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Mot

Variantes Singulier Pluriel
Masculin mot mots

Définitions de « mot »

Trésor de la Langue Française informatisé

MOT, subst. masc.

I.
A. − Son ou groupe de sons articulés ou figurés graphiquement, constituant une unité porteuse de signification à laquelle est liée, dans une langue donnée, une représentation d'un être, d'un objet, d'un concept, etc. Les mots nous présentent des choses une petite image claire et usuelle, comme celles qu'on suspend aux murs des écoles, pour nous donner l'exemple de ce qu'est un établi, un mouton, un chapeau, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte (Proust,Chron.,1922, p.107).Souffrir. Dans ce mot, il y a un monde avec ses abîmes, ses tremblants espoirs, ses larmes, sa nuit, son aurore, son jour et son crépuscule. Pauvreté du langage humain. Comment dire tout ce qu'on veut dire avec des mots? (Green,Journal,1951, p.93):
1. Un mot peut avoir puissance aussi par la superstition, comme on voit bien par les noms de lieux, qui sonnent autrement pour l'un que pour l'autre les souvenirs forts qui y sont liés. Ainsi, pour un provincial, le nom de la ville où il a appris la politesse; ainsi les noms exotiques pour ceux qui ont voyagé; ainsi les noms devenus célèbres par l'histoire et par les oeuvres. On dit bien qu'il y a une magie des mots, et des préférences de sentiment ou des aversions en chacun. Alain,Beaux-arts,1920, p.305.
1. [Le mot considéré sous son aspect formel, matériel]
a) [Le mot considéré sous son aspect phonique] Articuler, balbutier, détacher, scander, traîner des (ses) mots; bégayer des mots sans suite; mal prononcer ses mots; mot de plusieurs syllabes (v. antépénultième ex. de Lemaitre). Dis qu' t'es pas fâchée?... Dis-le?... Il parlait comme moi en supprimant la moitié des mots (Gyp,Souv. pte fille,1928, p.326).Chartron avait épinglé des photos au mur. Elle les connaissait mais feignit d'être surprise. − C'est vous? demanda-t-elle. Il les lui présenta une à une, avec une voix qui martelait les mots (Dabit,Hôtel,1929, p.210).Le boyau... était... bombardé, mon lieutenant. La panique de la voix étranglait les mots au passage (Vercel,Cap. Conan,1934, p.162):
2. Certaines particularités d'élocution qui existaient à l'état de faibles traces dans la conversation de Bergotte ne lui appartenaient pas en propre, car quand j'ai connu plus tard ses frères et ses soeurs, je les ai retrouvées chez eux bien plus accentuées. C'était quelque chose de brusque et de rauque dans les derniers mots d'une phrase gaie, quelque chose d'affaibli et d'expirant à la fin d'une phrase triste. Proust,J. filles en fleurs,1918, p.553.
Manger ses mots, la moitié de ses mots. Prononcer les mots de façon peu claire ou incomplète. Le sieur Ragon était un petit homme de cinq pieds au plus, à figure de casse-noisette (...) sans dents, mangeant la moitié de ses mots (Balzac,C. Birotteau,1837, p.164).
b) [Le mot considéré sous son aspect graphique] Mot mal écrit, mal orthographié; orthographe d'un mot; épeler un mot; transposer les lettres d'un mot. Je fis comme ma mère, qui apprenait l'orthographe en faisant attention à la manière dont les mots imprimés étaient composés (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.258).Elle a eu la curiosité de voir ce qu'il faisait: elle a trouvé des carrés de papier où il écrit des mots illisibles (Renard,Journal,1901, p.691).Dans l'alexie pure, si le sujet ne peut plus reconnaître les lettres d'un mot, c'est faute de pouvoir mettre en forme les données visuelles, constituer la structure du mot, en appréhender la signification visuelle (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception,1945, p.227).
P. euphém. Mot de trois lettres. Le mot con. Mot de cinq lettres. Le mot merde.
2. [Le mot considéré du point de vue de sa signification, de sa valeur, de sa qualité]
a) [Le mot considéré du point de vue de son sens] Mot exact, précis, vague; mot abstrait, concret; sens, signification d'un mot; répertoire des idées par les mots; mot employé dans son sens fort, noble, plein, rigoureux, strict; les mots et les choses; sens ancien, classique, étymologique du mot; sens général, scientifique, technique du mot; poids des mots. De quel droit prononcent-ils [les radicaux] de façon générale et abstraite le mot de propriété individuelle, alors que le sens de ce mot varie avec le mouvement même de l'histoire? (Jaurès,Ét. soc.,1901, p.153).[Le] goût du malheur fait de Baudelaire un poète éminemment moderne (...). À une époque où le sens du mot bonheur se dégrade de jour en jour, jusqu'à devenir synonyme d'inconscience, ce goût fatal est la vertu surnaturelle de Baudelaire (Éluard,Donner,1939, p.109).Nous avons employé et nous emploierons encore les adjectifs vital, vécu. Ce ne sont pas des concepts clairs, au sens cartésien du mot, précisément parce qu'ils ne désignent pas des réalités claires (Mounier,Traité caract.,1946, p.116):
3. Je ne me pique pas d'être un parangon de mérite en aucun genre; mais je serais désolé de manquer de distinction, d'à-propos, de tact, de mesure, et, dans l'acception la plus élevée du mot, de ce que nous appelons bon sens, et ce sont là les qualités françaises par excellence. Gobineau,Pléiades,1874, p.77.
Mot propre, impropre. Courier: (...) il n'y a pour les nobles qu'un moyen de fortune (...); ce moyen c'est la prostitution. La cour l'appelle galanterie. J'ai voulu me servir du mot propre et nommer la chose par son nom. Le Président: Jamais le mot de galanterie n'a eu cette signification (Courier,Pamphlets pol., Procès, 1821, p.94).
Mot à double entente (vieilli); mot à double sens. Synon. équivoque.Desmazes (...), à la bouche, un mot à double sens cochon et qui a tout le long de la soirée la démarche titubante et le sourire salivant d'un pochard (Goncourt,Journal,1894, p.672):
4. ... Boche disait préférer les petits oignons, quand ils étaient bien revenus, Madame Lerat pinça les lèvres, en murmurant: − Je comprends ça. Elle était sèche comme un échalas, menait une vie d'ouvrière cloîtrée dans son train-train, n'avait pas vu le nez d'un homme chez elle depuis son veuvage, tout en montrant une préoccupation continuelle de l'ordure, une manie de mots à double entente et d'allusions polissonnes, d'une telle profondeur, qu'elle seule se comprenait. Zola,Assommoir,1877, p.453.
Jeu de mots (v. jeu I A 5), sur les mots; jouer* sur les mots.
En partic. [Le mot considéré comme dénué de signification, ou opposé au réel, aux idées, aux choses] Mots creux, vides. Synon. paroles en l'air.Rosny est très blagué (...) au sujet de l'article qu'il vient de commettre dans la Revue indépendante (...). Geoffroy et Mullem, qui rient dans les coins, lui jettent qu'il y a plus de mots que d'idées dans son article (Goncourt,Journal,1888, p.838).La loi, la justice égale pour tous: des mots, des mots (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.72).Toutes sortes de mots qui n'étaient que des mots, eh bien, maintenant, les voilà qui signifient quelque chose... Je ne savais pas respecter une femme parce que je ne sais pas ce que c'était que de l'aimer... (Tr. Bernard, M. Codomat,1907, ii, 8, p.171):
5. Point de journal ni de gazette qui n'invite son lecteur, une fois la semaine, à séparer la «paille des mots» d'avec «le grain des choses». Ou bien encore ne soupire, à propos de guerre ou de paix, d'élections, de chômage: «Des mots! des mots!» Hamlet s'est fait journaliste. Paulhan,Fleurs Tarbes,1941, p.62.
Se payer de mots. Se contenter des mots sans prendre en considération ce qu'ils désignent. Rabagas: (...) J'obtiens tout, une charte, une chambre, un cabinet! moi en tête!... vous après!... Vuillard, fronçant le sourcil: Sans la république? Rabagas: Oh! bien! si nous nous payons de mots! (Sardou,Rabagas,1872, iv, 9, p.188).Le poète doit être le dernier des hommes à se payer de mots (Valéry,Lettres à qq.-uns,1945, p.245):
6. Nous vivons sur des sentiments admis et que le lecteur s'imagine éprouver, parce qu'il croit tout ce qu'on imprime; l'auteur spécule là-dessus comme sur des conventions qu'il croit les bases de son art. Ces sentiments sonnent faux comme des jetons, mais ils ont cours. Et, comme l'on sait que «la mauvaise monnaie chasse la bonne», celui qui offrirait au public de vraies pièces semblerait nous payer de mots. Gide,Faux-monn.,1925, p.1198.
b) [Le mot considéré du point de vue de sa valeur styl., expressive, du niveau de lang. auquel il appartient] Mot chantant, expressif, harmonieux, fort, pittoresque; mot banal, terne, usé, sans relief; mot juste; mot blasphématoire, blessant, grossier, ignoble, injurieux; mot argotique, bas, familier, populaire, vulgaire; saveur des mots. Je ne suis plus qu'amour pour toi, ou plutôt le mot amour est trop faible. Je sens pour toi ce que je devrais sentir uniquement pour Dieu: un mélange de respect, d'amour, d'obéissance (Stendhal,Rouge et Noir,1830, p.491).Une nouvelle crise de rage jalouse le jetait sur son lit, mordant les draps, criant des mots infâmes qui l'affolaient davantage (Zola,Nana,1880, p.1437).Les mots ordinaires et les constructions communes sont ici [dans la prose] la matière de l'artiste (Alain,Beaux-arts,1920, p.305):
7. Un jour, je découvris une inscription toute fraîche sur le mur de l'école, je m'approchai et lus: «Le père Barrault est un con». Mon coeur battit à se rompre, la stupeur me cloua sur place, j'avais peur. «Con», ça ne pouvait être qu'un de ces «vilains mots» qui grouillaient dans les bas-fonds du vocabulaire et qu'un enfant bien élevé ne rencontre jamais; court et brutal, il avait l'horrible simplicité des bêtes élémentaires. Sartre,Mots,1964, p.63.
Loc. et expr.
Adj. + mot, mot apposé + mot, mot + adj.Grand mot. Mot de grande conséquence; péj. mot emphatique, prétentieux. C'est un bien grand mot. L'autorité, messieurs, voilà le grand mot en France. Ailleurs, on dit la loi, ici l'autorité (Courier,Pamphlets pol., Pétition aux deux Chambres, 1816, p.5).Quand nous aurons prouvé (...) que christianisme, mosaïsme, toutes les religions positives, se résument en ce grand mot humanité! il faudra bien alors que cette humanité règne (P.Leroux, Humanité,1840, p. v).Voilà le grand mot lâché Le respect Et le veilleur de nuit s'esclaffe Le respect Il s'esclaffe comme une girafe Il se tord comme une baleine (Prévert,Paroles,1966, p.157).
Gros mot. V. gros III B.
Maître(-)mot. Mot qui a de l'efficacité, mot essentiel. Pas une fois il n'entendit la parole qu'il attendait, la seule parole à laquelle il fût encore attaché (...) − les syllabes chéries entre toutes, le maître mot de l'extrême Occident, le mot liberté (J.-R.Bloch, Dest. du S.,1931, p.296).
Mot magique*.
Verbe + mot
Ne pas avoir peur des mots. Parler en termes clairs, directs. − Ce journal dont vous êtes directrice? − Il n'y a pas de directrice chez nous, dit-elle. − N'ayez pas peur des mots, mademoiselle. Ce n'est pas eux qui font du mal, mais les choses (Renard,Journal,1901, p.712).Courpière: Vous êtes venue? Mme Arrow: Oui. Parce qu'il faut en finir. Courpière, tout de suite sur la défensive et arrogant: Avec quoi, s'il vous plaît? Mme Arrow: Vous ne pensez pas que j'aurai peur des mots?... (Hermant,M. de Courpière,1907, ii, 5, p.16).
Ne pas dire (prononcer, proférer) un mot plus haut que l'autre. Parler sans éclat, sans colère. Elle parlait de Monsieur Pennanéach. Un saint homme. Un saint homme qui ne disait jamais un mot plus haut que l'autre (Queffélec,Recteur,1944, p.83).Au sujet de ces insupportables devoirs de vacances, une discussion s'éleva. Je fus un peu trop désinvolte, mon père lui-même s'en offusqua et finalement Anne m'enferma à clef dans ma chambre, tout cela sans avoir prononcé un mot plus haut que l'autre (Sagan,Bonjour tristesse,1954, p.126).
Dire, lâcher le mot. Émettre brutalement et avec une réticence surmontée mais explicite un mot qui pourrait être ressenti comme incongru ou inconsidéré. Ce que je vous demanderais, le cas échéant, n'est qu'une malhonnêteté. Ce n'est pas, lâchons le mot, un mouchardage (R. Vailland, Bon pied, bon œil,1966, p.134 ds Rey-Chantr. Expr. 1979).
Parler à mi-mots*, à demi-mots*; parler à mots couverts (v.couvert, -erte, part. passé et adj. II C 2 c).
Ne pas mâcher ses mots; trancher le mot (littér.). Parler avec franchise, netteté. Je suis bien paresseux, bien vieux, tranchons le mot (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.324).Eh! bien, oui, quoi?... Il n'y a pas à mâcher les mots, ça perd du temps!... Tu es une femme d'argent; je te dois une indemnité pour ton... dérangement... Combien? (Feydeau,Dame Maxim's,1914, i, 6, p.10).M. Sureau ne m'a pas laissé le temps de me ressaisir, de me justifier. Il a été vif. Tranchons le mot: il s'est montré brutal et même féroce (Duhamel,Confess. min.,1920, p.5).Il reste à savoir si, dans la conjugaison du système nazi et du dynamisme allemand, il n'y a eu qu'un hasard, ou si cette rencontre même ne fut pas comme l'aboutissement d'un mal plus général, tranchons le mot, d'une crise de la civilisation (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.569).
c) En partic. [Gén. construit avec un compl. prép. de indiquant une fonction ou une signification particulière]
Mot d'ordre*. Mot de passe*. Mot de ralliement*.
Loc. et expr. [Sans compl. prép., le mot est chargé d'une signification particulière]
Avoir le mot. Être dans le secret, savoir ce qu'il faut dire ou faire. P... se dévoue à faire société à l'artiste vétérinaire, lequel ne disait plus un mot sans jurer, sans frapper sur la table avec son verre, sans faire des cuirs (...) tous mes camarades avaient le mot (Sand,Corresp., t.2, 1837, p.67).
Donner le mot. Donner consigne, demander d'agir d'une certaine façon. Je courus rejoindre mademoiselle Merquem, tandis que Stéphen allait donner le mot à toute la maison pour que je ne fusse pas signalé comme un monsieur à ces deux étrangers (Sand,MlleMerquem,1868, p.148).M. Bonardel a donné le mot. Le portier me dit dès que j'ai montré mon nez: «Suivez-moi» (Vallès,J. Vingtras, Bachel., 1881, p.368).
Se donner le mot. Se mettre d'accord, s'entendre.
Savoir le (vrai) mot de qqc. Connaître la raison profonde, le sens caché de quelque chose. Puis elle tendit la main à du Bruel (...) veux-tu savoir le mot de tout cela? Eh! bien, j'ai peur de ne pas être aimée (Balzac,Prince Bohême,1840, p.392).Il savait aujoud'hui le vrai mot de ces détresses momentanées (Bourget,Crime am.,1886, p.39).
B. − Spécialement
1. LING. Unité significative indépendante, ne pouvant pas toujours être déterminée selon un critère de séparabilité fonctionnelle ni par un critère de délimitation intonative :
8. Il faut chercher l'unité concrète ailleurs que dans le mot. Du reste beaucoup de mots sont des unités complexes, où l'on distingue aisément des sous-unités (suffixes, préfixes, radicaux); des dérivés comme désir-eux, malheur-eux se divisent en parties distinctes dont chacune a un sens et un rôle évidents. Inversement il y a des unités plus larges que les mots: les composés porte-plume, les locutions s'il vous plaît... Sauss.1916, p.148.
9. La variété des procédés morphologiques fait que la définition du mot varie suivant les langues. S'il y a des langues où le mot se laisse définir aisément comme une unité indépendante et insécable, il en est d'autres où il se fond en quelque sorte dans le corps de la phrase, où l'on ne peut à vrai dire le définir qu'à condition d'y englober une masse d'éléments variés. Vendryes,Langage,1921, p.103.
Rem. 1. La difficulté à instituer le mot comme concept opératoire a conduit de nombreux linguistes à préférer les concepts désignés par les termes de: syntagme*, lexie* ou synthème*, ces deux derniers étant les plus fréquents avec cette valeur. 2. Mot s'oppose à morphème (forme minimum douée de sens, libre ou liée à une autre forme). Vie et mort des mots.
[Le mot envisagé du point de vue de sa structure] Mot alphabétique (synon. sigle); mot composé*; mot dérivé*; mot phrase (rem. s.v. phrasé); mot portemanteau; mot racine (rem. s.v. racine); mot simple* ou primitif*; mot tronqué; mot-valise*; famille des mots .
[Le mot envisagé selon ses caractéristiques morphosyntaxiques] Mot variable, contracté, fléchi, invariable; genre d'un mot.
[Le mot envisagé du point de vue de son origine, de sa filiation, de son évolution] Mots anglais, espagnols, étrangers, latins; mots voyageurs; histoire des mots; usure des mots.
Mot populaire. Mot formé selon une évolution phonétique non contrariée à partir d'un mot latin ou étranger. Comme jumelles, mot populaire, presque argotique, est joli, comparé à microscope, stéréoscope, d'une barbarie si savante et si triste! (Gourmont,Esthét. lang. fr.,1899, p.29).
Mot savant. Mot formé directement sur un mot latin, grec ou étranger. Les commerçants connaissent le goût du peuple pour les mots savants (...). Un marchand d'appareils photographiques a baptisé sa boutique, Photo-emporium; il vend des vitagraphes et des kromskopes! (Gourmont,Esthét. lang. fr.,1899p.35).
Mot d'emprunt*; mot indigène, emprunté.
[Le mot envisagé du point de vue de sa fonction] Mot grammatical*. Mot-outil* (rem. s.v. outil). Mot plein*.
[Le mot envisagé selon son usage] Mot nouveau, à la mode, fréquent, rare, thématique, précieux, technique, vieilli, désuet, vivant, inusité.
2. INFORMAT., PROGRAMMATION. Suite finie et totalement ordonnée de caractères ou de bits (v. bit2) constituant une cellule de mémoire désignée par une seule adresse. La longueur du mot, soit le nombre de bits qui le composent, peut être fixe ou variable pour une même machine. Parfois le mot est divisé («splittage») ou allongé en appelant simultanément plusieurs positions consécutives de mémoire; le groupage de plusieurs mots est souvent nécessaire pour stocker des instructions (Le Garff1975).
Mot machine. Dans une mémoire centrale, mot adressable en totalité et transmis comme une unité par les circuits de la machine (d'apr. Le Garff 1975).
3. DOCUM. Mot-clé. Mot ou groupe de mots extrait d'un texte et représentant une des notions fondamentales de l'information contenue dans le texte (d'apr. Media 1971).
II.
A. − [Le mot considéré comme élément d'un discours] À ces mots, sur ces mots, dès les premiers mots; en disant ces mots; ne pas dire un mot, un seul mot, un traître mot. Ce paysan resté près de la terre, qui ne trouvait pas de mots pour exprimer ce qu'il sentait (Zola,Débâcle,1892, p.445).C'est par ton camarade que tu es informé de tout cela?... C'est lui qui t'a sollicité d'intervenir, peut-être? − C'est lui qui m'a rapporté la vérité, mais c'est ma conscience, père, ma conscience qui m'a conduit vers toi. − Tu emploies les mots sans discernement, mon enfant (Lacretelle,Silbermann,1922, p.129).Ce qu'il y a de latin, c'est ce besoin de se servir des mots pour exprimer des idées qui soient claires (Artaud,Théâtre et son double,1938, p.49):
10. Fixant mon attention tout entière sur mes impressions si confuses, et ne songeant nullement à me faire admirer de M. de Norpois, mais à obtenir de lui la vérité souhaitée, je ne cherchais pas à remplacer les mots qui me manquaient par des expressions toutes faites, je balbutiai, et finalement, pour tâcher de le provoquer à déclarer ce que la Berma avait d'admirable, je lui avouai que j'avais été déçu. Proust,J. filles en fleurs,1918, p.457.
Loc. et expr.
1. Mot à mot, mot pour mot. Un mot après l'autre; p. ext. exactement, fidèlement, textuellement. Lire mot à mot; rapporter un récit, des propos mot pour mot. Il avait aussi récité le catéchisme, tantôt bien, tantôt mal, à l'instituteur qui se montrait exigeant, pour cette leçon comme pour les autres, et qui aimait qu'on les récitât mot pour mot (R. Bazin,Blé,1907, p.43).De cette conversation, qui m'a été répétée mot à mot, et du témoignage de Lady Édith, (...) il résulte que Sir Archibald emportait sur lui (...) toutes les pièces utiles au divorce (Farrère,Homme qui assass.,1907, p.330):
11. J'allais chercher le tome «PR-Z» du grand Larousse, je le portais péniblement jusqu'à mon pupitre, l'ouvrais à la bonne page et copiais mot pour mot en passant à la ligne: «Les requins sont communs dans l'Atlantique tropical. Ces grands poissons de mer très voraces atteignent jusqu'à treize mètres de long et pèsent jusqu'à huit tonnes...» Je prenais tout mon temps pour transcrire l'article... Sartre,Mots,1964, p.11.
Emploi subst. D'une voix nasillarde elle [une élève] ânonne «le mot à mot» de la leçon; pas de points, pas de repos, et de nombreux cuirs. On voit qu'elle ne comprend rien de ce qu'elle dit (Gyp,Souv. pte fille,1928, p.126).
Traduire mot pour mot (vx), mot à mot. Traduire en faisant correspondre à chaque mot pris isolément son équivalent exact dans une autre langue. Je commençais moi-même à entendre un peu d'arabe, mais pas assez pour le lire; mon interprète traduisait les morceaux du poëme en italien vulgaire, et je les traduisais ensuite mot à mot en français (Lamart.,Voy. Orient, t.2, 1835, p.47).
Emploi adj. Traduction* mot à mot.
Emploi subst. Donner le mot à mot d'un texte. Puis ses idées (...) se posèrent sur le texte grec. Il faisait le mot à mot (...), disant tout haut les mots grecs et français qu'il écrivait (A. France,Jocaste,1879, p.139).
Mot de Cambronne. Le mot merde.
2. [Mot en général associé à une négation (sans, ne... (pas), équivaut à rien)]
Sans mot dire, sans dire mot; ne dire mot. Sans rien dire, ne rien dire. Il allait jusqu'à s'appliquer à être un convive agréable. Lui qui eût voulu pouvoir rester sans mot dire, bouche bée devant Mahaut, il se torturait l'esprit pour parler à ses voisines (Radiguet,Bal,1923, p.94).Nous demeurâmes longtemps sans mot dire dans l'obscurité devenue profonde, les yeux fixés sur la mer. Le sentiment du temps s'envolait pour moi (Gracq,Syrtes,1951, p.164).
Ne pas sonner (vx), ne pas souffler mot. Garder le plus profond silence. Les journaux français me semblent bien silencieux. (...) Le Lancement belge, comme dit Lacroix, a été complètement manqué; L'Indépendance n'a pas eu même un extrait, et n'a pas soufflé mot (Hugo,Corresp.,1862, p.392).
Qui ne dit mot consent. V. consentir II B 3.
Absol. Mot (vx ou littér.). Pas un mot. Je n'eus garde de parler d'autre chose. Des journées de Juillet, de la chute d'un empire, de l'avenir de la monarchie, mot (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.219).
3. Verbe + mot
Avoir un mot sur (le bout de) la langue (v. ce motIB1a).
Avoir un mot sur les lèvres*.
Chercher ses mots, ne pas trouver ses mots. Hésiter en parlant ou en écrivant, avoir du mal à s'exprimer. Didace (...) chercha ses mots. S'il se fût agi de rassembler un troupeau de bêtes effrayées (...), là, par exemple, il eût été à son aise! Mais, des mots contre lesquels on se bat dans le vide? Au moment de parler, une gêne subite le serra à la gorge (Guèvremont,Survenant,1945, p.196).
Peser ses mots. Parler avec circonspection. Je ne suis qu'un prêtre sans expérience, mais je sais ce dont je parle, et je pèse mes mots (Bernanos,Crime,1935, p.790).Jallez ne répondit pas tout de suite. Il pesait ses mots avant de les dire (Romains,Hommes bonne vol.,1938, p.199).
B. −
1. Ensemble de mots constituant un énoncé. Couler, glisser, souffler un mot à l'oreille de qqn. Ces excellentes natures qu'un rien contente, qu'un ruban rallie à jamais, qu'un dîner à la cour exalte, qu'un mot agréable de la part d'un ministre met en révolution (Reybaud,J. Paturot,1842, p.343).Madeleine alors me prit le bras, s'y appuya avec l'apparence d'un entier abandon, et me répondit un seul mot: «Mon ami, vous êtes un ingrat!» (Fromentin,Dominique,1863, p.173):
12. Je lui assurai que je ne pensais pas sans remords à l'abandon où je les avais laissés, lui et sa mère. Il parut surpris; il trouvait «très joli» que je leur eusse assuré une rente régulière. «Il y en avait beaucoup qui n'en auraient pas fait autant». Il ajouta un mot horrible: «Du moment que vous n'étiez pas le premier...» Évidemment, il jugeait sans indulgence sa mère. Mauriac,Noeud vip.,1932, p.210.
[Constr. avec un compl. prép. de indiquant le contenu communiqué] Mot d'amour, d'approbation, de consolation, d'éloge, d'excuse, d'explication, de louange, de pitié, de politesse, de regret, de remerciement, de reproche. Les femmes faisaient assaut de bons dîners et de toilettes; chacune d'elles avait tout dit en disant un mot de mépris sur son mari (Balzac,C. Birotteau,1837, p.56).Il ouvrait les bras à notre héros qui s'y précipita en fondant en larmes. L'abbé Blanès était son véritable père. − Je t'attendais, dit Blanès, après les premiers mots d'épanchement et de tendresse (Stendhal,Chartreuse,1839, p.151).J'ai reçu une lettre de Monsieur Jean. Elle est bien sèche, cette lettre. On dirait à la lire qu'il ne s'est jamais rien passé d'intime entre nous. Pas un mot d'amitié, pas une tendresse, pas un souvenir!... (Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p.158).
Loc. et expr.
a) Prép. + mot
Au bas mot. [Indique le niveau inférieur d'une évaluation quantitative] Au minimum, au moins. L'époque où l'île de Santorin n'avait pas encore vu sa partie centrale s'effondrer dans une convulsion volcanique, c'est-à-dire il y a quarante siècles au bas mot (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p.83).Plusieurs coulées de gemmes uniques! des parures! des émeraudes d'une magnificence incroyable!... un petit milliard au bas mot... (Céline,Mort à crédit,1936, p.514).
D'un mot, en un mot; p. hyperb. en un mot comme en cent, comme en mille. Bref, pour résumer. En un mot comme en cent, vous n'aurez jamais en ce pays une armée à vous (Courier,Pamphlets pol., Lettres partic., 2, 1820, p.70).Pascal! Grand homme avant trente ans; physicien, mathématicien distingué, apologiste sublime, polémique supérieur (...); philosophe profond, homme rare en un mot (J. de Maistre, Soirées St-Pétersbourg, t.1, 1821, p.522).En un mot comme en mille, il faut que vous preniez une grande passion pour MlleGosselin (Stendhal,L. Leuwen, t.2, 1835, p.401).D'un mot, Étienne résuma la situation: si elle voulait décidément la grève, la compagnie aurait la grève (Zola,Germinal,1885, p.1292).
En deux mots. Très brièvement. Pour tout dire en deux mots, notre vagabond s'était lié d'une amitié platonique avec une péripatéticienne de l'amour (Baudel.,Paradis artif.,1860, p.402):
13. ... il lui arrive une mauvaise histoire, (...). En deux mots, voilà: Avant-hier soir, au ciné, il prie une dame très chic de lui traduire le texte du film, un film roumain. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit ou fait, mais du ciné ils sont allés chez elle. Le mari qui devait être loin, comme toujours, rentre et les pince. Conan le rosse, et à fond, mais le mari est un commandant roumain... Ça fait naturellement un potin du diable! Vercel,Cap. Conan,1934, p.95.
Rem. On relève les var.: en trois, en quatre, en quelques mots: Une vraie parisienne de 1900 ne devait pas hésiter à donner son avis en trois mots, aussitôt fameux, sur une pièce, une guerre, un cheval, un opéra, un mariage princier, une grève, ou quelque arrivée de tsar (Fargue, Piéton Paris, 1939, p.182).
b) Verbe + mot
Avoir son mot à dire. Être autorisé à exprimer son avis, à donner son opinion. Pour aller de ce point de départ qu'a été la nature à ce point d'arrivée qu'est le tableau, pour simplement concevoir ce but, il a fallu une intention; pour réaliser cette jonction, il a fallu un intermédiaire. (...) L'artiste est tout cela. Qui donc, plus que lui, pourrait avoir son mot à dire? (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.86).
Avoir, échanger des mots avec qqn (fam.). Avoir une querelle, une altercation, échanger des propos malsonnants. Elle l'avait ramené dans la lumière. Il ne savait que dire. − «Tu as eu des mots avec le père, je parie? Tu n'oses plus rentrer chez toi?» La voix était douce. Il accepta le mensonge. Il avait retiré son chapeau et répondit poliment: − «Oui, Madame.» (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p.640).
N'avoir qu'un mot à dire. Être écouté ou obéi immédiatement. «Ange de Dieu, lui dit-elle, les brigands sont partis!» Le capitaine répondit en anglais: «Oui, Madame (...). − Excellent jeune homme! La bataille a dû être terrible! − Pas trop: bataille sans larmes. Je n'ai eu qu'un mot à dire (...)» (About,Roi mont.,1857, p.155).
Dire deux mots à qqn. Faire des reproches à quelqu'un, réprimander quelqu'un. Je le retiendrai ce marchand de tonneaux, Que si je le revois, je lui dirai deux mots (Ponchon,Muse cabaret,1920, p.270).César, indigné: L'infamie de cette Miette, avec sa coqueluche secrète! Té, je vais lui dire deux mots demain! (Pagnol,Fanny,1932, iii, 7, p.196).
Dire deux mots à qqc. (qui se mange ou se boit). [En parlant d'une nourriture ou d'une boisson] Consommer. Dire deux mots à un poulet. Tu dis que tu as froid pour que je t'offre la goutte (...). Nous allons donc dire un mot à ce flacon de cognac (Dumas père, Forestiers,1865, i, 1, p.149).
Ignorer, ne pas savoir le premier mot d'une chose. En ignorer tout. Janin, extrêmement myope et ne connaissant pas le premier mot de peinture, brode dans les beaux-arts (Arts et litt.,1936, p.40-9).Il a exister des événements d'importance capitale dont, faute de documents, nous ne saurons jamais le premier mot (Marrou,Connaiss. hist.,1954, p.69).
Placer son (un) mot. Intervenir dans une conversation. Ah! tu as beau hocher la tête et te croire plus d'esprit que les autres, c'est pourtant vrai! Mais tu ergotes toujours; on ne peut pas placer un mot avec toi! (Flaub.,Éduc. sent., t.2, 1869, p.138).Au premier arrêt des mâchoires, on sert des plaisanteries obscènes. Ils se bousculent tous et criaillent à qui mieux mieux pour placer leur mot (Barbusse,Feu,1916, p.29).Élisabeth: Rose ne t'a rien dit? Rose: Non, Élisabeth, j'allais le faire quand vous êtes entrée... Vous savez comme est Marianne et comme c'est difficile avec elle de placer un mot... (Mauriac,Mal Aimés,1945, i, 2, p.164).
Prendre qqn au mot. Prendre quelqu'un à ses propres paroles, accepter une proposition faite par quelqu'un qui ne pensait pas être pris au sérieux. Il a prétendu qu'il vous connoissait si bien, qu'il serait en état de faire votre portrait, nous l'avons pris au mot, et n'ayant pu se dédire, voici l'ouvrage qu'il nous a apporté ce matin, et qui ne manque pas de vérité (Sénac de Meilhan,Émigré,1797, p.1603).Je prie Votre Excellence de ne pas songer à moi pour la croix, et encore moins pour la gratification. − Prenez garde, monsieur, dit le ministre tout à fait en colère, je suis homme à vous prendre au mot (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.198).
c) Déterm. + mot
Dernier mot. Réponse définitive; dernière ressource. La docta ignorantia, dernier mot de la philosophie, proclame un dieu inconnaissable (Théol. cath.t.4, 1, 1920, p.1244).
C'est mon dernier mot. C'est la dernière proposition que je fais. V. aussi dernier II B 1 b.
Avoir le dernier mot (dans une discussion). L'emporter finalement, ne plus avoir de contradiction; avoir le pouvoir de décider en dernier ressort. Il n'est pas admissible que des groupes privés de citoyens façonnent à leur guise les décisions «impératives». La puissance publique doit avoir le dernier mot ou alors il n'y a plus d'état (Meynaud,Groupes pression Fr.,1958, p.308).Un colloque sur «Sport et médecine» était assemblé à Vichy (...). Soit, mais les athlètes (et quelquefois, dans une certaine mesure, leurs entraîneurs-conseillers) ont individuellement le dernier mot de ces palabres (Jeux et sports,1967, p.1229).
Dire son dernier mot. Faire sa dernière proposition; ne plus rien avoir à proposer. Il tourne trois fois sur lui-même, et pense sept fois sous son menton avant de dire son dernier mot (Proudhon,Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.339).Matisse a dit son dernier mot de peintre (un peintre qui renonce à la couleur pour se contenter du blanc et d'un ocre tirant sur le noir) (Dorival,Peintres XXes.,1957, p.70).
Ne pas avoir dit son dernier mot. Pouvoir encore intervenir, faire ou produire quelque chose, ne pas avoir donné toute sa mesure. La mécanique classique est loin d'avoir dit son dernier mot (Hist. gén. sc.,t.3, vol.2, 1964, p.184).
Le dernier mot d'une chose. Sa plus grande perfection. C'est là le dernier mot du luxe aujourd'hui. Posséder des choses qui ne soient pas vulgarisées par deux mille bourgeois opulents (Balzac,Cous. Bette,1846, p.341).La linotype n'était pas le dernier mot du progrès puisque apparurent, en 1900, la monotype, due à Tolbert-Lanston, qui fond les caractères un par un, et, en 1953, l'extraordinaire lumitype de Higonnet et Moyroud (P. Rousseau,Hist. des techn. et des inventions,1967, p.310).
Savoir, connaître le fin mot de qqc. V. fin2I A.
En partic. Courte lettre, billet. Écrire, envoyer un mot à qqn. Le directeur reçoit un mot bref de l'architecte: «Veuillez tenir pour nuls les plans que je vous ai envoyés. Je suis obligé de reprendre tous mes calculs» (Peisson,Parti Liverpool,1932, p.93).Je vais te faire un mot. Tu iras le porter en ville. On verra bien... (...). − Tiens, dis-je à Korzakow en lui tendant la lettre que je venais de cacheter (Cendrars,Bourlinguer,1948, p.75).
[Constr. avec un compl. prép. de indiquant le contenu du message] Mot de condoléance, de félicitation; envoyer, faire, écrire un mot d'excuse, de remerciement. Dans votre petit mot de réponse, soyez assez bon pour me donner des nouvelles de Mmede Saulcy à qui vous présenterez, je vous prie, mes respects (Flaub.,Corresp.,1863, p.316).Au bout d'un mois l'abbé Sancerre l'a quittée [la trappe de Fourmes], muni d'un mot de recommandation pour l'évêque de Chaux (Billy,Introïbo,1939, p.222).
2. En partic. Parole expressive et concise, remarquable par son caractère original, spirituel, profond, etc. Mot historique, mémorable; mot cruel, drôle, dur, frappant, piquant, spirituel, terrible, à l'emporte-pièce; bon mot; faire des mots. Coffe continua à penser tout haut avec une cruelle franchise. − Ici, c'était le mépris tout pur. Cela m'a fait penser au mot célèbre: on avale le mépris, mais on ne le mâche pas (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.56).La mère Félix (...) causant (...) de la façon dont elle est accouchée de Rachel en Suisse et de ce joli mot de la sage-femme suisse, lui demandant s'il faut faire comme à l'ordinaire, parce qu'elle n'a jamais accouché de juive! (Goncourt,Journal,1860, p.830).Kautsky rappelait, récemment, au congrès socialiste de Vienne, le mot fameux de Lassalle: «Le prolétariat est le roc sur lequel sera bâtie l'Église de l'avenir» (Jaurès,Ét. soc.,1901, p. x).V. axiome ex. de Gide:
14. Les musiciens professionnels, qui s'en tiendraient à la connaissance et à la jouissance intellectuelle des jeux et des problèmes harmoniques ou rythmiques, posés et résolus, n'entrent jamais dans le secret de l'art d'un Beethoven, chez qui le fond psychique imprègne toujours la forme. Chez nul artiste n'est plus exact le mot fameux: «Le style, c'est l'homme.» Rolland,Beethoven, t.1, 1937, p.272.
Mot d'esprit (v. ce mot 2esection I D 2 b).
[Constr. avec un compl. prép. de désignant l'auteur du mot] Mot d'auteur. Lagier qui passe, avec son air, son ton, tout ce qu'elle a d'inimitable, salue le préfet de police d'un Bonjour, mon général! −un mot de putain sublime (Goncourt,Journal,1864, p.75).
Mot d'enfant. Parole touchante ou drôle, caractéristique de la mentalité enfantine. Daudet parlait aujourd'hui d'un garçon de la littérature (...) dont la spécialité était de fabriquer des mots d'enfant, des mots de bébé, et qui lui disait: «J'ai fait aujourd'hui un bébé de 3 francs!» (Goncourt,Journal,1864p.658).Je crois que mon père m'aimait bien. Il m'emmenait quelquefois en promenade, c'est un bon signe, parce que les hommes rougissent de sortir avec un enfant qui fait des mots d'enfant (Nizan,Conspir.,1938, p.217).
Loc. et expr.
Mot de la fin (v. ce mot A 3 a).
Mot de la situation*.
Avoir le mot pour rire Je te fais hisser avec ce vaurien (...) à la plus haute potence de Greenock dans une chemise de mailles de fer, pour jouer par cet appât un tour mémorable aux corbeaux. Tu n'auras jamais été vêtu aussi solidement (...). − Monseigneur a toujours le mot pour rire (Nodier,Fée Miettes,1831, p.132).
Devise héraldique. Au Moyen Âge, on faisait grand usage des emblèmes et des mots. Quelques-uns de ces mots avaient un caractère définitif et demeuraient, pour l'existence, la propriété distinctive de ceux qui les avaient adoptés. Tels, le mot JAMAIS que choisit Charles VI, et JE L'AI EMPRIS (entrepris) qui fut, sa vie durant, la devise de Charles le Téméraire (Havardt.31883).
III. − Dans le domaine du jeu
A. Mot d'une charade, d'une énigme (v. ce mot A). Mot que l'on donne à deviner dans une charade ou une énigme. [De Marsay à Paquita:] (...) tu es, foi d'honnête homme, une charade vivante, dont le mot me semble bien difficile à trouver (Balzac,Fille yeux d'or,1835, p.384).
B. − Mots carrés. Jeu d'esprit se présentant sous la forme de points alignés les uns au-dessous des autres en forme de carré et symbolisant les lettres du mot (dont la définition est donnée par ailleurs) constitué par la ligne de points, les mots trouvés devant se lire horizontalement et verticalement (d'apr. Alleau 1964).
C. − Mots croisés. Jeu d'esprit se présentant sous forme d'une grille quadrillée, à cases blanches et noires, dans laquelle se disposent des mots se lisant horizontalement et verticalement, (avec des lettres communes à l'intersection) et devant être trouvés à l'aide de définitions, les cases blanches recevant les lettres des mots découverts par le joueur, les cases noires séparant les mots qui ne se lisent que dans un seul sens. Jouer aux mots croisés; grille de mots croisés; amateur de mots croisés. Les voyous suivent des problèmes de mots croisés et vont au café comme les rentiers vont aux courses (Fargue,Piéton Paris,1939, p.136).À partir des informations incomplètes − parfois trompeuses − d'un problème de mots croisés, je remplis les cases vides, et j'arrive à refaire sans faute le modèle inconnu de moi (Ruyer,Cybern.,1954, p.152).Les mots croisés sont naturellement un jeu solitaire, mais un jeu où l'on peut gagner ou perdre, selon que l'on découvre ou non les mots de l'énigme (Jeux et sports,1967, p.345).
REM.
Mots-croisiste, subst.Amateur de mots croisés. Synon. cruciverbiste. (Ds Lar. Lang. fr.).
Prononc. et Orth.: [mo]. Homon. maux. Pas de liaison sauf ds mot à mot: [mɔtamo]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A.1. Fin xes. ne soner mot «ne rien dire» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 214: Jesus li bons mot no.l soned); ca 1100 n'en savoir mot «ne se douter nullement de...» (Roland, éd. J. Bédier, 1173); 2. 1549 mot composé (Du Bellay, Deffense et illustration, éd. H. Chamard, p.193); 3.ca 1180 vén. (G. de Berneville, Gilles, 1895 ds T.-L.: Quatre moz corne...); 4. 1erquart xiiies. moz «paroles d'une pièce chantée» (Jean Renart, Galeran, éd. L. Foulet, 1172), cf. motet; 5. a) ca 1170 mot à mot «avec précision, sans passer un mot» (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 6271); b) 1549 traduire mot a mot (Th. Sibilet, Préface de l'Iphigene d'Euripide cité ds Du Bellay, Œuvres poét., éd. H. Chamard, t.1, p.19); 6. a) 1530 mot du guayct «mot qu'un chef donne à ceux qui sont sous ses ordres pour qu'ils puissent se reconnaître entre eux» (Palsgr., p.287); b) 1674 se donner le mot «s'entendre, être de connivence» (La Fontaine, Contes, 4epartie ds Œuvres, éd. H. Régnier, t.5, p.590); c) 1694 mot de ralliement (Ac.); d) 1828-29 mot de passe (Vidocq, Mémoires, t.1, p.147); 7. 1690 mot d'une énigme (Fur.). B. 1. a) ca 1100 sing. à valeur collective «discours, ce qu'on répond à quelqu'un» (Roland, 1164: Si lur ad dit un mot curteisement); b) ca 1100 a icest mot (ibid., 1180); c) fin xiies. s'écrier trois mots (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 2374); 2. a) 1246 faire mot à qqn «attaquer quelqu'un par des paroles» (texte cité ds Runk., p.94); b) 1718 (Ac.: On dit par forme de menace, Nous en dirons deux mots quand vous voudrez); c) 1866 avoir des mots avec qqn (Delvau, Langue verte, p.17); 3. a) fin xives. plur. «propos, bavardages» (E. Deschamps, Miroir de mariage, 5504, éd. G. Raynaud, t.9, p.180); b) av. 1715 se payer de mots (Malebranche cité ds Fér., s.v. payer); 4. a) 1205-50 bon mot «trait plaisant, ingénieux» (Renart, éd. Martin, XXII, 6); b) 1549 le petit mot pour rire (Du Bellay, Deffense et illustration, p.110); c) 1585 «parole expressive» (Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. Assézat, t.2, p.294); 5. a) 1464 «prix qu'on offre ou qu'on demande de quelque chose» (Pathelin, éd. R. T. Holbrock, 1196: se je ne vous paye a vostre mot); b) 1549 prendre au mot (Est.); c) 1793 au fig. (Collin d'Harleville, Vieux Celib., IV, 5 ds Littré: Fort bien! C'est votre dernier mot?; 6. 1631 un mot d'écrit «un billet» (Rotrou, Hypocondriaque, III, 1 ds Œuvres, Paris, 1820, t.1, p.31). C. a) 1925 mots en croix (Eve, 22 mars, 3 ds Quem. DDL t.16); b) 1929 mots croisés (Lar. 20e, s.v. croiser). Du b. lat. muttum «son» dér. régr. de muttire «produire le son mu, grommeler» remontant au rad. onomatopéique *- (cf. mutmut facere «émettre un son à peine distinct, un chuchotement» att. par Apulée, v. TLL s.v. mutmut, 1722, 28), att. dep. le ives. (St Jerôme, v. TLL s.v., 1730, 24) et en lat. médiév. dep. le viiies. (v. Nierm., Du Cange). En b. lat. muttum est employé dans des phrases négatives, littéralement «ne pas ... un son» et il en est de même dans les 1resattest. du fr. (ne soner mot, ne tinter mot, ne parler mot, v. T.-L. et Romania t.64, p.347, t.65, p.223 et 539); par la suite mot s'est employé en dehors de cette tournure négative et a pris le sens de «parole, discours». Au sens C cf. angl. cross-word puzzle (1914, New York World, 6 déc. ds NED Suppl.2). Fréq. abs. littér.: 46816. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 65331, b) 65556; xxes.: a) 66015, b) 68528. Bbg. Marouzeau (J). Aspects du fr. Paris, 1950, pp.181-197. _ Quem. DDL t.1, 16, 17, 19, 21. _ Rey-Debove (J.). Le Métalangage: ét. ling. du discours sur le lang. Paris, 1978, p.41, 137. _ Rosetti (A). Autour du mot Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1966, t.4, no1, pp.427-428; Sur le mot. In: Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13. 1971. Québec, 1976, t.1, pp.571-576. _ Tamba-Mecz (I.). Fantômes et réalités ling. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1979, t.17, no1, pp.319-335. _ Tilander (G.). Ne sonner mot ... Romania. 1938, t.65, pp.346-394. 1939, t.65, pp.539-543. _ Togeby (K.). Qu'est-ce qu'un mot? In: T.(K.). Choix d'articles: 1943-1974. Copenhague, 1978, pp.51-65.

Wiktionnaire

Nom commun 2 - ancien français

mot \Prononciation ?\ masculin

  1. Variante de molt.
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)

Nom commun - ancien français

mot \Prononciation ?\ masculin

  1. Mot.
    • Par moz couvers et par cointes semblans.
  2. Son de trompe.

Nom commun - français

mot \mo\ ou \mɔ\ (Belgique) (Franche-Comté) masculin

  1. (Linguistique) Succession de sons dans les langues parlées, ou de signes dans les langues des signes ou écrites, qui a un sens propre, et qui est isolée soit par deux blancs à l’écrit, soit par une pause à l’oral.
    • Il fit une seconde halte pour lire ces mots : À la Belle-Étoile, écrits en légende sous une peinture qui représentait le simulacre le plus flatteur pour un voyageur affamé : c’était une volaille rôtissant au milieu d’un ciel noir. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre IV)
    • On n’a pas évoqué une chose quand on l’a appelée par son nom. Les mots, les mots, on a beau les connaître depuis son enfance, on ne sait pas ce que c’est. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Et sa voix alors prenait une intonation dolente et uniforme, enflant les mots, appuyant indéfiniment sur les syllabes. Cela m’agaçait beaucoup. — (Octave Mirbeau, Contes cruels : La Chanson de Carmen (1882))
    • Bien qu’il n’eût pu comprendre un seul mot de ce qui avait été dit, Bert éprouva un choc en remarquant le ton qu’avait pris l’homme. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 247 de l’édition de 1921)
    • D’ailleurs il a pas mal lu, Nastase  ; autrefois, avec Totome, ils passaient des soirées et des veillées à chercher des mots chics dans le petit Larousse. — (Louis Pergaud, Un point d’histoire, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Les hommes ont forgé des mots pour expliquer cet inexplicable. Ils ont dit : audace, confiance en soi, absence de scrupules. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930)
    • Il s’interrompit net et nous fit un sourire plutôt torve et en coin, comme s’il désespérait d’arriver à traduire en mots sa pensée. — (Henry Miller, L’Ancien Combattant alcoolique au crâne en planche à lessive, dans Max et les Phagocytes, traduction par Jean-Claude Lefaure, éditions du Chêne, 1947)
    • Ce que j'écoutais, ce que je guettais, c'était les mots : car j'avais la passion des mots ; en secret, sur un petit carnet, j'en faisais une collection, comme d'autres font pour les timbres.
      J'adorais
      grenade, fumée, bourru, vermoulu et surtout manivelle : et je me les répétais souvent, quand j'étais seul, pour le plaisir de les entendre. — (Marcel Pagnol, La gloire de mon père, 1957, collection Le Livre de Poche, page 197.)
    • Je ne saisis pas, quant à moi, un seul mot de leur jargon. Ni le maire, ni le curé je ne les entends. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • On étudiera également les possibilités d’épelation du malade pour des mots en rapport avec son niveau scolaire. — (Julián de Ajuriaguerra & ‎Henry Hécaen, Le cortex cérébral; étude neuro-psycho-pathologique, Masson, 1960, page 170)
    • S’il faut une grande intelligence pour créer un mot, quel âge a donc la parole humaine ? — (Philippe Sollers, Éloge de l’infini, Gallimard, page 368)
    • Les mots sont la façon qu'a trouvée l'homme de donner du sens au chaos. — (Antoine Bello, Ada, 2016 ; édition Blanche, 2016, page 280)
    • Si le mot « alcoolisme » est la définition « usuelle », le terme « œnolisme » est une expression plus médicale et assez élégante, mais à la campagne, on appelle ça tout bonnement « l’ivrognerie ».
      Voilà un mot qui dit ce qu’il veut dire !
      — (Michel Petit, Taote Feti'i, un médecin de famille à Tahiti, Éditions Publibook, 2012, page 92)
  2. (Typographie) Groupement de lettres de l’alphabet juxtaposées, et séparés des autres tels groupements par des espaces, des signes de ponctuation ou d’autres caractères hors de l’alphabet.
    • Pour un typographe, presqu’île est formé de deux mots, alors que pour un linguiste, c’est un mot.
  3. (Logique) Séquence de symboles.
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)
  4. Parole ; discours.
    • Personne ne pouvait prononcer une phrase, dire un mot, apprécier un argument, juger un fait sans qu’aussitôt les autres ne demandassent : « la conclusion » ? — (Louis Pergaud, Un point d’histoire, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Mot lamentable, mot tragique ! Je n'oublierai jamais le ton que prit Charlotte pour me dire ce mot-là. — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre III)
    • Le soudain tutoiement, la violence des mots, enlaidissent Hugues aussitôt. Ce n'est plus qu'un petit voyou, plein de haine. — (Laure Angélis, Le lys écarlate, Editions Pierre Téqui, 1998, page 130)
    • En 2016, il avait réussi à peser sur le débat en formulant des problèmes importants qui étaient dans l’air du temps. La suite dira si l’on peut changer l’industrie de la tech avec des mots. Cela peut en tout cas y contribuer. — (Alexandre Piquard, Tristan Harris, l’ex-ingénieur qui veut empêcher la technologie de « dégrader l’humain », Le Monde. Mis en ligne le 24 avril 2019)
    • Il ne m’en a pas dit un mot, un traître mot.
    • Il demeura confus et ne dit mot.
  5. Message écrit.
    • Malraux, fait prisonnier, adresse à Josette des mots signés d'une tête de chat. Enceinte, elle lui rend visite en prison, à Collemiers, suscitant l’émotion des villageois. — (Anissa Benzakour-Chami, Clotis Josette (1910-1944), dans le Dictionnaire Malraux, CNRS Éditions, 2011)
  6. Prix que l’on demande ou que l’on offre de quelque chose.
    • Est-ce votre dernier mot ?
  7. (Par ellipse) Mot de passe ou mot-clé. D’où l’expression se donner le mot qui signifie être de connivence. Particulièrement, en termes de guerre, le mot ou plutôt les deux mots qu’un chef donne à ceux qui sont sous ses ordres, pour qu’ils puissent se reconnaître entre eux.
    • Quand un poste reconnaît une patrouille, il en reçoit le mot d’ordre et lui donne celui de ralliement. On disait autrefois dans le même sens « Le mot du guet ».
    • Mais rassurez-vous, on nous attend dans le Louvre, et quant au mot qui demain sera donné à tous les postes, je le connais. C'est : CAPESTANG.. — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
  8. Trait d’esprit.
    • Il eut tort de citer le mot de Voltaire, qui est beaucoup trop décisif et immodéré : « L’écriture est la peinture de la voix ; plus elle est ressemblante, meilleure elle est », et qui conduirait à l’orthographe individuelle, c’est-à-dire à une confusion telle qu’on ne se comprendrait jamais quand on s’écrirait les uns aux autres. — (Émile Faguet, Simplification simple de l’orthographe, 1905)
    • Les gens d'esprit se consolent plus facilement que d'autres : ils appliquent une épigramme sur leurs chagrins et soulagent leurs douleurs avec un bon mot. — (Louis Énault, Alba, 1860)
    • Il aimerait mieux perdre un ami qu’un bon mot.
    • Il a toujours le mot pour rire.
  9. Échange verbal dans une querelle ; menaces, paroles offensantes.
    • En venir aux mots.
    • Avoir des mots.
  10. (Par ellipse) Quelque chose de plus à dire. Tournure utilisée lorsqu’on interpelle quelqu’un pour lui parler.
    • Un mot, deux mots, s’il vous plaît.
  11. Parole vaine, par opposition au sérieux d’une idée ou à la réalité d’un fait.
    • Cette démarche, que l’on peut traduire par « une seule santé », considère que la santé des écosystèmes et celle des humains sont liées. La pandémie de Covid-19 l’a popularisée, y compris chez les gouvernants. Mais pour l’instant cela reste des mots, constate dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ». — (Stéphane Foucart, « Dans le monde politique, l’approche “One Health” demeure incantatoire », Le Monde. Mis en ligne le 25 avril 2021)
    • Ce sont des mots, ce ne sont que des mots.
  12. (Vieilli) Devise.
    • Dans la devise de Louis XII, le corps était un porc-épic, et le mot Cominus et eminus ; dans celle de Louis XIV, le corps était un soleil, et le mot Nec pluribus impar.
  13. (Informatique) Séquence de bits ou d’octets comme unité de base manipulée par un processeur.
    • La taille d’un mot mémoire dépend du type de processeur ; elle est de
      1 octet (8 bits) dans les processeurs 8 bits (par exemple Motorola 6502) ;
      2 octets dans les processeurs 16 bits (par exemple Intel 8086) ;
      4 octets dans les processeurs 32 bits (par ex. Intel 80486 ou Motorola 68030).
      — (Emmanuel Viennet, 1.3 Architecture de base d’un ordinateur, dans Cours Architecture des Ordinateurs, 2001)
  14. Sentence, apophtegme, parole mémorable.
    • Mot historique.
    • Ce philosophe a dit un mot remarquable.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MOT. n. m.
Son ou groupe de sons servant à exprimer des actions, des sensations, des sentiments, des idées, ainsi que leurs rapports. Mot français, latin, grec, etc. Mot barbare. Vieux mot. Mot qui n'est plus en usage, qui est tombé en désuétude, qui a vieilli. Mot nouveau. Mot usité, inusité. Mot familier, populaire, trivial. Mot savant, technique. Mot rude, harmonieux. Mot de deux syllabes, de trois syllabes. Mot simple, mot composé. Ces deux mots sont synonymes. Choisir ses mots. Bien prononcer, bien articuler les mots. Ce mot est fort expressif, fort significatif. Ce mot n'est pas de la langue. L'emploi, l'arrangement, le choix des mots. Ce mot a plusieurs significations, plusieurs acceptions différentes. Ce mot est du style poétique. Ce mot est dérivé du grec, est emprunté du latin. Mot propre, Mot qui exprime avec plus de justesse et d'exactitude que tout autre l'idée qu'on veut faire entendre. Il faut, pour bien écrire, employer le mot propre. On dit, par opposition, Mot impropre. Mot faible, Celui qui n'exprime qu'imparfaitement l'idée, qui ne lui donne pas toute sa force. Mot à double entente, Mot qui a deux sens, qui est susceptible de deux interprétations. On dit aussi Mot équivoque ou ambigu. Mot factice, Mot qui est dérivé d'un autre mot suivant l'analogie ordinaire, mais dont l'usage n'est pas établi. Mot artificiel, Mot dont on se sert pour aider la mémoire par l'arrangement des lettres. Ainsi les termes de Logique, Barbara, Celarent, etc., sont des mots artificiels dont on se servait pour graver plus aisément dans la mémoire les différentes espèces de syllogismes. Mot consacré, Mot qui est tellement propre et usité pour signifier une certaine chose, qu'on ne peut pas se servir d'un autre mot sans parler improprement. Ainsi, en Théologie, les mots Consubstantiel et Transsubstantiation sont des mots consacrés; de même qu'en Physique les mots Gravitation, Raréfaction, Condensation, etc. Mot sacramentel ou sacramental. Mot qui appartient à un sacrement; et, par extension, Mot qui est essentiel à la validité d'un acte, d'une convention. Mot forgé. Voyez FORGER. Mot hybride. Voyez HYBRIDE. Fig. et fam., Gros mot, Juron, mot grossier, malséant. Il a dit de gros mots, des gros mots. Il signifie aussi Menaces, paroles offensantes. De la raillerie ils ont passé, ils en sont venus aux gros mots. Fig., Grand mot. Voyez GRAND. Fam., Le grand mot est lâché, Le mot qu'on retenait est enfin échappé. Jeu de mots. Voyez JEU. Jouer sur les mots. Voyez JOUER. Mot d'une énigme, d'une charade, Mot qu'on propose à deviner dans une énigme, dans une charade. Fig., C'est le mot de l'énigme, C'est l'explication de cette chose mystérieuse. On dit dans le même sens Voilà le fin mot de l'affaire. Fig. et fam., Je n'entends pas le fin mot de tout cela, Je ne comprends pas ce qu'on veut, j'ignore à quoi tendent tous ces discours, ce que signifie cette conduite singulière. Fig. et fam., Dire le fin mot, Manifester entièrement son projet, ses vues. Il n'a pas encore dit le fin mot. Vous dites là le mot, Ce que vous dites éclaircit la difficulté, est décisif. Mot de la fin. Voyez FIN. Fig. et fam., Traîner ses mots, Parler très lentement. Compter ses mots, Parler avec lenteur et avec affectation. Manger ses mots, la moitié de ses mots, Ne pas prononcer nettement toutes les lettres ou toutes les syllabes des mots. Peser ses mots, Parler avec prudence, après mûre réflexion. Fig., Trancher le mot, Nommer les choses par leur nom, parler net. C'est un homme sans délicatesse; tranchons le mot, c'est un malhonnête homme. On dit dans le même sens : Il n'y a qu'un mot qui serve.

MOT se dit aussi de l'Ensemble des caractères qui figurent un mot. Effacer, rayer, ajouter un mot. Épeler les lettres d'un mot. Mot illisible. Deux mots ont été sautés.

MOT signifie encore Parole vaine, par opposition au sérieux d'une idée ou à la réalité d'un fait. Se payer de mots. Fam., Ce sont des mots, ce ne sont que des mots, Ces paroles sont vides de sens. Les mêmes locutions signifient aussi Ces paroles ne seront suivies d'aucun effet. Ne vous inquiétez pas de ses menaces, ne croyez pas à ses promesses, ce sont des mots, ce ne sont que des mots.

MOT se prend aussi pour Ce qu'on dit ou ce qu'on écrit brièvement à quelqu'un. Si vous le voyez, je vous prie de lui dire un mot de ma part, un mot en ma faveur. Il ne m'en a pas dit un mot, un traître mot. Il lui a dit un mot à l'oreille. Je n'ai pas pu placer un mot dans la conversation. Je lui ai glissé un mot de votre affaire. Ce mot, jeté à propos dans la discussion, a concilié tous les avis. Dites-lui un mot pour moi dans la lettre que vous lui écrivez. Je lui en écrirai un mot. Faites-moi un mot de réponse. Je n'ai qu'un mot, que deux mots à vous dire. Je vous expliquerai cela en un mot, en deux mots, en trois mots, en quatre mots : l'usage ne va pas plus loin; on ne dit pas en cinq mots. En quelques mots, en peu de mots, Brièvement, succinctement. Je vous expliquerai l'affaire en quelques mots. Voici, en peu de mots, le résumé de la situation. Comprendre à demi-mot, Comprendre ce qu'un autre veut dire, sans qu'il se soit entièrement expliqué. S'exprimer à mots couverts. Voyez COUVRIR. Ne dire mot, ne répondre mot, Ne point parler, ne point répondre. Il demeura confus et ne dit mot. Il est parti sans dire mot, sans mot dire. Il n'eut pas le moindre mot, pas le plus petit mot à dire. On eut beau l'interroger, il ne répondit pas un mot. Fam., S'il ne dit mot, il n'en pense pas moins, se dit d'un Homme qui, pour quelque raison que ce soit, s'abstient de dire ce qu'il éprouve ou ce qu'il pense, et signifie Il a plus d'esprit, plus de sentiment qu'il ne paraît en avoir, ou encore, Quoiqu'il garde le silence, il n'en a pas moins une opinion, un parti très arrêtés sur la chose dont il s'agit. Prov., Qui ne dit mot consent, En certains cas, se taire c'est consentir. Fam., Ne pas souffler mot, Ne rien dire. Dire son mot, placer son mot, Intervenir dans une conversation. Avoir le dernier mot, Ne pas céder dans une discussion. Pop., Avoir des mots, Se quereller. Un mot, deux mots, s'il vous plaît, Façons de parler elliptiques et familières dont on se sert lorsqu'on appelle quelqu'un pour lui parler. Par forme de menace, Nous en dirons deux mots quand vous voudrez, Nous viderons notre querelle quand il vous plaira. On dit dans le même sens : J'ai à me plaindre de lui, je lui en dirai deux mots. Familièrement et par plaisanterie, Dire deux mots à un pâté, Se servir un bon morceau de pâté. On dit dans le même sens Dire deux mots à une bouteille.

MOT signifie encore Sentence, apophtegme, parole mémorable. Mot historique. C'est un mot de Montaigne. Ce philosophe a dit un beau mot, un grand mot, un mot remarquable. Il signifie aussi Trait d'esprit. Faire des mots. Mot heureux. Mot d'esprit. On dit dans un sens analogue Mot de caractère, Mot qui peint le caractère d'un individu. Mot d'auteur, Mot qui reflète l'esprit d'un auteur plutôt que le caractère du personnage dans la bouche de qui il est mis. Bon mot, Trait ingénieux, vif et plaisant. Dire des bons mots. Diseur de bons mots. Il aimerait mieux perdre un ami qu'un bon mot. Fam., Mot pour rire, Ce que l'on dit en plaisantant pour amuser les autres. Il a toujours le mot pour rire. Il n'y a pas là le mot pour rire, se dit Lorsque la chose dont on parle est trop sérieuse pour être tournée en plaisanterie. Mot à l'emporte-pièce. Voyez EMPORTE-PIÈCE.

MOT se dit, en outre, du Prix que l'on demande ou que l'on offre de quelque chose. Est-ce votre dernier mot? Dites-moi votre dernier mot. Je ne descendrai pas au-dessous de mille francs : c'est mon dernier mot. Au bas mot, Au plus bas prix, au minimum. Prendre quelqu'un au mot, Se hâter d'accepter une offre. Vous m'offrez votre démission : je vous prends au mot. Cela se dit surtout quand il s'agit du Prix d'un achat ou d'une vente. Il ne m'a demandé que vingt francs de ce volume : je l'ai pris au mot.

MOT, dans un sens encore plus particulier, désigne un Billet portant assurance ou déclaration de quelque chose. Je vous prêterai mille francs, mais donnez-moi un mot de votre main, donnez-moi un mot d'écrit.

MOT signifie encore Mot convenu et désigne particulièrement, en termes de Guerre, le Mot ou plutôt les deux mots qu'un chef donne à ceux qui sont sous ses ordres, pour qu'ils puissent se reconnaître entre eux. Quand le chef donne deux mots, ce qui a presque toujours lieu, le premier s'appelle Mot d'ordre, et le second Mot de ralliement. Cependant on comprend aussi quelquefois sous la dénomination de Mot d'ordre l'un et l'autre de ces deux mots. Donner le mot. Aller prendre le mot. Le mot d'ordre, le mot qu'on avait donné, le jour du combat, était Masséna et Metz. Quand un poste reconnaît une patrouille, il en reçoit le mot d'ordre et lui donne celui de ralliement. On disait autrefois dans le même sens Le mot du guet. Mot de passe, Mot qu'il faut dire pour qu'on vous laisse passer. Fig., Avoir le mot, Être averti de ce qu'il convient de dire ou de faire dans une certaine circonstance. Vous pouvez compter sur lui, il a le mot. Fig. et fam., Ces gens-là se sont donné le mot, Ils sont de concert et d'intelligence ensemble.

MOT, dans une devise, signifie les Paroles de la devise. Dans la devise de Louis XII, le corps était un porc-épic, et le mot Cominus et eminus; dans celle de Louis XIV, le corps était un soleil, et le mot Nec pluribus impar. En termes de Jeu, Mot carré, Mots croisés, Jeux d'esprit où des lettres disposées en carré ou en croix forment les mots que l'on doit deviner.

À CES MOTS, loc. adv. usitée dans la narration. Après avoir ainsi parlé, après qu'on eut ainsi parlé. À ces mots, il quitta la réunion. À ces mots, il fondit en larmes.

EN UN MOT, loc. adv. Bref, enfin, en peu de mots. Il est bon, vertueux, désintéressé, généreux; en un mot, c'est un homme accompli. En un mot, je n'en ferai rien, Pour répondre en un mot à toutes vos raisons, je dis que je n'en ferai rien. En un mot comme en cent, en un mot comme en mille, Façons de parler familières, par lesquelles on marque sa dernière résolution. En un mot comme en mille, je suis décidé à n'en rien faire.

MOT À MOT, MOT POUR MOT, loc. adv. Sans aucun changement ni dans les mots ni dans leur ordre. Apprendre quelque chose mot à mot. Transcrire, traduire, rendre mot à mot. Rapporter mot à mot, ou mot pour mot, tout ce qu'on a entendu dire. Cette phrase est mot pour mot dans Montaigne, dans Voltaire, etc., Elle s'y trouve entièrement et dans les mêmes termes. Dicter mot à mot, Dicter un mot après l'autre, ne dicter qu'un mot à la fois.

MOT À MOT s'emploie quelquefois substantivement et signifie Traduction littérale. Faire le mot à mot d'une version. Voilà le mot à mot de la phrase : il reste à la mettre en bon français.

Littré (1872-1877)

MOT (mo ; on prononçait mo au XVIe siècle, PALSGRAVE, p. 24, et non pas mot' ; le t se lie dans la prononciation soutenue : un mo-t ambigu ; dans la conversation, on ne le lie pas, excepté dans la locution : mot à mot ; quelques personnes font sentir le t, mot', quand mot finit une phrase ; cela n'est pas aujourd'hui de bon usage, bien qu'anciennement Régnier-Desmarais en ait fait une règle ; au pluriel, l's se lie : des mo-z ambigus ; mots rime, outre les terminaisons en ots, avec faux, repos, eaux, etc.) s. m.

Résumé

  • 1° Son monosyllabique ou polysyllabique, composé de plusieurs articulations, qui a un sens.
  • 2° Mot nouveau, mot propre, mot faible.
  • 3° Mots consacrés, sacramentels, factices, forgés.
  • 4° Gros mots, mots gras.
  • 5° Grands mots.
  • 6° Paroles.
  • 7° Ce qu'on écrit brièvement à quelqu'un.
  • 8° Les mots, par opposition aux choses.
  • 9° Sentence, apophthegme, dit notable, parole mémorable.
  • 10° Un bon mot.
  • 11° Mot fin.
  • 12° Fin mot.
  • 13° Mot trouvé.
  • 14° Mot pour rire.
  • 15° Prix que l'on demande ou que l'on offre d'une chose ; le dernier mot ; au bas mot ; prendre au mot.
  • 16° Le mot d'une énigme, d'une charade, d'un logogriphe,
  • 17° Le mot dans une devise.
  • 18° Mot d'ordre.
  • 19° En un mot ; en deux mots ; en peu de mots.
  • 20° Mot à mot ; le mot à mot.
  • 21° De mot à mot.
  • 22° À ces mots.
  • 23° À demi-mot ; le demi-mot.
  • 24° À mots couverts.
  • 25° Dans l'ancienne poésie française, vers qui se répétait dans toutes les stances d'un poëme.
  • 26° En vénerie, sonner un ou deux mots.
  • 1Son monosyllabique ou polysyllabique, composé de plusieurs articulations, qui a un sens. Vous vous souvenez du vieux pédagogue de la cour, et qu'on appelait autrefois le tyran des mots et des syllabes [Malherbe], Guez de Balzac, Socrate chrétien, X. Cependant leur savoir ne s'étend seulement Qu'à regratter un mot douteux au jugement, Régnier, Sat. IX. J'ai une certaine tendresse pour tous ces beaux mots que je vois ainsi mourir, opprimés par la tyrannie de l'usage qui ne nous en donne point d'autres en leur place, Vaugelas, Rem. t. I, p. 206, dans POUGENS. Je me souviens de cette belle différence qu'il y a entre les personnes et les mots, qui est que, quand une personne est accusée et que l'on doute de son innocence, on doit aller à l'absolution ; mais, quand on doute de la bonté d'un mot, il faut au contraire le condamner et se porter à la rigueur, Vaugelas, ib. t. II, p. 917. Une oreille un peu délicate pâtit furieusement à entendre prononcer ces mots-là, Molière, Préc. 5. Et Malherbe et Balzao, si savants en beaux mots, Molière, F. sav. II, 7. Quand, dans un discours, se trouvent des mots répétés, et qu'essayant de les corriger, on les trouve si propres, qu'on gâterait le discours, il les faut laisser, Pascal, Pens. VII, 21, éd. HAVET. Il y en a qui vont jusqu'à cette absurdité d'expliquer un mot par le mot même ; j'en sais qui ont défini la lumière en cette façon : la lumière est un mouvement luminaire… on voit assez de là qu'il y a des mots incapables d'être définis, Pascal, Géom. I. Ces mots primitifs, espace, temps, mouvement…, Pascal, ib. … L'imagination que l'on prend que les bonnes choses [des sciences] sont inaccessibles, en leur donnant le nom de grandes, hautes, élevées, sublimes… je voudrais les nommer basses, communes, familières ; ces noms-là leur conviennent mieux, je hais les mots d'enflure, Pascal, ib. II. Quelle facilité, quelle éloquence [dans une lettre] ! avec quel respect tous les mots viennent s'offrir à vous et à l'arrangement que vous en faites ! Sévigné, 24 mai 1690. Il ne faut jamais disputer des mots, mais tâcher de les entendre, Bossuet, Ét. d'orais. II, 2. On vit redoubler sa valeur ; n'entendez pas par ce mot une hardiesse vaine, indiscrète, emportée, Fléchier, Turenne. Quand la Toute-Puissance D'un mot forma le ciel, l'air, la terre et les flots, Boileau, Sat. XI. Ce n'est pas quelquefois qu'une muse un peu fine Sur un mot en passant ne joue et ne badine, Boileau, Art poét. II. Ainsi, recommençant un ouvrage vingt fois, Si j'écris quatre mots, j'en effacerai trois, Boileau, Sat. II. Il est un heureux choix de mots harmonieux ; Fuyez des mauvais sons le concours odieux, Boileau, Art poét. I. Mais mon esprit, tremblant sur le choix de ses mots, N'en dira jamais un s'il ne tombe à propos, Boileau, Sat. II. Et sur le ton grondeur lorsqu'elle les harangue [ses domestiques], Il faut voir de quels mots elle enrichit la langue, Boileau, ib. X. Enfin Malherbe vint… D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, Boileau, Art poét. I. Tantôt, cherchant la fin d'un vers que je construi, Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avait fui, Boileau, Ép. VI. Et, sans dire un seul mot, j'avalais au hasard Quelque aile de poulet…, Boileau, Sat. III. Ils me font dire aussi des mots longs d'une toise, Racine, Plaid. III, 3. Josabet livrerait même sa propre vie, S'il fallait que sa vie, à sa sincérité, Coûtât le moindre mot contre la vérité, Racine, Ath. III, 4. D'un mot ou d'un regard je puis le secourir, Racine, Bajaz. I, 4. Marot, par son tour et par son style, semble avoir écrit depuis Ronsard ; il n'y a guère entre ce premier et nous que la différence de quelques mots, La Bruyère, I. Combien de ces mots aventuriers qui paraissent subitement, durent un temps, et que bientôt on ne revoit plus ! La Bruyère, V. Il n'appartient qu'à elles [les femmes] de faire lire dans un mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate, La Bruyère, I. Chaque mot dans mon cœur enfonce le poignard, Voltaire, Alz. III, 4. Citer les meilleurs auteurs qui ont fait usage de ce mot, faire voir le plus ou moins d'étendue qu'ils lui ont donné, remarquer s'il est plus propre à la poésie qu'à la prose, Voltaire, Dict. phil. Dictionnaire. Quelle perte pour ceux d'entre nos écrivains qui ont l'imagination forte, que celle de tant de mots que nous revoyons avec plaisir dans Amyot et dans Montaigne ! Diderot, Lett. sur les sourds-muets, Œuv. t. II, p. 343, dans POUGENS. Un seul mot renferme souvent une collection d'idées : tels sont les termes d'esprit et de cœur, Duclos, Consid. mœurs, ch. 11. Les mots sont des termes moyens entre les idées et les objets ; l'idée doit produire le mot, et le mot doit rappeler l'idée ; mais le sens des mots n'est pas toujours tellement déterminé qu'il amène cet effet, Sennebier, Ess. sur l'art d'observ. t. II, p. 45, dans POUGENS. Mais l'abus… sottise que ce mot ; ceux qui l'ont inventé, ce sont eux qui vraiment abusent de la presse, Courier, Pamphlet des pamphlets. Ce pamphlétaire [P. L. Courier], qui ne se gênait d'aucune vérité périlleuse à dire, hésitait sur un mot, sur une virgule, se montrait timide à toute façon de parler qui n'était pas de la langue de ses auteurs, Carrel, Œuvr. t. V, p. 211.

    Fig. Là [sur la falaise], tout est comme un rêve, Chaque voix a des mots, Tout parle…, Hugo, Odes, V, 25.

    Familièrement. Traîner ses mots, parler très lentement.

    Compter ses mots, parler avec lenteur et avec affectation.

    Manger ses mots, voy. MANGER.

    Absolument. Pas un mot, c'est-à-dire silence complet. Croyant que Milord l'avait oublié, je lui en parle avant de nous mettre à table ; pas un mot comme auparavant, Rousseau, Conf. XI.

    Fig. N'entendre pas un mot de quelque chose, y être tout à fait ignorant, étranger. Il n'entend pas un mot de finances, Voiture, Lett. 196.

    On dit dans le même sens : il n'en sait pas un mot, il n'en sait pas le plus petit mot. Elle ne sait pas le plus petit mot de tout ceci, Genlis, théât. d'éduc. la Cloison, sc. 1.

    Dire les mots et les paroles, dire crûment une chose qui aurait besoin d'être adoucie par l'expression.

    Un mot à deux ententes, à double entente, à double sens, mot susceptible de deux interprétations.

    On dit aussi : mot équivoque, mot ambigu. Vos mines et vos cris aux ombres d'indécence Que d'un mot ambigu peut avoir l'innocence, Molière, Mis. III, 4.

    Il n'y a pas le mot de vrai, un mot de vrai dans ce qu'on vous a rapporté, c'est-à-dire tout y est faux, controuvé. Il n'y a pas le mot de vrai de tout ce que vous imaginez là, Goldoni, Bourru bienfais. II, 3.

    Un mot pour l'autre, mot dit ou écrit en place du mot qu'il faudrait. On nous a pour la vie Chassés de vingt maisons. - Chassés ! quelle folie ! - Oh ! c'est un mot pour l'autre, et puisqu'il faut choisir, Point chassés, mais priés de ne plus revenir, Gresset, le Méchant, II, 1.

  • 2Mot nouveau, mot qui n'existait pas dans la langue, et que l'on crée pour une raison quelconque. Si est-ce que, lorsqu'il est question de faire un mot nouveau dont il semble que l'on ne peut se passer, comme est celui d'exactitude, la première chose à quoi il faut prendre garde, est qu'il ne soit point équivoque ; car dès là faites état qu'il ne sera jamais bien reçu, Vaugelas, Rem. t. I, p. 405. L'on écrit régulièrement depuis vingt années ; l'on est esclave de la construction ; l'on a enrichi la langue de nouveaux mots, La Bruyère, I. Il ne s'y trouve pas [dans Racine] un mot nouveau, c'est-à-dire pas un de ces mots qui se faisaient de son temps, comme il s'en est toujours fait et comme il s'en fera toujours, D'Olivet, Rem. Racine, § 13. N'employez jamais un mot nouveau, à moins qu'il n'ait ces trois qualités : être nécessaire, intelligible et sonore, Voltaire, Conseils à un journ.

    Mot propre, mot qui exprime avec plus de justesse et d'exactitude que tout autre l'idée qu'on veut faire entendre. La haine, qui s'efforce de paraître impartiale, n'a jamais pour la louange le mot propre, parce qu'elle ne cherche que des termes qui puissent affaiblir la vérité qu'elle exprime à regret, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 237, dans POUGENS.

    On dit par opposition : mot impropre.

    Mot faible, celui qui n'exprime l'idée qu'imparfaitement.

  • 3Mots consacrés, mots qui sont tellement propres et usités pour signifier certaines choses, qu'on ne peut se servir d'un autre mot sans parler improprement.

    Mots sacramentels ou sacramentaux, mots qui appartiennent à un sacrement. Par extension, mots sacramentels, ceux qui sont essentiels à la validité d'un acte, d'une convention.

    Mot factice ou fictif, mot qui n'existe pas réellement, mais qui est fait suivant les analogies de la langue.

    Mot forgé, mot créé par plaisanterie, d'après quelque circonstance ou quelque nom. Tartufiée est un mot forgé.

    Mot hybride, voy. HYBRIDE.

    Mot artificiel, mot sans signification, mais composé de telles lettres ou syllabes qu'il sert à rappeler certains objets et à aider la mémoire. Barbara dans la logique est un mot artificiel qui désigne un syllogisme dont les trois propositions sont universelles affirmatives.

  • 4 Familièrement. Gros mots, jurements. Sortez, m'a-t-il dit, petit… je n'ose pas prononcer devant une femme le gros mot qu'il a dit, Beaumarchais, Mar. de Figaro, I, 7.

    Gros mots, menaces, paroles offensantes. L'évêque de Rouen essuya les plus gros mots, dont la reine est prodigue dans sa colère, Voyer D'Argenson, Mém. p. 390, dans POUGENS.

    Voy. aussi GROS, au n° 12.

    L'Académie donne : il a dit de gros mots et des gros mots ; c'est la même observation que pour de bons mots ou des bons mots, voy. BON, Rem. 4.

    Populairement. Avoir des mots, échanger des reproches.

    Mots gras, mots qui contiennent quelque impureté, et qu'on ne doit point dire en honnête compagnie et surtout devant des femmes.

    Mots de gueule, voy. GUEULE, au n° 3.

  • 5Grands mots, paroles ampoulées. Il [Ronsard] vit… Tomber de ses grands mots le faste pédantesque, Boileau, Art poét. I. Tout beau, dira quelqu'un, vous entrez en furie ; à quoi bon ces grands mots ?…, Boileau, Sat. I. Les pédants… ne la distinguent pas [l'éloquence] de l'entassement des figures, de l'usage des grands mots et de la rondeur des périodes, La Bruyère, I.

    Grands mots, expressions scientifiques employées hors de propos (voy. GRAND, n° 8). … La métaphore et la métonymie, Grands mots que Pradon croit des termes de chimie, Boileau, Ép. X.

    Un grand mot, une parole de grande importance. Ô l'heureuse nouvelle, Le grand mot qu'on m'a dit ! nous irons, peuple aimé, Nous entrerons, troupe fidèle Dans la maison du Dieu qui seul a tout formé, Corneille, Trad. du psaume CXXI.

    Familièrement. Le grand mot est lâché, le mot qu'on retenait est enfin prononcé.

  • 6Paroles, et, particulièrement, peu de paroles. Dites-lui un mot en ma faveur. Il n'a pas pu placer un mot dans la conversation. Un mot ne fait pas voir jusques au fond d'une âme, Corneille, Rodog. IV, 1. Faute d'un mot d'aveu dont il n'ose douter, Corneille, Sophon. IV, 3. Ils ne m'ont jamais dit un mot de leur amour, Molière, Femm. sav. II, 3. Mais disons donc un pauvre mot de ma fille, Sévigné, 43. Il n'a pas trouvé le moment de dire un mot en faveur de mon fils, Sévigné, 583. J'ai dit aussi que je croyais qu'il faudrait, quand il sera tout à fait résolu, en dire un petit mot au roi ; je voudrais que ce mot passât par vous, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 27 janvier 1699. Le prélat… Leur confie en ces mots sa trop juste douleur, Boileau, Lutr. I. Dès le premier mot ma langue embarrassée Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée, Racine, Bérén. II, 2. Souvent d'un grand dessein un mot nous fait juger, Racine, Athal. II, 6. Seigneur, dites un mot, et vous nous sauvez tous, Racine, Bajaz. II, 3. Une audience destinée à rendre sommaire justice au peuple, aux artisans et aux petites affaires qui n'ont qu'un mot, Saint-Simon, 17, 196. Léonor, qui était à la porte de sa chambre, ne perdait pas un mot de ce que l'on disait, Lesage, Diable boit. ch. 5, dans POUGENS. Jamais un mot d'amour n'est sorti de sa bouche, Lamotte, Inès de Castro, I, 3. Si M. le maréchal de Richelieu était à Versailles, il pourrait lui en dire quelques mots, c'est-à-dire, en faire quelques plaisanteries, tourner mon entreprise en ridicule, se bien moquer de moi et de ma colonie, Voltaire, Lett. d'Argental, 11 oct. 1771. Ces raisons seront bien moins fortes qu'un mot de votre bouche, et je vous supplie d'avoir la bonté de dire ce mot à un prince qui ne se fait pas prier quand il s'agit de faire des heureux, Voltaire, Lett. M. de la Touraille, 24 fév. 1768. Et de son plein savoir, si je réplique un mot, Pour prouver que j'ai tort, il me déclare un sot, Gilbert, le XVIIIe siècle. C'est un mérite non commun, ni facile, de clore en peu de mots beaucoup de sens, Courier, Pamphl. des pamphl.

    Toucher un mot de, recommander une affaire, une personne.

    Elliptiquement, un mot, se dit pour touchez un mot, recommandez. Cependant, s'il est vrai que mon service plaise, Sire, un bon mot de grâce au père de la Chaise [qui avait la feuille des bénéfices], Corneille, Au roi, 1676.

    Si je n'en disais mot, je n'en pensais pas moins, c'est-à-dire tout en me taisant je n'en gardais pas moins ma pensée (voy. DIRE, n° 28). Si je n'en disais mot, je n'en pensais pas moins, Régnier, Sat. X.

    N'avoir pas le mot à dire, le plus petit mot à dire, être sans aucun droit pour élever des objections. Elle est, je vous assure, bien mortifiée et bien décontenancée ; je la vis l'autre jour, elle n'a pas le mot à dire, Sévigné, 23. Je n'ai pas le mot dire à tout le premier article de votre lettre, Sévigné, 27 juin 1679. Tout cela fut traité avec une justesse, une droiture, une vérité, que les plus grands critiques n'auraient pas eu le mot à dire, Sévigné, 5 mars 1683. Il n'y a pas le plus petit mot à dire à cela, Marivaux, Serm. indiscr. I, 5.

    N'être pas à un mot, ne pas se laisser imposer silence. M. de Rohan n'était pas à un mot, ni aisé à persuader, Saint-Simon, 64, 58.

    Avoir le dernier mot, l'emporter dans une discussion, faire taire son adversaire. Oh ! puisque vous le prenez par là, vous n'aurez pas le dernier mot, Fénelon, t. XIX, p. 341.

    Au premier mot, à la première parole qui se dit de quelque chose, dès qu'on peut comprendre ce dont il s'agit. Un noble cœur au premier mot doit prendre son parti, Molière, Festin, I, 3. J'ai lu votre lettre au roi, qui l'a entendue au premier mot, Maintenon, Lett. à Mme de Dangeau, t. VII, p. 81, dans POUGENS.

    Il faut que tout passe à son mot, il faut que tout se fasse comme il l'entend. Mais que peut-on espérer, quand un homme, et encore un homme qui n'a pas plus d'autorité ni peut-être plus de savoir que les autres, ne veut rien entendre, et qu'il faut que tout passe à son mot ? Bossuet, Variat. V.

    Dire deux mots, tenir quelque discours très court. Mais, de grâce encor, sire, Deux mots en sa défense, Corneille, Cid, II, 7. Et j'ai deux mots à vous dire De la part de Jupiter, Molière, Amph. Prol.

    Dire deux mots de, s'occuper de l'affaire dont il s'agit. L'autre reprit : il vous faut un remède, Demain matin, nous en dirons deux mots, La Fontaine, Remède. Il est là dedans qui lui en dit deux mots, Hamilton, Gramm. 8.

    Par forme de menace. Nous en dirons deux mots quand vous voudrez, nous viderons notre querelle quand il vous plaira.

    On dit dans le même sens : J'ai à me plaindre de lui, je lui en dirai deux mots.

    Par forme de provocation, quand on veut avoir une explication avec quelqu'un. À moi, comte, deux mots, Corneille, Cid, II, 2.

    Par extension et par plaisanterie. Disons deux mots à cette bouteille de bourgogne, à ce pâté, entamons cette bouteille, ce pâté.

    Dire son mot, parler à propos, donner son avis, prendre part à la conversation. Chacun lui dit son mot cette fois-là, La Fontaine, Papef. Vous faites un dialogue, chacun y dit son mot très plaisamment, Sévigné, 97. S'il faut absolument que je dise mon mot, je commencerais par la douceur, Maintenon, Lett. à Mme de Dangeau, 16 mai 1708. Sur l'Œdipe nouveau de cette énigme obscure [l'univers], Chacun a dit mot, Voltaire, Disc. 6.

    Vous m'en direz quelques mots, c'est-à-dire vous apprécierez combien cela est bon, utile, etc. Tu m'en diras quelques mots dans deux jours, La Fontaine, Troq.

    Ne dire mot, ne répondre mot, ne point parler, ne point répondre. Celle qui n'a dit mot, Monsieur, c'est la plus belle ou je ne suis qu'un sot, Corneille, le Ment. I, 4. Et vous ne dites mot à ces indignités, Molière, le Dép. III, 9. Comme il ne répondit mot, je dis…, Pascal, Prov. IV. Le bruit est pour le fat, les plaintes pour le sot ; L'honnête homme trompé s'éloigne et ne dit mot, Lanoue, la Coquette corrigée, I, 3. Il écoutait tout et ne disait mot, Bernardin de Saint-Pierre, Café de Surate.

    On dit dans un sens analogue : ne sonner mot, ne souffler mot. Ne soufflez mot, retenez votre haleine ; Tremblez, enfants, vous qui jurez parfois, Béranger, Préf.

    Trancher le mot, dire tout net, ne point pallier son discours, s'exprimer sans feinte, donner une réponse décisive. Avoir prédit, tranchant le mot, Qu'il ne serait jamais qu'un sot, Scarron, Virg. VI.

    Un mot, deux mots, s'il vous plaît, se dit familièrement pour appeler quelqu'un quand on a à lui parler. De grâce, un mot, mon frère, Molière, Tart. I, 6.

  • 7Ce qu'on écrit brièvement à quelqu'un. Je lui en écrirai un mot. Dites-moi quelque petit mot de ma tante, Sévigné, 114. Un mot de notre voyage, ma chère enfant, Sévigné, 543. Il serait à désirer que tous ceux qui prennent le parti de sortir de la vie laissassent par écrit leurs raisons, avec un petit mot de leur philosophie ; cela ne serait pas inutile aux vivants et à l'histoire de l'esprit humain, Voltaire, Olympie, Note. Il n'y avait pas un mot de tout cela dans votre livre, mon cher oncle, Voltaire, l'Ingénu, 5. Garder dans son cœur de jeune homme Un nom mystérieux que jamais on ne nomme, Glisser un mot furtif dans une tendre main, Hugo, F. d'aut. 18.
  • 8Les mots, par opposition aux choses. Si quelqu'un, plein de pensées plus hautes, prétend ici plus superbement mépriser toute cette étude des mots et du langage…, Pellisson, Hist. de l'Acad. III. Un jeune Grec employait à l'étude des choses les précieuses années qu'un jeune Français consacre à l'étude des mots, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 163, dans POUGENS.

    Ce sont des mots, ce ne sont que des mots, c'est-à-dire ces paroles sont vides de sens ; et aussi ces paroles ne seront suivies d'aucun effet. Un mot d'écrit, un billet court. N'ayant reçu des recommandations que de deux ou trois personnes, je me plaignais en général de toutes les autres, de qui je n'avais pas ouï un mot depuis que je suis ici, Voiture, Lett. 25. Celui qui l'a fait [un sonnet] devait bien connaître l'humeur de la personne [une dame] à qui il écrivait, puisqu'ayant perdu un amant, il ne lui en dit pas un mot de consolation, Voiture, ib. Que dites-vous du tour, et de ce mot d'écrit ? Molière, Éc. des femmes, III, 4.

    On dit dans le même sens : un mot, deux mots. Donnez-moi un mot, donnez-moi deux mots de votre main. Tenez, voyez ce mot, et sortez hors de doute ; Lisez-le donc tout haut, Molière, le Dép. I, 2.

  • 9Sentence, apophthegme, dit notable, parole mémorable. Le docte saint Jean Chrysostome a renfermé en un petit mot une sentence remarquable, quand il a dit…, Bossuet, Sermons, Véritable convers. 1. Saint Grégoire de Nazianze a dit ce beau mot du grand saint Basile : Il était prêtre, dit-il, avant même que d'être prêtre, Bossuet, Bourgoing. Ces mots heureux qu'une approbation universelle transmet à la postérité, Hamilton, Gramm. 1. Après avoir supputé longtemps sa dépense et ses forces, selon le mot de l'Évangile, elle en demeure là et ne jette pas même les premiers fondements de l'édifice, Massillon, Carême, Enf. prod. Savez-vous bien que Pythagore, qui n'était pas un sot, et qui a mis toute sa philosophie en logogriphes, dit dans un de ses préceptes : Ne mangez pas votre cœur. C'est un grand mot, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 31 déc. 1774.

    Il se dit aussi de pensées moins importantes. Il lui échappe des mots fort heureux. Et tel mot, pour avoir réjoui le lecteur, A coûté bien souvent des larmes à l'auteur, Boileau, Sat. VII. Et dès qu'un mot plaisant vient luire à mon esprit, Je n'ai point de repos qu'il ne soit en écrit, Boileau, ib.

    Mot d'Évangile, voy. ÉVANGILE.

  • 10Un bon mot, une parole pleine de sens, de force (sens peu usité). [Montaigne] s'arrête à faire entendre qu'il ne faut pas juger de la capacité d'un homme par l'excellence d'un bon mot qu'on lui entend dire, Pascal, Géom. II.

    Plus ordinairement, chose dite avec esprit. Un jeune frisé… Me vint prendre et me dit, pensant dire un bon mot : Pour un poëte du temps, vous êtes trop dévot, Régnier, Sat. VIII. Dieu ne créa que pour les sots Les méchants diseurs de bons mots, La Fontaine, Fabl. VIII, 8. Et dans tous ses propos On voit qu'il se travaille à dire de bons mots, Molière, Mis. II, 5. Diseur de bons mots, mauvais caractère, Pascal, Pens. VI, 19, éd. HAVET. Diseur de bons mots, mauvais caractère : je le dirais, s'il n'avait été dit, La Bruyère, VIII. M. de Pompone m'a mandé qu'il me priait d'écrire tous les bons mots de Mme Cornuel, Sévigné, 271. Les uns… d'autres… j'en vois qui sont sans cesse à étudier de bons mots, pour avoir l'applaudissement du beau monde, Bossuet, Sermons, Loi de Dieu, Préambule. Un jeune fou qui se croit tout permis, Et qui pour un bon mot va perdre vingt amis, Boileau, Sat. IX. Ils blanchissent auprès d'eux [les rois] dans la pratique des bons mots, qui leur tiennent lieu d'exploits ; mais ils s'attirent, à force d'être plaisants, des emplois graves, Boileau, ib. X. Personne, après Mme Cornuel, n'a plus dit de bons mots que Mme de Coulanges, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 127, dans POUGENS. Les bons mots sont des hasards, et les agréments sont des titres, Voisenon, Sultan Misapouf, Œuv. t. V, p. 58, dans POUGENS. Cacambo expliquait les bons mots du roi à Candide, et, quoique traduits, ils paraissaient toujours des bons mots ; de tout ce qui étonnait Candide, ce n'était pas ce qui l'étonnait le moins, Voltaire, Candide, 18. Par des bons mots, qui piquent et qu'on aime, Si naturels que l'on croirait soi-même Les avoir dits, Voltaire, Ce qui plaît, etc. Je vous réponds que, si le roi a autant de millions que l'abbé de Voisenon dit de bons mots, il est plus riche que les empereurs de la Chine et des Indes, Voltaire, Lett. Dupont, 16 août 1763. J'ai rencontré souvent de ces gens à bons mots, De ces hommes charmants qui n'étaient que des sots, Gresset, Méchant, IV, 4. Et faisait jaillir à propos Le feu de la saillie et l'éclair des bons mots, Delille, Convers. Prolog. … Un flacon délectable Verse avec son nectar les aimables propos, Et, comme son bouchon, fait partir les bons mots, Delille, Homme des champs, I.

    Absolument. Des mots, de bons mots, des traits d'esprit Est-ce bien là l'emploi qu'un bon esprit doit prendre ? L'orateur des foyers et des mauvais propos ? Quels titres sont les siens ? l'insolence et des mots, Gresset, le Méch. IV, 4. Né avec le talent de la plaisanterie, ses mots étaient souvent répétés, Condorcet, Vie de Volt.

    On dit maintenant en ce sens : faire des mots.

  • 11Mot fin, expression dont la force ou l'esprit ne paraît qu'après qu'on y a réfléchi.
  • 12 Fig. Le fin mot, ce qu'il y a de secret, d'important dans une affaire.

    Je n'entends pas le fin mot de tout cela, je ne comprends pas ce qu'on veut, à quoi tendent tous ces discours et cette conduite singulière.

    Dire le fin mot, manifester entièrement son projet, ses vues.

  • 13Mot trouvé, mot si heureux ou si heureusement placé, qu'il semble le résultat d'une trouvaille, non d'un effort de l'esprit. Qui pense finement et s'exprime avec grâce Fait tout passer ; car tout passe ; Je l'ai cent fois éprouvé, Quand le mot est bien trouvé, La Fontaine, Tabl. Voilà ce que Boileau appelle des mots trouvés, Voltaire, Dict. phil. Dictionnaire.
  • 14 Familièrement. Mot pour rire, ce que l'on dit en plaisantant pour amuser les autres. Eh bien, il parle livre ; il a le mot pour rire, Régnier, Sat. XII. Le bon Picard a donc le petit mot pour rire ! Collin D'Harleville, Optimiste, I, 9.

    Il n'y a pas le mot pour rire, se dit lorsqu'un homme, voulant être plaisant, ne l'est pas du tout. Il n'y a pas le mot pour rire à ce qu'il dit. Où est là le mot pour rire ?

    Je ne sais où est le mot pour rire dans cette affaire, se dit d'une affaire qui a mal réussi, qui est fort désagréable.

    Il n'y a pas là le mot pour rire, le plus petit mot pour rire, la chose dont on parle ne doit pas être tournée en plaisanterie.

  • 15Prix que l'on demande ou que l'on offre d'une chose. Je n'en rabattrai rien ; je n'ai pas deux mots. Je priai Jolet de faire le marché au mot du père [au prix que le père avait marqué], et que je donnerais le surplus, Saint-Simon, 427, 165.

    Le premier mot, le premier prix, celui sur lequel il est possible que l'on fasse quelque diminution ou quelque augmentation.

    Le dernier mot, le dernier prix que l'on offre ou que l'on accepte. Allons, ton dernier mot, bonhomme, et prends-y garde. - Faut-il vous parler clair ? - Oui. - C'est que je le garde [mon moulin] ; Voilà mon dernier mot, Andrieux, le Meunier de Sans-Souci.

    Fig. Il se dit, dans toute discussion, de ce qui est la détermination dernière. Fort bien ! C'est votre dernier mot ? et moi voici le mien, Collin D'Harleville, Vieux célib. IV, 5.

    Au bas mot, en évaluant la chose au plus petit prix.

    Prendre au mot, accepter sur-le-champ les offres, les propositions qui sont faites, et, en général, les dires de quelqu'un. On prend soudain au mot les hommes de sa sorte, Corneille, Mél. II, 4. Maître AEéas au mot le prit, Et fit compliment au poëte, Scarron, Virg. VI. Vous êtes bientôt prise au mot, ma fille, Bossuet, Lett. Cornuau, 77. Sans s'imaginer qu'elle dût le prendre au mot, Hamilton, Gramm. 7. J'aurais été le plus puni, si l'on m'eût pris au mot, Marivaux, Pays. parv. part. c. Quelque permission qu'ils [les grands] semblent nous donner d'oublier leur rang, il ne faut jamais les prendre au mot, Diderot, Principes de polit. 32.

    Lâcher le mot, voy. LÂCHER, n° 10.

  • 16Le mot d'une énigme, d'une charade, d'un logogriphe, le mot qu'on propose à deviner dans une énigme, dans un logogriphe, etc.

    Fig. C'est une énigme dont chacun a cherché le mot depuis Pythagore, Voltaire, âme, 14. Il est nécessaire de vous expliquer cette énigme ; en voici le mot…, Genlis, Adèle et Théod. t. I, p. 273, dans POUGENS.

    Fig. Le mot de la situation, ce qui l'explique.

    Fig. Chercher le mot, avoir le mot d'une chose, en chercher, en avoir trouvé l'explication. J'ai vainement cherche le mot de l'univers, Lamartine, Méd. I, 2.

    Vous dites là le mot, ce que vous dites éclaircit la difficulté, est décisif. Le gouvernement deviendra toujours corrupteur, quand, par sa nature, il sera corrompu ; voilà le mot, Raynal, Hist. phil. XIX, 14.

  • 17Mot, dans une devise, signifie les paroles de la devise.

    Il se dit également d'un mot ou d'une phrase courte que quelques maisons illustres placent dans leurs armoiries.

  • 18 Terme de guerre. Mot d'ordre, sorte de reconnaissance donnée par un chef à ceux qui sont sous ses ordres pour qu'ils puissent se reconnaître, et qui est composée de deux mots : l'un, mot d'ordre proprement dit, est celui de la demande ; l'autre, mot de ralliement, est celui de la réponse. Donner le mot, prendre le mot, porter le mot. Quand un poste reconnaît une patrouille, il en reçoit le mot d'ordre, et donne celui de ralliement. Quand une patrouille rencontre une ronde, elle lui donne les deux mots d'ordre. Il est arrivé à Brest une contestation entre le sieur chevalier de Chasteaurenaut et le sieur comte de Sourdis, chefs d'escadre, sur le commandement dans ledit port, ce dernier ayant prétendu donner le mot, quoique moins ancien…, Seignelay à Demuin, 1681, dans JAL. Les mots de ralliement ! - Dieu, Charle et Médicis, Chénier M. J. Charles IX, II, 4.

    On disait autrefois dans le même sens : le mot du guet. Son fils avait donné pour mot du guet : la meilleure des mères, Diderot, Claude et Nér. I, 38.

    Le mot de passe, le mot qu'il faut dire pour qu'on vous laisse passer par un endroit gardé.

    Fig. Prendre le mot de, subir les ordres de… Il dit, et croit bien dire, parlant de moi, le loustic du parti national, et fait là une faute, sans s'en douter, le bonhomme ; le mot est étranger ; lorsque l'on prend le mot des puissances étrangères, il ne faut pas le changer, Courier, Lettres particulières, II. Fig. Avoir le mot, être averti de ce qu'il convient de faire ou de dire dans certaines circonstances. Elle aura beau s'en plaindre ; Le concierge a le mot, vous n'avez rien à craindre, Th. Corneille, Galant doublé, IV, 9. Le roi, qui avait le mot, avait étalé tous ses trésors, Voltaire, Zadig, 14. M. d'Orbe a le mot pour entamer une savante dissertation, Rousseau, Hél. I, 35.

    Dans un sens analogue, donner le mot, indiquer ce qu'il faut dire ou faire. Janot, à qui Richard avait donné le mot, La Fontaine, Rich. La voilà qui donne le mot à toute cette société de gens de bien, afin qu'ils concourent avec elle au succès de son entreprise, Marivaux, Marianne, 9e part.

    Fig. Se donner le mot du guet, se dire le mot, se donner le mot, c'est-à-dire être de concert, d'intelligence ensemble. Comme si toutes deux s'étaient donné le mot, La Fontaine, Tabl. Si nous pouvions nous donner le mot de devenir sages, La Bruyère, XII. Toutes les nations ont dansé autrefois à la nouvelle lune ; s'étaient-elles donné le mot ? non, pas plus que pour se réjouir à la naissance de son fils, Voltaire, Dict. phil. Antiquité. Aucun n'est parti, et ils se sont tous donné le mot de ne pas quitter, Correspond. de Klinglin, t. I, p. 127.

  • 19En un mot, bref, enfin. En un mot, il faut vivre de manière que nous mourions à l'usage même de la vie, Bossuet, Sermons, Véritable convers. 2. Elle flotte, elle hésite, en un mot elle est femme, Racine, Athal. III, 3.

    En un mot, en une seule parole, en quelques paroles. En un mot, je n'en ferai rien. Pour répondre en un mot à toutes vos raisons, je vous dis que je n'y irai pas.

    En deux mots, en trois mots, même sens. Voilà précisément mon histoire en trois mots, Destouches, le Philosophe marié, I, 4. Nicomède, en deux mots, ce désordre me fâche, Corneille, Nicom. IV, 3. Admirable portrait des gens du siècle, exprimé en deux mots par ce saint docteur, Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 145.

    En peu de mots, brièvement. …Qu'il n'est point de coupable en repos ; C'est ce qu'il faut ici montrer en peu de mots, Boileau, Épître X.

    Familièrement. Autant en un mot qu'en cent, qu'en mille ; en un mot comme en cent, comme en mille, façons de parler par lesquelles on exprime sa dernière résolution. En un mot comme en cent, je ne puis faire mieux, Boursault, Fables d'Ésope, V, I. En un mot comme en mille, tournez tant qu'il vous plaira, il n'y a rien de tel que d'être sage, Marivaux, Marianne, 1re part.

  • 20Mot à mot, mot pour mot, sans aucun changement ni dans les mots ni dans leur ordre. Rappelle tous tes sens, rentre bien dans ton âme, Et réponds mot pour mot à chaque question, Molière, Amph. II, 1. Lessius que le père Héreau suit mot à mot, Pascal, Prov. VII. Elle me conta mot à mot une conversation qu'elle avait eue avec le roi, Sévigné, 12. C'est en vain qu'on écrirait mot pour mot ces narrations, Hamilton, Gramm. 5. Il manquait d'intelligence et d'instruction, au point qu'il fallut lui expliquer son rôle en langage vulgaire et le lui montrer mot à mot comme à un enfant, Marmontel, Mém. III.

    Cela est mot pour mot, mot à mot dans Montaigne, dans Bossuet, cela s'y trouve entièrement, identiquement. Pour savoir si elles [ces propositions] étaient mot à mot dans Jansénius ou non, Pascal, Prov. XVII. Croirait-on que le jugement de Sancho dans l'île de Barataria est tiré presque mot à mot d'un recueil de légendes écrites en latin par un Espagnol du XIIe siècle, et dont la bibliothèque du roi conserve le manuscrit ? Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, dans POUGENS. Cet homme [Bolingbroke], qui avait sans doute un beau génie, donna au célèbre Pope son plan du Tout est bien, qu'on retrouve en effet mot pour mot dans les œuvres posthumes de milord Bolingbroke, Voltaire, Dict. phil. Bien, tout est bien.

    Dicter mot à mot, dicter un mot après l'autre, ne dicter qu'un mot à la fois.

    Traduire mot à mot, traduire un mot d'une langue en place d'un mot d'une autre langue, sans rien changer à l'ordre. Homère, ce poëte si sensé, si harmonieux, si sublime, devient puéril, insipide et d'une bassesse insupportable quand on entreprend de le traduire en latin mot à mot, comme saint Jérôme l'a sagement remarqué, Rollin, Traité des Ét. I, 1.

    S. m. Le mot à mot, une traduction littérale. Faire le mot à mot.

  • 21De mot à mot, même sens. Voici donc de mot à mot comme on parla, Bossuet, Var. XII, § 2. Qui voudra faire un tissu de toute la doctrine de saint Augustin, n'a qu'à ramasser, de mot à mot seulement, ce qu'on trouve dans les endroits que ce Père a cités de saint Ambroise, Bossuet, Déf. de la trad. et des saints Pères, VIII, 22.
  • 22À ces mots, loc. adv. usitée dans la narration, et signifiant après qu'il a été parlé ainsi. À ces mots… reconnaissant ma faute, Boileau, Sat. III.

    On dit dans un sens analogue : à ce mot. Dis-lui qu'avec douceur il traite sa captive ; Qu'il lui rende… à ce mot, ce héros expiré…, Racine, Phèdre, V, 6.

  • 23À demi-mot, sans dire tout. S'expliquer à demi-mot.

    Entendre à demi-mot, comprendre promptement ce qu'une personne veut dire, dès qu'elle a commencé de parler. J'entends à demi-mot où va la raillerie, Molière, Sgan. 6. Nous étions bien propres à vivre dans une même ville : nous nous entendons, ce me semble, à demi-mot, Sévigné, à Bussy, 19 déc. 1670. On dirait que les cœurs qui s'aiment s'entendent à demi-mot, Chateaubriand, Génie I, I, 2.

    S. m. Le demi-mot, sorte de réticence par laquelle on fait entendre sa pensée sans l'exprimer nettement ; le demi-mot se rattache à l'euphémisme. Riotes entre amants sont jeux pour la plupart ; Vous les trouverez tous bâtis sur ce modèle ; Un mot les met au champ, demi-mot les rappelle, La Fontaine, l'Eunuque, V, 2. Ce trait que vous lancez en passant, cette parole malicieuse, ce demi-mot qui donne tant à penser par son obscurité affectée, Bossuet, Sermons, justice, 2.

    Au plur. Demi-mots, insinuations, ouvertures discrètes. D'Antin hasarda des demi-mots qui firent que le roi lui dit le mariage, Saint-Simon, 271, 168. On sait comment il opinait : des demi-mots, des réticences, des phrases indécises ; du vague et de l'obscurité, ce fut tout ce que j'en tirai, Marmontel, Mém. III.

  • 24À mots couverts, en employant des expressions qui voilent le sens de ce qu'on dit. D'après ce que tu m'en dis à mots couverts, Mirabeau, Lett. orig. t. III, p. 539 dans POUGENS.
  • 25Mot se disait, dans l'ancienne poésie française, d'un vers qui se répétait dans toutes les stances d'un poëme ; ces stances s'appelaient gloses.
  • 26 En termes de vénerie, sonner un ou deux mots, faire entendre, avec le cor, une ou deux notes prolongées.

PROVERBES

Qui ne dit mot consent, en certains cas, se taire c'est consentir. Sotencourt : Hem ! vous ne dites mot. - Lisette, à part : Qui ne dit mot consent, Regnard, le Bal, sc. 8.

Il n'y a qu'un mot qui serve, il faut parler franc et sans déguisement, et dire une parole sur quoi on puisse faire quelque fond. Écoutez ; il n'y a qu'un mot qui serve ; je n'entends pas que vous ayez d'autres noms, Molière, Préc. 5.

Quand les mots sont dits, l'eau bénite est faite, quand on a conclu un marché, il faut l'exécuter.

REMARQUE

1. Après mot employé pour annoncer un substantif, adjectif, verbe, adverbe, préposition que l'on cite, on joint ce substantif, etc. à mot sans préposition : Dans le mot tempête la pénultième syllabe est longue, Dict. de l'Acad. au mot pénultième. On peut aussi intercaler la préposition de : Le mot de vertu emporte presque toujours l'idée d'effort fait sur soi-même, Dict. de l'Acad. emporter. User des mots de tu et de toi en parlant à quelqu'un, ib. tutoyer.

2. D'après Pautex, il vaut mieux mettre de en trois cas : 1° quand mot peut être remplacé par épithète : Le mot de gredin est injurieux ; 2° quand mot peut être remplacé par nom : Le mot de gazetier a été remplacé par le mot de journaliste ; 3° quand mot est équivalent à idée ou à quelque autre terme semblable : Le mot de mort est pénible à certaines personnes.

SYNONYME

1. MOT, TERME., À l'idée de mot, terme ajoute l'idée de convenance au sujet dont on parle : La pureté du langage dépend des mots ; la précision du langage dépend des termes.

2. MOT, PAROLE., Les paroles sont le son émis comme exprimant une idée, tandis que les mots représentent non-seulement le son, mais aussi l'écriture ; mais, dans quelques cas, mot se prend pour paroles, et il en devient synonyme : S'exprimer en peu de mots ou en peu de paroles.

HISTORIQUE

XIe s. N'i ad paien qui un sul mot respondet, Ch. de Rol. II. N'i a celui qui mot sont [sonne] ne mot tint [tinte], ib. XX. Il lur a dit un mot curteisement, ib. LXXXIX. Il n'en sait mot, n'i a coulpe li bers, ib. X. De nos franceis [il] va disant si mals moz, ib. XCI.

XIIe s. Après ces moz [il] a son cheval monté, Ronc. 56. À icest mot cheït Gautiers pasmés, ib. 94. Que mot [ils] n'en savent par homme qui soit né, ib. 166. Li cuiverz [le misérable] ne dit mot, l'ame s'en est alée, ib. 196. Et je, qui sui au morir, Ne sai qu'un mot, tant [je] le desir : Merci, Couci, IV. Jà de mon cuer n'istra [ne sortira] mais la senblance Dont [ma dame] me conquist as moz pleins de douçor, ib. XVI. Et quant recort [je me rappelle] la simple courtoisie Et les douz mos que [elle] seut [a coutume] à moi parler, ib. XXII. Enuit [ce soir] l'en adviendra [ce] dont encor [il] ne sait mot, Sax. XVII. E li sainz comença mot à mot à prover, ù li reis par ces leis [lois] voleit tendre et aler, Th. le mart. 57.

XIIIe s. Par moz couvers et par cointes semblans, Hist. litt. de la France, t. XXIII, p. 791. Ne cil [ceux-là] ne sont bien apris ne courtois, Qui m'ont repris, si j'ai dit mot d'Artois, Quesnes, Romanc. p. 83. [Que] nul mal mot ne issent de vostre bouche, Latini, Trésor, p. 356. …Ai hardement [hardiesse] pris, Por mot à mot mettre en escrit Le tornoiement Antecrist, Huon de Meri, Tornoiement Antecrist, dans HOLLAND, Chrestien von Troies, p. 12. Et puis s'escria à plain mot : Traï vos a cil ki vos ot [celui qui vous eut] à guier [guider] et à maintenir, Ph. Mouskes, ms. p. 189, dans LACURNE. Il en fuiant un court mot sonne Du cor que il avoit au col, Bl. et Jehan, V. 4091. Vilain mot [paroles qui attaquent la réputation d'une femme], Audefroi le Bastard, Romancero, p. 22. [Il] Lui conta mot et mot toute l'entention De bele Beatris…, ib. p. 33. À peine [elle] put mot dire, tant li cuers lui failli, Berte, CXXVII. Sire, tel née [nie] et defent mout à mout le murtre et les cas que tel li met sus, As. de J. 148. Tout otroie qui mot ne dit, la Rose, 13188. Por ce est-il fous qui done à perte Bone aventure quant il l'ot [entend] : Estraire en doit aucun bon mot, Dont il puisse ces resbaudir Qui son conte volent oïr, Ren. 19774. Li lai [les laïques] qui ont à plaidier contre aus [eux] en cort laie, n'entendent pas bien les mos meismes qu'il dient en françois, Beaumanoir, VI, 1. Il doit requerre à le [la] cort que se [sa] procuration soit transcrite mot à mot, et li transcris seelés du seel de le [la] cort, Beaumanoir, IV, 28. Mult i a dolor et destrece, Quant l'en chiet en autrui dangier [l'on tombe sous l'autorité d'autrui] Por son boivre et por son mangier ; Trop i covient gros mos oïr, Rutebeuf, II, 81.

XIVe s. On rit, on joue, on rigole ; Et qui scet bon mot, si le dict, De ce n'est on mie escondit, Modus, f° CX. verso. Quand tu auras trouvé le cerf du limier, tu dois corner pour les chiens long mot, ib. f° X. Sacha [tira] le suppliant un petit coutel à un mot [poignard meurtrier qui ne laisse dire qu'un mot], qu'il avoit à sa ceinture, Du Cange, cultellus.

XVe s. Ils [les deux Anglais] ne savoient mot de françois, et l'escuier ne savoit mot d'anglois, Froissart, II, II, 67. Si s'en enorgueillirent grandement, et en commencerent à tenir leurs ramposnes et leurs gros mots, Froissart, II, III, 29. Pour avoir fait tailler et graver les armes de monseigneur et son mot sur ycelles vervelles, De Laborde, Émaux, p. 400. À nous te fault les armes rendre ; Ren toy, car tu es desconfis ; Dy le mot, plus ne puez [tu ne peux] attendre, Deschamps, Poésies mss. f° 451. Elles [les femmes] desirent les citez, Les doulx mos à eulx [elles] usitez, Festes, marchiez et le theatre, Deschamps, ib. f° 528. Armez et timbrez des armes et timbres des chevaliers, de leurs motz, de leurs noms et de leurs devises, De la Marche, Mém. livre I, p. 259, dans LACURNE. Dictes hardiement le conseil ; bons mots n'espargnent personne, Perceforest, t. I, f. 123. Et pour ce, noble deesse, veuillez tenir vostre mot, ib. t. III, f° 162. Il fut contraint de leur accorder toutes leurs demandes ; et après qu'il leur eut dit le mot après plusieurs allées et venues…, Commines, II, 4. Et dist quelque bon mot à chascun de ses gens [quelque mot aimable], Commines, IV, 10. - Monseigneur - c'est assez. - Seullement ung mot. - Il est tard, Coquillart, Plaidoyer de la simple et de la rusée.

XVIe s. Le flamand, foullé et assailly de tous costez, se deffendoit à tous efforts, mais tant estoit jà battu et lassé qu'il estoit prest à dire le mot et pris, Jean D'Auton, Annales de Louis XII, p. 351, dans LACURNE. Tu pourras en trois mots luy dire mes ennuis, Ronsard, 284. Puis j'ai congneu que la tienne promesse Ne sont pas motz d'evangile ne messe, Marot, J. V, 40. Contens n'avoir rien dict qui vaille aux neuf premiers vers, pourveu qu'au dixieme il y ait le petit mot pour rire, Du Bellay, J. I, 24, verso. Souvent pour un bon mot on perd un bon amy, Du Bellay, J. VI, 37, verso. … Luy avoit grandement despleu, quoi qu'il n'en sonnast mot, Rabelais, Pant. IV, au card. de Chastillon. Des mots de gueule… des mots dorés, Rabelais, IV, 56. Pleust à Dieu… que j'eusse le mot de la dive boutille, ib. Sur le mot de Solon que…, Montaigne, I, 14. Courir après un bon mot, Montaigne, I, 191. Il fut si miserable de se voir prins au mot, Montaigne, I, 404. Mon ami, je t'en prie, depeche les moi, je te paierai à tes mots [ce que tu me demanderas], Despériers, Contes, XX. Usant de mots qui remplissoient la bouche, afin de se faire estimer un grand docteur, Despériers, ib. XLII.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MOT. Ajoutez :
27Le mot de la fin, le mot, le trait par lequel on termine un discours, un article. Ce mot-là, messieurs, je l'ai retenu parce qu'il m'a paru devoir être le mot de la fin, Journ. offic. 1er avril 1873, p. 2275, 1re col.
28Rapprochement instantané entre deux idées dont le rapport n'était pas visible. Il y a beaucoup de mots dans cette pièce. Cette scène pétille de mots.

REMARQUE

Ajoutez :

3. Il est bon de rappeler l'idée de Bayle sur la naissance des mots. Notez que la naissance d'un mot est pour l'ordinaire la mort d'un autre ; c'est comme à l'égard des productions de la nature, Bayle, Dict. Poquelin, note D.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

MOT, s. m. (Log. Gramm.) il y a trois choses à considérer dans les mots, le matériel, l’étymologie, & la valeur. Le matériel des mots comprend tout ce qui concerne les sons simples ou articulés qui constituent les syllabes qui en sont les parties intégrantes, & c’est ce qui fait la matiere des articles Son, Syllabe, Accent, Prosodie, Lettres, Consonne, Voyelle, Diphtongue, &c. L’étymologie comprend ce qui appartient à la premiere origine des mots, à leurs générations successives & analogiques, & aux différentes altérations qu’ils subissent de tems à autre, & c’est la matiere des articles Etymologie, Formation, Onomatopée, Métaplasme avec ses especes, Euphonie, Racine, Langue. article iij. § 22. &c.

Pour ce qui concerne la valeur des mots, elle consiste dans la totalité des idées qui en constituent le sens propre & figuré. Un mot est pris dans le sens propre lorsqu’il est employé pour exciter dans l’esprit l’idée totale que l’usage primitif a eu intention de lui faire signifier : & il est pris dans un sens figuré lorsqu’il présente à l’esprit une autre idée totale à laquelle il n’a rapport que par l’analogie de celle qui est l’objet du sens propre. Ainsi le sens propre est antérieur au sens figuré, il en est le fondement ; c’est donc lui qui caractérise la vraie nature des mots, & le seul par conséquent qui doive être l’objet de cet article : ce qui appartient au sens figuré est traité aux articles Figure, Trope avec ses especes, &c.

La voie analytique & expérimentale me paroit, à tous égards & dans tous les genres, la plus sûre que puisse prendre l’esprit humain pour réussir dans ses recherches. Ce principe justifié négativement par la chûte de la plûpart des hypothèses qui n’avoient de réalité que dans les têtes qui les avoient conçues, & positivement par les succès rapides & prodigieux de la physique moderne, aura par-tout la même fécondité, & l’application n’en peut être qu’heureuse, même dans les matieres grammaticales. Les mots sont comme les instrumens de la manifestation de nos pensées : des instrumens ne peuvent être bien connus que par leurs services ; & les services ne se devinent point, on les éprouve ; on les voit, on les observe. Les différens usages des langues sont donc, en quelque maniere, les phénomenes grammaticaux, de l’observation desquels il faut s’élever à la généralisation des principes & aux notions universelles.

Or le premier coup-d’œil jetté sur les langues, montre sensiblement que le cœur & l’esprit ont chacun leur langage. Celui du cœur est inspiré par la nature & n’a presque rien d’arbitraire, aussi est-il également entendu chez toutes les nations, & il semble même que les brutes qui nous environnent en aient quelquefois l’intelligence ; le vocabulaire en est court, il se réduit aux seules interjections, qui ont par-tout les mêmes radicaux, parce qu’elles tiennent à la constitution physique de l’organe. Voyez Interjection. Elles désignent dans celui qui s’en sert une affection, un sentiment ; elles ne l’excitent pas dans l’ame de celui qui les entend, elles ne lui en présentent que l’idée. Vous conversez avec votre ami que la goutte retient au lit ; tout-à-coup il vous interrompt par ahi, ahi ! Ce cri arraché par la douleur est le signe naturel de l’existence de ce sentiment dans son ame, mais il n’indique aucune idée dans son esprit. Par rapport à vous, ce mot vous communique-t-il la même affection ? Non ; vous n’y tiendriez pas plus que votre ami, & vous deviendriez son écho : il ne fait naître en vous que l’idée de l’existence de ce sentiment douloureux dans votre ami, précisément comme s’il vous eût dit : voilà que je ressens une vive & subite douleur. La différence qu’il y a, c’est que vous êtes bien plus persuadé par le cri interjectif, que vous ne le seriez par la proposition froide que je viens d’y substituer : ce qui prouve, pour le dire en passant, que cette proposition n’est point, comme le paroît dire le P. Buffier, Grammaire françoise n°. 163. & 164. l’équivalent de l’interjection ouf, ni d’aucune autre : le langage du cœur se fait aussi entendre au cœur, quoique par occassion il éclaire l’esprit.

Je donnerois à ce premier ordre de mots le nom d’affectifs, pour le distinguer de ceux qui appartiennent au langage de l’esprit, & que je désignerois par le titre d’énonciatifs. Ceux-ci sont en plus grand nombre, ne sont que peu ou point naturels, & doivent leur existence & leur signification à la convention usuelle & fortuite de chaque nation. Deux différences purement matérielles, mais qui tiennent apparemment à celles de la nature même, semblent les partager naturellement en deux classes ; les mots déclinables dans l’une, & les indéclinables dans l’antre. Voyez Indéclinable. Ces deux propriétés opposées sont trop uniformément attachées aux mêmes especes dans tous les idiomes, pour n’être pas des suites nécessaires de l’idée distinctive des deux classes, & il ne peut être qu’utile de remonter, par l’examen analytique de ces caracteres, jusqu’à l’idée essentielle qui en est le fondement ; mais il n’y a que la déclinabilité qui puisse être l’objet de cette analyse, parce qu’elle est positive & qu’elle tient à des faits, au-lieu que l’indéclinabilité n’est qu’une propriété négative, & qui ne peut nous rien indiquer que par son contraire.

I. Des mots déclinables. Les variations qui résultent de la déclinabilité des mots, sont ce qu’on appelle en Grammaire, les nombres, les cas, les genres, les personnes, les tems, & les modes.

1°. Les nombres sont des variations qui désignent les différentes quotités. Voyez Nombre. C’est celle qui est la plus universellement adoptée dans les langues, & la plus constamment admise dans toutes les especes de mots déclinables, savoir les noms, les pronoms, les adjectifs, & les verbes. Ces quatre especes de mots doivent donc avoir une signification fondamentale commune, au-moins jusqu’à un certain point : une propriété matérielle qui leur est commune, suppose nécessairement quelque chose de commun dans leur nature, & la nature des signes consiste dans leur signification, mais il est certain qu’on ne peut nombrer que des êtres ; & par conséquent il semble nécessaire de conclure que la signification fondamentale, commune aux quatre especes de mots déclinables, consiste à présenter à l’esprit les idées des êtres, soit réels, soit abstraits, qui peuvent être les objets de notre pensée.

Cette conclusion n’est pas conforme, je l’avoue, aux principes de la Grammaire générale, partie II. chap. j. ni à ceux de M. du Marsais, de M. Duclos, de M. Fromant : elle perd en cela l’avantage d’être soutenue par des autorités d’autant plus pondérantes, que tout le monde connoit les grandes lumieres de ces auteurs respectables : mais enfin des autorités ne sont que des motifs & non des preuves, & elles ne doivent servir qu’à confirmer des conclusions déduites légitimement de principes incontestables, & non à établir des principes peu ou point discutés. J’ose me flatter que la suite de cette analyse démontrera que je ne dis ici rien de trop : je continue.

Si les quatre especes de mots déclinables présentent également à l’esprit des idées des êtres ; la différence de ces especes doit donc venir de la différence des points de vûe sous lesquels elles font envisager les êtres. Cette conséquence se confirme par la différence même des lois qui reglent par-tout l’emploi des nombres relativement à la diversité des especes.

A l’égard des noms & des pronoms, ce sont les besoins réels de l’énonciation, d’après ce qui existe dans l’esprit de celui qui parle, qui reglent le choix des nombres. C’est tout autre chose des adjectifs & des verbes : ils ne prennent les terminaisons numériques que par une sorte d’imitation, & pour être en concordance avec les noms ou les pronoms auxquels ils ont rapport, & qui sont comme leurs originaux.

Par exemple, dans ce début de la premiere fable de Phèdre, ad rivum eumdem lupus & agnus venerant siti compulsi ; les quatre noms rivum, lupus, agnus, & siti, sont au nombre singulier, parce que l’auteur ne vouloit & ne devoit effectivement désigner qu’un seul ruisseau, un seul loup, un seul agneau, & un seul & même besoin de boire. Mais c’est par imitation & pour s’accorder en nombre avec le nom tivum, que l’adjectif eumdem est au singulier. C’est par la même raison d’imitation & de concordance que le verbe venerant & l’adjectif-verbe ou le participe compulsi, sont au nombre pluriel ; chacun de ces mots s’accorde ainsi en nombre avec la collection des deux noms singuliers, lupus & agnus, qui font ensemble pluralité.

Les quatre especes de mots réunies en une seule classe par leur déclinabilité, se trouvent ici divisées en deux ordres caractérisés par des points de vûe différens.

Les inflexions numériques des noms & des pronoms se décident dans le discours d’après ce qui existe dans l’esprit de celui qui parle : mais quand on se décide par soi-même pour le nombre singulier ou pour le nombre pluriel, on ne peut avoir dans l’esprit que des êtres déterminés : les noms & les pronoms présentent donc à l’esprit des êtres déterminés ; c’est là le point de vûe commun qui leur est propre. Mais les adjectifs & les verbes ne se revêtent des terminaisons numériques que par imitation ; ils ont donc un rapport nécessaire aux noms ou aux pronoms leurs corélatifs : c’est le rapport d’identité qui suppose que les adjectifs & les verbes ne présentent à l’esprit que des êtres quelconques & indéterminés, voyez Identité, & c’est-là le point de vûe commun qui est propre à ces deux especes, & qui les distingue des deux autres.

2°. La même doctrine que nous venons d’établir sur la théorie des nombres, se déduit de même de celle des cas. Les cas en général sont des terminaisons différentes qui ajoûtent à l’idée principale du mot l’idée accessoire d’un rapport déterminé à l’ordre analytique de l’énonciation. Voyez Cas, & les articles des differens cas. La distinction des cas n’est pas d’un usage universel dans toutes les langues, mais elle est possible dans toutes, puisqu’elle existe dans quelques-unes, & cela suffit pour en faire le fondement d’une théorie générale.

La premiere observation qu’elle fournit, c’est que les quatre especes de mots déclinables reçoivent les inflexions des cas dans les langues qui les admettent, ce qui indique dans les quatre especes une signification fondamentale commune : nous avons déja vû qu’elle consiste à présenter à l’esprit les idées des êtres réels ou abstraits qui peuvent être les objets de nos pensées ; & l’on déduiroit la même conséquence de la nature des cas, par la raison qu’il n’y a que des êtres qui soient susceptibles de rapports, & qui puissent en être les termes.

La seconde observation qui naît de l’usage des cas, c’est que deux sortes de principes en reglent le choix, comme celui des nombres : ce sont les besoins de l’énonciation, d’après ce qui existe dans l’esprit de celui qui parle, qui fixent le choix des cas pour les noms & pour les pronoms ; c’est une raison d’imitation & de concordance qui est décidée pour les adjectifs & pour les verbes.

Ainsi le nom rivum, dans la phrase de Phedre, est à l’accusatif, parce qu’il est le complément de la préposition ad, & que le complément de cette préposition est assujetti par l’usage de la langue latine à se revêtir de cette terminaison ; les noms lupus & agnus sont au nominatif, parce que chacun d’eux exprime une partie grammaticale du sujet logique du verbe venerant, & que le nominatif est le cas destiné par l’usage de la langue latine à designer ce rapport à l’ordre analytique. Voilà des raisons de nécessité ; en voici d’imitation : l’adjectif eundem est à l’accusatif, pour s’accorder en cas avec son corrélatif rivum ; l’adjectif-verbe, ou le participe compulsi, est au nominatif, pour s’accorder aussi en cas avec les noms lupus & agnus auxquels il est appliqué.

Ceci nous fournit encore les mêmes conséquences déja établies à l’occasion des nombres. La diversité des motifs qui décident les cas, divise pareillement en deux ordres les quatre especes de mots déclinables ; & ces deux ordres sont précisément les mêmes qui ont été distingués par la diversité des principes qui reglent le choix des nombres. Les noms & les pronoms sont du premier ordre, les adjectifs & les verbes sont du second.

Les cas désignent des rapports déterminés, & les cas des noms & des pronoms se décident d’après ce qui existe dans l’esprit de celui qui parle : or on ne peut fixer dans son esprit que les rapports des êtres déterminés, parce que des êtres indéterminés ne peuvent avoir des rapports fixes. Il suit donc encore de ceci que les noms & les pronoms présentent à l’esprit des êtres déterminés.

Au contraire les cas des adjectifs & des verbes ne servent qu’à mettre ces especes de mots en concordance avec leurs corrélatifs : nous pouvons donc en conclure encore que les adjectifs & les verbes ne présentent à l’esprit que des êtres indéterminés, puisqu’ils ont besoin d’une déterminaison accidentelle pour pouvoir prendre tel ou tel cas.

3°. Le système des nombres & celui des cas sont les mêmes pour les noms & pour les pronoms ; & l’on en conclut également que les uns & les autres présentent à l’esprit des êtres déterminés, ce qui constitue l’idée commune ou générique de leur essence. Mais par rapport aux genres, ces deux parties d’oraison se séparent & suivent des lois différentes.

Chaque nom a un genre fixe & déterminé par l’usage, ou par la nature de l’objet nommé, ou par le choix libre de celui qui parle : ainsi pater (pere) est du masculin, mater (mere) est du féminin, par nature ; baculus (bâton) est du masculin, mensa (table) est du féminin, par usage ; finis en latin, duché en françois, sont du masculin ou du féminin, au gré de celui qui parle. Voyez Genre. Les pronoms au contraire n’ont point de genre fixe ; desorte que sous la même terminaison ou sous des terminaisons différentes, ils sont tantôt d’un genre & tantôt d’un autre, non au gré de celui qui parle, mais selon le genre même du nom auquel le pronom a rapport : ainsi ἐγω en grec, ego en latin, ich en allemand, io en italien, je en françois, sont masculins dans la bouche d’un homme, & féminins dans celle d’une femme ; au contraire il est toujours masculin, & elle toujours féminin, quoique ces deux mots, au genre près, aient le même sens, ou plûtôt ne soient que le même mot, avec différentes inflexions & terminaisons.

Voilà donc entre le nom & le pronom un rapport d’identité fondé sur le genre ; mais l’identité suppose un même être présente dans l’une des deux especes de mots d’une maniere précise & déterminée, & dans l’autre, d’une maniere vague & indéfinie. Ce qui précede prouve que les noms & les pronoms présentent également à l’esprit des êtres déterminés : il faut donc conclure ici que ces deux especes different entr’elles par l’idée déterminative : l’idée précise qui détermine dans les noms, est vague & indéfinie dans les pronoms ; & cette idée est sans doute le fondement de la distinction des genres, puisque les genres appartiennent exclusivement aux noms, & ne se trouvent dans les pronoms que comme la livrée des noms auxquels ils se rapportent.

Les genres ne sont, par rapport aux noms, que différentes classes dans lesquelles on les a distribués assez arbitrairement ; mais à-travers la bisarrerie de cette distribution, la distinction même des genres & dénominations qu’on leur a données dans toutes les langues qui les ont reçus, indiquent assez clairement que dans cette distribution on a prétendu avoir égard à la nature des êtres exprimés par les noms. Voyez Genre. C’est précisément l’idée déterminative qui les caractérise, l’idée spécifique qui les distingue des autres especes : les noms sont donc une espece de mots déclinables, qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée de leur nature.

Cette conclusion acquiert un nouveau degré de certitude, si l’on fait attention à la premiere division des noms en appellatifs & en propres, & à la soudivision des appellatifs en génériques & en spécifiques. L’idée déterminante dans les noms appellatifs, est celle d’une nature commune à plusieurs ; dans les noms propres, c’est l’idée d’une nature individuelle ; dans les noms génériques, l’idée déterminante est celle d’une nature commune à toutes les especes comprises sous un même genre & à tous les individus de chacune de ces especes ; dans les noms spécifiques, l’idée déterminante est celle d’une nature qui n’est commune qu’aux individus d’une seule espece. Animal, homme, brute, chien, cheval, &c. sont des noms appellatifs ; animal est générique à l’égard des noms homme & brute, qui sont spécifiques par rapport à animal ; brute est générique à l’égard des noms chien, cheval, &c. & ceux-ci sont spécifiques à l’égard de brute : Ciceron, Médor, Bucephale, sont des noms propres compris sous les spécifiques homme, chien, cheval.

Il en est encore des adjectifs & des verbes, par rapport aux genres, comme par rapport aux nombres & aux cas : ce sont des terminaisons différentes qu’ils prennent successivement selon le genre propre du nom auquel ils ont rapport, qu’ils imitent en quelque maniere, & avec lequel ils s’accordent. Ainsi dans la même phrase de Phedre, l’adjectif eumdem a une inflexion masculine pour s’accorder en genre avec le nom rivum, auquel il se rapporte ; & l’adjectif verbe ou participe compulse, a de même la terminaison masculine pour s’accorder en genre avec les deux noms lupus & agnus, ses corrélatifs. Il en résulte donc encore que ces deux especes de mots présentent à l’esprit des êtres indéterminés.

4°. La distribution physique des noms en différentes classes que l’on nomme genres, & leur division métaphysique en appellatifs génériques, spécifiques & propres, sont également fondées sur l’idée déterminative qui caractérise cette espece. La division des pronoms doit avoir un fondement pareil, si l’analogie qui regle tout d’une maniere plus ou moins marquée, ne nous manque pas ici. Or on divise les pronoms par les personnes, & l’on distingue ceux de la premiere, ceux de la seconde, & ceux de la troisieme.

Les personnes sont les relations des êtres à l’acte même de la parole ; & il y en a trois, puisqu’on peut distinguer le sujet qui parle, celui à qui on adresse la parole, & enfin l’être, qui est simplement l’objet du discours, sans le prononcer & sans être apostrophé. Voyez Personne. Or les usages de toutes les langues déposent unanimement que l’une de ces trois relations à l’acte de la parole, est déterminément attachée à chaque pronom : ainsi ἐγω en grec, ego en latin, ich en allemand, io en italien ; je en françois, expriment déterminément le sujet qui produit ou qui est censé produire l’acte de la parole, de quelque nature que soit ce sujet, mâle ou femelle, animé même ou inanimé, réel ou abstrait ; σύ en grec, tu en latin, du ou ihr en allemand, tu, que l’on prononcera tou en italien, tu ou vous en françois, marquent déterminément le sujet auquel on adresse la parole, &c. Les noms au contraire n’ont point de relation fixe à la parole, c’est-à dire point de personne fixe ; sous la même terminaison, ou sous des terminaisons différentes, ils sont tantôt d’une personne & tantôt d’une autre, selon l’occurrence. Ainsi dans cette phrase, ego Joannes vidi, le nom Joannes est de la premiere petsonne par concordance avec ego, comme ego est du masculin par concordance avec Joannes ; le pronom ego détermine la personne qui est essentiellement vague dans Joannes, comme le nom Joannes détermine la nature qui est essentiellement indéterminée dans ego : dans Joannes vidisti, le même nom Joannes est de la seconde personne, parce qu’il exprime le sujet à qui on parle, & en cette occurrence on change quelquefois la terminaison, domine pour dominus : dans Joannes vidit, le nom Joannes est de la troisieme personne, parce qu’il exprime l’être dont on parle sans lui adresser la parole.

De même donc que sous le nom de genres on a rapporté les noms à différentes classes qui ont leur fondement commun dans la nature des êtres ; on a pareillement, sous le nom de personne, rapporté les pronoms à des classes différenciées par les diverses relations des êtres à l’acte de la parole. Les personnes sont à l’égard des pronoms, ce que les genres sont à l’égard des noms, parce que l’idée de la relation à l’acte de la parole, est l’idée caractéristique des pronoms, comme l’idée de la nature est celle des noms. L’idée de la relation à l’acte de la parole, qui est essentielle & précise dans les pronoms, demeure vague & indéterminée dans les noms ; comme l’idée de la nature, qui est essentielle & précise dans les noms, demeure vague & indéterminée dans les pronoms. Ainsi les êtres déterminés dans les noms par l’idée précise de leur nature, sont susceptibles de toutes les relations possibles à la parole ; & réciproquement, les êtres déterminés dans les pronoms par l’idée précise de leur relation à l’acte de la parole, peuvent être rapportés à toutes les natures.

Les adjectifs & les verbes sont toujours des mots qui présentent à l’esprit des êtres indéterminés, puisqu’à tous égards ils ont besoin d’être appliqués à quelque nom ou à quelque pronom, pour pouvoir prendre quelque terminaison déterminative. Les personnes, par exemple, qui ne sont dans les verbes que des terminaisons, suivent la relation du sujet à l’acte de la parole, & les verbes prennent telle ou telle terminaison personnelle, selon cette relation de leurs sujets à l’acte de la parole, ego Joannes vidi, tu Joannes vidisti, Joannes vidit.

5°. Le fil de notre analyse nous a menés jusqu’ici à la véritable notion des noms & des pronoms.

Les noms sont des mots qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée précise de leur nature ; & de-là la division des noms en appellatifs & en propres, & celle des appellatifs en génériques & en spécifiques ; de-là encore une autre division des noms en substantifs & abstractifs, selon qu’ils présentent à l’esprit des êtres réels ou purement abstraits. Voyez Nom.

Les pronoms sont des mots qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée précise de leur relation à l’acte de la parole ; & de là la division des pronoms par la premiere, la seconde & la troisieme personne. Voyez Pronom.

Mais nous ne connoissons encore de la nature des adjectifs & des verbes, qu’un caractere générique, savoir que les uns & les autres présentent à l’esprit des êtres indéterminés ; & il nous reste à trouver la différence caractéristique de ces deux especes. Cependant les deux especes de variations accidentelles qui nous restent à examiner, savoir les tems & les modes, appartiennent au verbe exclusivement. Par quel moyen pourrons-nous donc fixer les caracteres spécifiques de ces deux especes ? Revenons sur nos pas.

Quoique les uns & les autres ne présentent à l’esprit que des êtres indéterminés, les uns & les autres renferment pourtant dans leur signification une idée très-précise : par exemple, l’idée de la bonté est très-précise dans l’adjectif bon, & l’idée de l’amour ne l’est pas moins dans le verbe aimer, quoique l’être en qui se trouve ou la bonté ou l’amour y soit très-indéterminé. Cette idée précise de la signification des adjectifs & des verbes, doit être notre ressource, si nous saisissons quelques observations des usages connus.

Une singularité frappante, unanimement admise dans toutes les langues, c’est que l’adjectif n’a reçu aucune variation relative aux personnes qui caractérisent les pronoms. Les adjectifs mêmes dérivés des verbes qui sous le nom de participe réunissent en effet la double nature des deux parties d’oraison, n’ont reçu nulle part les inflexions personnelles, quoiqu’on en ait accordé à d’autres modes du verbe. Au contraire tous les adjectifs, tant ceux qui ne sont qu’adjectifs, que les participes, ont reçu, du-moins dans les langues qui les comportent, des inflexions relatives aux genres, dont on a vu que la distinction porte sur la différence spécifique des noms, c’est-à-dire sur la nature des êtres déterminés qu’ils expriment.

Cette préférence universelle des terminaisons génériques sur les terminaisons personnelles pour les adjectifs, ne semble-telle pas insinuer que l’idée particuliere qui fixe la signification de l’adjectif, doit être rapportée à la nature des êtres ?

L’indétermination de l’être présenté à l’esprit par l’adjectif seul, nous indique une seconde propriété générale de cette idée caractéristique ; c’est qu’elle peut être rapportée à plusieurs natures : ceci se confirme encore par la mobilité des terminaisons de l’adjectif, selon le genre du nom auquel on l’applique ; la diversité des genres suppose celle des natures, du-moins des natures individuelles.

L’unité d’objet qui résulte toujours de l’union de l’adjectif avec le nom, démontre que l’idée particuliere qui constitue la signification individuelle de chaque adjectif, est vraiment une idée partielle de la nature totale de cet objet unique exprimé par le concours des deux parties d’oraison. Quand je dis, par exemple, loi, je présente à l’esprit un objet unique déterminé : j’en présente un autre également unique & déterminé, quand je dis loi évangélique : un autre quand je dis nos lois. L’idée de loi se trouve pourtant toujours dans ces trois expressions, mais c’est une idée totale dans le premier exemple, & dans les deux autres ce n’est plus qu’une idée partielle qui concourt à former l’idée totale, avec l’autre idée partielle qui constitue la signification propre ou de l’adjectif évangélique dans le second exemple, ou de l’adjectif nos dans le troisieme. Ce qui convient proprement à nos lois ne peut convenir ni à la loi évangélique ni à la loi en général ; de même ce qui convient proprement à la loi évangélique, ne peut convenir ni à nos lois ni à la loi en général : c’est que ce sont des idées totales toutes différentes ; mais ce qui est vrai de la loi en général, est vrai en particulier de la loi évangélique & de nos lois, parce que les idées ajoutées à celle de loi ne détruisent pas celle de loi, qui est toujours la même en soi.

Il résulte donc de ces observations que les adjectifs sont des mots qui présentent à l’esprit des êtres indéterminés, désignés seulement par une idée precise qui peut s’adapter à plusieurs natures.

Dans l’exposition synthétique des principes de Grammaire, telle qu’on doit la faire à ceux qu’on enseigne, cette potion des adjectifs sera l’origine & la source de toutes les métamorphoses auxquelles les usages des langues ont assujetti cette espece de mots, puisqu’elle en est ici le résultat analytique : non-seulement elle expliquera les variations des nombres, des genres & des cas, & la nécessité d’appliquer un adjectif à un nom pour en tirer un service réel, mais elle montrera encore le fondement de la division des adjectifs en adjectifs physiques & en adjectifs métaphysiques, & de la transmutation des uns en noms & des autres en pronoms.

Les adjectifs physiques sont ceux qui désignent les êtres indéterminés par une idée précise qui, étant ajoutée à celle de quelque nature déterminée, constitue avec elle une idée totale toute différente, dont la compréhension est augmentée, tels sont les adjectifs pieux, rond, semblable ; car quand on dit un homme pieux, un vase rond, des figures semblables, on exprime des idées totales qui renferment dans leur compréhension plus d’attributs que celles que l’on exprime quand on dit simplement un homme, un vase, des figures. C’est que l’idée précise de la signification individuelle de cette sorte d’adjectifs, est une idée partielle de la nature totale : d’où il suit que si l’on ne veut envisager les êtres dans le discours que comme revêtus de cet attribut exprimé nettement par l’adjectif, il arrive souvent que l’adjectif est employé comme un nom, parce que l’attribut qui y est précis constitue alors toute la nature de l’objet que l’on a en vûe. C’est ainsi que nous disons le bon, le vrai, l’honnête, l’utile, les François, les Romains, les Africains, &c.

Les adjectifs métaphysiques sont ceux qui désignent les êtres indéterminés par une idée précise qui, étant ajoutée à celle de quelque nature déterminée, constitue avec elle une idée totale, dont la compréhension est toujours la même, mais dont l’étendue est restreinte : tels sont les adjectifs le, ce, plusieurs ; car quand on dit le roi, ce livre, plusieurs chevaux, on exprime des idées totales qui renferment encore dans leur compréhension les mêmes attributs que celles que l’on exprime quand on dit simplement loi, livre, cheval, quoique l’étendue en soit plus restrainte, parce que l’idée précise de la signification individuelle de cette sorte d’adjectifs, n’est que l’idée d’un point de vûe qui assigne seulement une quotité particuliere d’individus. De-là vient que si l’on ne veut envisager dans le discours les êtres dont on parle que comme considérés sous ce point de vûe exprimé nettement par l’adjectif, il arrive souvent que l’adjectif est employé comme pronom, parce que le point de vûe qui y est précis est alors la relation unique qui détermine l’être dont on parle : c’est ainsi que nous disons, j’approuve ce que vous avez fait.

Peut-être qu’il auroit été aussi bien de faire de ces deux especes d’adjectifs deux parties d’oraison différentes, qu’il a été bien de distinguer ainsi les noms & les pronoms : la possibilité de changer les adjectifs physiques en noms & les adjectifs métaphysiques en pronoms, indique de part & d’autre les mêmes différences ; & la distinction effective que l’on a faite de l’article, qui n’est qu’un adjectif métaphysique, auroit pu & dû s’étendre à toute la classe sous ce même nom. Voyez Adjectif & Article.

6°. Les tems sont des formes exclusivement propres au verbe, & qui expriment les différens rapports d’existence aux diverses époques que l’on peut envisager dans la durée. Il paroît par les usages de toutes les langues qui ont admis des tems, que c’est une espece de variation exclusivement propre au verbe, puisqu’il n’y a que le verbe qui en soit revêtu, & que les autres especes de mots n’en paroissent pas susceptibles ; mais il est constant aussi qu’il n’y a pas une seule partie de la conjugaison du verbe qui n’exprime d’une maniere ou d’une autre quelqu’un de ces rapports d’existence à une époque (Voyez Tems), quoique quelques grammairiens célebres, comme Sanctius, aient cru & affirme le contraire, faute d’avoir bien approfondi la nature des tems. Cette forme tient donc à l’essence propre du verbe, à l’idée différencielle & spécifique de sa nature ; cette idée fondamentale est celle de l’existence, puisque comme le dit M. de Gamaches, dissert. I. de son astronomie physique, le tems est la succession même attachée à l’existence de la créature, & qu’en effet l’existence successive des êtres est la seule mesure du tems qui soit à notre portée, comme le tems devient à son tour la mesure de l’existence successive.

Cette idée de l’existence est d’ailleurs le seule qui puisse fonder la propriété qu’a le verbe, d’entrer nécessairement dans toutes les propositions qui sont les parties intégrantes de nos discours. Les propositions sont les images extérieures & sensibles de nos jugemens intérieurs ; & un jugement est la perception de l’existence d’un objet dans notre esprit sous tel ou tel attribut. Voyez l’introd. à la Philosoph. par s’Gravesande, liv. II. ch. vij ; & la rech. de la Vérité, liv. I. ch. j. ij. ces deux philosophes peuvent aisément se concilier sur ce point. Pour être l’image fidéle du jugement, une proposition doit donc énoncer exactement ce qui se passe alors dans l’esprit, & montrer sensiblement un sujet, un attribut, & l’existence intellectuelle du sujet sous cet attribut.

7°. Les modes sont les diverses formes qui indiquent les différentes relations des tems du verbe à l’ordre analytique ou aux vûes logiques de l’énonciation. Voyez Mode. On a comparé les modes du verbe aux cas du nom : je vais le faire aussi, mais sous un autre aspect. Tous les tems expriment un rapport d’existence à une époque ; c’est là l’idée commune de tous les tems, ils sont synonymes à cet égard ; & voici ce qui en différencie la signification : les présens expriment la simultanéité à l’égard de l’époque, les prétérits expriment l’antériorité, les futurs la postériorité ; les tems indéfinis ont rapport à une époque indéterminée, & les définis à une époque déterminée ; parmi ceux-ci, les actuels ont rapport à une époque co-incidente avec l’acte de la parole, les antérieurs à une époque précédente, les postérieurs à une époque subséquente, &c. ce sont là comme les nuances qui distinguent des mots synonymes quant à l’idée principale ; ce sont des vûes métaphysiques ; en voici de grammaticales. Les noms latins anima, animus, mens, spiritus, synonymes par l’idée principale qui fonde leur signification commune, mais différens par les idées accessoires comme par les sons, reçoivent des terminaisons analogues que l’on appelle cas ; mais chacun les forme à sa manière, & la déclinaison en est différente ; anima est de la premiere, animus est de la seconde, mens de la troisieme, spiritus de la quatrieme. Il en est de même des tems du verbe, synonymes par l’idée fondamentale qui leur est commune, mais différens par les idées accessoires ; chacun d’eux reçoit pareillement des terminaisons analogues que l’on nomme modes, mais chacun les forme à sa maniere ; amo, amem, amare, amans, sont les différens modes du présent indéfini ; amavi, amaverim, amavisse, sont ceux du prétérit ; &c. ensorte que les différentes formes d’un même tems, selon la diversité des modes, sont comme les différentes formes d’un même nom, selon la diversité des cas ; & les différens tems d’un même mode, sont comme différens noms synonymes au même cas ; les cas & les modes sont également relatifs aux vûes de l’énonciation.

Mais la différence des cas dans les noms n’empêche pas qu’ils ne gardent toujours la même signification spécifique ; ce sont toujours des mots qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée de leur nature. La différence des modes ne doit donc pas plus altérer la signification spécifique des verbes. Or nous avons vû que les formes temporelles portent sur l’idée fondamentale de l’existence d’un sujet sous un attribut ; voilà donc la notion que l’analyse nous donne des verbes : les verbes sont des mots qui présentent à l’esprit des êtres indéterminés, désignés seulement par l’idée de l’existence sous un attribut.

De-là la premiere division du verbe, en substantif ou abstrait, & en adjectif ou concret, selon qu’il énonce l’existence sous un attribut quelconque & indéterminé, ou sous un attribut précis & déterminé.

De-là la sous-division du verbe adjectif ou concret, en actif, passif ou neutre, selon que l’attribut déterminé de la signification du verbe est une action du sujet ou une impression produite dans le sujet sans concours de sa part, ou un attribut qui n’est ni action, ni passion, mais un simple état du sujet.

De-là enfin, toutes les autres propriétés qui servent de fondement à toutes les parties de la conjugaison du verbe, lesquelles, selon une remarque générale que j’ai déja faite plus haut, doivent dans l’ordre synthétique, découler de cette notion du verbe, puisque cette notion en est le résultat analytique. Voyez Verbe.

II. Des mots indéclinables. La déclinabilité dont on vient de faire l’examen, est une suite & une preuve de la possibilité qu’il y a d’envisager sous différens aspects, l’idée objective de la signification des mots déclinables. L’indéclinabilité des autres especes de mots est donc pareillement une suite & une preuve de l’immutabilité de l’aspect sous lequel on y envisage l’idée objective de leur signification. Les idées des êtres, réels ou abstraits qui peuvent être les objets de nos pensées, sont aussi ceux de la signification des mots déclinables ; c’est pourquoi les aspects en sont variables : les idées objectives de la signification des mots indéclinables sont donc d’une toute autre espece, puisque l’aspect en est immuable ; c’est tout ce que nous pouvons conclure de l’opposition des deux classes générales de mots : & pour parvenir à des notions plus précises de chacune des especes indéclinables, qui sont les prépositions, les adverbes, & les conjonctions ; il faut les puiser dans l’examen analytique des différens usages de ces mots.

1°. Les prépositions dans toutes les langues, exigent à leur suite un complément, sans lequel elles ne présentent à l’esprit qu’un sens vague & incomplet ; ainsi les prépositions françoises avec, dans, pour, ne présentent un sens complet & clair, qu’au moyen des complémens ; avec le roi, dans la ville, pour sortir : c’est la même chose des prépositions latines, cùm, in, ad, il faut les completter ; cùm rege, in urbe, ad exeundum.

Une seconde observation essentielle sur l’usage des prépositions, c’est que dans les langues dont les noms ne se déclinent point, on désigne par des prépositions la plûpart des rapports dont les cas sont ailleurs les signes : manus Dei, c’est en françois, la main de Dieu ; dixit Deo, c’est il a dit à Dieu.

Cette derniere observation nous indique que les prépositions désignent des rapports : l’application que l’on peut faire des mêmes prépositions à une infinité de circonstances différentes, démontre que les rapports qu’elles désignent font abstraction de toute application, & que les termes en sont indéterminés. Qu’on me permette un langage étranger sans doute à la grammaire, mais qui peut convenir à la Philosophie, parce qu’elle s’accommode de droit de tout ce qui peut mettre la vérité en évidence : les calculateurs disent que 3 est à 6, comme 5 est à 10, comme 8 est à 16, comme 25 est à 50, &c. que veulent-ils dire ? que le rapport de 3 à 6 est le même que le rapport de 5 à 10, que le rapport de 8 à 16, que le rapport de 25 à 50 ; mais ce rapport n’est aucun des nombres dont il s’agit ici ; & on le considere avec abstraction de tout terme, quand on dit que en est l’exposant. C’est la même chose d’une préposition ; c’est, pour ainsi dire, l’exposant d’un rapport considéré d’une maniere abstraite & générale, & indépendamment de tout terme antécédent & de tout terme conséquent. Aussi disons-nous avec la même préposition, la main de Dieu, la colere de ce prince, les désirs de l’ame ; & de même contraire à la paix, utile à la nation, agréable à mon pere, &c. les Grammairiens disent que les trois premieres phrases sont analogues entr’elles, & qu’il en est de même des trois dernieres ; c’est le langage des Mathématiciens, qui disent que les nombres 3 & 6, 5 & 10 sont proportionnels ; car analogie & proportion, c’est la même chose, selon la remarque même de Quintilien : Analogia præcipuè, quam, proximè ex græco transferentes in latinum, proportionem vocaverunt. liv. I.

Nous pouvons donc conclure de ces observations que les prépositions sont des mots qui désignent des rapports généraux avec abstraction de tout terme antécédent & conséquent. De-là la nécessité de donner à la préposition un complément qui en fixe le sens, qui par lui-même est vague & indéfini ; c’est le terme conséquent du rapport, envisagé vaguement dans la préposition. De-là encore le besoin de joindre la préposition avec son complément à un adjectif, ou à un verbe, ou à un nom appellatif, dont le sens général se trouve modifié & restraint par l’idée accessoire de ce rapport ; l’adjectif, le verbe, ou le nom appellatif, en est le terme antécédent, l’utilité de la Métaphysique, courageux sans témérité, aimer avec fureur ; chacune de ces phrases exprime un rapport complet ; on y voit l’antécédent, l’utilité, courageux, aimer ; le conséquent, la métaphysique, témérité, fureur ; & l’exposant, de, sans, avec.

2°. Par rapport aux adverbes, c’est une observation importante, que l’on trouve dans une langue plusieurs adverbes qui n’ont dans une autre langue aucun équivalent sous la même forme, mais qui s’y rendent par une préposition avec un complément qui énonce la même idée qui constitue la signification individuelle de l’adverbe ; eminus, de loin ; cominùs, de près ; utrinque, des deux côtés, &c. on peut même regarder souvent comme synonymes dans une même langue les deux expressions, par l’adverbe & par la préposition avec son complement ; prudenter, prudemment, ou cum prudentiâ, avec prudence. Cette remarque, qui se présente d’elle-même dans bien des cas, a excité l’attention des meilleurs grammairiens, & l’auteur de la Gramm. gen. part. II. ch. xij. dit que la plûpart des adverbes ne sont que pour signifier en un seul mot, ce qu’on ne pourroit marquer que par une préposition & un nom ; sur quoi, M. Duclos remarque que la plûpart ne dit pas assez, que tout mot qui peut être rendu par une préposition & un nom est un adverbe, & que tout adverbe peut s’y rappeller ; M. du Marsais avoit établi le même principe, article Adverbe.

Les adverbes ne différent donc des prépositions, qu’en ce que celles-ci expriment des rapports avec abstraction de tout terme antécédent & conséquent, au lieu que les adverbes renferment dans leur signification le terme conséquent du rapport. Les adverbes sont donc des mots qui expriment des rapports généraux, déterminés par la désignation du terme conséquent.

De-là la distinction des adverbes, en adverbes de tems, de lieu, d’ordre, de quantité, de cause, de maniere, selon que l’idée individuelle du terme conséquent qui y est enfermé a rapport au tems, au lieu, à l’ordre, à la quantité, à la cause, à la maniere.

De-là vient encore, contre le sentiment de Sanctius & de Scioppius, que quelques adverbes peuvent avoir ce qu’on appelle communément un régime, lorsque l’idée du terme conséquent peut se rendre par un nom appellatif ou par un adjectif, dont la signification, trop générale dans l’occurrence ou essentiellement relative, exige l’addition d’un nom qui la détermine ou qui la complette ; ainsi dans ubi terrarum, tunc temporis, on peut dire que terrarum & temporis sont les complémens déterminatifs des adverbes ubi & tunc, puisqu’ils déterminent en effet les noms généraux renfermés dans la signification de ces adverbes ; ubi terrarum, c’est-à-dire, en prenant l’équivalent de l’adverbe, in quo loco terrarum ; tunc temporis, c’est-à-dire, in hoc puncto ou spatio temporis ; & l’on voit qu’il n’y a point là de rédondance ou de pléonasme, comme le dit Scioppius dans sa Gramm. philosoph. (de syntaxi adverbii.) Il prétend encore que dans naturæ convenienter vivere, le datif naturæ est régi par le verbe vivere, de la même maniere que quand Plaute à dit (Poen.), vivere sibi & oemicis : mais il est clair que les deux exemples sont bien différens ; & si l’on rend l’adverbe convenienter par son équivalent ad modum convenientem, tout le monde verra bien que le datif naturæ est le complément relatif de l’adjectif convenientem.

Ne nous contentons pas d’observer la différence des prépositions & des adverbes ; voyons encore ce qu’il y a de commun entre ces deux especes : l’une & l’autre énonce un rapport général, c’est l’idée générique fondamentale des deux ; l’une & l’autre fait abstraction du terme antécédent, parce que le même rapport pouvant se trouver dans différens êtres, on peut l’appliquer sans changement à tous les sujets qui se présenteront dans l’occasion. Cette abstraction du terme antécédent ne suppose donc point que dans aucun discours le rapport sera envisage de la sorte ; si cela avoit lieu, ce seroit alors un être abstrait qui seroit désigné par un nom abstractif : l’abstraction dont il s’agit ici, n’est qu’un moyen d’appliquer le rapport à tel terme antécédent qui se trouvera nécessaire aux vûes de l’énonciation.

Ceci nous conduit donc à un principe essentiel ; c’est que tout adverbe, ainsi que toute phrase qui renferme une préposition avec son complément, sont des expressions qui se rapportent essentiellement à un mot antécédent dans l’ordre analytique, & qu’elles ajoutent à la signification de ce mot, une idée de relation qui en fait envisager le sens tout autrement qu’il ne se présente dans le mot seul : aimer tendrement ou avec tendresse, c’est autre chose qu’aimer tout simplement. Si l’on envisage donc la préposition & l’adverbe sous ce point de vûe commun, on peut dire que ce sont des mots supplétifs, puisqu’ils servent également à suppléer les idées accessoires qui ne se trouvent point comprises dans la signification des mots auxquels on les rapporte, & qu’ils ne peuvent servir qu’à cette fin.

A l’occasion de cette application nécessaire de l’adverbe à un mot antécédent ; j’observerai que l’etymologie du nom adverbe, telle que la donne Sanctius (Minerv. III. 13.), n’est bonne qu’autant que le nom latin verbum sera pris dans son sens propre pour signifier mot, & non pas verbe, parce que l’adverbe supplée aussi souvent à la signification des adjectifs, & même à celle d’autres adverbes, qu’à celle des verbes : adverbium, dit ce grammairien, videtur dici quasi ad verbum, quia verbis velut adjectivum adhæret. La grammaire générale, part. II. ch. xij. & tous ceux qui l’ont adoptée, ont souscrit à la même erreur.

3°. Plusieurs conjonctions semblent au premier aspect ne servir qu’à lier un mot avec un autre : mais si l’on y prend garde de près, on verra qu’en effet elles servent à lier les propositions partielles qui constituent un même discours. Cela est sensible à l’égard de celles qui amenent des propositions incidentes, comme præceptum Apollinis monet ut se quisque noscat : (Tuscul. I. 22.) Ce principe n’est pas moins évident à l’égard des autres, quand toutes les parties des deux propositions liées sont différentes entr’elles ; par exemple, Moise prioie et Josué combattoit. Il ne peut donc y avoir de doute que dans le cas où divers attributs sont énoncés du même sujet, ou le même attribut de différens sujets ; par exemple, Ciceron étoit orateur et philosophe, lupus & agnus venerant. Mais il est aisé de ramener à la loi commune les conjonctions de ces exemples : le premier se réduit aux deux propositions liées, Ciceron étoit orateur et Ciceron étoit philosophe, lesquelle ont un même sujet ; le second veut dire pareillement, lupus veneras et agnus venerat, les deux mots attributifs venerat étant compris dans le pluriel venerant.

Qu’il me soit permis d’établir ici quelques principes, dont je ne ferois que m’appuyer s’ils avoient été établis à l’article Conjonction.

Le premier, c’est qu’on ne doit pas regarder comme une conjonction, même en y ajoutant l’épithete de composée, une phrase qui renferme plusieurs mots, comme l’ont fait tous les Grammairiens, excepté M. l’abbé Girard. En effet une conjonction est une sorte de mot, & chacun de ceux qui entrent dans l’une de ces phrases que l’on traite de conjonctions, doit être rapporté à sa classe. Ainsi on n’a pas dû regarder comme des conjonctions, les phrases si ce n’est, c’est-à-dire, pourvu que, parce que, à condition que, au surplus, c’est pourquoi, par conséquent, &c.

En adoptant ce principe, M. l’abbé Girard est tombé dans une autre méprise : il a écrit de suite les mots élémentaires de plusieurs de ces phrases, comme si chacune n’étoit qu’un seul mot ; & l’on trouve dans son système des conjonctions, deplus, dailleurs, pourvuque, amoins, bienque, nonplus, tandisque, parceque, dautantque, parconséquent, entantque, aureste, dureste ; ce qui est contraire à l’usage de notre orthographe, & conséquemment aux véritables idées des choses. On doit écrire de plus, d’ailleurs, pourvu que, à moins, bien que, non plus, tandis que, parce que, d’autant que, par conséquent, en tant que, au reste, du reste.

Un second principe qu’il ne faut plus que rappeller, c’est que tout mot qui peut être rendu par une préposition avec son complément est un adverbe : d’où il suit qu’aucun mot de cette espece ne doit entrer dans le système des conjonctions ; en quoi peche celui de M. l’abbé Girard, copié par M. du Marsais.

Cette conséquence est évidente d’abord pour toutes les phrases où notre orthographe montre distinctement une préposition & son complément, comme à moins, au reste, d’ailleurs, de plus, du reste, par conséquent. L’auteur des vrais principes s’explique ainsi lui-même : « Par conséquent n’est mis au rang des conjonctions qu’autant qu’on l’écrit de suite sans en faire deux mots ; autrement chacun doit être rapporté à sa classe : & alors par sera une préposition, conséquent un adjectif pris substantivement ; ces deux mots ne changent point de nature, quoiqu’employés pour énoncer le membre conjonctif de la phrase ». (tom. II. pag. 284.) Mais il est constant qu’une préposition avec son complément est l’équivalent d’un adverbe, & que tout mot qui est l’équivalent d’une préposition avec son complément est un adverbe ; d’où il suit que quand on écriroit de suite par conséquent, il n’en seroit pas moins adverbe, parce que l’étymologie y retrouveroit toujours les mêmes élémens, & la Logique le même sens.

C’est par la même raison que l’on doit regarder comme de simples adverbes, les mots suivans réputés communément conjonctions.

Cependant, néanmoins, pourtant, toutefois, sont adverbes ; l’abréviateur de Richelet le dit expressément des deux derniers, qu’il explique par les premiers, quoiqu’à l’article néanmoins il désigne ce mot comme conjonction. Lorsque cependant est relatif au tems, c’est un adverbe qui veut dire pendant ce tems ; & quand il est synonyme de néanmoins, pourtant, toutefois, il signifie, comme les trois autres, malgré ou nonobstant cela, avec les différences délicates que l’on peut voir dans les synonymes de l’abbé Girard.

Enfin c’est évidemment enfin, c’est-à-dire pour fin, pour article final, finalement, adverbe.

C’est la même chose d’afin, au lieu de quoi l’on disoit anciennement à celle fin, qui subsiste encore dans les patois de plusieurs provinces, & qui en est la vraie interprétation.

Jusque, regardé par Vaugelas (Rem. 514.) comme une préposition, & par l’abbé Girard, comme une conjonction, est effectivement un adverbe, qui signifie à-peu-près sans discontinuation, sans exception, &c. Le latin usque, qui en est le correspondant & le radical, se trouve pareillement employé à-peu-près dans le sens de jugiter, assiduè, indesinenter, continuè ; & ce dernier veut dire in spatio (temporis aut loci) continuo ; ce qui est remarquable, parce que notre jusque s’emploie également avec relation au tems & au lieu.

Pourvu signifie sous la condition ; & c’est ainsi que l’explique l’abréviateur de Richelet ; c’est donc un adverbe.

Quant signifie relativement, par rapport.

Surtout vient de sur tout, c’est-à-dire principalement : il est si évidemment adverbe, qu’il est surprenant qu’on se soit avisé d’en faire une conjonction.

Tantôt répété veut dire, la premiere fois, dans un tems, & la seconde fois, dans un autre tems : tantot caressante & tantot dédaigneuse, c’est-à-dire caressante dans un tems & dédaigneuse dans un autre. Les Latins répetent dans le même sens l’adverbe nunc, qui ne devient pas pour cela conjonction.

Remarquez que dans tous les mots que nous venons de voir, nous n’avons rien trouvé de conjonctif qui puisse autoriser les Grammairiens à les regarder comme conjonctions. Il n’en est pas de même de quelques autres mots, qui étant analysés, renferment en effet la valeur d’une préposition avec son complément, & de plus un mot simple qui ne peut servir qu’à lier.

Par exemple, ainsi, aussi, donc, partant signifient & par cette raison, & pour cette cause, & par conséquent, & par résultat : ce sont des adverbes, si vous voulez, mais qui indiquent encore une liaison : & comme l’expression déterminée du complément d’un rapport, fait qu’un mot, sous cet aspect, n’est plus une préposition, quoiqu’il la renferme encore, mais un adverbe ; l’expression de la liaison ajoutée à la signification de l’adverbe doit faire pareillement regarder le mot comme conjonction, & non comme adverbe, quoiqu’il renferme encore l’adverbe.

C’est la même chose de lorsque, quand, qui veulent dire dans le tems que ; quoique, qui signifie malgré la raison, ou la cause, ou le motif que ; puisque, qui veut dire par la raison supposée ou posée que (posite quod, qui en est peut-être l’origine, plutôt que postquam assigné comme tel par Ménage) ; si, c’est-à-dire sous la condition que, &c.

La facilité avec laquelle on a confondu les adverbes & les conjonctions, semble indiquer d’abord que ces deux sortes de mots ont quelque chose de commun dans leur nature ; & ce que nous venons de remarquer en dernier lieu met la chose hors de doute, en nous apprenant que toute la signification de l’adverbe est dans la conjonction, qui y ajoute de plus l’idée de liaison entre des propositions. Concluons donc que les conjonctions sont des mots qui désignent entre les propositions, une liaison fondée sur les rapports qu’elles ont entre elles.

De-là la distinction des conjonctions en copulatives, adversatives, disjonctives, explicatives, périodiques, hypothétiques, conclusives, causatives, transitives & déterminatives, selon la différence des rapports qui fondent la liaison des propositions.

Les conjonctions copulatives, &, ni, (& en latin &, ac, atque, que, nec, neque), désignent entre des propositions semblables, une liaison d’unité, fondée sur leur similitude.

Les conjonctions adversatives mais, quoique, (& en latin sed, at, quamvis, etsi, &c.), désignent entre des propositions opposées à quelques égards, une liaison d’unité, fondée sur leur compatibilité intrinseque.

Les conjonctions disjonctives ou, soi, (ve, vel, aut, seu, sive,) désignent entre des propositions incompatibles, une liaison de choix, fondée sur leur incompatibilité même.

Les conjonctions explicatives savoir, (quippe, nempe, nimirùm, scilicet, videlicet,) dêsignent entre les propositions, une liaison d’identité, fondée sur ce que l’une est le développement de l’autre.

Les conjonctions périodiques quand, lorsque, (quandò,) désignent entre les propositions, une liaison positive d’existence, fondée sur leur relation à une même époque.

Les conjonctions hypothétiques si, sinon, (si, nisi, sin,) désignent entre les propositions, une liaison conditionnelle d’existence, fondée sur ce que la seconde est une suite de la premiere.

Les conjonctions conclusives ainsi, aussi, donc, partant, (ergo, igitur, &c.) désignent entre les propositions, une liaison nécessaire d’existence, fondée sur ce que la seconde est renfermée éminemment dans la premiere.

Les conjonctions causatives car, puisque, (nam, enim, etenim, quoniam, quia,) désignent entre les propositions, une liaison nécessaire d’existence, fondée sur ce que la premiere est renfermée éminemment dans la seconde.

Les conjonctions transitives or, (atqui, autem, &c.) désignent entre les propositions, une liaison d’affinité, fondée sur ce qu’elles concourent à une même fin.

Les conjonctions déterminatives que, pourquoi, (quòd, quàm, cùm, ut, cur, quare, &c.) désignent entre les propositions, une liaison de détermination, fondée sur ce que l’une, qui est incidente, détermine le sens vague de quelque partie de l’autre, qui est principale.

On voit par ce détail la vérité d’une remarque de M. l’abbé Girard, (tom. II. pag. 257.) « que les conjonctions font proprement la partie systématique du discours ; puisque c’est par leur moyen qu’on assemble les phrases, qu’on lie les sens, & que l’on compose un tout de plusieurs portions, qui, sans cette espece, ne paroîtroient que comme des énumérations ou des listes de phrases, & non comme un ouvrage suivi & affermi par les liens de l’analogie ». C’est précisément pour cela que je divise la classe des mots indéclinables en deux ordres de mots, qui sont les supplétifs & les discursifs : les adverbes & les prépositions sont du premier ordre, on en a vu la raison ; les conjonctions sont du second ordre, parce qu’elles sont les liens des propositions, en quoi consiste la force, l’ame & la vie du discours.

Je vais rapprocher dans un tableau raccourci les notions sommaires qui resultent du détail de l’analyse que nous venons de faire.


Système figuré des especes de mots.
MOTS AFFECTIFS INTERJECTIONS
DÉCLINABLES DÉTERMINATIFS NOMS 1. substantifs
abstractifs
2. propres
appellatifs génériques
spécifiques
PRONOMS de la I. personne
de la II. personne
de la III. personne
INDÉTERMINATIFS ADJECTIFS physique
métaphysiques
VERBES substantif ou abstrait
adjectifs ou concret actifs
passifs
ÉNONCIATIFS neutres
INDÉCLINABLES SUPPLÉTIFS PRÉPOSITIONS
ADVERBES de tems
de lieu
d’ordre
de quantité
de cause
de maniere
DISCURSIFS CONJONCTIONS copulatives
adversatives
disjonctives
explicatives
périodiques
hypothétiques
conclusives
causatives
transitives
déterminatives

Cette seule exposition sommaire des différens ordres de mots est suffisante pour faire appercevoir combien d’idées différentes se réunissent dans la signification d’un seul mot énonciatif ; & cette multiplication d’idées peut aller fort loin, si on y ajoute encore celles qui peuvent être désignées par les différentes formes accidentelles que la déclinabilité peut faire prendre aux mots qui en sont susceptibles, telles que sont, par exemple, dans amaverat, les idées du mode, du nombre, de la personne, du tems ; & dans celle du tems, les idées du rapport d’existence à l’époque, & du rapport de l’époque au moment de la parole.

Cette complexité d’idées renfermées dans la signification d’un même mot, est la seule cause de tous les mal-entendus dans les arts, dans les sciences, dans les affaires, dans les traités politiques & civils ; c’est l’obstacle le plus grand qui se présente dans la recherche de la vérité, & l’instrument le plus dangereux dans les mains de la mauvaise foi. On devroit être continuellement en garde contre les surprises de ces mal-entendus : mais on se persuade au contraire que, puisqu’on parle la même langue que ceux avec qui l’on traite, on attache aux mots les mêmes sens qu’ils y attachent eux-même ; inde mali labes.

Les Philosophes présentent contre ce mal une foule d’observations solides, subtiles, détaillées, mais par-là même difficiles à saisir ou à retenir : je n’y connois qu’un remede, qui est le résultat de toutes les maximes détaillées de la Philosophie : expliquez-vous avant tout, avant que d’entamer une discussion ou une dispute, avant que d’avouer un principe ou un fait, avant que de conclure un acte ou un traité. L’application de ce remede suppose que l’on sait s’expliquer, & que l’on est en état de distinguer tout ce qu’une saine Logique peut appercevoir dans la signification des mots ; ce qui prouve, en passant, l’importance de l’étude de la Grammaire bien entendue, & l’injustice ainsi que le danger qu’il peut y avoir à n’en pas faire assez de cas.

Or 1°. il faut distinguer dans les mots la signification objective & la signification formelle. La signification objective, c’est l’idée fondamentale qui est l’objet de la signification du mot, & qui peut être désignée par des mots de différentes especes : la signification formelle, c’est la maniere particuliére dont le mot présente à l’esprit l’objet dont il est le signe, laquelle est commune à tous les mots de la même espece, & ne peut convenir à ceux des autres especes.

Le même objet pouvant donc être signifié par des mots de différentes especes, on peut dire que tous ces mots ont une même signification objective, parce qu’ils représentent tous la même idée fondamentale : mais chaque espece ayant sa maniere propre de présenter l’objet dont il est le signe, la signification formelle est nécessairement différente dans des mots de diverses especes, quoiqu’ils puissent avoir une même signification objective. Communément ils ont dans ce cas, une racine générative commune, qui est le type matériel de l’idée fondamentale qu’ils représentent tous ; mais cette racine est accompagnée d’inflexions & de terminaisons, qui, en désignant la diversité des especes, caractérisent en même tems la signification formelle. Ainsi la racine commune am dans aimer, amitié, ami, amical, amicalement, est le type de la signification objective commune à tous ces mots, dont l’idée fondamentale est celle de ce sentiment affectueux qui lie les hommes par la bienveillance ; mais les diverses inflexions ajoutées à cette racine, désignent tout-à-la-fois la diversité des especes, & les différentes significations formelles qui y sont attachées.

C’est pour avoir confondu la signification objective & la signification formelle du verbe, que Sanctius, le grammairien le plus savant & le plus philosophe de son siecle, a cru qu’il ne falloit point admettre de modes dans les verbes : il croyoit qu’il étoit question des modes de la signification objective, qui s’expriment en effet dans la langue latine communément par l’ablatif du nom abstrait qui en est le signe naturel, & souvent par l’adverbe qui renferme la même idée fondamentale ; au lieu qu’il n’est question que des modes de la signification formelle, c’est à-dire des diverses nuances, pour ainsi dire, qu’il peut y avoir dans la maniere de présenter l’idée objective. Voyez Mode.

2°. Il faut encore distinguer dans la signification objective des mots l’idée principale & les idées accessoires. Lorsque plusieurs mots de la même espece représentent une même idée objective, variée seulement de l’une à l’autre par des nuances différentes qui naissent de la diversité des idées ajoutées à la premiere ; celle qui est commune à tous ces mots, est l’idée principale ; & celles qui y sont ajoutées & qui différencient les signes, sont les idées accessoires. Par exemple, amour & amitié sont des noms abstractifs, qui présentent également à l’esprit l’idée de ce sentiment de l’ame qui porte les hommes à se réunir ; c’est l’idée principale de la signification objective de ces deux mots : mais le nom amour ajoute à cette idée principale, l’idée accessoire de l’inclination d’un sexe pour l’autre ; & le nom amitié y ajoute l’idée accessoire d’un juste fondement, sans distinction de sexe. On trouvera dans les mêmes idées accessoires la différence des noms substantifs amant & ami, des adjectifs amoureux & amical, des adverbes amoureusement & amicalement.

C’est sur la distinction des idées principales & accessoires de la signification objective, que porte la différence réelle des mots honnêtes & deshonnêtes, que les Cyniques traitoient de chimérique ; & c’étoit pour avoir négligé de démêler dans les mots les différentes idées accessoires que l’usage peut y attacher, qu’ils avoient adopté le système impudent de l’indifférence des termes, qui les avoit ensuite menés jusqu’au système plus impudent encore de l’indifférence des actions par rapport à l’honnêteté. Voyez Deshonnête.

Quand on ne considere dans les mots de la même espece, qui désignent une même idée objective principale, que cette seule idée principale, ils sont synonymes : mais ils cessent de l’être quand on fait attention aux idées accessoires qui les différencient. Voyez Synonymes. Dans bien des cas on peut les employer indistinctement & sans choix ; c’est surtout lorsqu’on ne veut & qu’en ne doit présenter dans le discours que l’idée principale, & qu’il n’y a dans la langue aucun mot qui l’exprime seule avec abstraction de toute idée accessoire ; alors les circonstances font assez connoître que l’on fait abstraction des idées accessoires que l’on désigneroit par le même mot en d’autres occurrences : mais s’il y avoit dans la langue un mot qui signifiât l’idée principale seule & abstraite de toute autre idée accessoire, ce seroit en cette occasion une faute contre la justesse, de ne pas s’en servir plutôt que d’un autre auquel l’usage auroit attaché la signification de la même idée modifiée par d’autres idées accessoires.

Dans d’autres cas, la justesse de l’expression exige que l’on choisisse scrupuleusement entre les synonymes, parce qu’il n’est pas toujours indifférent de présenter l’idée principale sous un aspect ou sous un autre. C’est pour faciliter ce choix important, & pour mettre en état d’en sentir le prix & les heureux effets, que M. l’abbé Girard a donné au public son livre des synonymes françois ; c’est pour augmenter ce secours que l’on a répandu dans l’Encyclopédie différens articles de même nature ; & il seroit à souhaiter que tous les gens de lettres recueillissent les observations que le hasard peut leur offrir sur cet objet, & les publiassent par les voies ouvertes au public : il en résulteroit quelque jour un excellent dictionnaire, ce qui est plus important qu’on ne le pense peut-être ; parce qu’on doit regarder la justesse de l’élocution non-seulement comme une source d’agrément & d’élégance, mais, encore comme l’un des moyens les plus propres à faciliter l’intelligence & la communication de la vérité.

Aux mots synonymes, caractérisés par l’identité du sens principal, malgré les différences matérielles, on peut opposer les mots homonymes, caractérisés au contraire par la diversité des sens principaux, malgré l’identité ou la ressemblance dans le matériel. Voyez Homonymes. C’est sur-tout contre l’abus des homonymes que l’on doit être en garde, parce que c’est la ressource la plus facile, la plus ordinaire, & la plus dangereuse de la mauvaise foi.

3°. La distinction de l’idée principale & des idées accessoires a lieu à l’égard de la signification formelle, comme à l’égard de la signification objective. L’idée principale de la signification formelle, est celle du point de vûe spécifique qui caractérise l’espece du mot, adaptée à l’idée totale de la signification objective. & les idées accessoires de la signification formelle, sont celles des divers points de vûe accidentels, désignés ou désignables par les différentes formes que la déclinabilité peut faire prendre à un même mot. Par exemple, amare, amabam, amavissent, sont trois mots dont la signification objective renferme la même idée totale, celle du sentiment général de bienveillance que nous avons déja vû appartenir à d’autres mots pris dans notre langue ; en outre, ils présentent également à l’esprit des êtres indéterminés, désignés seulement par l’idée de l’existence sous l’attribut de ce sentiment : voilà ce qui constitue l’idée principale de la signification formelle de ces trois mots. Mais les inflexions & les terminaisons qui les différencient, indiquent des points de vûe différens ajoutés à l’idée principale de la signification formelle : dans amare, on remarque que cette signification doit être entendue d’un sujet quelconque, parce que le mode est infinitif ; que l’existence en est envisagée comme simultanée avec une époque, parce que le tems est présent ; que cette époque est une époque quelconque, parce que ce présent est indéfini : dans amabam & amavissent, on voit que la signification doit être entendue d’un sujet déterminé, parce que les modes sont personnels ; que ce sujet déterminé doit être de la premiere personne & au nombre singulier pour amabam, de la troisieme personne & du nombre pluriel pour amavissent ; que l’existence du sujet est envisagée relativement à une époque antérieure au moment de la parole dans chacun de ces deux mots, parce que les tems en sont antérieurs, mais qu’elle est simultanée dans amabam qui est un présent, & antérieure dans amavissent qui est un prétérit, &c.

C’est sur la distinction des idées principales & accessoires de la signification formelle, que porte la diversité des formes dont les mots se revêtent selon les vûes de l’énonciation ; formes spécifiques, qui, dans chaque idiôme, caractérisent à-peu-près l’espece du mot ; & formes accidentelles, que l’usage de chaque langue a fixées relativement aux vûes de la syntaxe, & dont le choix bien entendu est le fondement de ce que l’on nomme la correction du style, qui est l’un des signes les plus certains d’une éducation cultivée.

Je finirai cet article par une définition du mot la plus exacte qu’il me sera possible. L’auteur de la Grammaire genérale (part. II. ch. j.) dit que « l’on peut définir les mots, des sons distincts & articulés dont les hommes ont fait des signes pour signifier leurs pensées ». Mais il manque beaucoup à l’exactitude de cette définition. Chaque syllabe est un son distinct & souvent articulé, qui quelquefois signifie quelque chose de nos pensées : dans amaveramus, sa syllabe am est le signe de l’attribut sous lequel existe le sujet ; av indique que le tems est prétérit (voyez Tems. ) ; er marque que c’est un prétérit défini ; am final désigne qu’il est antérieur ; us marque qu’il est de la premiere personne du pluriel ; y-a-til cinq mots dans amaveramus ? La préposition françoise ou latine à, la conjonction ou, l’adverbe y, le verbe latin co, sont des sons non-articulés, & ce sont pourtant des mots. Quand on dit que ce sont des signes pour signifier les pensées, on s’exprime d’une maniere incertaine ; car une proposition entiere, composée même de plusieurs mots, n’exprime qu’une pensée ; n’est-elle donc qu’un mot ? Ajoutez qu’il est peu correct de dire que les hommes ont fait des signes pour signifier ; c’est un pléonasme.

Je crois donc qu’il faut dire qu’un mot est une totalité de sons, devenue par usage pour ceux qui l’entendent, le signe d’une idée totale.

1°. Je dis qu’un mot est une totalité de sons ; parce que, dans toutes les langues, il y a des mots d’une & de plusieurs syllabes, & que l’unité est une totalité aussi-bien que la pluralité. D’ailleurs, j’exclus par-là les syllabes qui ne sont que des sons partiels, & qui ne sont pas des mots, quoiqu’elles désignent quelquefois des idées, même complexes.

2°. Je n’ajoute rien de ce qui regarde l’articulation ou la non articulation des sons ; parce qu’il me semble qu’il ne doit être question d’un état déterminé du son, qu’autant qu’il seroit exclusivement nécessaire à la notion que l’on veut donner : or, il est indifférent à la nature du mot d’être une totalité de sons articulés ou de sons non-articulés ; & l’idée seule du son, faisant également abstraction de ces deux états opposés, n’exclut ni l’un ni l’autre de la notion du mot : son simple, son articulé, son aigu, son grave, son bref, son alongé, tout y est admissible.

3°. Je dis qu’un mot est le signe d’une idée totale ; & il y a plusieurs raisons pour m’exprimer ainsi. La premiere, c’est qu’on ne peut pas disconvenir que souvent une seule syllabe, ou même une simple articulation, ne soit le signe d’une idée, puisqu’il n’y a ni inflexion ni terminaison qui n’ait sa signification propre : mais les objets de cette signification ne sont que des idées partielles, & le mot entier est nécessaire à l’expression de l’idée totale. La seconde raison, c’est que si l’on n’attachoit pas à la signification du mot une idée totale, on pourroit dire que le mot, diversement terminé, demeure le même, sous prétexte qu’il exprime toûjours la même idée principale ; mais l’idée principale & les idées accessoires sont également partielles, & le moindre changement qui arrive dans l’une ou dans l’autre est un changement réel pour la totalité ; le mot alors n’est plus le même, c’en est un autre, parce qu’il est le signe d’une autre idée totale. Une troisieme raison, c’est que la notion du mot ainsi entendue est vraie, de ceux même qui équivalent à des propositions entieres, comme oui, non, allez, morieris, &c. car toute une proposition ne sert qu’à faire naître dans l’esprit de ceux qui l’entendent une idée plus précise & plus développée du sujet.

4°. J’ajoute qu’un mot est signe pour ceux qui l’entendent. C’est que l’on ne parle en effet que pour être entendu ; que ce qui se passe dans l’esprit d’un homme, n’a aucun besoin d’être représenté par des signes extérieurs, qu’autant qu’on veut le communiquer au-dehors ; & que les signes sont pour ceux à qui ils manifestent les objets signifiés. Ce n’est d’ailleurs que pour ceux qui entendent que les interjections sont des signes d’idées totales, puisqu’elles n’indiquent dans celui qui les prononce naturellement que des sentimens.

5°. Enfin, je dis qu’un mot devient par usage le signe d’une idée totale, afin d’assigner le vrai & unique fondement de la signification des mots. « Les mots, dit le pere Lami (Rhét. liv. I. ch. iv.), ne signifient rien par eux-mêmes, ils n’ont aucun rapport naturel avec les idées dont ils sont les signes ; & c’est ce qui cause cette diversité prodigieuse de langues : s’il y avoit un langage naturel, il seroit connu de toute la terre & en usage par-tout ». C’est une vérité que j’ai exposée en détail & que je crois avoir bien établie à l’article Langue (art. I. sub fin.). Mais si les mots ne signifient pas par nature, ils signifient donc par institution ; quel en est l’auteur ? Tous les hommes, ou du-moins tous les sages d’une nation, se sont-ils assemblés pour régler dans une délibération commune la signification de chaque mot, pour en choisir le matériel, pour en fixer les dérivations & les déclinaisons ? Personne n’ignore que les langues ne se sont pas formées ainsi. La premiere a été inspirée, en tout ou en partie, aux premiers auteurs du genre humain : & c’est probablement la même langue que nous parlons tous, & que l’on parlera toûjours & par-tout, mais altérée par les changemens qui y survinrent d’abord à Babel en vertu de l’opération miraculeuse du Tout-Puissant, puis par tous les autres qui naissent insensiblement de la diversité des tems, des climats, des lumieres, & de mille autres circonstances diversement combinées. « Il dépend de nous, dit encore le pere Lami (ibid. ch. vij.), de comparer les choses comme nous voulons » ; (ce choix des comparaisons n’est peut-être pas toûjours si arbitraire qu’il l’assure, & il tient souvent à des causes dont l’influence est irrésistible pour les nations, quoiqu’elle pût être nulle pour quelques individus ; mais du moins est-il certain que nous comparons très différemment, & cela suffit ici : car c’est) « ce qui fait, ajoute-t-il, cette grande différence qui est entre les langues. Ce que les Latins appellent fenestra, les Espagnols l’appellent ventana, les Portugais janella ; nous nous servons aussi de ce nom croisée pour marquer la même chose. Fenestra, ventus, janua, crux, sont des mots latins. Le françois, l’espagnol, le portugais viennent du latin », (c’est-à-dire, que ces trois idiômes ont emprunté beaucoup de mots dans la langue latine, & c’est tout : ) « mais les Espagnols considérant que les fenêtres donnent passage aux vents, les appellent ventana de ventus : les Portugais ayant regardé les fenêtres comme de petites portes, ils les ont appellées janella de janua : nos fenêtres étoient autrefois partagées en quatre parties avec des croix de pierre ; on les appelloit pour cela des croisées de crux : les Latins ont considéré que l’usage des fenêtres est de recevoir la lumiere ; le nom fenestra vient du grec φαίνειν qui signifie reluire. C’est ainsi que les différentes manieres de voir les choses portent a leur donner différens noms ». Et c’est ainsi, puis-je ajouter, que la diversité des vûes introduit en divers lieux des mots très-différens pour exprimer les mêmes idées totales ; ce qui diversifie les idiômes, quoiqu’ils viennent tous originairement d’une même source. Mais ces différens mots, risqués d’abord par un particulier qui n’en connoît point d’autre pour exprimer ses idées telles qu’elles sont dans son esprit, n’en deviennent les signes universels pour toute la nation, qu’après qu’ils ont passé de bouche en bouche dans le même sens ; & ce n’est qu’alors qu’ils appartiennent à l’idiôme national. Ainsi c’est l’usage qui autorise les mots, qui en détermine le sens & l’emploi, qui en est l’instituteur véritable & l’unique approbateur.

Mais d’où nous vient le terme de mot ? On trouve dans Lucilius, non audet dicere muttum (il n’ose dire un mot) ; & Cornutus, qui enseigna la Philosophie à Perse, & qui fut depuis son commentateur, remarque sur la premiere satyre de son disciple, que les Romains disoient proverbialement, mutum nullum emiseris (ne dites pas un seul mot). Festus témoigne que mutire, qu’il rend par loqui, se trouve dans Ennius ; ainsi mutum & mutire, qui paroissent venir de la même racine, ont un fondement ancien dans la langue latine.

Les Grecs ont fait usage de la même racine, & ils ont μῦθος, discours ; μυθητης : parleur ; & μυθεῖν, parler.

D’après ces observations, Ménage dérive mot du latin mutum ; & croit que Périon s’est trompé d’un degré, en le dérivant immédiatement du grec μυθεῖν.

Il se peut que nous l’ayons emprunté des Latins, & les Latins des Grecs ; mais il n’est pas moins possible que nous le tenions directement des Grecs, de qui, après tout, nous en avons reçu bien d’autres : & la décision tranchante de Ménage me paroît trop hasardée, n’ayant d’autre fondement que la priorité de la langue grecque sur la latine.

J’ajoute qu’il pourroit bien se faire que les Grecs, les Latins, & les Celtes de qui nous descendons, eussent également trouvé ce radical dans leur propre fonds, & que l’onomatopée l’eût consacré chez tous au même usage, par un tour d’imagination qui est universel parce qu’il est naturel. Ma, mê, mé, mi, meu, mo, mu, mou, sont dans toutes les langues les premieres syllabes articulées, parce que m est la plus facile de toutes les articulations (voyez Langue, art. III. S. ij. n. 1.) ; ces syllabes doivent donc se prendre assez naturellement pour signifier les premieres idées qui se présentent ; & l’on peut dire que l’idée de la parole est l’une des plus frappantes pour des êtres qui parlent. On trouve encore dans le poëte Lucilius, non laudare hominem quemquam, nec mu facere unquàm ; où l’on voit ce mu indéclinable, montré comme l’un des premiers élémens de la parole. Il est vraissemblable que les premiers instituteurs de la langue allemande l’envisagerent à-peu-près de même, puisqu’ils appellerent mut, la pensée, par une métonymie sans doute du signe pour la chose signifiée : & ils donnerent ensuite le même nom à la substance de l’ame, par une autre métonymie de l’effet pour la cause. Voyez Métonymie. (B. E. R. M.)

Mot, Terme, Expression, (Synon.) Le mot, dit l’abbé Girard, est de la langue ; l’usage en décide. Le terme est du sujet ; la convenance en fait la bonté. L’expression est de la pensée ; le tour en fait le mérite.

La pureté du langage dépend des mots ; sa précision dépend des termes ; & son brillant dépend des expressions.

Tout discours travaillé demande que les mots soient françois ; que les termes soient propres ; & que les expressions soient nobles.

Un mot hasardé choque moins qu’un mot qui a vieilli. Les termes d’art sont aujourd’hui moins ignorés dans le grand monde ; il en est pourtant qui n’ont de grace que dans la bouche de ceux qui font profession de ces arts. Les expressions trop recherchées font à l’égard du discours, ce que le fard fait à l’égard de la beauté du sexe ; employées pour embellir, elles enlaidissent. (D. J.)

Mot consacré, (Gramm.) On appelle mots consacrés certains mots particuliers qui ne sont bons qu’en certains endroits ou occasions ; & on leur a peut-être donné ce nom, parce que ces mots ont commencé par la religion, dont les mysteres n’ont pû être exprimés que par des mots faits exprès. Trinité, incarnation, nativité, transfiguration, annonciation, visitation, assomption, fils de perdition, portes de l’enfer, vase d’élection, homme de péché, &c. sont des mots consacrés, aussi-bien que cène, cénacle, fraction de pain, actes des Apôtres, &c.

De la religion on a étendu ce mot de consacré aux Sciences & aux Arts ; desorte que les mots propres des Sciences & des Arts s’appellent des mots consacrés, comme gravitation, raréfaction, condensation, & mille autres, en matiere de Physique ; allegro, adagio, aria, arpeggio, en Musique, &c.

Il faut se servir sans difficulté des mots consacrés dans les matieres de religion, Sciences & Arts ; & qui voudroit dire, par exemple, la fête de la naissance de Notre-Seigneur, la fête de la visite de la Vierge, ne diroit rien qui vaille : l’usage veut qu’on dise la nativité & la visitation, en parlant de ces deux mysteres, &c. Ce n’est pas qu’on ne puisse dire la naissance de Notre-Seigneur, & la visite de la Vierge : par exemple, la naissance de Notre-Seigneur est bien différente de celle des princes ; la visite que rendit la Vierge à sa cousine n’avoit rien des visites profanes du monde. L’usage veut aussi qu’on dise la cène & le cénacle ; & ceux qui diroient une chambre haute pour le cénacle, & le souper pour la cène, s’exprimeroient fort mal. (D. J.)

Mot bon, (Opérat. de l’esprit.) un bon mot, est un sentiment vivement & finement exprimé ; il faut que le bon mot naisse naturellement & sur le champ ; qu’il soit ingénieux, plaisant, agréable ; enfin, qu’il ne renferme point de raillerie grossiere, injurieuse, & piquante.

La plûpart des bons mots, consistent dans des tours d’expressions, qui sans gêner, offrent à l’esprit deux sens également vrais ; mais dont le premier qui saute d’abord aux yeux, n’a rien que d’innocent, au lieu que l’autre qui est le plus caché, renferme souvent une malice ingénieuse.

Cette duplicité de sens, est dans un homme destitué de génie, un manque de précision & de connoissance de la langue ; mais dans un homme d’esprit, cette même duplicité de sens est une adresse, par laquelle il fait naître deux idées différentes ; la plus cachée dévoile à ceux qui ont un peu de sagacité une satyre délicate, qu’elle recele à une pénétration moins vive.

Quelquefois le bon mot n’est autre chose que l’heureuse hardiesse d’une expression appliquée à un usage peu ordinaire. Quelquefois aussi la force d’un bon mot ne consiste point dans ce qu’on dit, mais dans ce qu’on ne dit pas, & qu’on fait sentir comme une conséquence naturelle de nos paroles, sur laquelle on a l’adresse de porter l’attention de ceux qui nous écoutent.

Le bon mot est plutôt imaginé que pensé ; il prévient la méditation & le raisonnement ; & c’est en partie pour quoi tous les bons mots ne sont pas capables de soutenir la presse. La plûpart perdent leur grace, dès qu’on les rapporte détachés des circonstances qui les ont fait naître ; circonstances qu’il n’est pas aisé de faire sentir à ceux qui n’en ont pas été les témoins.

Mais, quoique le bon mot ne soit pas l’effet de la méditation, il est sûr pourtant que les saillies de ceux qui sont habitués à une exacte méthode de raisonner, se sentent de la justesse de l’esprit. Ces personnes ont enseigné à leur imagination, quelque vive qu’elle soit, à obéir à la séverité du raisonnement. C’est peut-être faute de cette exactitude de raisonnement, que plusieurs anciens se sont souvent trompés sur la nature des bons mots, & de la fine plaisanterie.

Ceux qui ont beaucoup de feu, & dont l’imagination est propre aux saillies & aux bons mots, doivent avoir soin de se procurer un fonds de justesse & de discernement qui ne les abandonne pas même dans leur grande vivacité. Il leur importe encore d’avoir un fonds de vertu qui les empêche de laisser rien échapper qui soit contraire à la bienséance, & aux ménagemens qu’ils doivent avoir pour ceux que leurs bons mots regardent. (D. J.)

Mot du guet, ou simplement mot, est un mot ou sentence, en terme de guerre, qui sert aux soldats à se reconnoître pendant la nuit, & à découvrir les espions, ou autres gens mal intentionnés : on s’en sert aussi pour prévenir les surprises. Dans une armée, le mot se donne par le général au lieutenant ou au major général de jour, lequel le donne au major de brigade : de-là-il passe aux aides-majors, qui le donnent aux officiers de l’état-major, ensuite aux sergens de chaque compagnie, qui le donnent à leurs subalternes.

Dans les garnisons, après que les portes sont fermées, le commandant donne le mot au major de la place, & il lui dit ce qu’il y a à faire pour le lendemain. Il faut remarquer que celui qui commande dans un château, fort, réduit, ou citadelle, doit tous les jours envoyer prendre l’ordre de celui qui commande dans la ville, quand même celui ci seroit d’un rang inférieur au sien, sans que celui qui commande dans la ville, puisse pour cela prétendre aucun commandement dans la citadelle, château, fort, ou réduit, à-moins qu’il n’en fût gouverneur. Après que les portes font fermées, le major se rend sur la place, où il trouve les sergens de la garnison rangés en cercle avec chacun un caporal de la compagnie derriere lui. Les caporaux des compagnies dont les sergens manquent, se placent hors du cercle, joignant les sergens dans le rang de leurs compagnies ; les tambours majors des bataillons à deux pas derriere les sergens ; à quatre pas du cercle, on place les caporaux qui ont suivi leurs sergens, présentant leurs armes en-dehors, pour empêcher que qui que ce soit n’approche du cercle, pour écouter l’ordre. Il ne doit entrer dans le cercle que le major, l’aide-major de la place, & les officiers majors des régimens, le caporal du consigne du corps de la place portant le falot, & celui qui tient le registre de la garde des rondes.

Le major entre dans le cercle avec les officiers majors des régimens qui assistent à l’ordre, & les autres qu’on a déja dit. Il dit aux sergens & aux tambours majors s’il y a quelque chose qui les regarde, ce qu’il y a à faire pour le lendemain, comme revûe, conseil de guerre, ou autre chose, si quelque bataillon doit prendre les armes pour faire l’exercice, & tout le reste ; s’il y a conseil de guerre, il demande aux majors des régimens le nombre d’officiers nécessaire pour le tenir. Il fait ensuite nommer les officiers qui doivent monter la garde le lendemain, & ceux qui doivent faire la ronde cette même nuit ; il fait tirer leur ronde par leurs sergens ; il donne le mot aux officiers majors des régimens, & après aux sergens, en commençant par celui de la premiere compagnie, à qui il le dit à l’oreille. Ce sergent le donne à celui qui le suit, & ainsi de l’un à l’autre, jusqu’à ce que le mot revienne au major par le sergent de la gauche, ainsi qu’il l’a donné. S’il ne lui revenoit pas comme il le lui a donné, il regarde à quel sergent il a manqué, le redresse jusqu’à ce que tous le sachent, après quoi il les congédie. Les sergens doivent être découverts dès qu’on donne le mot, jusqu’à ce que le dernier l’ait rendu au major. Lorsqu’il y a de la cavalerie dans une place, elle reçoit l’ordre du major de la place tout ainsi que l’infanterie.

Dès que l’ordre est donné & le cercle rompu, les sergens de chaque bataillon forment un cercle à part ; le tambour major derriere eux, le major, ou aide major du bataillon leur dit ce qu’il y a à faire pour le détail du bataillon, & tout ce que le commandant lui a dit. Pour cela il faut que le major aille tous les jours chez le commandant du bataillon quelque tems avant qu’on donne l’ordre, lui demander ce qu’il y a de particulier à ordonner. Il est à observer que si le commandant veut faire prendre les armes, il faut qu’il en fasse demander la permission au commandant de la place, lequel le fait dire au cercle général par le major. Après que le major du bataillon a donné l’ordre à son cercle particulier, les sergens vont le porter à leurs officiers, à qui ils doivent dire bien fidelement tout ce qui a été dit à l’ordre. Le major va le porter au colonel, à l’aide-major, au lieutenant colonel, quoique le colonel soit présent. S’ils n’y sont ni l’un ni l’autre, l’officier major va le porter à celui qui commande le régiment, l’aide-major de la place va le porter à l’inspecteur général, un sergent va le porter à l’inspecteur particulier. L’usage est le même pour l’ingénieur général, ou directeur des fortifications, & l’ingénieur particulier… & le dernier sergent de la garnison qui se trouve être de garde, va le porter au lieutenant ou commissaire d’artillerie qui est dans la place.

Les sergens qui sont de garde, n’assistent pas à ce cercle particulier, ni ne doivent aller porter l’ordre à leurs officiers de compagnie, mais seulement à ceux avec lesquels ils sont de garde. Il doit y avoit tous les jours un sergent par compagnie avec son caporal à l’ordre ; & s’il y en a un de garde, son camarade doit s’y trouver pour l’aller porter à ses officiers, & pour le détail de la compagnie, dont celui qui est de garde ne doit pas se mêler. Lorsqu’il manque des sergens à une compagnie, un caporal va à l’ordre avec son fusil. Tous les sergens doivent avoir leurs halebardes lorsqu’ils vont à l’ordre, & qu’ils vont le porter à leurs officiers. Histoire de la milice françoise, par le pere Daniel.

Mot, (Hist. mod.) on le dit aussi des armoiries & des devises. Voyez armoiries & Devise.

Ce qu’on appelle le mot dans les armoiries, est une courte sentence ou phrase écrite sur un rouleau qu’on place ordinairement au-dessus de l’écusson, & quelquefois au-dessous. Tantôt ce mot fait allusion au nom ou à quelques pieces des armes de la personne à qui appartiennent les armes, & tantôt il n’a rapport ni au nom ni au blason.

Le mot, dit Guillin, est un ornement extérieur attaché à la cotte d’armes ; il présente, ajoute-t-il, une idée de celui à qui les armes appartiennent, mais exprimée succinctement & avec force en trois ou quatre paroles au plus, écrites sur une bande ou compartiment qu’on place au pié de l’écusson ; & comme ce mot tient la derniere place dans les armes, on le blasonne aussi le dernier. A la rigueur, il devroit exprimer quelque chose de relatif à ces armes ; mais l’usage a fait admettre toute sorte de sentences expressives ou non. Voyez Blason.

Cette coutume d’employer un mot ou symbolique, ou comme cri de guerre pour s’animer, se reconnoître, & se rallier dans les combats, est très-ancienne : l’Histoire sacrée & profane nous en fournissent également des exemples. Nos ancêtres faisoient choix du mot le plus propre à exprimer leur passion dominante, comme la piété, l’amour, la valeur, &c. ou quelque événement extraordinaire qui leur fût arrivé. On trouve plusieurs mots de cette derniere sorte qui se sont perpétués dans les familles, quoiqu’ils ne convinssent proprement qu’à la premiere personne qui se l’étoit attribué.

Le mot de la maison royale de France est espérance ; & dans quelques écussons lilia non laborant neque nent, par allusion à la loi salique, qui exclut les femmes de la couronne : celui de la maison royale d’Angleterre est Dieu & mon droit. L’ordre de la Jarretiere a pour mot, honi soit qui mal y pense ; & le duc de Nortfolk ces paroles, sola virtus invicta : le duc de Bedfort celles ci, che sara sara : celui de Devonshire, cavendo tutus, par allusion au nom de sa maison, qui est Cavendish. Le duc de Kinston, dont le nom est Pierrepont, a pour mot Pie reponete : le comte de Radnor, quæ supra, parce qu’il porte trois étoiles dans ses armes : le lord Klinton, dont le nom est Fortescue, prend celui-ci, Forte scutum, salus ducum.

On peut voir sous l’article cri de guerre, les mots que prennent ou prenoient plusieurs des premieres maisons de France. Le mot d’une devise s’appelle aussi l’ame de la devise. Voyez Devise.

Mot, terme de Commerce, & particulierement de détail : il se dit du prix que le marchand demande de sa marchandise, ou de celui que l’acheteur en offre. Ce drap est de vingt francs, c’est mon dernier mot : vous n’en offrez que seize, vous ne serez pas pris au mot.

On dit qu’on a été pris au mot, quand le marchand livre sa marchandise à l’acheteur sur la premiere offre que celui-ci en a faite.

Un marchand qui n’a qu’un mot, est celui qui ne surfait pas. On dit que les Quakres d’Angleterre & les Anabaptistes de Hollande qui exercent le trafic, en usent ainsi & avec succès. Dictionnaire de Commerce.

Mot, sonner un ou deux mots, (Vénerie.) c’est sonner un ou deux tons longs du cors, qui est le signal du piqueur pour appeller ses compagnons.

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Étymologie de « mot »

Bourg. mô ; prov. et catal. mot ; esp. et port. mote ; ital. motto ; napol. mutto ; du bas-lat. muttum, mot (ne muttum quidem audet dicere) ; du lat. muttum, mot, grognement, muttire, grogner, murmurer.

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(Xe siècle)[1] (Linguistique) Du latin muttum (« grognement, son »)[2] dérivé de l’onomatopée mutmut (« murmure, son à peine distinct ») qui elle même vient de l’onomatopée mu (« murmure »). Il est passé du sens de « son » à « son qui décrit une parole, un verbe », puis « parole, discours ».
(Informatique) Calque de l’anglais word (« mot »).
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Phonétique du mot « mot »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
mot mo

Évolution historique de l’usage du mot « mot »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « mot »

  • C'est un grand moment de la vie d'un peuple que celui où tout le monde, ou presque tout le monde, s'applique à employer les mots dans leur sens véritable. Louis Aragon, Servitude et Grandeur des Français, Éditeurs français réunis
  • Un dictionnaire commencerait à partir du moment où il ne donnerait plus le sens mais les besognes des mots. Georges Bataille, Documents, Mercure de France
  • […] des mots bien usés, des mots utiles qui sentaient l'assiette, le pain, l'huile, le linge et le feu de bois. Henri Bosco, Le Jardin d'Hyacinthe, Gallimard
  • Les mots font l'amour. André Breton, Les Pas perdus, Gallimard
  • Un mot et tout est sauvé Un mot et tout est perdu. André Breton, Le Revolver à cheveux blancs, Gallimard
  • Chaque mot écrit est une victoire contre la mort. Michel Butor, Entretiens avec Georges Charbonnier, Gallimard
  • Je n'ai pas peur des mots, ce sont les mots qui ont peur de moi. Henri Calet, Acteur et témoin, Mercure de France
  • On ne se méfie jamais assez des mots. Louis Ferdinand Destouches, dit Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Gallimard
  • À l'origine n'est pas le mot, mais la phrase, une modulation. Écoutez le chant des oiseaux ! Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars, Blaise Cendrars vous parle, Denoël
  • Les mots que j'emploie, Ce sont les mots de tous les jours, et ce ne sont point les mêmes ! Paul Claudel, Cinq Grandes Odes, Gallimard
  • Ce diseur de beaux mots sait dorer la pilule. Thomas Corneille, Don César d'Avalos
  • Loin de la vérité, les mots mentent tout seuls. Fernand Crommelynck, Chaud et froid, Le Seuil
  • Mais il vient des mots étouffants ; On laissera les chers enfants Livrés à de vagues désastres. Charles Cros, Le Collier de griffes, Almanach
  • Les mots sont nos esclaves Robert Desnos, Corps et biens, Gallimard
  • Le bon écrivain est celui qui enterre un mot chaque jour. Léon-Paul Fargue, Sous la lampe, Gallimard
  • Cet été, franceinfo se remémore les anecdotes insolites de la technologie, comme celle de l'histoire du mot ordinateur qui s’est imposé depuis 50 ans. Franceinfo, Nouveau monde. Pourquoi le mot ordinateur est-il l’un des rares termes technologiques d’origine française ?
  • Amis des mots, j’ai laissé mon parasol à l’entrée du studio. C’est ma dernière chronique de la saison, après, hop, je file à la plage. Alors j’ai eu envie de me pencher sur les mots de la mer. Quel joli mot, mer, quand on y pense… surtout quand on a envie de vacances ! RTL.fr, Quel mots de la langue française sont issus du mot mer ?
  • C'est mauvais signe lorsque les mots se refusent aux hommes que les dieux ont désignés pour être gardiens des mots ! Victor Segalen, Les Immémoriaux, Plon
  • Il faut que chaque mot qui tombe soit le fruit bien mûr de la succulence intérieure, la goutte qui glisse du bec de la bécasse à point. Léon-Paul Fargue, Sous la lampe, Gallimard
  • Le style est autant sous les mots que dans les mots. Gustave Flaubert, Correspondance, à Ernest Feydeau, 1860
  • Ce n'est qu'une question de mots. Il n'y en a jamais eu d'autres en France. Gaston Arman de CaillavetRobert Pellevé de La Motte-Ango, marquis de FlersEmmanuel Arène, Le Roi, Librairie théâtrale
  • Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant. Victor Hugo, Les Contemplations, Suite, I, 8
  • Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu. Victor Hugo, Les Contemplations, Suite, I, 8
  • De quelque mot profond tout homme est le disciple. Victor Hugo, Les Contemplations, Suite, I, 8
  • Les mots sont les passants mystérieux de l'âme. Victor Hugo, Les Contemplations, Suite, I, 8
  • Le Poète est un diseur de mots. […] Le diseur de mots est celui qui dans l'extrême veille, harponne un équivalent du rêve. Pierre Jean Jouve, En miroir, Mercure de France
  • Il est curieux comme le même mot peut avoir des sens complètement opposés. En art, académie, c'est la nudité. En littérature, Académie, cela veut dire : jamais trop habillé. Paul Léautaud, Propos d'un jour, Mercure de France
  • Les mots ne sont pas assez nombreux pour courir aussi vite que la guerre. Jean-Marie Gustave Le Clézio, La Guerre, Gallimard
  • Le pittoresque de l'avenir est composé de mots anticipés. Pierre Dumarchais, dit Pierre Mac Orlan, Le Mémorial du petit jour, Gallimard
  • Les mots sont plus mystérieux que les faits. Pierre Dumarchais, dit Pierre Mac Orlan, La Petite Cloche de Sorbonne, Gallimard
  • Donner un sens plus pur aux mots de la tribu […]. Stéphane Mallarmé, Poésies, Hommages et tombeaux, le Tombeau d'Edgar Poe
  • Où qu'il soit, où qu'il aille, l'homme continue à penser avec les mots, avec la syntaxe de son pays. Roger Martin du Gard, Les Thibault, l'Été 1914 , Gallimard
  • On voit qu'il se travaille à dire de bons mots. Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, Le Misanthrope, II, 4, Célimène
  • Nos émotions sont dans nos mots comme des oiseaux empaillés. Henry Millon de Montherlant, Carnets, Gallimard
  • Les mots qui ont un son noble contiennent toujours de belles images. Marcel Pagnol, La Gloire de mon père, Pastorelly
  • L'absurde se nomme. Le désespoir se chante. Tout vient se perdre dans les mots et y ressusciter. Brice Parain, Recherches sur la nature et les fonctions du langage, Gallimard
  • Diseur de bons mots, mauvais caractère. Blaise Pascal, Pensées, 46 Pensées
  • Tout a été dit. Sans doute. Si les mots n'avaient changé de sens ; et les sens, de mots. Jean Paulhan, Clef de la poésie, Gallimard
  • L'esprit est un monde à l'envers. Le clair y procède de l'obscur, la pensée y sort des mots. Jean Paulhan, Les Fleurs de Tarbes, Gallimard
  • Quand on lui* demandait son avis de quelques mots français, il renvoyait ordinairement aux crocheteurs du Port-au-Foin, et disait que c'étaient ses maîtres pour le langage. Honorat de Bueil, seigneur de Racan, Mémoires pour la vie de M. de Malherbe
  • Ils me font dire aussi des mots longs d'une toise, De grands mots qui tiendraient d'ici jusqu'à Pontoise. Jean Racine, Les Plaideurs, III, 3, Petit Jean
  • Les mots nous trompent comme des filles. Romain Rolland, Quinze Ans de combat, Rieder
  • Ne jamais formuler un mot de plus ou de moins que ce que l'on croit vrai. Romain Rolland, Le Voyage intérieur, Albin Michel
  • Il faut […] se fier aux mots. Ils en savent plus que nous sur les choses. Ils en savent plus que nous sur nous. Claude Roy, Descriptions critiques, Jean Giraudoux , Gallimard
  • En France particulièrement, les mots ont plus d'empire que les idées. Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George Sand, Indiana
  • Les mots sont ces quelques feuilles qui créent l'illusion d'un arbre avec toutes ses feuilles […]. Elsa Triolet, Proverbes d'Elsa, Les Éditeurs français réunis
  • Entre deux mots, il faut choisir le moindre. Paul Valéry, Littérature, Gallimard
  • On ne doit plus craindre les mots lorsqu'on a consenti aux choses. Marguerite de Crayencour, dite Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, Plon
  • À qui sait comprendre, peu de mots suffisent. Anonyme, le Rouge et le Noir de Stendhal
  • Ce mot pénétra dans l'âme de Jugurtha plus profondément qu'on ne l'avait cru sur le moment. Salluste en latin Caius Sallustius Crispus, Guerre de Jugurtha, XI, 7Cité par Paul Valéry dans Tel quel ( Choses tues )
  • […] Il est des portes sur la mer que l'on ouvre avec des mots. Rafael Alberti, Sobre los ángeles, El ángel de las bodegas
  • Des mots qui pleurent et des larmes qui parlent. Abraham Cowley, The Prophet
  • Il y a certains mots qui soudain, comme un éclair, découvrent au tréfonds de mon être un pays de fleurs. Joseph, baron von Eichendorff, Œuvres posthumes Aus dem literarischen Nachlaße
  • […] L'Univers se met à chanter, Si tu trouves le mot magique. Joseph, baron von Eichendorff, Proverbes Sprüche
  • Je ne suis pas seul. Il y a les mots ! Jorge Guillén, Clamor, III, A la altura de las circunstancias
  • Les mots peuvent ressembler aux rayons X si l'on s'en sert convenablement - ils transpercent n'importe quoi. Aldous Huxley, Brave New World, 4
  • Les mots, c'est évident, sont la plus puissante drogue utilisée par l'humanité. Joseph Rudyard Kipling, Discours, février 1923 Speech
  • Des mots, des mots, des mots. William Shakespeare, Hamlet, II, 2, Hamlet
  • Vaincre le hasard mot pour mot. De Stéphane Mallarmé , 
  • Le mot est liberté. De Zoé Valdés , 
  • Le mot "jeune" est un mot de vieux. De Nicole Védrès , 
  • Un mot engendre un mot, une étincelle embrase la terre. De Proverbe finnois , 
  • Le mot Etat est identique au mot guerre. De Petr Alekseïevitch Kropotkine / Paroles d'un révolté , 
  • Chaque mot est un préjugé. De Friedrich Nietzsche , 
  • Qui ne dit mot consent. De Boniface VIII , 
  • Bon et Grand, même mot. De Victor Hugo / Faits et croyances , 
  • Le couple, quel vilain mot. De Jocelyne Felx / Les petits camions rouges , 
  • Le mot est le corps du temps. De Dominique Fourcade , 
  • Bonheur : un mot fragile, évanescent, léger, surtout. De Philippe Delerm , 
  • Le mot "peinture" est laid ! De René Magritte , 
  • Gratuit : mot très dangereux, mais efficace... De Daniel Picouly / L'enfant léopard , 
  • Le poète a toujours le dernier mot. De Jean Vilar / De la tradition théâtrale , 
  • Le mot cluster a été énormément employé lors de la crise du coronavirus. Un anglicisme qui a remplacé le mot "foyer" pendant l'épidémie. Franceinfo, Le sens des mots. "Cluster", un agrégat naturel ou dangereux
  • Le mot spam a un rapport avec le jambon. C’est la contraction de "SPiced hAM" (jambon épicé). Il s'agit d'un mauvais jambon en boîte américain, lancé en 1937 par la société Hormel Foods. Mauvais, mais populaire aux États-Unis dans les années 1970, grâce à de la publicité à la radio. Des messages radio qui passaient en boucle et qui martelaient le nom du produit pour que cela rentre bien dans les têtes des auditeurs : "Spam, spam, spam !". Franceinfo, Nouveau monde. D'où vient le mot "spam" ?
  • Un « truc de fada » (un truc de fou). Les origines du régionalisme le plus emblématique de Marseille et ses environs ces dernières années, « tarpin », adverbe signifiant « beaucoup » ou « très », sont un sacré mystère que même la Bonne Mère n'a pas réussi à résoudre. « On n'a pas trouvé », confesse Médéric Gasquet-Cyrus, linguiste à l'université d'Aix-Marseille qui a écrit « Dites-le en marseillais » (Les Editions du Fioupélan). « Il y a vingt ans, c'était un mot confidentiel employé par les jeunes. Depuis, il est devenu courant chez leurs parents et grands-parents », observe l'enquêteur. leparisien.fr, Degun, tarpin, cabèches… en Provence, sur la route des mots bien de chez nous - Le Parisien
  • […] des mots bien usés, des mots utiles qui sentaient l'assiette, le pain, l'huile, le linge et le feu de bois. Henri Bosco, Le Jardin d'Hyacinthe, Gallimard
  • Les mots font l'amour. André Breton, Les Pas perdus, Gallimard
  • Un mot et tout est sauvé Un mot et tout est perdu. André Breton, Le Revolver à cheveux blancs, Gallimard
  • C'est un grand moment de la vie d'un peuple que celui où tout le monde, ou presque tout le monde, s'applique à employer les mots dans leur sens véritable. Louis Aragon, Servitude et Grandeur des Français, Éditeurs français réunis
  • Un dictionnaire commencerait à partir du moment où il ne donnerait plus le sens mais les besognes des mots. Georges Bataille, Documents, Mercure de France

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Traductions du mot « mot »

Langue Traduction
Anglais word
Espagnol palabra
Italien parola
Allemand wort
Chinois
Arabe كلمة
Portugais palavra
Russe слово
Japonais
Basque hitza
Corse parolle
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Synonymes de « mot »

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