, une chose.
    • Laisser un champ en friche, ne pas le cultiver.
    • Laisser un ouvragé imparfait, ne pas l’achever.
    • Laisser une chose intacte, ne pas l’endommager, ou n’en rien prendre, etc.
  7. Ne pas importuner, ne pas tourmenter.
    • Laissez-moi donc.
    • Laisser quelqu’un tranquille.
  8. Ne pas prendre, ne pas enlever, ne pas détruire ce qu’on pourrait prendre, enlever, détruire, etc.
    • Les voleurs lui ont laissé la vie sauve.
    • Ils ont tout mangé, ils n’ont rien laissé.
  9. Abandonner.
    • Ils l’entourèrent, discourant tous à la fois et voulant, comprit-il, qu’il les menât immédiatement à l’endroit où il avait laissé l’aéroplane. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 387 de l’édition de 1921)
    • Les ennemis ont laissé des milliers d’hommes sur le champ de bataille, ils ont eu beaucoup d’hommes tués ou blessés.
  10. Passer sous silence.
    • Je laisse une infinité d’autres preuves, d’autres détails.
    • Laissons cela, ne parlons plus de cela.
  11. Contourner.
    • Après avoir laissé derrière nous les Orcades, nous entrâmes en plein Atlantique, et la mer s’enfla prodigieusement. — (Jules Leclercq, La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le mont Hékla, Paris : E. Plon & Cie, 1883, page 29)
    • Laisser un chemin, une maison, etc., à droite, sur la droite, Prendre sur la gauche, en sorte que le chemin, la maison, etc., soit sur la droite.
  12. Interrompre une relation, une conversation, etc.
    • Laisser là quelqu’un, quelque chose.
    • Laissez là votre travail, vous le reprendrez plus tard.
  13. Accorder.
    • Préviens ta femme de ton arrivée. Ça me laissera le temps de passer tranquillement mon froc et de ne pas enfiler, dans la précipitation, mon slip à l'envers. — (Florentino Dos Santos, Les Cocus : Ces innocentes victimes des feux de l'amour… charnel, Éditions Le Manuscrit, 2003, page 58)
  14. Ne pas épuiser un thème.
    • Laisser beaucoup à dire, à faire, ne pas donner tous les arguments, toutes les idées.
  15. Céder.
    • Je lui en laisse le profit.
  16. Vendre bon marché.
    • Je vous laisse cette voiture à moitié prix.
  17. Ne pas vouloir se mettre en concurrence avec quelqu’un, ou abandonner ses prétentions.
    • Laisser le champ libre à quelqu’un.
    • Laissons ces basses intrigues à ceux qui en sont capables.
  18. Léguer, transmettre par des dispositions testamentaires.
    • Il a laissé par testament sa bibliothèque à son frère.
    • Il ne laisse rien à ses enfants.
  19. Il se dit en parlant des personnes ou des choses qui ont été à quelqu’un et qui subsistent après sa mort, qui lui survivent.
    • Il laisse une femme et des enfants dans la misère.
    • Laisser plusieurs ouvrages manuscrits.
  20. Il se dit, dans un sens analogue, en parlant du souvenir, de l’opinion, etc., qui reste de quelqu’un.
    • Il a laissé une bonne, une mauvaise réputation après lui.
    • Il a laissé de grands regrets partout où il a passé.
  21. Il se dit de la sensation, de l’impression qui reste de quelque chose ou de ses suites, etc.
    • Sous une toilette criarde, ton corps mouvant laisse derrière lui flotter un sillage embaumé. — (Francis Carco, L’Amour vénal, Éditions Albin Michel, Paris, 1927, page 16)
    • Compte tenu de la pluie qui était tombée, Misty avait sûrement laissé des dizaines de traces qui nous permettraient de remonter jusqu’à elle si on se grouillait un peu. — (Andrée A. Michaud, Lazy Bird, page 121, Québec Amérique, 2009)
    • Cette liqueur laisse un goût amer dans la bouche.
    • Mon voyage m’a laissé des souvenirs agréables.
  22. Suivi d’un infinitif :
  23. Permettre ; souffrir ; ne pas empêcher.
    • Parfois les rênes s’échappent de nos doigts engourdis, et nos montures aveuglées, tournant le dos à la tempête, refusent d’avancer. Nous les laissons souffler un instant, puis reprenons notre course muette et aveugle. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 36)
    • Le signataire de ces lignes, en 1918, a vu transporter des malheureux attaqués par le gaz moutarde, alors que rien ne le laissait prévoir, plusieurs jours après un bombardement. — (Victor Méric, La guerre qui revient : Fraiche et Gazeuse, page 161, Sirius, 1932)
    • J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. — (Paul Nizan, Aden Arabie, chapitre I, Rieder, 1932 ; Maspéro, 1960)
    • Elle était demeurée longtemps debout devant ces hautes coques dont les hublots laissaient voir l’intérieur des cabines éclairées. — (Francis Carco, Brumes, Éditions Albin Michel, Paris, 1935, page 52)
  24. Avec faire et dire : ne pas se soucier, ne pas se mettre en peine de ce que fait ou dit quelqu’un.
    • Laissez-les faire.
    • On n’a qu’à le laisser faire.
    (Proverbial) Il faut bien faire et laisser dire.
    • Je me suis laissé dire telle chose, J’ai entendu dire telle chose, mais sans y ajouter grande foi.
  25. (Vieilli) Cesser, manquer, en finir. — Note : En ce sens, il est suivi d’une négation, et s’emploie avec la préposition de.
    • Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres, et d’en causer beaucoup dans son empire. — (Madame de Lafayette, La Princesse de Montpensier, 1662 ; GF, 2017.)
    • Quand nous regardons le soleil, nous imaginons qu’il est distant de nous d’environ deux cent pieds, […] plus tard, tout en sachant que le soleil est distant de plus de six cent fois le diamètre terrestre, nous ne laisserons pas néanmoins d’imaginer qu’il est près de nous. — (Baruch Spinoza, Ethique, II, scholie de la proposition XXXV, 1677.)
    • De temps à autres naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface de l’eau m'offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon âme ne laissait pas de m’attacher au point qu’appelé par l’heure et le signal convenu je ne pouvais m’arracher de là sans effort. — (Jean-Jacques Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, Cinquième promenade, 1776-1778 ; éditions Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, page 1045)
    • Le souci fiévreux d’Eschyle de préserver le visage de l’humanité (de cette humanité dont, mieux que tout autre, il connaissait les faiblesses, mais qu’il ne laissait pas d’aimer) a inspiré l’un de ses messages les plus universels. C’est cette angoisse qui détermine le caractère titanesque de Prométhée. — (Ismaïl Kadaré, Eschyle ou l’éternel perdant, traduction par Alexandre Zotos, Fayard, Paris, 1988, page 68)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

LAISSER. v. tr.
Quitter, se séparer d'une personne ou d'une chose qui reste dans l'endroit dont on s'éloigne. Il a laissé son fils à Paris. Je l'ai laissé seul chez lui. J'ai laissé votre père en bonne santé. Laisser sa maison sous bonne garde. Laisser quelqu'un loin derrière soi, Le devancer beaucoup. Il se dit au propre et au figuré.

LAISSER signifie aussi Ne pas emmener, ne pas emporter avec soi. Laissez-nous vos enfants jusqu'à ce soir. Laissez ici votre manteau. Il signifie encore Oublier de prendre avec soi. J'ai laissé ces papiers sur mon bureau. Il a laissé sa canne chez moi.

LAISSER signifie en outre Confier, mettre en dépôt. Il a laissé tous ses papiers à son avocat. Il laisse son argent entre les mains de son notaire. Laisser une chose en dépôt. Laisser une chose au soin, à la discrétion, à l'appréciation de quelqu'un, La confier, l'abandonner au soin, à la discrétion, à l'appréciation de quelqu'un. On dit dans le même sens Je vous en laisse le soin, la responsabilité, etc.

LAISSER signifie quelquefois simplement Donner une chose à quelqu'un pour qu'il la remette à un autre. Je ne l'ai point trouvé chez lui, j'ai laissé votre lettre à son domestique. J'ai laissé ma carte chez son concierge. Il signifie aussi Ne pas ôter, ne pas retirer de quelque endroit ou de chez quelqu'un une chose ou une personne que l'on peut en ôter, en retirer. Elle laisse son enfant en nourrice. Laissez ces livres sur mon bureau. Il le laissa à genoux. Laissez cela, n'y touchez point. On dit aussi Laisser en place. Il signifie, par extension, Ne pas changer l'état où se trouve une personne, une chose. Ce traitement si pénible l'a laissé aussi infirme qu'avant. Laisser un champ en friche, Ne pas le cultiver. Laisser un ouvragé imparfait, Ne pas l'achever. Laisser une chose intacte, Ne pas l'endommager, ou N'en rien prendre, etc. Fig. et fam., Laisser en plan, Quitter brusquement une personne ou Abandonner une chose commencée. Fig. et fam., Laisser quelqu'un dans la nasse, L'abandonner dans une méchante affaire où on l'a engagé et dont on se tire soi-même. Fig., Laisser quelqu'un dans l'embarras, dans le danger, dans la misère, Ne pas lui donner les secours qu'on pourrait ou qu'on devrait lui donner. Laisser quelqu'un en paix, en repos, le laisser tranquille, Souffrir, permettre, ne pas empêcher qu'il demeure en paix, en repos; ne pas l'importuner, ne pas le tourmenter. On dit dans le même sens : Laissez-moi donc. Laissez-moi. Fam., Laissez le monde comme il est, Ne vous embarrassez pas de ce qui se passe dans le monde, ne prétendez pas le réformer. Laisser quelqu'un maître d'une chose, Lui en abandonner la libre disposition. Laisser à l'abandon, Ne prendre aucun soin de quelque chose. Vous laissez ce jardin à l'abandon. C'est un homme qui laisse tout à l'abandon. Laisser en blanc, Réserver, dans un écrit, une place, un espace qu'on remplira plus tard. Laissez, dans votre projet d'acte, deux lignes en blanc. Laisser un nom en blanc. En termes de Manège, Laisser la bride sur le cou à un cheval, Le laisser aller à son allure. On dit de même, figurément et familièrement, Laisser la bride sur le cou à quelqu'un.

LAISSER signifie encore Ne pas prendre, ne pas enlever, ne pas détruire ce qu'on pourrait prendre, enlever, détruire, etc. Les voleurs lui ont laissé la vie. Les ennemis ont brûlé le village et n'ont laissé que l'église. Laissez-moi un peu de place. Ils ont tout mangé, ils n'ont rien laissé. Ses occupations ne lui laissent pas un moment de repos. Laissez de la marge. Ne laisser que les quatre murs, Tout emporter, tout enlever d'une maison ou d'un appartement.

LAISSER signifie aussi Abandonner. Cette rivière a laissé son ancien lit. Les ennemis ont laissé des milliers d'hommes sur le champ de bataille, Ils ont eu beaucoup d'hommes tués ou blessés. Laissez-le à son ignorance, à ses remords. Laisser un chemin, une maison, etc., à droite, sur la droite, Prendre sur la gauche, en sorte que le chemin, la maison, etc., soit sur la droite. On dit de même Laisser un chemin à gauche, sur la gauche. Laisser là quelqu'un, quelque chose, Rompre avec quelqu'un, interrompre quelque chose, cesser de s'en occuper. Laissez là tous ces gens qui ne cherchent qu'à vous nuire. Laissez là votre travail, vous le reprendrez plus tard. Laisser quelqu'un pour mort, S'en éloigner avec la conviction qu'il est mort. Son assassin l'avait laissé pour mort, mais il n'était qu'évanoui. Fam., Cette marchandise est à prendre ou à laisser, Il faut en donner le prix demandé ou renoncer à l'avoir. Il y a à prendre et à laisser dans ces marchandises, Il s'y trouve du bon et du mauvais, et il faut savoir choisir. On dit figurément, dans le même sens, Il y a à prendre et à laisser dans cette affaire, dans cette entreprise, dans ce que vous proposez. Par extension, C'est à prendre ou à laisser, Si vous n'acceptez pas le parti que je vous propose, n'y pensons plus, n'en parlons plus. Je vous laisse à penser ce qui en arrivera; je vous laisse à juger s'il profita de l'occasion, etc., C'est à vous à penser aux conséquences de cela; je vous donne à juger si, etc. Cela laisse beaucoup à penser, Cela donne matière à bien des réflexions. Laisser quelque chose, laisser beaucoup à dire, à faire, Ne pas épuiser une matière; et, dans le sens contraire, Ne rien laisser à dire, à faire. Laisser à désirer, N'être pas entièrement satisfaisant. Cet ouvrage a du mérite, cependant il laisse beaucoup à désirer. Ne pas laisser de, ne pas laisser que de, Ne pas cesser, ne pas s'abstenir, ne pas discontinuer de. Il ne faut pas laisser d'aller toujours votre chemin. Malgré leur brouillerie, il n'a pas laissé que de lui écrire. On dit dans des sens analogues : Il est pauvre, mais il ne laisse pas d'être désintéressé, Sa pauvreté n'empêche pas qu'il ne soit désintéressé. Il ne laisse pas de gagner, que de gagner beaucoup à ce marché, Il y gagne beaucoup. Cette proposition ne laisse pas d'être vraie, que d'être vraie, Ce qu'on objecte contre n'empêche pas qu'elle ne soit vraie. Cela ne laisse pas d'être embarrassant, d'étonner, que d'être embarrassant, que d'étonner, Cela est embarrassant, cela étonne. Le tour avec que vieillit. Fam., Laissez que, Permettez, souffrez que. Laissez que je vous réponde. Fam., Laissez donc, Finissez. Laissez, laissez, C'est assez, ne continuez pas. Fig., Laisser la vie, Perdre la vie. Fig. et pop., Laisser ses os en quelque occasion, Y mourir. Laisser des poils, des plumes en quelque endroit, se dit d'un Animal, d'un oiseau, dont il est resté des poils, des plumes dans l'endroit par où il a passé. Laisser des plumes signifie figurément et familièrement Faire quelque perte, et particulièrement une perte d'argent. Il a laissé de ses plumes au jeu. Il a laissé quelques plumes dans cette affaire. Laisser des traces se dit des Marques qui demeurent de quelqu'un, de quelque chose. Cet animal a laissé des traces de son passage. Fig., Cet événement a laissé des traces dans la mémoire des hommes.

LAISSER signifie particulièrement Passer sous silence. Je laisse une infinité d'autres preuves, d'autres détails. Laissons cela, Ne parlons plus de cela.

LAISSER signifie aussi Céder. Je lui en laisse l'honneur. Je lui en laisse le profit. Les ennemis furent contraints de nous laisser le champ de bataille. Laisser une chose à un certain prix, à bon compte, Consentir à la vendre pour un certain prix, etc. Je vous laisse cette voiture à moitié prix. Il m'a laissé le mètre de drap à trente francs. Fig., Laisser le champ libre à quelqu'un, Ne pas vouloir se mettre en concurrence avec quelqu'un, ou Se retirer, abandonner ses prétentions.

LAISSER se dit dans un sens analogue, mais avec une nuance de dédain, de Choses qu'on juge indignes de soi. Laissez les larmes à des âmes faibles. Laissons ces basses intrigues à ceux qui en sont capables. Il signifie encore Léguer, transmettre par des dispositions testamentaires. Il a laissé des sommes considérables à diverses œuvres de charité. Il a laissé des legs à tous ses amis. Il a laissé par testament sa bibliothèque à son frère. Il ne laisse rien à ses enfants. Il se dit également en parlant des Personnes ou des choses qui ont été à quelqu'un et qui subsistent après sa mort, des Œuvres de l'intelligence qui survivent à leur auteur. Il laisse une femme et des enfants dans la misère. Il a laissé une belle fortune à ses héritiers. Laisser plusieurs ouvrages manuscrits. Son père a laissé une succession obérée, embarrassée. Parmi beaucoup de fatras il laisse quelques bonnes pages. Il se dit, dans un sens analogue, en parlant du Souvenir, de l'opinion, etc., qui reste de quelqu'un lorsqu'il est mort, ou seulement lorsqu'il a quitté le lieu où il était. Il a laissé une bonne, une mauvaise réputation après lui. Il a laissé une grande réputation de probité, un nom honoré. Il a laissé de grands regrets partout où il a passé. Il se dit pareillement de la Sensation, de l'impression qui reste de quelque chose ou de ses suites, etc. Cette liqueur laisse un bon goût, un mauvais goût. Mon voyage m'a laissé des souvenirs agréables. Sa maladie lui a laissé une grande faiblesse.

LAISSER, Suivi d'un infinitif, signifie Permettre, souffrir, ne pas empêcher. Je l'ai laissé sortir. Je l'ai laissé reposer. Laissez-moi parler. Je les ai laissés aller. On a laissé échapper ce prisonnier. Laisser tomber ce qu'on a dans les mains. Se laisser tromper. Se laisser faire du tort. Se laisser dire des injures. Se laisser tomber. Se laisser aller à la douleur. Laisser faire, laisser dire, Ne pas se soucier, ne pas se mettre en peine de ce que fait ou dit quelqu'un. Laissez-les dire. Laissez-les faire. On n'a qu'à le laisser faire. Prov., Il faut bien faire et laisser dire. Fam., Je me suis laissé dire telle chose, J'ai entendu dire telle chose, mais sans y ajouter grande foi. Laisser voir, Montrer, découvrir. Cette percée laisse voir une vaste plaine. Cette fenêtre laisse voir la campagne. Fig., Laisser voir sa pensée, Parler, agir de manière à faire deviner sa pensée. Fig. et fam., Laisser tout aller, Négliger entièrement ses affaires. Fam., Laisser tout traîner, Ne mettre rien à sa place, laisser tout en désordre. En termes de Chasse, Laisser courre les chiens, ou simplement Laisser courre, Les découpler, afin qu'ils courent après la bête, Substantivement, Laisser-courre, Le lieu où l'on découple les chiens. Quand ils furent au laisser-courre. Voyez COURRE. En termes de Marine, Laisser tomber l'ancre, Mouiller. Laisser arriver, Manœuvrer pour produire un mouvement d'arrivée. On dit aussi Laisser porter. Fig., Se laisser aller, Se relâcher, ne pas observer une règle, s'abandonner à ses penchants, à la paresse, à la mollesse. Substantivement et familièrement, Avoir du laisser-aller, Avoir de la négligence dans les manières, de la mollesse dans la conduite. Fam., Se laisser mourir, Mourir. Il s'est laissé mourir il y a trois mois. Fig. et fam., Ce livre, cet ouvrage se laisse lire, On le lit sans fatigue, sans ennui. Cela se laisse manger, On le mange avec plaisir, Se laisser pénétrer, Ne pas cacher avec assez de soin ses intentions, ses projets. Se laisser gouverner, conduire, mener, Laisser à d'autres la direction de soi-même. On dit aussi, figurément et familièrement, Se laisser mener par le bout du nez, Laisser prendre de l'empire sur soi et n'avoir pas la force de s'y opposer. Fig. et fam., Se laisser faire, Ne pas opposer de résistance, ne pas se défendre, ne pas résister à des offres, à des avances.

Littré (1872-1877)

LAISSER (lê-sé) v. a.

Résumé

    Ce verbe, qui, comme on peut le voir à l'étymologie, vient de laxare, et signifie proprement lâcher, a deux significations principales qui dérivent de cette étymologie : par l'une, il veut dire se séparer de ; par l'autre, ne pas ôter, conserver, garder en tenant comme en laisse.

  • 1° Se séparer d'une personne ou d'une chose qui reste dans l'endroit dont on s'éloigne.
  • 2° Abandonner.
  • 3° Céder.
  • 4° Léguer, transmettre.
  • 5° Il se dit de ce qui demeure après notre mort, personnes ou choses.
  • 6° Il se dit de l'opinion, des sentiments, etc. qui restent relativement à une personne, après sa mort ou son éloignement.
  • 7° Il se dit des sensations ou impressions qui demeurent après quelque chose, des suites que produit quelque chose.
  • 8° Confier, remettre.
  • 9° Ne pas ôter, ne pas retirer une personne ou une chose que l'on peut ôter, retirer.
  • 10° Ne pas changer l'état où se trouve une personne.
  • 11° Ne pas prendre, ne pas enlever.
  • 12° Ne pas emmener, ne pas emporter avec soi.
  • 13° Laisser la bride.
  • 14° Laisser en blanc.
  • 15° Passer sous silence, ne pas s'occuper de, écarter.
  • 16° Laisser quelque chose à, renoncer à quelque chose comme ne valant pas la peine.
  • 17° Fig. Laisser à, livrer à.
  • 18° Laisser beaucoup, quelque chose, peu, etc. avec à suivi d'un infinitif.
  • 19° Laisser à quelqu'un à faire quelque chose, lui remettre le soin de faire une chose.
  • 20° Ne pas laisser de, ne pas cesser, ne pas s'abstenir, ne pas discontinuer de, ne pas manquer à.
  • 21° Laisser, suivi d'un infinitif, signifie permettre, souffrir, ne pas empêcher.
  • 22° Laisser, avec le sens de souffrir, permettre, suivi d'un infinitif dont le régime est un pronom.
  • 23° Laisser, avec le sens de souffrir, permettre, suivi d'un infinitif qui a un régime par à.
  • 24° Laisser courre.
  • 25° Laisser, en termes de manége.
  • 26° Laisser, en termes de marine.
  • 27° Se laisser, avec un verbe actif qui a pour régime le pronom se précédant laisser, permettre que.
  • 28° V. n. La mer laisse.
  • 29° V. réfl. Se laisser, être laissé.
  • 30° Se laisser, permettre qu'on soit…
  • 1Se séparer d'une personne ou d'une chose qui reste dans l'endroit dont on s'éloigne. Je ne puis laisser ma lettre à un plus bel endroit, Sévigné, 20 juill. 1689. Paulin, qu'on vous laisse avec moi, Racine, Bérénice, II, 1. Ariane, ma sœur, de quel amour blessée Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée ! Racine, Phèdre, I, 3. Eurybate, il suffit, vous pouvez nous laisser ; Le reste me regarde, et je vais y penser, Racine, Iphig. 1, 4. Laisse en entrant chez nous ta grandeur à la porte, Destouches, Glor. II, 14. J'ai pleuré, quatorze printemps, Loin des bras qui m'ont repoussée ; Reviens, ma mère : je t'attends Sur la pierre où tu m'as laissée, A. Soumet, la Pauvre fille.

    Laisser quelqu'un loin de soi, loin derrière soi, le devancer beaucoup. Un jeune Lacédémonien, nommé Crantor, laissait d'abord tous les autres derrière lui ; un Crétois, nommé Polyclète, le suivait de près, Fénelon, Tél. V.

    Fig. Laisser derrière soi, l'emporter. Vos odes ont un air noble, galant et doux, Qui laisse de bien loin votre Horace après vous, Molière, Femmes sav. III, 5. [Corneille] laissa bien loin derrière lui tout ce qu'il avait de rivaux, dont la plupart, désespérant de l'atteindre…, Racine, Disc. de l'Acad. fr.

    Laisser un chemin, une maison, etc. à droite, sur la droite, se diriger vers la gauche, en sorte que le chemin, la maison, etc. soit sur la droite ; le laisser sur la gauche, prendre à droite.

    Laisser là un vêtement, s'en dépouiller. Laissez là cet habit, quittez ce vil métier, Racine, Ath. II, 7.

    Laisser là une chose, cesser de s'en occuper. Il a laissé là son projet, son entreprise. Prends-moi le bon parti, laisse là tous les livres, Boileau, Sat. VIII. Il se tourmente beaucoup pour éclaircir cette difficulté qu'il laisse enfin là, Hamilton, Gramm. 1. Il n'y avait peut-être pas de meilleur expédient pour me tirer d'affaire, que de pleurer et de laisser tout là, Mari. Marianne, 2e part.

    Laisser là quelqu'un, rompre avec quelqu'un. Laissez là cette femme, elle vous perdra.

    Laisser là, ne plus parler de. Laisse là Métrobate et songe à te défendre, Corneille, Nicom. IV, 2. Traitez-moi de princesse, Jason, et laissez là l'encens et la déesse, Corneille, Tois. d'or, II, 1. Abner : Reine, Dieu m'est témoin… - Athalie : Laisse là ton Dieu, traître, Et venge-moi, Racine, Ath. V, 5. Laissons là de Joad l'audace téméraire, Racine, ib. II, 4. Laissons là cet idolâtre qui fait de Dieu un stathouder, et qui nous présente des dieux subalternes comme des députés des Provinces-unies, Voltaire, Princ. d'act. ch. 22.

    Laisser quelqu'un pour mort, s'en éloigner avec conviction qu'il est mort et qu'on l'a tué. Un homme que pour mort on laisse sur la place, Corneille, le Ment. IV, 3.

    Familièrement. Laissez-le pour ce qu'il est, n'ayez aucun égard aux injures, aux outrages d'un pareil homme, ou, en général, à ce qu'il dit, à ce qu'il fait.

    Fig. Laisser la vie, perdre la vie. Je vois de quel succès leur fureur fut suivie, Et que dans les tourments ils laissèrent la vie, Racine, Esth. II, 3.

    Familièrement. Laisser ses os, ses bottes en quelque occasion, y mourir.

    Laisser des poils, des plumes en quelque endroit, se dit d'un animal, d'un oiseau, dont il est resté des poils, des plumes, dans l'endroit par où il a passé.

    Fig. et familièrement. Laisser des plumes, faire quelque perte, et, particulièrement, une perte d'argent. Il a laissé de ses plumes dans cette affaire.

    Laisser des traces, des vestiges, se dit des marques qui demeurent de quelqu'un ou de quelque chose. Il a laissé des traces de son passage. Cet événement a laissé des traces dans la mémoire des hommes.

    Les ennemis ont laissé tant de milliers d'hommes sur la place, ils ont eu tant d'hommes tués ou blessés.

    Terme de marine. Quand une ancre qui mordait la terre se détache du fond, elle le laisse.

    Laisser ses ancres, les abandonner au fond en partant du mouillage.

  • 2Abandonner. Cette rivière a laissé son ancien lit. Qui pouvait… Faire à des peuples indomptés Laisser leurs haines obstinées, Malherbe, VI, 3. Ô Dieu ! ma force usée en ce besoin me laisse ! Corneille, Cid, I, 6. Puis-je, laissant la feinte et les déguisements, Vous découvrir ici mes secrets sentiments ? Racine, Mithr. I, 3. Pour l'intérêt public laissant mes intérêts, Chénier M. J. Ch. IX, I, 3.

    Familièrement. Cette marchandise est à prendre ou à laisser, il faut en donner le prix demandé, ou on ne l'aura pas.

    Il y a à prendre et à laisser dans ces marchandises, il s'y trouve du bon et du mauvais, et il faut savoir choisir.

    Fig. Dans le même sens, il y a à prendre et à laisser dans cette affaire, dans cette entreprise, dans ce que vous proposez.

    Familièrement. Avoir le prendre et le laisser, avoir le choix. Trouvant sur les arbres un refuge, il a partout le prendre et le laisser dans la rencontre, Rousseau, Origines, 1.

  • 3Céder. Je lui en laisse l'honneur. Les ennemis furent contraints de nous laisser le champ de bataille.

    Laisser une chose à un certain prix, consentir à la vendre pour un certain prix, etc. Je vous laisse ce cheval pour six cents francs.

    Fig. Laisser le champ libre à quelqu'un, ne pas vouloir se mettre en concurrence avec quelqu'un, ou se retirer, abandonner ses prétentions.

  • 4Léguer, transmettre par des dispositions testamentaires ou autrement. Il a laissé une somme considérable à l'hôpital de la ville. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage Que nous ont laissé nos parents : Un trésor est caché dedans, La Fontaine, Fabl. V, 9. Voilà une coutume bien impertinente qu'un mari ne puisse rien laisser à une femme dont il est aimé tendrement, Molière, Mal. im. I, 9. Lui laissant tout mon bien, meubles, propres, acquêts, Regnard, Légat. IV, 6. Item, je laisse et lègue à Crispin…, Regnard, ib.

    Par extension, il se dit de ce qu'on transmet à la postérité. Les anciens les ont trouvées [les sciences] seulement ébauchées par ceux qui les ont précédés ; et nous les laisserons à ceux qui viendront après nous en un état plus accompli que nous ne les avons reçues, Pascal, Fragm. d'un Traité du vide.

  • 5Il se dit aussi de ce qui reste après notre mort, personnes ou choses. Il laisse une femme et des enfants. Laisser de grands biens après sa mort. Il a laissé plusieurs ouvrages manuscrits. Il a laissé ses affaires en mauvais état. Il n'y a plus que moi de cette branche… ainsi, mon cher cousin, je vous laisserai en ce monde pour y soutenir mon nom, Sévigné, à Bussy, 31 déc. 1684. Je [Marc-Aurèle] lui [à Commode] ai laissé trop de puissance, pour lui laisser de la modération et de la vertu, Fénelon, Dial. des morts anc. 47. Ah ! c'est un beau spectacle, à ravir la pensée, Que l'Europe ainsi faite, et comme il l'a laissée, Hugo, Hernani, IV, 6.
  • 6Il se dit de l'opinion, des sentiments, etc. qui restent relativement à une personne, après sa mort ou son éloignement. Il a laissé une bonne, une mauvaise réputation après lui. Elle est morte cette grande reine, et par sa mort elle a laissé un regret éternel à tous ceux qui ont eu l'honneur de la servir ou de la connaître, Bossuet, Reine d'Anglet. Et, toujours de la gloire évitant le sentier, Ne laisser aucun nom et mourir tout entier, Racine, Iphig. I, 2.
  • 7Il se dit des sensations ou impressions qui demeurent après quelque chose, des suites que produit quelque chose. Cette liqueur laisse un bon goût, un mauvais goût. Ce voyage m'a laissé des souvenirs agréables. Cette maladie lui a laissé une incommodité fâcheuse.
  • 8Confier, remettre. Il a laissé tous ses papiers à son avocat. Je vous laisse cela en garde. Auprès de votre époux, ma fille, je vous laisse, Racine, Iphig. III, 5.

    Laisser une chose au soin, à la discrétion, à la prudence, etc. de quelqu'un, la confier, l'abandonner au soin, à la discrétion, la remettre à la prudence de quelqu'un. On dit dans le même sens : je vous en laisse le soin, la conduite, etc.

    Remettre quelque chose à quelqu'un pour qu'il le remette à un autre. Je ne l'ai point trouvé chez lui, j'ai laissé votre lettre à son domestique.

  • 9Ne pas ôter, ne pas retirer une personne ou une chose que l'on peut ôter, retirer Il laisse son enfant en nourrice.

    Ne pas ôter une personne ou une chose de la place où elle est, de la situation où elle se trouve. Laissez-moi auprès du feu. Laissez cela, n'y touchez point. Il le laissa à la porte. Belle cérémonie, Pour me laisser dehors ! Molière, Éc. des f. I, 2. Eh ! laisse-moi, Clitidas, dans ma sombre mélancolie, Molière, Am. magn. V, 1.

    Fig. et familièrement. Laisser quelqu'un dans la nasse, l'abandonner dans une méchante affaire où on l'a engagé et dont on se tire soi-même.

    Laisser quelqu'un dans l'embarras, dans le danger, dans la misère, ne pas lui donner les secours qu'on pourrait lui donner.

    Laisser quelqu'un tranquille, ne pas le troubler, l'agiter, le fatiguer.

    Laisser quelqu'un en paix, en repos, le laisser tranquille.

    Laisser en paix, dédaigner. Crois-moi donc, laisse en paix, jeune homme au noble cœur, Ce Zoïle à l'œil faux, ce malheureux moqueur, Hugo, Voix intérieures, 13.

    Laisser se dit pour laisser tranquille, laisser en repos. Laissez-moi là. Laissez-moi donc. Laissez-moi.

    Absolument. Laissez donc, finissez. Une bête est là dans vos cheveux. - Laisse, Molière, les Fâcheux, II, 3. Laissez, ma bru, laissez, ne venez pas plus loin : Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin, Molière, Tart. I, 1. Laissez, mon fils : je fais ce qui m'est ordonné, Racine, Athal. IV, 1.

    Familièrement. Laissez que, permettez, souffrez que. Laissez que je vous réponde.

    Familièrement. Laissez le monde comme il est, ne vous embarrassez pas de ce qui se passe dans le monde, ne prétendez pas le réformer.

    Laisser quelqu'un en son particulier, le laisser seul.

    Laisser quelqu'un maître d'une chose, la laisser entièrement à sa disposition. Ne croyez pas pourtant qu'éloigné de l'Asie, J'en laisse les Romains tranquilles possesseurs, Racine, Mithr. III, 1.

    Laisser un ouvrier sans ouvrage, ne pas lui fournir de l'ouvrage.

  • 10Ne pas changer l'état où se trouve une personne. Les bains en remettent quelques-uns [des malades], et laissent les autres, Sévigné, 25 sept. 1687. En quel funeste état ces mots m'ont-ils laissée ! Racine, Iphig. II, 5. Il était le plus grand géomètre de son siècle, mais la géométrie laisse l'esprit comme elle le trouve, Voltaire, Louis XIV, 31.

    Ne pas changer l'état où se trouve une chose. Laisser un champ en friche. Laisser un ouvrage imparfait.

    Laisser une chose intacte, ne point l'endommager ou n'en rien prendre, etc.

    Laisser à l'abandon, ne prendre aucun soin de. Vous laissez ce jardin à l'abandon.

  • 11Ne pas prendre, ne pas enlever. Les voleurs lui ont laissé son habit, lui ont laissé la vie. Ses occupations ne lui laissent pas un moment de repos. Laisser de la marge. Laissez-moi un peu de place. J'ai voulu retourner sur ce triste chapitre pour ne vous pas laisser des erreurs, Sévigné, 1er août 1685. On ne leur [aux peuples] laisse plus rien à ménager, quand on leur permet de se rendre maîtres de leur religion, Bossuet, Reine d'Angl. Un homme [Cromwell] s'est rencontré… qui ne laissait rien à la fortune de ce qu'il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance, Bossuet, ib. Ô mort, cruelle mort, que ne lui laissais-tu plus longtemps le plaisir de voir le fruit de ses travaux ? Fléchier, Mme de Mont. Laissez-moi mes secrets ; je vous laisse les vôtres, Th. Corneille, Comtesse d'Org. IV, 7. Vous ne changez rien au fond de votre vie ; vous n'en voulez retrancher que le désordre ; les sources, les attraits, les routes qui y mènent, vous les laissez, Massillon, Carême, Pâques. Laissez-moi ma vertu, laissez-moi mes malheurs, Voltaire, Brutus, IV, 1.

    Ne laisser que les quatre murailles, tout emporter, tout enlever d'une maison ou d'un appartement.

    Se laisser, ne pas enlever à soi. Heureux ceux qui poussent ce désir jusqu'au dernier renoncement ! mais qu'ils ne se laissent donc rien ; qu'ils ne disent pas : ce peu à quoi je m'attache encore n'est rien, Bossuet, Médit. sur l'Évang. la Cène, 83e jour.

  • 12Ne pas emmener, ne pas emporter avec soi. Il a laissé son fils avec son précepteur. Je vous laisse ma voiture.

    Oublier de prendre avec soi. Il a laissé sa montre dans son cabinet.

  • 13 Terme de manége. Laisser la bride sur le cou à un cheval, lui rendre la main, le laisser aller de lui-même.

    Fig. et familièrement. Laisser la bride sur le cou à quelqu'un, l'abandonner à lui-même, à ses caprices, à ses volontés.

  • 14Laisser en blanc, réserver dans un écrit, une place, un espace qu'on remplira plus tard. Laisser un nom en blanc.
  • 15Passer sous silence, ne pas s'occuper de, écarter. Je laisse ces instructions si utiles et ces maximes si pures qu'elle lui [au dauphin dont elle était gouvernante] a depuis insinuées, Fléchier, Mme de Mont. Laissons de leur amour la recherche importune, Racine, Bajaz. IV, 4. Idamé : On t'a dit à quel prix ce tyran daigne enfin Sauver tes tristes jours et ceux de l'orphelin ? - Zamti : Ne parlons pas des miens, laissons notre infortune, Racine, Orphel. IV, 6.

    Laissons cela, ne parlons plus de cela. Hé ! Messieurs, c'en est trop, laissez cela, de grâce, Molière, Mis. I, 3.

    Avec que. Je laisse à part que les louanges ne sont d'ordinaire agréables qu'à ceux qu'on loue, Perrot D'Ablancourt, Lucien, Comm. écr. l'hist.

  • 16 Fig. Laisser quelque chose à, renoncer à quelque chose comme ne valant pas la peine, avec une nuance de dédain. Je ne viens point ici renouveler dans vos esprits le triste souvenir d'une mort que vous avez déjà pleurée ; laissons aux infidèles ces longues et sensibles douleurs que la religion ne modère pas, Fléchier, Lamoignon. Évitons cet excès ; laissons à l'Italie De tous ces faux brillants l'éclatante folie, Boileau, Art poétique, II, 43. Laissez les pleurs, Esther, à ces jeunes enfants, Racine, Esth. I, 3. Aux mœurs de l'Occident laissons cette bassesse, Voltaire, Zaïre, III, 7.
  • 17 Fig. Laisser à, livrer à. Les Véïens furent laissés à leur propre défense, Le P. Catrou, dans DESFONTAINES. Ces êtres insensibles et muets me laissent à mon ignorance et à mes conjectures, Voltaire, Ph. ignor. 1. Gardez de le laisser à sa propre fureur, Voltaire, Sémiram. V, 8. Ton épouse ? tu crains une femme et des pleurs ? Laisse-lui ses remords, laisse-lui ses terreurs, Voltaire, Catil. II, 1.
  • 18Laisser beaucoup, quelque chose, peu, etc. avec à suivi d'un infinitif. Laisser beaucoup à penser, se dit d'une personne qui s'exprime mystérieusement ou avec finesse.

    Cela laisse beaucoup à penser, cela donne matière à bien des réflexions.

    Laisser quelque chose, laisser beaucoup à dire, à faire, ne pas épuiser une matière, une œuvre ; et dans le sens contraire, ne rien laisser à dire, à faire.

    Laisser à désirer, n'être pas entièrement satisfaisant. Cet ouvrage a du mérite, cependant il laisse beaucoup à désirer. Il y a des endroits dans l'opéra qui laissent à en désirer d'autres, La Bruyère, I.

  • 19Laisser à quelqu'un à faire une chose, lui remettre le soin de faire une chose. Et d'ailleurs si le ciel vous choisit pour victime, Vous me devez laisser à punir ce grand crime, Corneille, Œdipe, IV, 3. Je vous laisse à conduire cette petite affaire selon mes désirs, Sévigné, 8 fév. 1687. Laissons aux astronomes à mesurer la grandeur et le mouvement des astres, Malebranche, Entret. sur la métaph. X, 7. Va, ne me laisse point un héros à venger, Voltaire, Triumvirat, V, sc. dern. Toutes les choses qui se cachent à la vue avec cérémonie, laissant à l'imagination à grossir les objets, imposent infiniment davantage, Hist. des Vestales, dans DESFONTAINES. Laissons au temps à calmer ses regrets, Lemercier, Agamem, I, 2.

    En ce sens, Mme de Sévigné a dit aussi : laisser à… de. Je crois que vous [Bussy] condamneriez des sentiments moins nobles que ceux-là ; je laisse aux baigneurs [Bussy s'était logé chez un baigneur] d'en avoir de plus tendres et de plus faibles, Sévigné, à Bussy, 26 juin 1655.

    Je vous laisse à penser ce qui en arrivera ; je vous laisse à juger s'il profita de l'occasion, etc. c'est à vous de penser aux conséquences de cela ; je vous donne à juger si, etc. Sur un tapis de Turquie Le couvert se trouva mis, Je laisse à penser la vie Que firent ces deux amis, La Fontaine, Fabl. I, 9. Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines, La Fontaine, ib. IX, 2. Je vous laisse à penser si, dans la nuit obscure, J'ai d'un vrai trépassé su tenir la figure, Molière, École des femmes V, 2.

  • 20Ne pas laisser de, ne pas cesser, ne pas s'abstenir, ne pas discontinuer de, ne pas manquer à. Il faut se laisser aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisserait pas de faire sans moi, Molière, Précieuses, préface. Ce n'est rien : ne laissons pas d'achever, Molière, Précieuses, 15. Je lui dis que vous n'y êtes pas, madame, et il ne veut pas laisser d'entrer, Molière, Critique, sc. 4. Cela n'importe, dit le père, on ne laisse pas d'obliger toujours les confesseurs à les [les pénitents] croire, Pascal, Prov. X. Cette médecine [les représentations qu'on nous fait de nos défauts] ne laisse pas d'être amère à l'amour-propre, Pascal, Pens. II, éd. HAVET. Je vous prie de ne pas laisser d'en faire mes remerciements, Sévigné, 251. Ne laissons pas de publier le miracle de nos jours [le coup porté à l'hérésie par la révocation de l'édit de Nantes], Bossuet, le Tellier. Ne laissez pas de recevoir les grâces de Dieu, Bossuet, Lett. abb. 151. Il faut ne laisser pas de faire du bien aux hommes, Fénelon, Tél. XXIV. Cette locution a souvent le sens de néanmoins. Elle [la pièce] n'a pas laissé de plaire, Corneille, Exam. d'Héracl. L'eau ne laissa pas d'agir et de mettre en évidence les figues toutes crues encore et toutes vermeilles, La Fontaine, Vie d'Ésope. Il me semble que toutes les causes secondes sont autant de mains qui exécutent les volontés de Dieu ; nous ne laissons pas d'agir, nous voulons faire ce que nous faisons, Sévigné, Lett. de date incertaine, n° 2, éd. RÉGNIER. On croit être dans un autre monde, mais on ne laisse pas de se souvenir de ses amies, Sévigné, 20 juill. 1694. Son orgueil [de Nabuchodonosor], quoique abattu par la main de Dieu, ne laissa pas de revivre dans ses successeurs, Bossuet, Hist. III, 4. Les apôtres, tout sanctifiés et tout régénérés qu'ils avaient été par ce sacrement, ne laissaient pas d'être encore fort imparfaits, Bourdaloue, Myst. Pentec. t. I, p. 453. Cette femme [une veuve] pleure… sanglote, et ne laisse pas de reprendre tous les détails de la maladie de son époux, La Bruyère, XI. Quoique l'empreinte d'un cachet magique soit sur le bouchon, la bouteille ne laissera pas de se casser, Lesage, Diable boit. ch. I. Je ne laissai pas de compter avec plaisir l'argent que j'avais dans mes poches, Lesage, Gil Blas, II, 6. On peut faire servir la vache à la charrue, et, quoiqu'elle ne soit pas aussi forte que le bœuf, elle ne laisse pas de le remplacer souvent, Buffon, Quadrup. t. I, p. 188.

    Cela ne laisse pas de, en somme, en définitive. On a des théâtres chez soi si on en manque à Genève, on fait bonne chère, on est le maître de son château, on ne paye de tribut à personne ; cela ne laisse pas de faire une position assez agréable, Voltaire, Lett. Algarotti, 17 janv. 1763.

    Impersonnellement. Celle [la fâcheuse nouvelle] qui m'a le plus vivement touché a été la maladie de Votre Altesse ; et, bien que j'en aie aussi appris la guérison, il ne laisse pas d'en rester encore des marques de tristesse en mon esprit, Descartes, Lett. à la princ. Palatine, 27 du 1er vol. édit. de 1724.

    On dit, bien que moins correctement : ne pas laisser que de. Il ne faut pas laisser que de s'écrire de temps en temps, Sévigné, 31 déc. 1684. La constance d'Alcibiade ne laissa pas que d'être ébranlée par ce coup, Rollin, Hist. anc. Œuv. p. 630, dans POUGENS.

  • 21Laisser, suivi d'un infinitif, signifie, permettre, souffrir, ne pas empêcher ; dans cette construction le régime de laisser est direct, et le verbe à l'infinitif est neutre, ou a un régime direct. Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi, Corneille, Cid, V, 8. Ne vous figurez plus que ce soit le confondre Que de le laisser faire et ne lui point répondre, Corneille, Nicom, V, 2. Il laissa le duc d'Enghien reprendre ses esprits, Bossuet, Louis de Bourbon. Contre mon ennemi laisse-moi m'assurer, Racine, Andr. II, 1. Mais non, retirez-vous, laissez faire Hermione, Racine, ib. V, 5. Comment, qu'on me laisse dire ? vraiment, je le prétends bien, et surtout qu'on me laisse faire, Voltaire, Socrate, I, 7. Je laisse Hecquet faire de l'estomac un moulin, et Van Helmont un laboratoire de chimie, Voltaire, Dial. 25. Il laissait paraître ses talents et cachait ses vertus, Buffon, Rép. à la Condamine, Œuv. t. X, p. 37, dans POUGENS.

    Substantivement. Le laisser agir. On dit que les âmes de ce degré [mystique] laissent agir Dieu, et qu'elles demeurent en silence ; on a déjà entendu ce que c'est que ce silence et ce laisser agir, Bossuet, États d'oraison, IV, 9.

    Laisser faire, laisser dire, ne pas se soucier, ne pas se mettre en peine de ce que fait ou dit quelqu'un. Laissez dire les sots : le savoir a son prix, La Fontaine, Fabl. VIII, 19. Poussez votre bidet, vous dis-je, et laissez faire, Molière, l'Ét. I, 2.

    Laissez faire, laissez passer, dicton des partisans de la liberté du commerce qui appartient aux économistes du XVIIIe siècle, et qu'on attribue particulièrement à Gournay. Il [Gournay] en conclut qu'il ne fallait jamais rançonner ni réglementer le commerce ; il en tira cet axiome : laissez faire et laissez passer, Dup. de Nem. dans le Dict. de l'Écon. polit. de Guillaumin, art. laissez faire.

    Laisser voir, montrer, découvrir. Cette fenêtre laisse voir la campagne.

    Fig. Laisser voir sa pensée, parler, agir de manière à faire deviner sa pensée. Elle m'avait fait beaucoup de caresses, et me traitait sur un pied d'égalité qui m'ôtait le courage de lui laisser voir mon état, et de descendre du rôle de bonne compagnie à celui d'un malheureux mendiant, Rousseau, Conf. IV.

    Laisser tout traîner, ne rien mettre à sa place, laisser tout en désordre.

    Laisser aller tout sous soi, se dit d'un enfant ou d'une personne infirme qui n'a pas la force de retenir ses excréments.

    Laisser aller les choses, le monde, prendre en patience les choses comme elles arrivent, ne rien faire pour les changer. On demande que, neutre en ces dissensions, Je laisse aller le sort de vos deux nations, Corneille, Sophon, I, 4. Il faut prendre le parti de laisser aller les choses et les hommes, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 8 nov. 1771. Laissons, laissons aller le monde Comme il lui plaît, comme il l'entend ; Vivons caché, libre et content, Dans une retraite profonde, Florian, Épilogue mis à la fin de ses fables.

    Laisser tout aller, négliger entièrement ses affaires.

    S. m. Laisser aller, espèce de négligence qui n'est pas sans grâce, et aussi facilité trop grande à prendre les opinions d'autrui, à se laisser diriger. Croiriez-vous que je la trouve imposante malgré son naturel et le laisser aller de sa conversation, Staël, Corinne, III, 3.

    Le laisser aller veut dire aussi facilité de mœurs, avec tous les sens que cela comporte.

    Familièrement. Je me suis laissé dire telle chose, j'ai ouï dire telle chose, mais sans y ajouter grand'foi.

  • 22Quand laisser, avec le sens de souffrir, permettre, est suivi d'un infinitif, si le régime est un pronom, ce pronom peut appartenir non à laisser, mais au verbe à l'infinitif. On pourrait dire… qu'ayant fait la matière, il [Dieu] la laisse mouvoir et arranger au gré de quelque autre, Bossuet, Libre arbitre, 3. Nourrissez votre cœur de l'espérance ; laissez-le enflammer de la charité, Fénelon, t. XVIII, p. 186.
  • 23Laisser, avec le sens de souffrir, permettre, suivi d'un infinitif, peut avoir un régime par à. Affranchissons le Tage et laissons faire au Tibre, Corneille, Sertor. IV, 2. Laissez donc faire au ciel, au temps, à la fortune, Corneille, Agésil. IV, 5. Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux, Corneille, Hor. II, 8. Et laissez à l'amour conserver par pitié De ce tout désuni la plus digne moitié, Corneille, Œdipe, I, 1. Laissons-lui [à l'Ecclésiaste] égaler le fol et le sage, et même, je ne craindrai pas de le dire hautement en cette chaire, laissons-lui confondre l'homme avec la bête, Bossuet, Duch. d'Orl. Fritigerne leur laissa assouvir leur première rage, Fléchier, Hist. de Théodose, I, 52. Et, laissant faire au sort, courons où la valeur Nous promet un destin aussi grand que le leur [des dieux], Racine, Iphig. I, 2. Laissons aux Scythes inhumains Mêler dans leurs banquets le meurtre et le carnage, Rousseau J.-B. Cantate IX. Laisse à ta Juliette apaiser tes douleurs, Ducis, Roméo, III, 2.

    Dans une autre construction, mais dont le sens est analogue, ce n'est pas laisser, c'est l'infinitif qui le suit, qui est construit avec à, lequel dans ce cas signifie par (voy. au n° 27 la remarque pour l'explication de cette tournure). La plupart de ses auditeurs n'ont pas voulu voir les défauts de sa conduite [du Cid] et ont laissé enlever leurs suffrages au plaisir que leur a donné la représentation, Corneille, Examen du Cid. J'avance cette opinion ; mais, parce qu'elle est nouvelle, je la laisse mûrir au temps, Pascal, Prov. VI. Laissez, laissez toucher à mes tremblantes mains Ces restes échappés à des dieux inhumains, Voltaire, Oreste, III, 4. Laissons discuter ces questions à l'homme juste qui n'a point failli, Rousseau, Contr, soc. II, 5.

  • 24 Terme de chasse. Laisser courre les chiens, voy. COURRE.

    Substantivement. Laisser-courre, le lieu où l'on découple les chiens, voy. COURRE.

    On trouve aussi laissé-courre. 8 sept. 1685, le roi courut le cerf dans sa calèche tout seul ; Monseigneur et Madame l'avaient accompagné jusqu'au laissé-courre, et ensuite montèrent à cheval, Dangeau, I, 218.

    On dit d'un limier qu'il laisse aller les voies, lorsqu'il passe dessus sans s'en rabattre. Se dit pareillement d'un chien courant qui, en enveloppant un défaut, passe sur la voie sans la marquer.

    Laisser suivre, donner au limier quelques longueurs de trait, soit pour s'assurer du rembuchement, soit pour lancer la bête.

  • 25 Terme de manége. Laisser aller son cheval, ne lui rien demander et le laisser aller à sa fantaisie ; ou bien ne le point retenir de la bride quand il marche ou qu'il galope ; ou bien lui rendre toute la main et le faire aller de toute sa vitesse.

    Laisser échapper son cheval de la main, ne pas le retenir.

    Laisser tomber les jambes, les tenir dans une position naturelle et sans raideur.

  • 26 Terme de marine. Laisser tomber l'ancre, mouiller.

    Laisser arriver, manœuvrer pour produire un mouvement d'arrivée ; on dit aussi : laisser porter.

  • 27Se laisser avec un verbe actif qui a pour régime le pronom se précédant laisser, permettre d'être… Il s'est laissé vaincre, il n'a pas fait tous ses efforts pour n'être pas vaincu. Ces émotions d'un jour qu'opèrent-elles ? un dernier endurcissement, parce qu'à force d'être touché inutilement, on ne se laisse plus toucher d'aucun objet, Bossuet, Mar.-Thér. Après cela, chrétiens, laissez-vous séduire par les fausses maximes du siècle, Bourdaloue, Purif. de la Vierge, myst. t. II, p. 166. Ami, peux-tu penser que d'un zèle frivole Je me laisse aveugler pour une vaine idole ? Racine, Ath. III, 3. Ajoutons lumières sur lumières, en réunissant les faits, en accumulant les preuves, et laissons-nous juger ensuite sans inquiétude et sans appel, Buffon, Prem. époq. natur. Œuv. t. XII, p. 76. Un regard de Zaïre aura pu l'aveugler : Sans doute il est aisé de s'en laisser troubler, Voltaire, Zaïre, IV, 7. Dans cette locution, l'infinitif peut être suivi de la proposition à qui prend le sens de par (la tournure est latine d'après M. Havet, qui, Table des Pensées de Pascal, au mot laisser, dit que ce vers de Racine : Je me laissai conduire à [par] cet aimable guide, Iph. II, 1, représente le latin : permisi me juveni deducendam). Le zèle extrême que j'ai pour elle [Votre Altesse] est cause que je me suis laissé emporter à ce discours, Descartes, Lett. à la Princ. Palatine, 28 du t. 1er de l'éd. de 1724. Elle [Sabine] ne sert pas davantage à l'action que l'infante à celle du Cid, et ne fait que se laisser toucher, comme elle, à la diversité des événements, Corneille, Examen d'Hor. Il soupçonne aussitôt son manquement de foi, Et se laisse surprendre à quelque peu d'effroi, Corneille, Pomp. II, 2. Se laissant conduire à leurs inclinations et à leurs plaisirs sans réflexion et sans inquiétude, Pascal, Pens. IX, 2. Avec quelle soumission se laisserait-il gouverner à la volonté qui…, Pascal, ib. XXIV, 60 bis. Si son histoire [de Charles 1er] trouve des lecteurs dont le jugement ne se laisse pas maîtriser aux événements ni à la fortune, Bossuet, Reine d'Anglet. L'admirable Julie ne se laissa point éblouir à l'éclat des dignités du siècle, Fléchier, Mme de Mont. À quels affreux desseins vous laissez-vous tenter ? Racine, Phèdre, I, 3. Vous laissez-vous abattre aux rigueurs de la fortune ? Fénelon, Fabl. II. Pourquoi ne vous laisseriez-vous pas toucher à la bonté de Dieu ? Massillon, Pet. carême, Drap. Ah ! si le ciel enfin vous parle et vous éclaire, S'il vous donne en secret un remords salutaire, Ne le repoussez pas ; laissez-vous pénétrer à la secrète voix qui vous daigne inspirer, Voltaire, Oreste, I, 3.

    Se laisser pénétrer, ne pas cacher avec assez de soin ses intentions, ses projets.

    Se laisser gouverner, conduire, mener, et, familièrement, se laisser mener par le nez, laisser prendre de l'empire sur soi, et n'avoir pas la force de s'y opposer.

    Familièrement. Se laisser faire, ne pas opposer de résistance, ne pas se défendre. Je vous avoue que je suis aussi en colère contre les philosophes qui se laissent faire que contre les marauds qui les oppriment, Voltaire, Lett. d'Alemb. 15 avr. 1760.

    Se laisser faire signifie aussi ne pas résister à des caresses, à des offres, à quelque chose de tentant. Si on savait qu'il [le roi de Prusse] m'a baisé un jour la main, toute maigre qu'elle est, pour me faire rester chez lui, on me pardonnerait de m'être laissé faire, Voltaire, Lett. Richelieu, 10 octobre 1756. Ma foi, laissons-nous faire, et prenons ce qui s'offre, Hugo, Ruy Blas. IV, 3.

    Familièrement. Se laisser battre signifie quelquefois simplement être battu.

    Fig. et familièrement. Ce livre, cet ouvrage se laisse lire, c'est-à-dire on le lit sans fatigue, sans ennui. Il faut avouer que cette petite histoire n'est point bien écrite du tout ; mais les événements se laissent fort bien lire, Sévigné, 11 août 1676.

    Cela se laisse manger, c'est-à-dire on le mange avec plaisir.

  • 28 V. n. Terme de marine. Quand la mer se retire, au moment du reflux, on dit qu'elle laisse.

    Il est plus usuel de dire qu'elle descend.

  • 29Se laisser, v. réfl. Être laissé. Cela se prend et se laisse.
  • 30Se laisser, permettre qu'on soit… Ces enfants se sont laissés tomber. Se laisser aller à la paresse. Les autres [les Grecs], plutôt que de la perdre [Hélène], se laissèrent vieillir loin de leur patrie, Courier, Éloge d'Hélène.

    Se laisser aller à une chose, permettre que cette chose nous conduise, nous détermine, nous fasse agir. Les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes, Descartes, Lett. à la Princ. Palatine, 28 du t. Ier de l'éd. de 1724.

    Se laisser aller, se relâcher, ne pas tenir ferme, suivre ses mouvements naturels, sans projet, sans réflexion.

    Familièrement. Cette jeune fille s'est laissée aller, elle a cédé à la séduction.

    Familièrement. Se laisser mourir, mourir. Certes elle aurait tort de se laisser mourir ; Aller en l'autre monde est très grande sottise, Tant que dans celui-ci l'on peut être de mise, Molière, Sgan. 4.

PROVERBES

Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez, c'est-à-dire il faut souffrir un petit mal pour en éviter un plus grand.

On a beau être las, on ne laisse pas d'aller, c'est-à-dire il faut s'évertuer dans la nécessité.

Il faut bien faire et laisser dire.

REMARQUE

1. Ne pas laisser de, ne pas laisser que de, sont tous les deux dans le Dictionnaire de l'Académie. Ne pas laisser que de n'y est qu'à partir de 1835 ; en 1762 l'Académie n'autorisait encore que ne pas laisser de. Cependant le que s'introduisait. Cette petite supercherie ne laisse pas que d'en imposer aux sots, MARMONTEL, ; à quoi Génin réplique : Tant pis pour Marmontel, il faut : Ne pas laisser de, Recréat. t. I. p. 423. Il y a de que des exemples plus anciens que Marmontel ; voy. ce qui est dit au n° 20 de LAISSER.

2. Autrefois on disait, et aujourd'hui encore le peuple dit, je lairrai, pour je laisserai, je lairrais, pour je laisserais. Quelques matières qui ne lairraient pas de faire voir assez clairement ce que je puis ou ne puis pas dans les sciences, Descartes, Méth. VI, 9.

3. Je me suis laissé dire que… locution mauvaise et affectée, dit CAILLIÈRES, en 1690. Cette locution, qui d'ailleurs est ancienne (voy. l'historique), s'est conservée, et elle est encore dans l'usage familier.

4. Le participe passé présente des difficultés quand il est suivi d'un infinitif. Cette femme que j'ai laissée peindre, veut dire : à qui j'ai laissé le loisir de peindre ; cette femme que j'ai laissé peindre, veut dire : que j'ai permis que l'on peignît. En un mot, quand le pronom est régime du verbe laisser, il détermine l'accord du participe ; si au contraire il est régime de l'infinitif qui suit, le participe reste invariable. Dans le premier cas, on dira : Cette femme que l'on a laissée faire ; et dans le second : Les maux que l'on a laissé faire ; Malheureuse, tu t'es laissé charmer.

5. Quand l'infinitif est un verbe actif employé avec un régime direct, alors, par cela même que cet infinitif a son régime après lui, celui qui précède le participe laissé appartient à ce participe, et le force à prendre l'accord : Nous les eussions laissés passer tranquillement leur hiver à Paris ; Je les ai laissés chasser un chevreuil ; Je les ai laissés courir les spectacles.

6. Si le verbe à l'infinitif est neutre, alors on suit la règle ordinaire des participes : Les fautes que nous avons laissées échapper ; Je vous ai laissés tout du long quereller, Molière, Tart. II, 4. Quand Jugurtha eut enfermé une armée romaine et qu'il l'eut laissée aller sur la foi d'un traité, Montesquieu, Rom. 6. Il l'a laissée trop vivre après la mort de l'empereur Maurice son mari, Corneille, Examen d'Héraclius. Cependant des grammairiens, Condillac entre autres, ont soutenu qu'il n'y avait pas lieu à un accord, que le participe laissé et le verbe à l'infinitif formaient une locution dans laquelle rien n'était à intercaler, et qu'il fallait dire : La faute que j'ai laissé échapper, et non laissée. De fait, cette manière de concevoir la locution a conduit plusieurs écrivains. Ainsi Racine a dit, en parlant de Junie : Je l'ai laissé passer dans son appartement, Racine, Brit. II, 2. Rollin : Dix officiers romains qu'Annibal avait laissé sortir, Rollin. et, dans Girault-Duvivier, Voltaire : Virgile fait voir les enfants que leurs parents avaient laissé périr, Voltaire, Mœurs, myst. D'Alembert : Elles s'étaient laissé aller à la douceur de vivre, D'Alembert. La règle d'accorder le participe en ces cas prévaut aujourd'hui ; cependant il faut reconnaître qu'elle n'est pas absolue, et qu'il y a lieu, quand on veut, de voir dans la locution un gallicisme.

7. Quand le verbe qui suit est transitif direct et a un complément, on met souvent le pronom complément de laissé au cas attributif, au lieu du cas objectif : Je lui ai laissé croire qu'il me servait ; c'est-à-dire j'ai laissé croire à lui. Dans cette construction laissé reste toujours invariable. Ici, comme avec le verbe faire, si le verbe qui suit laisser peut recevoir un régime marqué par à, la phrase sera nécessairement amphibologique. Ainsi : Je lui ai laissé enlever ses livres, signifie également qu'on a permis qu'il enlevât ses livres, et qu'on a permis qu'on lui enlevât ses livres. Il est facile d'éviter l'équivoque en reprenant la forme : je l'ai laissé : Je l'ai laissé enlever ses livres.

8. Dans le vers de Racine : Je me laissai conduire à cet aimable guide, à est amphibologique, pouvant signifier par et vers. Il ne faut pas employer la tournure du n° 27 avec des verbes qui prêteraient à cette ambiguïté.

9. S'en laisser, ne pas faire une chose, s'en abstenir. Tu ne veux pas nous accompagner, Henri, eh bien ! laisse-t-en. Locution populaire et qui n'est plus de bon usage. On en trouvera un exemple à l'historique.

10. Laissez-moi ce saumon de vingt francs, expression vulgaire, mais qui n'est pas fautive ; car on dit bien : un saumon de vingt francs. On dit aussi et mieux : laissez-le-moi à vingt francs.

11. J. J. Rousseau a dit être laissé mourir : Il me faudrait quelque assurance raisonnable de n'y être pas oublié et laissé mourir de faim, Lett. à Lalliaud, 5 oct. 1765. Cette locution n'est pas usitée.

12. Le Dictionnaire de l'Académie écrit le laisser-courre avec tiret, et le laisser aller sans tiret ; il y a inconséquence.

HISTORIQUE

Xe s. [Elle] volt [veut] lo seule [siècle] lazsier, si ruovet [le demande] Krist, Eulalie. Qued avuisset de nos Christus mercit Post la mort et à lui nos laist venir, ib.

XIe s. Laissum les fols, as sages nus tenons, Ch. de Rol. X. Et dist al rei : laisez ester vos Francs, ib. XI. À lui lais-je mes honurs et mes fiez, ib. XXIII. Je ne lerreie pur tut l'or que Deus fist Que ne li die…, ib. XXXIV. [Il] Ne lesserat que [il] nus [nous] ne beneïsse, ib. CXLI.

XIIe s. Car onques [ils] ne laisserent nos Francs à laidangier, Sax. IV. Ou [au] palais de Tremoigne [il] a sa femme laissie, ib. VII. Tous li moins ceurrouciez s'estoit bien aatis [disposé, résolu] Qu'ains i lairoit la teste que il fust asservis, ib. XXVI. Comment que li plaiz prenne, [je] ne lairrai [que ie] ne l'ocie, ib. XXXII. Donc [il] laisse courre à plein frein estendu, Ronc. 60. Et la reïne encor l'en prie, Et Kex lui dit qu'ele se lasse [laisse] De chose que rien ne lui vaut, la Charrette, V. 144.

XIIIe s. Et les dames, qui courtoises estoient [jadis], Ont tout laissié pour aprendre à bourser, Quesnes, Romanc. p. 87. Cestui veulent [les dames], et à cestui s'otroient, Cestui tiennent, cestui laissent aller, ib. Tant com li vent les atouchoient, Li dui enfant [les deux statues d'enfants] s'entrebaisoient ; Et, quant il leissoit le venter [le venter cessait], Donc se prennent à reposer, Romanc. p. 59. Se j'ai esté longtemps hors du païs Où j'ai laissié la rien que plus [j'] amoie, Romanc. p. 124. Et les ronces n'ont pas laissié sa robe entiere, Berte, X. Que du cors [je] me laissasse honnir ne vergonder [il s'agit d'une femme], ib. XLIII. Lors [elle] se musse au buisson, si lait le temps passer, ib. XLIII. Dont delà en avant m'en laissiez convenir [faire ce que je voudrai], ib. XII. Dame, je lais ma fille dolent et pleine d'ire, ib. XI. Or, vous lairons [ne parlerons plus] de Renier de Trit, si revenrons à l'empereour de Constantinoble, Villehardouin, CXL. [Je] voel que, pour guerre que soit entre sarrasins et crestiens, on ne les [dettes] lest à paier [on ne s'abstienne de les payer], Chr. de Rains, 110. Quant j oï ce chastiement, Je repondi iréement : Dame, je vous veil moult prier Que me laissiez à chastier [que vous cessiez de me châtier], la Rose, 3086. L'en ne s'i doit pas lessier prendre, Mes vigueresement deffendre, ib. 5907. Mès li archiers, qui moult s'efforce De moi grever et moult se paine, Ne m'i lest mie aler sans paine, ib. 1570. Quant les Turcs virent que nous ne lerions pas [ne quitterions pas] le poncel, Joinville, 228. Et je li respondi : Dieu l'en lait fere sa volenté [que Dieu lui en laisse faire], Joinville, 282. Vous estes filz de vilain et de vilainne, et avez lessié l'abit vostre pere et vostre mere, Joinville, 196. Aucuns de mes chevaliers me manderent que, se je ne me pourveoie de deniers, il me leroient, Joinville, 211.

XVe s. Seigneur, je suis me lessié dire Que…, Mir. de Ste Geneviève. Delivrez-vous du faire ou du laisser, Froissart, II, III, 39. Le roi repondit appertement et liement qu'il ne laisseroit nullement qu'il ne secourust la dame et ses gens, Froissart, I, I, 163. En après, pour mieux faire que laisser, convint que le dit duc…, Monstrelet, t. II, p. 139, dans LACURNE. Le sage dit ainsy : on scet bien que on laisse, mais on ne scet bien que on trouve, Perceforest, t. IV, f° 67. L'autre dit : il faut escorchier Un buef qui s'est laissé mourir, Deschamps, Miroir de mariage, p. 39. Par la mauvaistié d'ung ou de deux ne se doit laisser de faire plaisir à plusieurs, quant on a le temps et l'opportunité, Commines, II, 3. Se il eut ung petit laissé de la passion qu'il avoit contre ceste maison de Bourgongne…, Commines, V, 14.

XVIe s. Dont je perds cueur, et audace me laisse, Crainte me tient, doute me mene en laisse, Marot, II 13. Car, quoique né de Paris je ne sois, Point je ne laisse à estre bon François, Marot, II, 175. Se laisser tumber, Amyot, Philop. 31. Hannibal premierement se mit au plus honorable lieu : ce que Scipion endura patiemment, et ne laissa pas pour cela de se promener, Amyot, Flamin. 43. Non seulement il ne se changea point en sa vie, ains, à l'opposite, il y laissa la vie pour ne se vouloir point changer, Amyot, Démosth. 19. Ce nonobstant Dionysius ne laissa point pour cela à faire autant d'honneur à Dion comme il faisoit auparavant, Amyot, Dion, 7. Il seroit estrange que nous qui voulons estre tenus pour gens de bien laisissions porter par terre notre vertu, et l'abandonnissions, Amyot, De la mauvaise honte, 21. Je laisse à penser, s'ils se fussent attaquez, la sanglante folie que c'eust esté, Lanoue, 250. Les graces naturelles ont laissé [cessé] d'estre pures à l'homme, après qu'il a esté pollu, Calvin, Instit. 195. Plusieurs malades de ce mal n'ont laissé d'atteindre leur derniere vieillesse, Paré, V, 25. Le malade se laissera suer une heure dedans le lict, Paré, X, 2. Je me suis laissé dire que les Espagnols ont depuis ruiné et demoli son chasteau, Paré, t. III, p. 732. Des raisins bastards parvenus en extreme maturité, vient du vin de passable bonté et qui se laisse boire, De Serres, 207. Despuis n'y a eu nul changement, et est la compaignie au mesme estat que la laissastes, Marguerite de Navarre, Lett. 10. Je ne vous feray longue lettre, car je lairay à ce seur messaige à vous faire des contes des saiges et des foulx de ce monde, Marguerite de Navarre, ib. 123. Laisse-moy ceste cour et tout ce fard mondain, Ronsard, 280. Je lairray la coustume en ordonner, Montaigne, I, 18. Laisser du tout l'usage des viandes, Montaigne, I, 20. Laisser son esprit en pleine oysifveté, Montaigne, I, 32. Un des maistres de ce mestier leur a laissé par escript qu'il s'est trouvé des…, Montaigne, I, 100. Je ne vis jamais pere, pour teigneux que fust son fils, qui laissast de l'avouer, Montaigne, I, 154. Après qu'ils les ont bien laissés dire, Montaigne, I, 189. Se laisser aller à toute sorte de conseils, Montaigne, I, 196. Pour estre incontinent, je ne laisse d'advouer la continence des aultres, Montaigne, I, 262. Seneque suyvit longtemps cet usage, et s'en laissa, seulement pour n estre souspeçonné de…, Montaigne, IV, 258. Ilz nous firent à tous laisser noz armes, et roguement nous interroguarent, Rabelais, Pant. V, 19. Laisser le jeu quand il est beau, Cotgrave Laisser le moustier où il est, Cotgrave On ne doit pas laisser bonne terre pour mauvais seigneurs, Cotgrave Je ne vous laisse point, je me laisse moy-mesme : Laissant l'ame et le cœur, n'est-ce pas me laisser ? Desportes, Diverses amours, XL, Stances pour le duc d'Anjou. On ne vous lairra pas, simples de si grand pris [les fleurs], Sans vous voir et flairer au celeste pourpris, D'Aubigné, Tragiques, Feux. Nos peres estoient francs ; nous qui sommes si braves, Nous lairrons des enfants qui seront nez esclaves, D'Aubigné, ib. Princes.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

LAISSER, v. act. (Gramm. & Art mech.) ce verbe a un grand nombre d’acceptions différentes, dont voici les principales désignées par des exemples : l’accusation calomnieuse de cet homme que aimois, m’a laissé une grande douleur, malgré le mépris que j’en fais à présent. On a laissé cet argent en dépôt. On laisse tout traîner. On laisse un homme dans la nasse & l’on s’en tire. On laisse souvent le droit chemin. Malgré le peu de vraissemblance, ce fait ne laisse pas que d’être vrai. Il faut laisser à ses enfans un bien dont on n’est que le dépositaire, quand on l’a reçu de ses peres. Laissez-moi parler, & vous direz après. Il vaut mieux laisser aux pauvres qu’aux églises. Je me suis laissé dire cette nouvelle. Cette comparaison laisse une idée dégoûtante. Ce vin laisse un mauvais goût. Je me laisse aller, quand je suis las de resister. Je ne laisse au hasard que le moins que je peus. Il y a dans cet auteur plus à prendre qu’à laisser, &c.

Laisser aller son cheval, c’est ne lui rien demander, & le laisser marcher à sa fantaisie, ou bien c’est ne le pas retenir de la bride lorsqu’il marche ou qu’il galope ; il signifie encore, lorsqu’un cheval galope, lui rendre toute la main & le faire aller de toute sa vîtesse. Laisser échapper. Voyez Echapper. Laisser tomber. Voyez Tomber. Laisser souffler son cheval. Voyez Souffler.

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Étymologie de « laisser »

Picard, laicher, laissier ; provenç. laissar, laisar ; anc. catal. leixar ; anc. ital. lassare ; ital. mod. lasciare ; du lat. laxare, lâcher (voy. ce mot). Certains patois et la vieille langue ont une forme laier, qui veut dire laisser (wallon, lèiî, laisser et léguer ; lombard, lagà, laisser), que Diez rapporte au latin legare plutôt qu'au germanique laten, laisser.

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(XIIIe siècle) De l’ancien français lazsier, laissier ((fin IXe siècle), Eulalie), issu du latin laxare « relâcher, laisser aller »[1].
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Phonétique du mot « laisser »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
laisser lɛse

Citations contenant le mot « laisser »

  • Il faut laisser passer l’orage. De Proverbe français , 
  • Ne rien faire et laisser dire. De Alphonse Allais , 
  • Il faut laisser le temps au temps. De Jack Lang / La Rochelle - 13 Février 1982 , 
  • Une femme intelligente doit nous laisser nos rêves. De Jules Renard , 
  • Se laisser aimer, c'est aimer déjà. De Henry de Montherlant , 
  • Il faut laisser à Dieu le bénéfice du doute. De Sacha Guitry / Toutes réflexions faites , 
  • Il ne faut jamais laisser vivre trop longtemps un organigramme. De Jacques Attali / Europe(s) , 
  • La liberté part toujours sans laisser d'adresse. De Anonyme / L'archibras , 
  • Je cherche le secret de ne rien laisser perdre. De Maurice Chapelan / Lire et écrire , 
  • Le génie en art consiste à se laisser aller... De Jean-Marie Poupart / Que le diable emporte le titre , 
  • La mort c'est un laisser-aller de trop. De Bernard Werber / L'Empire des Anges , 
  • Savoir, en style, et ne jamais le laisser paraître. De Jules Renard / Journal 1893 - 1898 , 
  • A certains tarifs, on finit toujours par se laisser acheter. De Jean Yanne / Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil , 
  • Un homme d’affaires a besoin de trois parapluies - un à laisser au bureau, un à laisser chez lui et un à oublier dans le train. De Paul Dickson / Playboy , 
  • Sourire, c'est laisser s'éveiller le faune endormi au fond de nos cellules, se laisser guider par la saine intelligence des sens. De Patrick Drevet / Le Sourire , 
  • Il a rafraîchi des générations de petits périgourdins. Le bassin du jardin des arènes manque cruellement en ces temps de forte chaleur, seul îlot véritablement rafraîchissant dans le centre de Périgueux. Le bassin qui n'est plus aux normes en termes de sécurité sanitaire reste désormais vide et la fontaine va être démontée avant de laisser la place à une toute nouvelle aire de jeu aquatique, avec jets d'eau. France Bleu, Dordogne : le bassin du jardin des arènes de Périgueux va laisser la place à une aire de jeux aqualudique
  • Didier Raoult avait raison ; il fallait laisser aux médecins leur droit fondamental de prescrire librement et aux patients leur droit fondamental de choisir comment être soigné. Nous devrions être libres de prendre nos décisions, en tant que médecins ou en tant que citoyens et citoyennes. FranceSoir, EXCLUSIVITE : Et si Didier Raoult avait raison ? Traiter et laisser prescrire - partie 1
  • Tout ça à la fois. Les sachants, bien sûr, qui, en réalité ne savaient rien mais qui nous terrorisaient avec leurs fausses informations. Mais aussi les médias qui ne donnaient la parole qu'à eux alors qu'ils auraient très bien pu faire aussi parler des psys, des enseignants, des chômeurs, des patrons, des responsables d'ONG en charge des SDF, des collectifs de femmes battues que le confinement exposait encore davantage, bref, le reste de la société civile. La santé est une affaire sérieuse. On a eu tort de la laisser aux seuls médecins. leparisien.fr, Bernard-Henri Lévy : «On a eu tort de laisser la santé aux seuls médecins» - Le Parisien
  • Un quadragénaire de Racrange vient de participer au célèbre jeu télé "A Prendre ou à laisser" sur une chaîne de la TNT. Surnommé dans cette émission "le radin", il y retournera à la rentrée, pour tenter de décrocher le gros lot. France Bleu, Des "Z'amours" à "A prendre ou à laisser", Pascal le Mosellan crève le petit écran
  • Il faut laisser passer l’orage. De Proverbe français , 
  • Ne rien faire et laisser dire. De Alphonse Allais , 
  • Il faut laisser le temps au temps. De Jack Lang / La Rochelle - 13 Février 1982 , 
  • Une femme intelligente doit nous laisser nos rêves. De Jules Renard , 
  • Se laisser aimer, c'est aimer déjà. De Henry de Montherlant , 

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Traductions du mot « laisser »

Langue Traduction
Anglais let
Espagnol dejar
Italien permettere
Allemand lassen
Chinois
Arabe دع
Portugais deixei
Russe позволять
Japonais させる
Basque utzi
Corse lasciate
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Synonymes de « laisser »

Source : synonymes de laisser sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « laisser »

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