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Le romantisme (1820-1850) : courant littéraire

Le romantisme est un courant littéraire et artistique qui s’est développé en Europe au XVIIIe et XIXe siècles. En réaction au classicisme, ses auteurs placent l’expression du « moi » et la liberté du sentiment au-dessus de la raison, de la morale et des règles. Le romantisme français se constitue au début du xixe siècle et se distingue ensuite par une doctrine forte et assumée, qui le rend indissociable des événements historiques et politiques de la période.

Contexte historique et artistique du romantisme

Un phénomène européen

Dans la deuxième moitié du siècle des Lumières, trois œuvres majeures annoncent un changement dans la littérature européenne : les Poèmes d’Ossian de James Macpherson (1760), La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau (1761) et Les Souffrances du jeune Werther de Johann Wolfgang von Goethe (1774). Cette période est même qualifiée de « révolution esthétique » par Anne-Marie Thiesse (dans La Création des identités nationales).

Le Werther de Goethe est représentatif du mouvement Sturm and Drang (« tempête et passion ») qui annonce le romantisme allemand.

Illustration des Souffrances du jeune Werther de Goethe

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Celui-ci se développe ensuite dans les années 1790 avec d’autres œuvres de Goethe, des frères Schlegel, de Herder et de Schiller. Du côté de l’Angleterre, c’est la période du roman gothique – considéré comme précurseur du romantisme noir – où des châteaux médiévaux sont le lieu d’histoires mythiques et surnaturelles, mais vécues par des personnages contemporains.

Entre 1789 et 1799, l’héritage des Lumières, la Révolution française et ses conséquences politiques expliquent la rupture et le souffle de liberté qui caractérisent le romantisme et favorisent la poursuite de grands changements esthétiques en Europe.

En France néanmoins, le courant ne s’impose pas d’emblée en raison du consulat et de l’Empire, qui à partir de 1800 laissent peu de place à la liberté des auteurs (Mme de Staël, qui tient tête au consul Bonaparte, est contrainte à l’exil en 1803).

Nouvelle étape dans cette « dynamique romantique européenne » (Chantal Allier), le mouvement se singularise en France sous la Restauration, à partir de 1815-1820. Il s’agit d’un moment décisif car il se dote alors d’une doctrine affirmée, qui accordera un prestige exceptionnel à la poésie.

Le premier courant conscient de lui-même mais dont la définition résiste

La période allant de 1330 à 1580 ne s’appelle « Renaissance » que depuis la deuxième moitié du xixe siècle (par Michelet dans son Histoire de France). La période allant de 1580 à 1660, que l’on nomme « Baroque », n’est ainsi appelée que depuis le xxe siècle. Le terme classicisme n’est employé pour désigner la deuxième moitié du XVIIe siècle que depuis le XIXe siècle

Le romantisme, lui, est d’emblée conscient de sa naissance et de son développement. Cela signifie que ses auteurs savent qu’une rupture nette est à l’œuvre dans les arts (la Révolution française aidant) et ils nomment cette nouvelle ère romantisme ou romanticisme.

Mais l’emploi, fréquent, de l’adjectif romantique montre pendant quelques années un flottement sémantique. Il renvoie au nom masculin roman dans le sens de « langue romane » en ancien français, c’est-à-dire la langue vulgaire (le français) par opposition à la langue noble (le latin). Il renvoie ensuite aux ouvrages écrits en français, en « roman », qui sont donc qualifiés de « romanesques ».

Dès lors, « romantique » et « romanesque » sont souvent employés dans des sens proches. Le flou perdure jusqu’au XIXe siècle, car des « paysages romantiques » sont soit 1) des paysages qui pourraient donner lieu à une description romanesque ; soit 2) des paysages susceptibles de faire naître un sentiment et un épanchement de l’âme (le sens de romantique qui s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui).

Les grands principes du romantisme en littérature

Cette variété des acceptions rend la définition du romantisme délicate, mais une communauté de thèmes apparaît au fil des œuvres :

  • le goût pour l’exotisme et la couleur locale ; 
  • la valorisation de la mélancolie à la fois dans l’abattement et dans l’exaltation ; 
  • l’usage de l’image de la nuit et des tombeaux ; 
  • le goût pour l’exaltation du moi et de l’individualité ; 
  • une fascination pour la nature, considérée comme le moyen d’atteindre une communion avec des forces transcendantes. 

Les grands principes du romantisme français sont donc annoncés par ceux du romantisme allemand et du romantisme anglais.

Contemplation solitaire de la nature, expression des sentiments

Les grands principes du romantisme sont également annoncés, pour certains, par la dernière œuvre de Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire (publiée de manière posthume en 1782). 

L’auteur des Lumières, alors âgé de 66 ans, y exprimait son goût pour la solitude, pour la contemplation de la nature et faisait des liens entre ses sentiments et les paysages qu’il traversait.

Si le classicisme représentait la passion amoureuse comme destructrice (le théâtre de Racine en est un bon exemple), le romantisme, au contraire, exalte la passion et les sentiments exceptionnels qu’elle fait éprouver. Ceux-ci transforment l’homme et le font se dépasser. Il est donc erroné de voir les auteurs romantiques comme des êtres rendus mornes et tristes par la litanie continue de leurs plaintes ; cette expression de l’amour et de la passion a au contraire la force d’imposer le « moi » comme mesure de toute chose.

C’est la publication des Méditations poétiques d’Alfonse de Lamartine (1790-1869) en 1820 qui lance ce type de poésie en France et lui donne d’emblée une grande ampleur.

couverture des Méditations poétiques

Le Lac, L’Isolement, L’Automne et Le Vallon y figurent. Le Vallon recueille les plaintes du poète, à la fois comme lieu décrit et comme texte poétique :

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon :
Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure,
Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.
J’ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ;
Je viens chercher vivant le calme du Léthé.
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l’on oublie ;
L’oubli seul désormais est ma félicité.

On retrouve une sensibilité élégiaque, mais doublée d’un ton très personnel, sincère et sentimental.

Le romantisme français est par la suite profondément marqué par ses revendications de liberté, dont les implications politiques et linguistiques sont très importantes. La proclamation de la liberté absolue dans les arts bouscule le monde des Lettres pour l’ouvrir au peuple et à ceux qui, jusqu’ici, n’étaient pas les bienvenus dans le règne du « bon goût ».

« Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire »

Les auteurs anciens (grecs et latins), modèles du classicisme, sont délaissés au profit de figures nationales. Elles permettent de célébrer un passé plus authentique et de remettre en question l’idée, jusqu’alors très ancrée, que l’art doit être réservé aux personnes cultivées et « éduquées » : principalement les nobles et les rois. Les auteurs romantiques défendent une littérature populaire et représentent toutes les classes sociales.

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Il s’ensuit que l’emploi des mots n’est plus soumis aux consignes du classicisme selon lesquelles un auteur ne peut employer tous les mots du lexique français – certains étant considérés comme vulgaires ou à la sonorité désagréable. 

Les auteurs romantiques rapprochent le classicisme de l’absolutisme et le romantisme de la révolution et de la république, et font voler en éclat ces jugements de valeur lexicaux : Victor Hugo, dans « Réponse à un acte d’accusation », fait entrer la langue dans l’ère post-révolutionnaire, post-1789 :

La langue était l’État avant quatrevingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes
Il mentionne l’Académie française, gardienne de cet ancien temps :
Et sur l’Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.

Le drame romantique et l’élévation du « laid » comme principe esthétique

La liberté dans la langue et la mise en valeur des sentiments s’accompagnent, enfin, d’une liberté dans les sujets traités. Cette liberté prône qu’il n’y a pas de « bon » ou de « mauvais » sujet, et qu’il doit être possible de représenter tous les sentiments de l’âme humaine, toutes les situations, car la littérature est libérée de sa mission d’élévation et d’éducation. Elle devient une fin en soi, elle devient de l’art au sens fort.

C’est au théâtre que ce principe du romantisme, opposé à ceux du classicisme, ressort avec le plus d’éclat. Si les auteurs classiques avaient élevé en dogme la nécessité de représenter l’ordre, la tempérance, la mesure, et de ne rien porter au théâtre qui soit vulgaire ou choquant, le théâtre romantique s’impose par le droit laissé à l’écrivain de représenter ce qu’il souhaite. 

Victor Hugo demande que le théâtre soit le lieu de l’expression de la vie intégrale, et il défend une thèse restée célèbre sur l’alliance du sublime et du grotesque :

Essayons de faire voir que c’est de la féconde union du type grotesque au type sublime que naît le génie moderne, si complexe, si varié dans ses formes, si inépuisable dans ses créations, et bien opposé en cela à l’uniforme simplicité du génie antique […]

Victor Hugo, Préface de Cromwell

La défense de cette union se retrouve dans toute l’œuvre de Hugo, et pas seulement les pièces de théâtre. C’est elle qui l’amène à chercher dans le Moyen-Âge des types de personnages non encore exploités, comme celui de Quasimodo pour Notre Dame de Paris.

Caricature de Benjamin Roubaud, « La grande chevauchée de la postérité »

Plus représentative peut-être encore de la lutte pour l’émancipation du théâtre, la « bataille d’Hernani » a marqué les esprits de 1830. 

Le jour de sa première représentation au Théâtre-Français (la Comédie française), dès l’après-midi, la pièce de Hugo suscite des affrontements car les académiciens tentent de la faire censurer. Lors de la représentation, le public se divise en deux camps, celui des classiques et celui des romantiques, décrits par Théophile Gautier dans Victor Hugo (1902) :

Deux systèmes, deux partis, deux armées, deux civilisations même, ce n’est pas trop dire, étaient en présence, se haïssaient cordialement, comme on se hait dans les haines littéraires. […]. Les chefs de parti s’injuriaient.

La « bataille » a trois origines : la tournure des vers, le sujet traité, et le non-respect des trois unités (action, temps, lieu). 

Il est question de l’amour d’un proscrit pour une infante d’Espagne (donc un amour interdit), exprimé dans des vers qui frappent par leur spontanéité. La comédienne Mademoiselle Mars, qui jouait doña Sol, ne pouvait en effet se résoudre jusqu’au dernier moment à appeler l’acteur d’Hernani son « lion superbe et généreux ». Mais dès Cromwell, Hugo défendait le droit d’user d’une écriture versifiée délestée des formulations trop recherchées :

Nous voudrions un vers libre, franc, loyal, osant tout dire sans pruderie, tout exprimer sans recherche […]

Victor Hugo, Préface de Cromwell

Au reste, la cabale était voulue par l’auteur, qui cherchait depuis trois ans à faire advenir cette lutte entre les tenants du classicisme et de Racine, et les tenants du drame romantique, qu’il place dans le sillage du théâtre de Shakespeare (voir à ce sujet l’essai de Stendhal, Racine et Shakespeare).

Les grands auteurs romantiques et les œuvres principales

François-René de Chateaubriand (1768-1848)

Chateaubriand est un auteur central du romantisme, en tant que précurseur direct – il est le représentant du courant de la contre-révolution, qui, avec le courant libéral de Mme de Staël (1766-1817), ont largement façonné le romantisme français en littérature – mais aussi par les thèmes de son œuvre. 

Il devient célèbre en 1802 avec la publication du Génie du christianisme. Il est également connu pour les Mémoires d’outre-tombe (publication posthume en 1849).

Bien qu’il soit connu pour ses engagements et fonctions politiques – il a été ministre d’État puis ministre des Affaires étrangères – il développe également un style très personnel, parfois emphatique, par lequel il décrit les sentiments de l’âme et les paysages offerts par la nature dans Atala (1801) et René (1802). 

Il est aussi l’un des représentants de l’orientalisme avec le récit de son voyage en Méditerranée dans Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811).

Victor Hugo (1802-1885)

Véritable chef de file du romantisme dans tous les genres littéraires (poésie, théâtre, roman) et auteur de près de 4000 dessins, Victor Hugo est important dans l’histoire du courant car il parvient à l’imposer au théâtre avec la « bataille d’Hernani ». 

Parmi l’œuvre foisonnante de celui qui affirmait vouloir « être Chateaubriand ou rien », difficile de considérer certains ouvrages comme plus emblématiques que d’autres. On retiendra les romans Notre Dame de Paris (1831) et Les Misérables (1862), les poèmes réunis dans Les Châtiments (1853), Les Contemplations (1856) ainsi que le poème épique de La Légende des siècles (publié entre 1859 et 1883) ; et les pièces de théâtre Cromwell (1827) et Hernani (1830) dont les préfaces présentent la conception hugolienne du « drame romantique ».

Gérard de Nerval (1808-1855)

Germaniste de talent, Nerval a traduit le Faust de Goethe en 1828. Cette traduction lui a valu les félicitations de Goethe lui-même et elle fait encore autorité de nos jours. Il s’éprend en 1834 de l’actrice Jenny Colon d’un amour non réciproque qui l’amène à rêver des figures féminines idéalisées et inaccessibles. Il en découle une œuvre d’inspiration romantique mais qui excède les contours du courant.

Dès 1841, à l’âge de 33 ans, il fait une crise hallucinatoire qu’il décrit ensuite comme une expérience poétique. Dans les années 1850, ses crises deviennent nombreuses et il doit être interné. L’auteur aime à explorer les limites du rêve et de la réalité dans plusieurs de ses textes : le recueil de nouvelles Les Filles du feu (1854), le recueil de sonnets Les Chimères (1854) et le récit onirique Aurélia (1855).

Alfred de Musset (1810-1857)

Dès ses 18 ans en 1828, Musset fréquente le Cénacle romantique chez Hugo. Il y rencontre Alfred de Vigny, Prosper Mérimée et Sainte-Beuve. Son premier recueil de vers, Contes d’Espagne et d’Italie, publié un an plus tard, rencontre un vif succès.

En 1834 il publie et fait jouer Lorenzaccio, drame historique resté l’un de ses chefs-d’œuvre. Il est également l’auteur de l’autobiographie romancée, Confession d’un enfant du siècle (1836) dont le titre fait référence aux très connues Confessions de Rousseau, importantes dans l’histoire du genre autobiographique. Le texte de Musset est représentatif du « mal du siècle » qu’expriment nombre d’autres auteurs de la période, en raison du retour de la monarchie avant 1830.

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Clarisse Chabernaud

Clarisse Chabernaud est docteure en langue et littérature françaises, spécialiste de l'histoire du nom propre et des tragédies de Jean Racine.

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