La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « paix »

Paix

Définitions de « paix »

Trésor de la Langue Française informatisé

PAIX, subst. fém.

I. − [P.oppos. à l'état de guerre]
A. − Situation d'un pays, d'un peuple, d'un état qui n'est pas en guerre. L'arbre de la paix (l'olivier); l'autel de la paix; la colombe de la paix; congrès de la paix; homme de paix; volonté de paix; en temps de paix; paix mondiale; jouir de la paix; rester, vivre en paix; cimenter, consolider, maintenir, préserver, rétablir, sauvegarder la paix; compromettre, menacer, troubler, violer la paix. La guerre finie, chacun des combattants va sortir des tranchées rassasié d'horreur, avec un immense désir de paix (Barrès,Cahiers, t.11, 1917, p.229).Le jour où ceux qui aiment la paix comprendront la grandeur que peut revêtir la guerre, peut-être seront-ils plus près de la paix universelle dont ils veulent nous doter (Faure,Espr. formes,1927, p.13):
1. Rien ne saurait nous détourner de suivre la vocation séculaire de notre pays. Mais rien ne pourrait nous faire oublier que sa grandeur est la condition sine qua non de la paix du monde. De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.631.
Paix armée. Paix pendant laquelle chaque belligérant reste sur le pied de guerre prêt à reprendre les hostilités, ou pendant laquelle des États se livrent à la course aux armements en prévision d'un conflit. La paix armée pèse d'ailleurs si lourdement sur les peuples, grève à ce point les budgets, impose aux individus de si sensibles gênes dans un temps de liberté morale et politique croissante (...) qu'il semble à bien des esprits tout à fait improbable que cette paix contradictoire, ce faux équilibre, ne se change insensiblement dans une véritable paix, une paix sans armes, et surtout, sans arrière-pensées (Valéry,Variété IV,1938, p.65).
Paix perpétuelle*.
Proverbe. Si tu veux la paix, prépare la guerre (trad. du lat. Si vis pacem, para bellum).
B. − Traité de paix et, p.méton., paix. Traité conclu entre belligérants pour mettre fin à l'état de guerre. Clauses, négociations, offres, pourparlers de paix; paix acceptable, boiteuse, forcée, fourrée, honorable, honteuse, imposée, juste; conclure la paix; négocier, ratifier, signer la paix. Au sein même du gouvernement certains songeaient, dit-on, à faire la paix à tout prix (Joffre,Mém., t.1, 1931, p.355).Ceux qui opteront pour l'affirmative seront libérés les premiers à la signature de la paix (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.291):
2. Les conditions furent que le roi quitterait la coalition et enverrait un plénipotentiaire à Paris, pour y traiter de la paix définitive; que jusqu'à la paix ou à la rupture des négociations, Ceva, Coni, Tortone, ou à son défaut Alexandrie, seraient remises sur-le-champ à l'armée française, avec toute l'artillerie et les magasins... Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.358.
Paix séparée. Traité de paix conclu par un cobelligérant alors que ses alliés continuent la guerre. Mon père n'est pas désireux de poursuivre cette guerre inutile et coûteuse. Naturellement nous ne sommes pas en mesure de conclure une paix séparée, mais je puis vous garantir que les opérations militaires seront conduites sans excès de zèle (Sartre,Mains sales,1948, 4etabl., 4, p.149).
Paix des braves. ,,Paix accordée dans des conditions honorables à ceux qui ont combattu avec bravoure`` (Lar. Lang. fr.).
II. − [P.oppos. à un état d'agitation, de discorde]
A. − [Paix qui concerne la collectivité nationale] Conditions de vie fondées sur l'entente entre citoyens et groupes sociaux. Établir l'ordre et la paix; paix scolaire; paix sociale. Que disoient vos persécuteurs? Ils disoient que vous propagiez des doctrines dangereuses; que votre secte, ainsi qu'ils l'appeloient, troubloit l'ordre et la paix publique (Lamennais,Paroles croyant,1834, p.207).Toute ma conclusion c'est que dans la paix civile il se fait présentement en France la pire capitulation d'idées (Clemenceau,Vers réparation,1899, p.41):
3. Les philosophes, ayant présentement des situations bourgeoises expriment et justifient la psychologie et la morale de leur classe, compliquées par la psychologie spéciale de leur groupe professionnel. Cette psychologie bourgeoise veut la paix. «L'ordre et la paix.» Un progrès rationnel, raisonnable et facile. Nizan,Chiens garde,1932, p.140.
Gardien* de la paix.
ANTIQ. ROMAINE. Paix romaine (pax romana). Paix que Rome faisait régner sur les pays conquis. Imposer la paix romaine aux barbares. Mais le monde civilisé, une fois assis dans la paix romaine, offrait un spectacle plus admirable encore (Larbaud,F. Marquez,1911, p.123).
HISTOIRE
Paix du roi. [Dans certaines guerres civiles] Trêve de vingt-quatre heures que les partis observaient le jour de la fête du roi. (Dict. xixeet xxes.).
Paix de Dieu. [Au Moyen Âge] Interdiction prononcée par l'Église de tout acte hostile contre des personnes et des biens déterminés en cas de guerre privée entre seigneurs. Si vous voulez considérer plus en grand l'influence du christianisme sur l'existence politique des peuples de l'Europe, vous verrez qu'il prévenoit les famines, et sauvoit nos ancêtres de leurs propres fureurs, en proclamant toutes ces paix, appelées paix de Dieu, pendant lesquelles on recueilloit les moissons et les vendanges (Chateaubr.,Génie, t.2, 1803, p.565).
B. − [Paix qui affecte les individus entre eux] Absence de conflit, de querelles entre personnes; état de concorde. Paix en famille; la paix des foyers; paix du ménage; paroles de paix; avoir la paix chez soi; faire la paix avec qqn, avec son prochain. Chaque homme, à votre exemple, répond des crimes et des maux qui se commettent dans son enceinte; et lui-même il ne peut en commettre aucun, sans troubler la paix et le bonheur de ses semblables (Saint-Martin,Homme désir,1790, p. 173).Le dos rond, il courait de son air d'homme gras et doux, désireux de vivre en paix avec tout le monde (Zola,Germinal,1885, p.1361):
4. ... je ne veux point imiter ces hommes qui, conduits par la vanité et le plaisir qu'on trouve naturellement à parler de soi, révèlent au monde des secrets inutiles, des faiblesses qui ne sont pas les leurs et compromettent la paix des familles. Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.547.
Spécialement
1. RELIGION
Baiser de paix. Accolade que se donnent pendant la messe les membres du clergé ou les fidèles. Se donner la paix. (Dict. xxes.). Au fig. Se donner le baiser de (la) paix, se donner la paix. Se réconcilier. Le fait est rare, et une vieille tradition, datant de l'époque où les Rezeau étaient réellement une famille, une vieille tradition naturellement abolie depuis la mort de grand'mère, veut qu'en pareille occasion toute l'assistance se lève pour se donner le baiser de paix (H. Bazin, Vipère,1948, p.104).
Plaquette d'ivoire, de bois ou de métal ouvragée représentant habituellement un sujet de la Passion et que le célébrant donne à baiser aux fidèles:
5. Le vaillant Maître Orfèvre, à l'oeuvre dès matines, Faisait, de ses pinceaux (...) Sur la paix niellée ou sur l'or du fermail Épanouir la fleur des devises latines. Heredia,Trophées,1893, p.102.
2. DR. CIVIL. Juge de paix. V. juge A 1 a.Justice de paix. V. justice C 2 b β en partic.
III. − [P.oppos. à l'état de trouble]
A. − [Paix due à un environnement paisible] Absence de trouble, de bruit.
1. [Paix dont jouit une pers.] Avoir la paix; vivre en paix; laisser qqc. en paix (ne pas s'en inquiéter, ne pas s'en occuper); foutre (vulg.), ficher (fam.) la paix à qqn. −«Non, monsieur. Ah! c'est calme!» −«Il n'y a pas à dire, on nous fiche bien la paix!» ricana Léon, avec un rire forcé (Montherl.,Célibataires,1934, p.813).Eh bien! non! Qu'on me laisse la paix, à la fin! J'en ai assez des amours des autres! (Mauriac,Mal aimés,1945, iii, 2, p.232):
6. En revanche, la fouille policière des colis, l'éventration brutale des boîtes, l'inquisition au coeur des pains d'épice et le malpropre coup de sonde au fond des confitures ont soulevé parmi le peuple des «pères tranquilles», qui sans cela ne demandait qu'à travailler en paix, des rancunes inextinguibles. Ambrière,Gdes vac.,1946, p.232.
Interj. [Pour réclamer le silence, la réserve] Paix! et, vx, paix là!:
7. chloris, à Sylvandre: Favorisé, vous pouvez dire l'être: J'aime la danse à m'en jeter par la fenêtre, Et si je ne vais pas sur l'herbette avec eux C'est bien pour vous. (Sylvandre la presse) Paix là! Que vous êtes fougueux! Verlaine,Jadis,1884, p.215.
La paix. −La paix ! dit La Pérouse. Parce que j'ai eu le tort de t'interroger une ou deux fois, tu te crois précieux, indispensable (Bernanos,Joie,1929, p.653).
Sans paix ni trêve. Sans relâche. Que diraient-ils, ces rois de la terre, s'ils pensaient un instant à la guerre sans paix ni trêve que les rivages de leurs royaumes livraient à la mer? (Queffélec,Recteur,1944, p.67).
Loc. proverbiale. Il faut laisser les morts en paix. Il faut s'abstenir de parler d'eux, en les critiquant ou en en disant du mal.
2. [Paix émanant d'un lieu, d'un moment privilégiés] Paix des bois, des champs, du soir; paix de la campagne. Charmantes vieilles gens, qui après la longue veille de la vie, côte à côte, vont s'endormir côte à côte dans la paix de la nuit! (Rolland,J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1520).Les grillons chantent. Rien ne bouge, la nuit est une grande paix pleine d'étoiles (Giono,Gd troupeau,1931, p.36):
8. Déjà se faisaient dans les champs et dans les sentiers ce silence de toutes choses et cette paix inquiète qui précèdent les orages. Feuillet,Veuve,1884, pp.177-178.
B. − [Paix intérieure] État d'âme qu'aucune inquiétude ne vient troubler. La paix du bonheur; la paix éternelle (celle que l'on trouve après la mort); avoir sa conscience en paix; achever ses jours en paix; chercher, trouver la paix; goûter une paix profonde, être en paix avec soi-même. La religion de la douleur rend la paix à l'âme (Amiel,Journal,1866, p.187).Il n'y a que le monde qui soit assez grand pour exprimer la paix de mon esprit avec lui-même, l'enchantement d'une pensée entrant dans la demeure de vérité (J. Bousquet, Trad. du sil.,1935, p.10):
9. Là, que faut-il pour le bonheur? La paix, la douce paix du coeur, Le désir vrai qu'on nous oublie, Le travail qui sait éloigner Tous les fléaux de notre vie, Assez de bien pour en donner, Et pas assez pour faire envie. Florian, Fables,1792, p.199.
En partic., RELIG. La paix de Dieu, du Seigneur; la paix soit avec vous; allez en paix; paix sur la terre aux hommes de bonne volonté; l'ange de paix (Jésus Christ); ministre de la paix (le prêtre). Dieu merci, c'est Hozleur qui est mort. Paix à ses cendres! Il a été tué dans un accident d'automobile (Bernstein,Secret,1913, i, 6, p.9).Mais le sol de la patrie envahie est une terre sacrée. Qu'ils reposent en paix, ceux qui se sont couchés sur elle en la défendant (Bordeaux,Fort de Vaux,1916, p.68):
10. De toutes les créatures que je connaisse, il n'en est pas d'autre à qui je le puisse remettre si librement. Vous ne m'avez donc rien dérobé. Soyez en paix. Bernanos,Joie,1929, p.704.
Prononc. et Orth.: [pε]. Rouss.-Lacl. 1927, p.135: ,,Beaucoup de personnes, surtout parmi les jeunes, disent avec un e moyen: abcès, décès, ... paix``. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) 2emoitié du xes. «concorde, tranquillité régnant dans les rapports entre deux ou plusieurs personnes» (St Léger, éd. J. Linskill, 109: Et Ewruïns fist fincta pais); b) 1160-74 en paiz «en toute tranquillité» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 9852); c) 1688 juge de paix, v. juge; 2. a) ca 1100 «rapports calmes entre concitoyens, absence de troubles, de violence» (Roland, éd. J. Bédier, 391); b) ca 1155 tenir en pais (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 38); 3. a) ca 1100 «situation d'une nation, d'un État qui n'est pas en guerre» (Roland, 73: Branches d'olives en voz mains porterez, Ço senefiet pais et humilitet); b) α) ca 1200 «trêve» (Chanson de Guillaume, éd. D. McMillan, 543: Pes ne demandent ne triwes nen unt pris); β) 1317 «traité de paix» (Doc. ds Gdf. Compl.); ca 1439 traichiet de paix (Antoine de La Taverne, Journal de la Paix d'Arras, éd. A. Bossuat, p.66). B. 1. a) Ca 1050 «état de tranquillité que donne l'accomplissement des préceptes religieux» (Alexis, éd. Chr. Storey, 623: En icest siecle nus acat [Alexis] pais e goie); b) 1160-74 «état de celui dont le repos n'est pas troublé» (Wace, Rou, III, 546); 2. a) début du xiies. estre en pais «rester tranquille» (St Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 872); b) 1165-70 lessier (aucun) an pes (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 1278); 3. 1779 [éd.] «état, caractère d'un lieu où il n'y a ni agitation ni bruit» (Roucher, Les mois, t.2, p.25). C. 1. a) Ca 1200 relig. doner la pais (Graindor de Douai, Conquête de Jérusalem, 7192 ds T.-L.); b) 1690 baiser de paix (Fur.); 2. 1306 «patène que l'on baise à la fin de la messe» (Joinville, St Louis, éd. N. L. Corbett, § 589: Je alai prenre la pez au clerc et la portai au roy). Du lat. pax, pacis «paix (après une guerre, tranquillité, repos [au propre et au fig.])». La graphie étymol. paix a évincé l'anc. forme pais ou pes. Le sens C 1 remonte au lat. chrét. pacem dare «donner le baiser de paix» (cf. Blaise Lat. chrét. et FEW t.8, p.95a, note2). Fréq. abs. littér.: 10816. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 16783, b) 12638; xxes.: a) 14482, b) 16196. Bbg. Antoine (G.). Liberté, égalité, fraternité. Paris, 1981, pp.42-57. _Dub. Pol. 1962, p.363. _Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp.167-168. _Quem. DDL t.5, 9.

Wiktionnaire

Nom commun - français

paix \pɛ\ féminin

  1. Calme, repos, silence, éloignement du bruit ou des affaires.
    • Les savants s’occupèrent de tout dans une paix profonde, depuis la végétation anormale d'un ognon de jacinthe jusqu'aux courants électriques. — (Louise Michel, La Commune, Paris : P.-V. Stock, 1898, p. 172)
  2. Concorde, tranquillité intérieure qui règne dans les États, dans les familles, dans les sociétés.
    • Nous parlons sans ménagement de cette paix qui fut jusque-là la seule dangereuse, des deux ou trois camarades communs qu’elle a fait périr. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Á l’abri du monopole et de la paix qui en résultait, les Groenlandais se multiplièrent et aujourd’hui, deux cents ans après l’arrivée de Hans Egede, ils sont au nombre de 15.000. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Ce conflit dynastique dégénérerait en guerre européenne. C’est pourquoi Dubois se pose en apôtre de la paix. — (Évelyne Lever, La diplomatie secrète du mystérieux abbé Dubois, dans Marianne (magazine) n° 765, 17 décembre 2011)
  3. Situation tranquille d’un État, d’un peuple, d’un royaume, d’une famille, etc.
    • Seulement la paix ne se faisait jamais ; une guerre finie, on en commençait une autre. Il nous manquait toujours quelque chose, soit du côté de la Russie, soit du côté de l’Espagne ou ailleurs ; — l’Empereur n’était jamais content. — (Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, J. Hetzel, 1864)
    • Le monde entier prenait part aux hostilités, sans pouvoir envisager la possibilité d’une paix prochaine, sans même l’espoir de recouvrer jamais la paix. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 392 de l’édition de 1921)
  4. Traité qui termine une guerre.
  5. (Figuré) Réconciliation.
    • Faire la paix.
  6. (Par extension) Tranquillité de l’âme, du cœur.
    • Mais, cependant, si notre intelligence peut être en paix, notre curiosité n’est pas pour cela satisfaite. — (Lucien Fabre, Le Rire et les rieurs, Gallimard, Paris, 1929, page 138)

Interjection - français

paix \pɛ\ féminin

  1. Interjection dont on se sert pour faire faire silence.
    • Paix, messieurs!
    • Allons, paix !
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PAIX. n. f.
État de calme, de repos, de silence, éloignement du bruit ou des affaires. Vous êtes ici bien en paix. On vit chez vous dans une paix profonde. Il veut achever en paix sa carrière. Jouir en paix du fruit de ses travaux. La paix des forêts, des campagnes. La paix des tombeaux. La paix du soir. Il désigne aussi la Concorde, la tranquillité intérieure qui règne dans les États, dans les familles, dans les sociétés particulières. La paix s'est rétablie dans le royaume. La paix a été troublée dans quelques villes. La paix a été promptement rétablie. Ayez soin d'entretenir la paix dans votre famille. Vivre en paix. Cet homme aime la paix, est ami de la paix. Par analogie, Ces deux espèces d'animaux vivent en paix l'une avec l'autre. Les chiens et les chats ne sauraient vivre en paix. Fig., Faire la paix se dit en parlant de Deux personnes qui étaient brouillées ensemble et qui se réconcilient. Fig. Il a fait sa paix, Il est rentré dans les bonnes grâces de son maître, de son protecteur. Juge de paix. Voyez JUGE. Fig., Ne donner ni paix ni trêve à quelqu'un, Ne lui donner aucun relâche, le presser continuellement. Laisser quelqu'un en paix, Ne plus le molester, ne plus l'importuner. Après m'avoir bien tourmenté, il m'a laissé en paix. Fig., Il faut laisser les morts en paix, Il ne faut point parler mal d'eux. Baiser de paix, Cérémonie qui se fait à la grand-messe, avant la communion, lorsque le célébrant, après avoir baisé l'autel, donne l'accolade au diacre, pour la transmettre à tout le clergé assistant. Fam., Ils se sont donné le baiser de paix, Ils se sont réconciliés.

PAIX ou INSTRUMENT DE PAIX se dit, en termes de Liturgie, de la Tablette d'argent ou de vermeil présentée par le célébrant à ceux qui vont à l'offrande.

PAIX désigne aussi la Tranquillité de l'âme. Dieu veuille nous donner sa paix. La paix soit avec vous. Dieu est le Dieu de paix. Paix intérieure. La paix de l'âme. La paix du cœur. Son âme n'est point en paix. Être en paix avec soi-même. Mettre sa conscience en paix. Dans l'Écriture sainte, L'ange de paix, JÉSUS-CHRIST. Par analogie, C'est un ange de paix, se dit d'une Personne qui porte toujours les esprits à la paix, à la concorde. Il désigne aussi la Situation tranquille d'un État, d'un peuple, d'un royaume qui n'a point d'ennemis à combattre. Paix générale, universelle. Paix perpétuelle. Paix mal assurée. Proposition de paix. Demander, offrir, donner, refuser la paix. Traiter de la paix. Troubler la paix. La paix ne paraît pas prochaine. La paix semblait régner alors dans toute l'Europe. Paix sur terre et sur mer. Durant la paix. En temps de paix. En paix et en guerre. L'olivier est le symbole de la paix. La déesse de la paix ou simplement La Paix. Vespasien dédia un temple à la Paix. Paix armée, État des nations qui, en temps de paix, se tiennent militairement prêtes à la guerre. Il se dit figurément à propos des Relations entre les familles ou les particuliers.

PAIX, absolument, signifie quelquefois Traité de paix. Faire une paix avantageuse, glorieuse. Faire une bonne paix. Faire une paix honteuse. Négocier la paix. Les préliminaires de la paix. Les conditions de la paix. Les articles de la paix. Conclure, signer la paix. Publier, proclamer la paix. La paix est ratifiée. La paix de Westphalie, de Nimègue, d'Amiens, etc., Le traité de paix conclu en Westphalie, à Nimègue, à Amiens, etc. Fig. et fam., Paix fourrée, Paix peu sincère, comme est fausse une médaille fourrée. Paix plâtrée, Fausse paix, faite de mauvaise foi par les deux parties, chacune ayant intention de la rompre lorsqu'elle le croira utile à ses intérêts.

PAIX est quelquefois une Sorte d'interjection dont on se sert pour faire faire silence. Paix, messieurs! Allons, paix!

Littré (1872-1877)

PAIX (pê ; l'x se lie : une pê-z inaltérable) s. f.
  • 1Rapports réguliers, calmes, sans violence, d'un État, d'une nation avec un autre État, une autre nation. Nous eûmes, sous ce règne, deux longues paix. C'est en la paix que toutes choses Succèdent selon nos désirs ; Comme au printemps naissent les roses, En la paix naissent les plaisirs ; Elle met les pompes aux villes, Donne aux champs les moissons fertiles, Et, de la majesté des lois Appuyant les pouvoirs suprêmes, Fait demeurer les diadèmes Fermes sur la tête des rois, Malherbe, III, 2. [Cromwell] également actif et infatigable dans la paix et dans la guerre, Bossuet, Reine d'Anglet. Faut-il donner la paix, faut-il faire la guerre ? Racine, Alex. II, 1. Alexandre veut bien différer ses exploits, Et vous offrir la paix pour la dernière fois, Racine, ib. II, 2. D'une éternelle paix Hermione est le gage, Racine, Andr. II, 4. Les Phéniciens sont en paix et en commerce avec tous les peuples de l'univers, Fénelon, Tél. IX. Avec ce gage… que les dieux amateurs de la paix vous envoient, je commence, ô peuples assemblés de tant de nations, à vous faire des propositions pour établir à jamais une paix solide, Fénelon, ib. X. S'il était vrai qu'ils ne songeassent plus qu'à vivre en paix avec leurs voisins, ils se contenteraient de ce que nous leur avons cédé sans peine, Fénelon, ib. X. Les Romains, à l'abri de la paix amie des sciences et mère du loisir, Rollin, Hist. anc. t. XII, liv. XXV, ch. 3, art. 2, § 1. La paix ne peut pas s'acheter, parce que celui qui l'a vendue n'en est que plus en état de la faire acheter encore, Montesquieu, Rom. 18. Chaque monarque tient sur pied toutes les armées qu'il pourrait avoir si ses peuples étaient en danger d'être exterminés ; et on nomme paix cet état d'effort de tous contre tous, Montesquieu, Espr. XIII, 17. Tous les traités… sont plutôt des trèves passagères que de véritables paix, Rousseau, Projet de paix perpétuelle. Si vous voulez conserver la paix, soyez toujours prêts à faire la guerre avec avantage : maxime usée dans les livres, et inconnue dans la pratique, Condillac, Étud. hist. I, 5.

    Poétiquement. L'arbre de la paix, l'olivier.

    Pied de paix, se dit, par opposition à pied de guerre, des forces militaires que l'on réduit quand aucun conflit n'est à craindre. Mettre l'armée sur le pied de paix.

    Les arts de la paix, les arts auxquels la paix est favorable, par opposition aux arts de la guerre, ceux que la guerre enfante et entretient.

    Paix perpétuelle, projet pour l'abolition de la guerre entre les peuples civilisés. L'ouvrage de l'abbé de Saint-Pierre sur la paix perpétuelle paraît d'abord inutile pour la produire, et superflu pour la conserver, Rousseau, Paix perp. Sans doute la paix perpétuelle est à présent un projet bien absurde ; mais qu'on nous rende un Henri IV et un Sully, la paix perpétuelle redeviendra un projet raisonnable, Rousseau, ib. L'établissement de la paix perpétuelle dépend uniquement du consentement des souverains, et n'offre point à lever d'autre difficulté que leur résistance, Rousseau, ib. Jamais projet plus grand, plus beau ni plus utile n'occupa l'esprit humain, que celui d'une paix perpétuelle et universelle entre tous les peuples de l'Europe, Rousseau, ib. Mais, je vous l'avouerai, je formai des souhaits Pour que cet art si beau ne s'exerçât jamais, Et qu'enfin l'équité fit régner sur la terre L'impraticable paix de l'abbé de Saint-Pierre, Voltaire, la Tactique.

    Laisser en paix, ne pas guerroyer contre. Porsenna laissa Rome en paix, Bossuet, Hist. I, 8.

    Fig. Quelle injuste puissance Laisse le crime en paix et poursuit l'innocence, Racine, Andr. III, 1.

    Fig. Il faut laisser les morts en paix, il ne faut pas mal parler d'eux.

    Fig. Laisser quelqu'un en paix, ne point l'importuner, le molester. Vivez heureuse au monde, et me laissez en paix, Corneille, Poly. IV, 3. Les épicuriens… soutinrent que les dieux ne se mêlaient pas des affaires des hommes ; et on laissa les épicuriens en paix, comme ils y laissaient les dieux, Voltaire, Mœurs, Introd. (Cette expression, aujourd'hui familière, ne s'emploie guère que pour exprimer l'impatience que cause quelqu'un).

    Fig. Laisser en paix un objet, n'y pas toucher. Malheureux, laisse en paix ton cheval vieillissant, Boileau, Ép. X. Berger, retiens ta main, laisse mon voile en paix, Chénier, Idylle imitée de la 27e de Théocrite.

  • 2Traité de paix. La paix est ratifiée. Il fit une paix honteuse avec Sapor, Bossuet, Histoire, I, 10. Il ne fait aucun cas d'une paix forcée, Fénelon, Télémaque, X.

    Fig. Paix fourrée, paix plâtrée, fausse paix.

    Fig. Ne donner ni paix ni trêve à quelqu'un, le presser continuellement.

    Paix religieuse, convention conclue, en 1555, entre les princes protestants et Charles-Quint.

    Paix des dames, traité conclu en 1529 entre François Ier et Charles-Quint.

    La paix de Westphalie, des Pyrénées, de Nimègue, etc. le traité de paix conclu en Westphalie, aux Pyrénées, à Nimègue, etc.

  • 3Concorde, tranquillité intérieure dans les États, dans les familles, dans les sociétés particulières. La paix a été troublée dans quelques provinces. Quand quelque dieu, voyant ses bontés négligées, Nous fait sentir son ire, un autre n'y peut rien ; L'Olympe s'entretient en paix par ce moyen, La Fontaine, Filles de Min. Venez un peu mettre la paix entre ces personnes-ci, Molière, Bourg. gentilh. II, 4. Ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force, afin que le juste et le fort fussent ensemble, et que la paix fût, qui est le souverain bien, Pascal, Pens. VI, 7, éd. HAVET. J'étais sûr que la paix serait bientôt en Sorbonne, Pascal, Prov. I. Il ne fallait pas moins d'habileté que vous en avez pour les négociations, pour faire cette paix, Sévigné, 402. Mandez-moi, je vous prie, ce qu'il y a entre la princesse d'Harcourt et vous ; Brancas est désespéré de penser que vous n'aimez pas sa fille ; M. d'Uzès a promis de remettre la paix partout, Sévigné, 4 mai 1672. Doutez-vous d'une paix dont je fais mon ouvrage ? Racine, Brit. V, 3. La paix n'habite point entre deux caractères Que le ciel a formés l'un à l'autre contraires, Voltaire, Marianne, I, 1. Il est bon de mettre la paix entre les libraires, puisqu'on ne peut la mettre entre les auteurs, Voltaire, Lett. Thiriot, 18 juill. 1760.

    Paix du roi, s'est dit des vingt-quatre heures de trêve que, dans quelques guerres civiles, les deux partis s'imposaient le jour de la fête du roi.

    Paix du roi, expression dont on se sert en Angleterre, pour désigner la tranquillité intérieure des villes, des provinces.

    Dans le moyen âge, paix de Dieu, loi qui ordonnait à tout chrétien de poser les armes les dimanches et les jours de fête.

    Paroles de paix, propositions pour une réconciliation. Enfin je viens chargé de paroles de paix, Racine, Athal. III, 4.

    Ministre de paix, un prêtre dont l'office est d'entretenir la paix. Vous, ministre de paix, dans les temps de colère, Racine, Athal. II, 5.

    Homme de paix, homme pacifique qui entretient la paix parmi les autres. Ce fut là qu'après avoir quelque temps contemplé ces objets en silence, l'homme de paix me parla ainsi, Rousseau, Émïle, IV.

    Juge de paix, voy. JUGE.

    Faire la paix, se réconcilier. Ma colère est éteinte et notre paix est faite, Molière, D. Garc. V, 3. Allez-vous-en faire la paix ensemble, et tâchez de l'apaiser par des excuses de votre emportement, Molière, G. Dand. II, 12.

    Faire sa paix, rentrer dans les bonnes grâces de quelqu'un. Bussy a ordre de s'en retourner en Bourgogne ; il n'a pas fait sa paix avec ses principaux ennemis, Sévigné, 175. Je ferai ma paix avec le roi, Hamilton, Gram. 5.

    Fig. Réconcilions-nous, faisons notre paix avec la vérité, que nous haïssons injustement, Bossuet, Sermons, Haine pour la vérité.

    Faire la paix de quelqu'un, le réconcilier. Je ferai votre paix, Corneille, le Ment. III, 2. Vous n'avez qu'à me suivre, et j'ai fait votre paix, Molière, Sicilien, 17.

    Paix se dit aussi des animaux. Deux coqs vivaient en paix : une poule survint, Et voilà la guerre allumée, La Fontaine, Fabl. VII, 13.

  • 4Tranquillité de l'âme. Pour essayer à mes maux quelque paix, Régnier, Dial. Il faut se résoudre à souffrir cette guerre [de la concupiscence et de l'amour de Dieu] toute sa vie ; car il n'y a point ici de paix, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 4. J'avais espéré dans ce voyage plus de repos pour mon corps et plus de paix pour mon esprit que je n'en trouve ici, Maintenon, Lett. à l'abbé Gobelin, 9 février 1675. À peine je suis libre et goûte quelque paix, Racine, Mithr. I, 2. Tout respire en Esther l'innocence et la paix, Racine, Esth. II, 7. Nulle paix pour l'impie : il la cherche, elle fuit, Racine, ib. II, 9. Et dans votre palais à vos sens agités venez rendre la paix, Racine, Athal. II, 3. Je jouissais en paix du fruit de ma sagesse, Racine, ib. II, 5. La paix de votre cœur augmente avec vos charmes, Voltaire, Zaïre, I, 1. La paix de l'âme consiste dans le mépris de tout ce qui peut la troubler, Rousseau, Ém. IV. D'où me vient, ô mon Dieu, cette paix qui m'inonde ? Lamartine, Harm. I, 5.
  • 5 Fig. Dans le langage de l'Évangile, la tranquillité que donne l'accomplissement des préceptes religieux et des volontés de Dieu. Sans pouvoir faire paix ou trêve avecque Dieu, Régnier, Sat. III. Non, Jésus-Christ n'a pas laissé sa paix au monde, Massillon, Prof. relig. 1. De la paix du Seigneur l'instant est arrivé, P. Lebrun, Marie Stuart, V, 3.

    La paix du monde, la fausse paix, la paix qui, régnant dans le monde, ne s'appuie pas sur les préceptes divins. Avant lui [Jésus], le monde vivait dans une fausse paix, Pascal, Pens. XXIV, 61, édit. HAVET. La paix du monde n'est communément qu'une paix apparente, et n'a pour principe que l'intérêt propre, que le déguisement et l'artifice, Bourdaloue, Instr. paix avec le proch. Exhort. t. II, p. 334.

    Dans l'Écriture sainte, l'ange de paix, Jésus-Christ.

    Fig. Ange de paix, personne qui porte toujours les esprits à l'union, à la concorde.

    Loi de paix, l'Évangile.

    Baiser de paix, la cérémonie qui se fait à la grand'messe, quand le célébrant et ses ministres s'embrassent.

    Fig. et familièrement. ils se sont donné le baiser de paix, ils se sont réconciliés.

    Paix, nom donné à une petite plaque de métal, ciselée, maillée ou niellée, dont on fait encore usage maintenant dans les fêtes solennelles pendant l'Agnus Dei. Le nom de paix lui vient de ce qu'après avoir été baisée par le célébrant, l'acolyte, en la présentant à chacun des ecclésiastiques assistant au service divin, prononce les mots : Pax tecum. Cette cérémonie a été établie dans le Ve siècle par le pape Innocent Ier, en remplacement de l'usage où avaient été jusqu'alors les fidèles de se donner mutuellement le baiser de paix au moment où ils se préparaient à aller recevoir la communion, Legoarant

    La paix signifie aussi la patène que le prêtre donne à baiser à l'offrande.

    Allez en paix, que la paix soit avec vous, formule pieuse pour la pacification des vivants. Dans un seul entretien qu'il [Jésus-Christ] eut avec eux, il répéta jusques à trois fois : que la paix soit avec vous, Bourdaloue, Instr. Paix avec le prochain, Exhort. t. II, p. 334. Vos péchés vous sont pardonnés ; allez en paix, Bourdaloue, Serm. 18e dim. après la Pentec. Dominic. t. IV, p. 102.

    Que Dieu lui fasse paix, formule pieuse en faveur de l'âme d'une personne morte. Le bon Dieu fasse paix à mon pauvre Martin ! Molière, Sgan. 2. Il a de l'autre monde entrepris le voyage, Et n'est point revenu. - Le ciel lui fasse paix ! Regnard, les Ménechm. II, 2.

  • 6La paix, le bonheur du paradis. [Les pécheurs] éloignés du séjour de paix et de tranquillité immuable, Bossuet, Serm. Haine pour la vérité, 1.

    Poétiquement. Le séjour de l'éternelle paix, le lieu où vont les âmes des justes après leur mort. Comme lui respirons, au bout de la carrière, Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix, Lamartine, Médit. VI.

  • 7 Fig. Calme, repos, silence, éloignement des affaires. La paix des forêts. La paix des tombeaux. Ah ! c'est que j'ai quitté pour la paix du désert La foule où toute paix se corrompt et se perd, Lamartine, Harm. I, 5.

    Familièrement. Être en paix et aise, vivre en paix et aise, jouir tranquillement d'une vie commode. Il ne veut que paix et aise.

    On dit qu'un homme est paix et aise chez lui, lorsqu'il a toutes les commodités de la vie, sans procès ni querelle. Je suis honteux d'être chez moi paix et aise, et d'avoir quelquefois vingt personnes à dîner, quand les trois quarts de l'Europe souffrent [de la guerre de sept ans], Voltaire, Lett. Thiriot, 17 sept. 1758.

    Paix et peu, il faut peu de chose pour rendre un homme heureux, à condition qu'il en jouisse en repos.

  • 8La Paix, personnifiée (avec une majuscule). La Paix était représentée avec une branche d'olivier à la main. Vespasien dédia un temple à la Paix. Quand la discorde encor toute noire de crimes… Avec cet air affreux qui fait frémir la Paix, Boileau, Lutr. I.
  • 9 Terme de jeux. Se dit, au pharaon, d'une manière de plier sa carte pour annoncer qu'on ne joue que ce qu'on a gagné sur cette carte.
  • 10Os plat et large d'une épaule de veau ou de mouton, quand la chair en a été ôtée.
  • 11Paix ! interjection dont on se sert pour faire faire silence. Paix-là, messieurs. Eh ! paix donc. Chut, paix ! Sganarelle : Apprenez de moi, qui suis votre valet, que le ciel punit tôt ou tard les impies, qu'une méchante vie amène une méchante mort, et que… - D. Juan : Paix ! Molière, le Festin, I, 2. Paix, coquin que vous êtes, vous ne savez ce que vous dites, Molière, ib. II, 2. Paix, tais-toi, parle bas, tu sauras mon dessein, Regnard, Fol. amour. I, 1. Certain huissier, étant à l'audience, Criait toujours : paix-là ! messieurs, paix-là, Rousseau J.-B. Épigr. I, 9.

    PROVERBE

    Qui de tout se tait, de tout a paix.

REMARQUE

1. Paix, dans la locution en paix, n'ayant point d'article, ne peut ensuite être représenté par un pronom, à moins que le sens ne soit très clair. Ainsi on ne condamnera pas ces phrases-ci : Laissez l'Église en paix, et je vous y laisserai, Pascal, Prov. XVIII. Mettons-nous en paix avec Dieu, et nous l'aurons avec les hommes, Massillon, Carême, Mot. de conv.

2. Féraud remarque que dans le sens de tranquillité de l'âme, paix ne se joint pas avec les adjectifs possessifs, et qu'on ne dit pas : ma paix, sa paix, leur paix, comme on dit ma tranquillité, sa tranquillité, leur tranquillité.

HISTORIQUE

XIe s. Pais à saint yglise, Lois de Guill. 1. Seit qui l'ocie [Roland], toute pais puis auriomes, Ch. de Rol. XXVIII. Pais ne amour [je] ne dei [dois] à paien rendre, ib. CCLXII.

XIIe s. Qui d'oïr et d'entendre a loisir et talant, Fasse pais, si escoute bone chançon vaillant, Sax. I. En pais [nous] tenons nos terres, ses [si les] faisons gaaignier [cultiver], ib. XVI. Bien [je] cuidai vivre sans amour Dès ore en paix tout mon aé [âge], Couci, III. De tout le lor [leur] rien ne demande, Fors le marchié de la viande, Pais de venir et pais d'aler, Et pais de viande achater, Rou, ms. p. 14, dans LACURNE.

XIIIe s. Moult orent li baron de peine toute la nuit et toute cele semaine, et li dus de Venise ausi, pour faire la pais, Villehardouin, L. Il dist et afrema en soy meymes que jamais, en jour de sa vie, ses cuers [son cœur] ne seroit aise ne à pais, desci à donc qu'il en seroit vengiés, Chron. de Rains, p. 58. De ma pès faire convoiteux, la Rose, 3165. Se je fes pes à mes anemis et lor doins du mien por peur qu'il ne m'ocient ou mehaingnent, Beaumanoir, XXXIV, 31. Quant ce vint à la pez donner, je vi que le clerc qui aidoit la messe à chanter, estoit grand, noir, megre et hericiés, Joinville, 279. Deus moult vaillans bachelers qui estoient en grief courine [discorde] l'un vers l'autre, ne nulz n'en pooit faire la pez, Joinville, 214.

XIVe s. Quant est pour recevoir bien et profit de son ami bien fortuné, l'en y doit aler tout à paes et sans soy haster, Oresme, Eth. 291. Item en quelle maniere, si comme tout à pais ou fort et impetueusement, Oresme, ib. 61.

XVe s. À ces mots je laissai le chevalier en paix, Froissart, II, III, 11. Luy fut donnée en mariage dès jeunesse par l'accord des deux royaumes d'Angleterre et d'Escoce, et par paix faisant, Froissart, liv. I, p. 3, dans LACURNE. Je ne puis demourer en paix, Fortune ne m'y veult laisser, Orléans, Bal. 39. Vivre du sien et qu'on puist demourer En paix de cueur… , Deschamps, Manière d'estre à la cour. Et avient aucunes fois que par l'orgueil et bobant de la femme le mary prend riote à un autre aussi puissant et plus que lui, pour le banc de leurs femmes, et pour la paix [la patène], et se debatent et combatent ; car l'une veult aller devant l'autre, Les 15 joyes de mariage, p. 114. Pour l'honneur de la très grande beauté de sa personne, voulentiers sçauroye qui elle est, saulve sa reverence et sa paix [contentement]. Sire, dist elle, quand vous dites que vous voulez saulver sa paix, deporter vous convient de celle demande ; car, se le vous disois, ce ne seroit pas sa paix, Perceforest, t. v, f° 20. Les feit endormir au gyron l'un de l'autre, et en ce point dormirent paix et aises jusques à heure de none qu'il faisoit chaud, bel et clair, ib. t. v, f° 35. Un porte paix d'or, où il y a un angle [ange] tenant un crucifix, couvert par dessus d'un cristal, De Laborde, Émaux, p. 427. Comme Martin chantoit la messe, Son hoste estoit de lepre plain, En baisant la paix eubt liesse, Car il fust gueri tout à plain, De Laborde, ib. p. 428.

XVIe s. Paix de par le dyable, paix, Rabelais, Pant. II, 18. Et voulentiers feust retourné à Paris pour faire sa paix avecques la dame, Rabelais, ib. II, 24. Je me ressouviens d'une response qui fut faite à la cour à un qui ne parloit jamais que de guerre, encore qu'il fust paix, Lanoue, 202. La douce jouissance d'une bonne et fleurissante paix, D'Aubigné, Hist. II, 252. Le zele et la devotion qu'il [Coligny] a porté à sa religion font foy de tout, et, qui plus est, les paix qu'il a faites ; car, aussitost que le roy luy accordoit et à ses partisans l'exercice de leur religion, le voilà qu'il mettoit aussitost les armes bas, Brantôme, Cap. franç. t. III, p. 158, dans LACURNE. Au bout de deux ans, la paix se renouvela, qu'on appelloit la paix boiteuse et mal assise, parce qu'elle avoit esté commencée par M. de Malasise et par M. de Biron, qui estoit boiteux, Brantôme, ib. t. IV, p. 102. Homicides ne pourront intenter action soit reelle ou personnelle, jusques à ce qu'ils auront fait apparoir de corps deffendant, ou fait paix à partie et obtenu remission, Nouv. coust. gén. t. II, p. 55. Imposer la paix entre les parties tant dehors que dedans les villes ; ce qui arrive en trois sortes de manieres : sçavoir, par le bailly et la loy en office, ce que l'on appelle la paix du seigneur ; la seconde est une paix de la justice, laquelle est accordée à la requisition de l'une ou de l'autre des parties ; et la troisieme est une paix amiable, laquelle l'une ou l'autre des parties demandent, ib. t. I, p. 1112. La paix est la feste de tous saints, Cotgrave Baston porte paix quant et soi, Cotgrave Mieux vaut en paix un œuf, qu'en guerre un bœuf, Cotgrave Maison de la paix [hôtel de ville], Du Cange, pax. Il y aura tel qui avec sa plume gaignera sa demi-douzaine d'escus par jour, paix et aise, Cholières, Contes, t. I, Matinée 8, p. 229, dans POUGENS.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PAIX. Ajoutez :
12 Paix castrense (en bas-latin pax castrensis, en allemand Burgfried), convention pour garantir la tranquillité dans le territoire d'un bourg ou castrum, Spach, Inventaire somm. des Arch. du Bas-Rhin, t. III, p. 19 et 260.
Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Encyclopédie, 1re édition (1751)

PAIX, s. f. (Droit nat. politique. & moral.) c’est la tranquillité dont une société politique jouit ; soit au-dedans, par le bon ordre qui regne entre ses membres ; soit au-dehors, par la bonne intelligence dans laquelle elle vit avec les autres peuples.

Hobbes a prétendu que les hommes étoient sans cesse dans un état de guerre de tous contre tous ; le sentiment de ce philosophe atrabilaire ne paroît pas mieux fondé que s’il eût dit, que l’état de la douleur & de la maladie est naturel à l’homme. Ainsi que les corps physiques, les corps politiques sont sujets à des révolutions cruelles & dangereuses, quoique ces infirmités soient des suites nécessaires de la foiblesse humaine, elles ne peuvent être appellées un état naturel. La guerre est un fruit de la dépravation des hommes ; c’est une maladie convulsive & violente du corps politique, il n’est en santé, c’est-à-dire dans son état naturel que lorsqu’il jouit de la paix ; c’est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle maintient l’ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la population, l’agriculture & le commerce ; en un mot elle procure aux peuples le bonheur qui est le but de toute société. La guerre au contraire dépeuple les états ; elle y fait regner le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la vûe de la licence qu’elle introduit ; elle rend incertaines la liberté & la propriété des citoyens ; elle trouble & fait negliger le commerce ; les terres deviennent incultes & abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatans ne peuvent dédommager une nation de la perte d’une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires mêmes lui font des plaies profonde que la paix seule peut guérir.

Si la raison gouvernoit les hommes, si elle avoit sur les chefs des nations l’empire qui lui est dû, on ne les verroit point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre, ils ne marqueroient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiroient point toutes les occasions de troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfans, ils ne regarderoient point avec envie ceux qu’elle a accordés à d’autres peuples ; les souverains sentiroient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets, ne valent jamais le prix qu’elles ont coûté. Mais par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque ; perpétuellement occupées à repousser les entreprises injustes des autres, ou à en former elles-mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main, & l’on croiroit qu’elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l’industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs états ; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu’à grossir le nombre des hommes qu’ils rendent malheureux. Ces passions allumées ou entretenues par des ministres ambitieux, ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu dans tous les âges les effets les plus funestes pour l’humanité. L’histoire ne nous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes & cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L’épuisement seul semble forcer les princes à la paix ; ils s’apperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s’est mêlé à celui de l’ennemi ; ce carnage inutile n’a servi qu’à cimenter l’édifice chimérique de la gloire du conquérant, & de ses guerriers turbulens ; le bonheur de ses peuples est la premiere victime qui est immolée à son caprice ou aux vûes intéressées de ses courtisans.

Dans ces empires, établis autrefois par la force des armes, ou par un reste de barbarie, la guerre seule mene aux honneurs, à la considération, à la gloire ; des princes ou des ministres pacifiques sont sans cesse exposés aux censures, au ridicule, à la haine d’un tas d’hommes de sang, que leur état intéresse au desordre. Probus guerrier doux & humain, est massacré par ses soldats pour avoir décelé ses dispositions pacifiques. Dans un gouvernement militaire le repos est pour trop de gens un état violent & incommode ; il faut dans le souverain une fermeté inaltérable, un amour invincible de l’ordre & du bien public, pour résister aux clameurs des guerriers qui l’environnent. Leur voix tumultueuse étouffe sans cesse le cri de la nation, dont le seul intérêt se trouve dans la tranquillité. Les partisans de la guerre ne manquent point de prétextes pour exciter le desordre & pour faire écouter leurs vœux intéressés : « c’est par la guerre, disent-ils, que les états s’affermissent ; une nation s’amollit, se dégrade dans la paix ; sa gloire l’engage à prendre part aux querelles des nations voisines, le parti du repos n’est celui que des foibles ». Les souverains trompés par ces raisons spécieuses, sont forcés d’y céder ; ils sacrifient à des craintes, à des vûes chimériques la tranquilité, le sang & les trésors de leurs sujets. Quoique l’ambition, l’avarice, la jalousie, & la mauvaise foi des peuples voisins ne fournissent que trop de raisons légitimes pour recourir aux armes, la guerre seroit beaucoup moins fréquente, si on n’attendoit que des motifs réels ou une nécessité absolue de la faire ; les princes qui aiment leurs peuples, savent que la guerre la plus nécessaire est toujours funeste, & que jamais elle n’est utile qu’autant qu’elle assure la paix. On disoit au grand Gustave, que par ses glorieux succès il paroissoit que la Providence l’avoit fait naître pour le salut des hommes ; que son courage étoit un don de la Toute-Puissance, & un effet visible de sa bonté. Dites plûtôt de sa colere, répartit le conquérant ; si la guerre que je fais est un remede, il est plus insupportable que vos maux.

Paix, Traité de, (Droit Politique.) Les conventions qui mettent fin à la guerre, sont ou principales ou accessoires. Les conventions principales sont celles qui terminent la guerre, ou par elles-mêmes comme un traité de paix, ou par une suite de ce dont on est convenu, comme quand on a remis la fin de la guerre à la décision du sort, ou au succès d’un combat, ou au jugement d’un arbitre. Les conventions accessoires sont celles qu’on ajoute quelquefois aux conventions principales pour les confirmer & en rendre plus sûre l’exécution. Tels sont les ôtages, les gages, les garanties.

La premiere question qui se présente ici, c’est, si les conventions publiques, les traités de paix sont celles que les peuples doivent regarder comme les plus sacrées & les plus inviolables, rien n’est plus important au repos & à la tranquillité du genre humain. Les princes & les nations n’ayant point de juge commun qui puisse connoître & décider de la justice de guerre, on ne pourroit jamais compter sur un traité de paix, si l’exception d’une crainte injuste avoit ici lieu ordinairement, je dis ordinairement : car dans les cas où l’injustice des conditions d’un traité de paix est de la derniere évidence, & que le vainqueur injuste abuse de sa victoire, au point d’imposer au vaincu les conditions les plus dures, les plus cruelles, & les plus insupportables, le droit des nations ne sauroit autoriser de semblables traités, ni imposer aux vaincus l’obligation de s’y soumettre soigneusement. Ajoutons encore, que bien que le droit ordonne qu’à l’exception du cas dont nous venons de parler, les traités de paix soient observés fidellement, & ne puissent pas être annullés sous le prétexte d’une contrainte injuste, il est néanmoins incontestable que le vainqueur ne peut pas profiter en conscience des avantages d’un tel traité, & qu’il est obligé par la justice inférieure, de restituer tout ce qu’il peut avoir acquis dans une guerre injuste.

Une autre question, c’est de savoir si un souverain ou un état doit tenir les traités de paix & d’accommodement qu’il a faits avec des sujets rébelles. Je réponds,

1°. Que lorsqu’un souverain a réduit par les armes les sujets rébelles, c’est à lui à voir comment il les traitera.

2°. Mais s’il est entré avec eux dans quelque accommodement, il est censé par cela seul leur avoir pardonné tout le passé ; de sorte qu’il ne sauroit légitiment se dispenser de tenir sa parole, sous prétexte qu’il l’avoit donnée à des sujets rébelles. Cette obligation est d’autant plus inviolable, que les souverains sont sujets à traiter de rébellion une désobéissance ou une résistance, par laquelle on ne fait que maintenir ses justes droits, & s’opposer à la violation des engagemens les plus essentiels des souverains ; l’histoire n’en fournit que trop d’exemples.

Il n’y a que celui qui a droit de faire la guerre, qui ait le droit de la terminer par un traité de paix : en un mot, c’est ici une partie essentielle de la souveraineté. Mais un Roi prisonnier pourroit-il conclure un traité de paix valable & obligatoire pour la nation ? Je ne le pense pas : car il n’y a nulle apparence, & l’on ne sauroit présumer raisonnablement, que le peuple ait voulu conférer la souveraineté à quelqu’un, avec pouvoir de l’exercer sur les choses les plus importantes, dans le tems qu’il ne seroit pas maître de sa propre personne ; mais à l’égard des conventions qu’un roi prisonnier auroit faites, touchant ce qui lui appartient en particulier, elles sont valides sans contredit. Que dirons-nous d’un roi chassé de ses états ? S’il n’est dans aucune dépendance de personne, il peut sans doute faire la paix.

Pour connoître sûrement de quelles choses un roi peut disposer par un traité de paix, il ne faut que faire attention à la nature de la souveraineté, & à la maniere dont il la possede.

Dans les royaumes patrimoniaux, à les considérer en eux-mêmes, rien n’empêche que le roi n’aliene la souveraineté, ou une partie.

Mais les rois qui ne possedent la souveraineté qu’à titre d’usufruit, ne peuvent par aucun traité aliéner de leur chef, ni la souveraineté entiere, ni aucune de ses parties : pour valider de telles aliénations, il faut le consentement de tout le peuple, ou des états du royaume.

3°. A l’égard du domaine de la couronne, il n’est pas non plus pour l’ordinaire au pouvoir du souverain de l’aliéner.

4°. Pour ce qui est des biens des particuliers, le Souverain a, comme tel, un droit éminent sur les biens des sujets, & par conséquent il peut en disposer, & les aliéner par un traité, toutes les fois que l’utilité publique ou la nécessité la demandent, bien entendu que l’état doit dans ce cas là dédommager les particuliers du dommage qu’ils souffrent au-delà de leur quote-part.

Pour bien interpréter les clauses d’un traité de paix, & pour en bien déterminer les effets, il ne faut que faire attention aux regles générales de l’interprétation, & à l’intention des parties contractantes.

1°. Dans tout traité de paix, s’il n’y a point de clause au contraire, on présume que l’on se tient réciproquement quittes de tous les dommages causés par la guerre ; ainsi les clauses d’amnistie générale ne sont que pour une plus grande précaution.

2°. Mais les dettes des particuliers à particuliers déja contractées avant la guerre, & dont on n’avoit pas pu pendant la guerre exiger le payement, ne sont point censées éteintes par le traité de paix.

3°. Les choses mêmes que l’on ignore avoir été commises, soit qu’elles l’ayent été avant ou pendant la guerre, sont censées comprises dans les termes généraux, par lesquelles on tient quitte l’ennemi de tout le mal qu’il nous a fait.

4°. Il faut rendre tout ce qui peut avoir été pris depuis la paix conclue, cela n’a point de difficulté.

5°. Si dans un traité de paix on fixe un certain terme pour l’accomplissement des conditions dont on est convenu, ce terme doit s’entendre à la derniere rigueur ; ensorte que lorsqu’il est expiré, le moindre retardement n’est pas excusable, à moins qu’il ne provînt d’une force majeure, ou qu’il ne paroisse manifestement que ce délai ne vient d’aucune mauvaise intention.

6°. Enfin il faut remarquer que tout traité de paix est par lui-même perpétuel, & pour parler ainsi, éternel de sa nature, c’est-à-dire, que l’on est censé de part & d’autre être convenu de ne prendre jamais plus les armes au sujet des démêlés qui avoient allumé la guerre, & de les tenir désormais pour entiérement terminés.

Je crois, (c’est M. de Montesquieu qui me fournit cette derniere observation.) « Je crois, dit-il, que le plus beau traité de paix dont l’histoire ait parlé, est celui que Gélon, roi de Syracuse, fit avec les Carthaginois. Il voulut qu’ils abolissent la coutume d’immoler leurs enfans. Chose admirable ! Après avoir défait trois cent mille Carthaginois, il exigeoit une condition qui n’étoit utile qu’à eux », ou plutôt il stipuloit pour le genre humain. (D. J.)

Paix religieuse, (Hist. mod. Politiq.) pax religiosa ; c’est ainsi qu’on nomme en Allemagne une convention ou traité conclu en 1555, entre l’empereur Charles-Quint & les princes & états Protestans, par lequel l’exercice de la religion Luthérienne ou confession d’Ausbourg étoit permis dans tout l’Empire. Les princes Protestans demeuroient en possession des biens ecclésiastiques dont ils s’étoient emparés, sans cependant pouvoir s’en approprier de nouveaux ; tous les Protestans étoient soustraits à la jurisdiction du pape. Cet acte est encore regardé comme faisant une des loix fondamentales de l’empire d’Allemagne. En 1629 l’empereur Ferdinand II. poussé par un zele aveugle, ou peut-être par l’envie d’exercer un pouvoir absolu dans l’Empire, sans avoir égard à la paix religieuse, publia un édit, par lequel il ordonnoit aux Protestans de l’Empire, de restituer aux ecclésiastiques catholiques les biens qui leur avoient été enlevés durant les troubles précédens. Les princes protestans, comme il étoit facile de le prévoir, ne voulurent point se soumettre à une loi qui leur paroissoit si dure, ce qui donna lieu à une guerre civile qui désola toute l’Allemagne pendant 30 ans, & qui ne fut terminée que par la paix de Westphalie en 1648.

Paix, (Critiq. sacrée.) ce mot a dans l’Ecriture une signification fort étendue, & toujours favorable. Il se prend pour alliance, amitié, concorde, bonheur, prospérité. La justice & la paix sont étroitement liées ensemble, dit David, Ps. lxxxiv. 11. en parlant d’un heureux gouvernement. L’Evangile de paix, Eph. ii. 17. c’est l’Evangile de J. C. Etre enséveli en paix, c’est mourir dans la sécurité d’une bonne conscience. On lit dans les Juges vj. 23. ces paroles, que la paix soit avec vous, ne craignez point, vous ne mourrez point ; c’est que c’étoit une opinion commune chez les Juifs, que quiconque avoit vu un ange, devoit s’attendre à mourir bientôt.

Ce qui est ferme & stable, est encore appellé du nom de paix ; do ei pacem fœderis, Nomb. xxv. 12. c’est-à-dire, je lui fais une promesse irrévocable. Enfin la pain dans l’Evangile, signifie le bonheur à venir que J. C. le prince de la paix, promet à tous les fideles. (D. J.)

Paix, le baiser de, (Hist. eccles.) Le baiser de paix se donnoit dans la liturgie gallicane après la lecture des diptyques, & de la priere qu’on nommoit la collecte. Ce baiser ou cette action de s’embrasser & de se baiser alors, s’appelle aussi paix. L’archidiacre donnoit la paix au premier évêque qui la donnoit au suivant, & ainsi successivement par ordre. Le peuple en faisoit de même, les hommes & les femmes séparément. L’eglise Romaine ne donnoit la paix qu’après la consécration. Le pape Innocent I. reprend ceux qui donnoient la paix auparavant.

Paix, (Mythol. & Littérat.) Les Grecs & les Romains honoroient la paix comme une grande déesse. Les Athéniens lui dresserent des statues sous le nom d’εἰρήνη ; mais elle fut encore plus célébrée chez les Romains qui lui érigerent dans la rue sacrée le plus grand & le plus magnifique temple qui fut dans Rome. Ce temple dont les ruines, & même une partie des voûtes restent encore sur pié, fut commencé par Agrippine, & depuis achevé par Vespasien. Josephe dit que les empereurs Vespasien & Titus y déposerent les riches dépouilles qu’ils avoient enlevées au temple de Jerusalem.

C’étoit dans le temple de la paix que s’assembloient ceux qui professoient les beaux Arts, pour y discuter leurs prérogatives, afin qu’en présence de la divinité, toute aigreur fût bannie de leurs disputes. Ce temple fut ruiné par un incendie sous le regne de l’empereur Commode.

Baronius a raison, de soutenir qu’il n’y a jamais eu à Rome d’autre temple de la paix, & que ce que quelques modernes débitent de celui qui vint à tomber à la naissance de Jesus-Christ, est une pure fable. Il est vrai cependant que cette déesse eut à Rome, avant Vespasien, des autels, un culte & des statues. Ovide dit au I. livre des fastes :

Ipsum nos carmen deduxit pacis ad aram,
Frondibus Actiacis comtos redimita capillos
Pax ades, & toto mitis in orbe mane.

Nous voyons là un autel de la paix ; voici des statues de cette déesse. Dion nous apprend que le peuple Romain ayant fourni une somme d’argent considérable pour ériger une statue en l’honneur d’Auguste, ce prince aima mieux employer cette somme à faire élever des statues au salut du public, à la concorde & à la paix.

La légende pax Augusti, est fréquente sur les médailles de Galba. A la mort de Néron, diverses parties de l’empire s’ébranlerent : Nymphidius Sabinus à Rome, Fonteius Capito en Germanie, Clodius Macer en Afrique, étoient sur le point de causer de grands troubles qui furent prévenus par la mort des rebelles ; ces heureux commencemens donnerent occasion de représenter la paix, brûlant d’une main les instrumens de la guerre, & portant de l’autre les fruits de la tranquillité. (D. J.)

Paix, (Iconol. & Monum. antiq.) Chez les Grecs la paix étoit figurée par une déesse qui porte à bras ouverts le dieu Plutus, enfant. Chez les Romains on trouve ordinairement la paix représentée avec un rameau d’olivier, quelquefois avec des aîles, tenant un caducée, & ayant un serpent à ses piés. On lui donne aussi une corne d’abondance. L’olivier est le symbole de la paix. Le caducée est le symbole du négociateur Mercure, pour marquer la négociation qui a procuré la paix. Dans une médaille d’Antonin le Pieux, la paix tient de la main droite une branche d’olivier, & brûle de la gauche des boucliers & des cuirasses. Cette idée n’étoit pas nouvelle, mais elle étoit ingénieuse. (D. J.).

Paix, (Jurisprud.) du latin pacisci. Dans les anciennes ordonnances ce terme est quelquefois pris pour convention. Voyez l’ordonnance de Charles V. du mois de Janvier 1364, tome IV. page 527, & le mot Pacte. (A)

Paix, ou trêve de Dieu, étoit une cessation d’armes, depuis le soir du mercredi de chaque semaine, jusqu’au lundi matin, que les ecclésiastiques & les princes religieux firent observer dans le tems où il étoit permis aux particuliers de tuer le meurtrier de leur parent, ou de se venger par leurs mains en tel autre cas que ce fût. Voyez Faide.

Wikisource - licence Creative Commons attribution partage dans les mêmes conditions 3.0

Étymologie de « paix »

(Date à préciser) De l’ancien français pais, du latin pax (« paix, tranquillité, repos »). Le ‹ x › a été rétabli dans l’orthographe par réaction étymologique.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Bourg, poi ; wallon, pâie, paûie ; prov. patz ; esp. paz ; ital. pace ; du lat. pacem, de même radical que pacisci (voy. PACTE). D'après Lamonnoye, paix, interjection, signifiant silence, vient du grec πὰξ, qui a en effet ce sens ; mais il n'est pas nécessaire de recourir à ce mot pour faire de paix une interjection avec le sens de silence.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Phonétique du mot « paix »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
paix

Évolution historique de l’usage du mot « paix »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « paix »

  • Il est plus facile de faire la guerre que la paix. Georges Clemenceau, Discours de paix, 1919 , Plon
  • Ceux qui croient avoir trouvé la paix, ce n'est souvent que par défaut d'amour. René Daumal, Lettres à ses amis, Gallimard
  • Ressemblons-leur : c'est le moyen d'avoir la paix. Julien Green, Adrienne Mesurat, Plon
  • La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix c'est la guerre des idées. Victor Hugo, Fragments
  • Vous n'avez qu'un jour à passer sur la terre ; faites en sorte de le passer en paix. Félicité de La Mennais, Paroles d'un croyant
  • Je ne trouve la paix qu'à me faire la guerre. François de Malherbe, Stances
  • Le désert n'ayant pas donné de concurrent au sable, grande est la paix du désert. Henri Michaux, Tranches de savoir, Cercle des Arts
  • Le plaisir des disputes, c'est de faire la paix. Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour, III, 6, Perdican
  • Si tu veux la paix, prépare la guerre. Anonyme,  Végèce (Epitome rei militaris, III, Prol.)
  • Où ils ont fait un désert, ils disent qu'ils ont donné la paix. Tacite en latin Publius (ou Caius) Cornelius Tacitus, Vie d'Agricola, 30
  • Il n'est paix qui ne repose sur les boucliers, les têtes et les corps sans tête de l'ennemi ! Miguel Ángel Asturias, Leyendas de Guatemala
  • À une juste guerre, préférons une injuste paix. Samuel Butler, Remains, Two Speeches made in the Rump Parliament
  • Heureux ceux qui persévèrent dans la paix, car c'est le Très-Haut qui les couronnera. saint François d'Assise en italien Francesco d'Assisi, Le Cantique de frère Soleil, 8
  • Il n'y a jamais eu de bonne guerre ni de mauvaise paix. Benjamin Franklin, Letter to Quincey, 11 septembre 1783
  • La paix n'est pas comparable à un objet précieux qui nous appartient. Il faut toujours la conquérir. Nordahl Grieg, La Défaite
  • Ce que je maintiens, c'est que la guerre fait joliment bien dans l'histoire, et que la paix fournit une piètre lecture. Thomas Hardy, The Dynasts, II, 5
  • Aimez la paix comme le moyen de nouvelles guerres, et la paix brève plus que la longue. Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra Also sprach Zarathustra
  • La paix nourrit, le trouble consume. De Proverbe islandais , 
  • Imagine tous les gens vivant en paix. De John Lennon / Imagine , 
  • La paix est rarement refusée aux pacifiques. De Johann Friedrich von Schiller / Guillaume Tell , 
  • La paix est un rêve suspendu. De Kofi Annan / ONU - 14 Septembre 2001 , 
  • La paix à n'importe quel prix, ce n'est plus la paix. De Eve Curie , 
  • Au terme de chaque guerre la paix et de chaque paix la guerre. De Alfonso Di Lernia , 
  • Puisque la mort est la paix éternelle, si tu veux la paix, fais le mort. De Jean L'Anselme , 
  • Qui vit en paix avec lui-même vit en paix avec l’univers. De Marc-Aurèle , 
  • La paix est une création continue. De Raymond Poincaré , 
  • La paix est à l’ombre des sabres. De Proverbe arabe , 
  • Personne n'est assez insensé pour préférer la guerre à la paix ; en temps de paix les fils ensevelissent leurs pères ; en temps de guerre les pères ensevelissent leurs fils. Hérodote, Histoires, I, 87 (traduction Legrand)
  • Car ils égarent mon peuple en disant : Paix ! alors qu'il n'y a pas de paix. , Ancien Testament, Ézéchiel XIII, 10
  • Qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds du porteur de bonnes nouvelles qui annonce la paix. , Ancien Testament, Isaïe LII, 7
  • Car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais de paix. ,  Saint Paul, Épître aux Corinthiens, Ière, XIV, 33
  • Appliquez-vous à conserver l'unité de l'esprit par ce lien qu'est la paix. ,  Saint Paul, Épître aux Éphésiens, IV, 3
  • Il n'y a de paix qu'entre esprit et esprit. Émile Chartier, dit Alain, Mars ou la Guerre jugée, Gallimard
  • Pour faire la paix, il faut être deux : soi-même et le voisin d'en face. Aristide Briand, Paroles de paix, Figuière
  • Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu'il aime ! , Évangile selon saint Luc, II, 14
  • Au sein de la population ukrainienne, ce nouveau cessez-le-feu divise, observe Cécile Vaissié. Une partie d’entre elle ne cache pas son envie de retrouver la paix dans le Donbass, quitte à céder à certaines revendications des séparatistes pro-russes, mais l’autre est réticente à trop de compromis, « craignant de nouvelles attaques russes dans d’autres régions ukrainiennes » explique la chercheuse. La Croix, Entre l’Ukraine et la Russie, la relance du processus de paix
  • En froid avec Meghan Markle durant plusieurs mois, Kate Middleton a tenté de faire la paix avec un touchant geste comme l'a révélé The Mirror ce dimanche 26 juillet.  Closermag.fr, Kate Middleton : ce "geste de paix" qui n'a pas suffi à la réconcilier avec Meghan Markle - Closer
  • Comme chaque année le comité de paix audois du Mouvement de la Paix organise une marche pour commémorer les bombardements atomiques qui rasèrent les villes d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août 1945 et demander que la France ratifie le traité d’élimination universelle des armes nucléaires voté à l’ONU par 122 pays en 2017. lindependant.fr, Une marche de la Paix à Caunes-Minervois contre les armes nucléaires - lindependant.fr
  • Les années qui ont succédé à la guerre de 14-18 marquent encore le présent de leur empreinte. Jean-Yves Le Naour raconte comment les belligérants ont raté la paix Le Temps, Le sombre prix de la paix selon Jean-Yves Le Naour - Le Temps
  • Le Père Thierry Barbeau de l'abbaye St Pierre de Solesmes nous rappelle le lien intime entre la paix et le respect de l'ordre. " Chacun réalise ce qu'il doit être, ce qu'il signifie, le nom qu'il porte en quelque sorte ". La règle de Saint Benoît souligne que " la Paix est un don de Dieu qui vient du prince de la Paix ", ce dieu fait petit enfant. ,  " La paix est un don de Dieu "
  • Des experts des droits de l'homme de l'ONU ont salué vendredi les efforts des dirigeants ouest-africains pour rétablir la paix et la stabilité au Mali, qui est en proie à une crise politique depuis plusieurs semaines. ONU Info, Mali : des experts onusiens saluent les efforts de paix et estiment que le respect des droits humains est essentiel | ONU Info
  • Il est plus facile de faire la guerre que la paix. Georges Clemenceau, Discours de paix, 1919 , Plon
  • Ceux qui croient avoir trouvé la paix, ce n'est souvent que par défaut d'amour. René Daumal, Lettres à ses amis, Gallimard
  • Ressemblons-leur : c'est le moyen d'avoir la paix. Julien Green, Adrienne Mesurat, Plon
  • La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix c'est la guerre des idées. Victor Hugo, Fragments
  • Vous n'avez qu'un jour à passer sur la terre ; faites en sorte de le passer en paix. Félicité de La Mennais, Paroles d'un croyant

Images d'illustration du mot « paix »

⚠️ Ces images proviennent de Unsplash et n'illustrent pas toujours parfaitement le mot en question.

Traductions du mot « paix »

Langue Traduction
Anglais peace
Espagnol paz
Italien pace
Allemand frieden
Chinois 和平
Arabe سلام
Portugais paz
Russe мир
Japonais 平和
Basque bakea
Corse paci
Source : Google Translate API

Synonymes de « paix »

Source : synonymes de paix sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « paix »

Combien de points fait le mot paix au Scrabble ?

Nombre de points du mot paix au scrabble : 13 points

Paix

Retour au sommaire ➦

Partager