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La prolepse - Figure de style [définition et exemples]

Définition de la prolepse

La prolepse est une figure de style qui consiste à mettre en évidence un mot ou un groupe de mots devant une proposition, à l’intérieur de laquelle ce ou ces derniers devraient se trouver. 

Le mot (ou groupe de mots) ainsi extrait est souvent représenté par un pronom dans la proposition qui suit.

La fameuse citation de Blaise Pascal au sujet du nez de Cléopâtre est régulièrement citée par plusieurs auteurs pour illustrer la prolepse :

Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.

Blaise Pascal, Pensées

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Les mots ou groupes de mots n’apparaissent pas dans l’ordre attendu. Les fonctions syntaxiques se retrouvent alors désorganisées mais cela ne change en rien le sens de la phrase. La prolepse met en relief un terme en l'isolant de la proposition.

Dans la citation ci-dessus, le pronom « il » de la proposition conditionnelle reprend le groupe nominal « Le nez de Cléopâtre », et assure la fonction de « sujet proleptique ».

Appelée également anticipation, cette figure est un procédé stylistique très utilisé dans le langage courant. Par exemple, il est fréquent d’entendre des phrases construites selon la syntaxe suivante :

  • « Cet endroit, je rêve d’y aller en vacances »
  • « Le grand oral, je le passerai l’année prochaine »

Parfois, la structure de la phrase peut avoir un effet sur le sens, particulièrement dans le langage parlé. Patrick Bacry, dans Les figures de style donne l’exemple avec la phrase suivante :

Elle m’en a filé, des conseils !

Louis Ferdinand, Mort à crédit.

Dans ce cas-là, il s’agit d’une reprise, où le groupe de mots « des conseils » est placé après la proposition. « D’un point de vue strictement sémantique, (…) la formulation « elle m’en a filé, des conseils ! » plutôt que « elle m’a filé des conseils » ajoute une idée d’abondance (elle m’en a filé beaucoup) », notion accentuée par la ponctuation.

Il est parfois difficile de différencier la prolepse de l’anacoluthe, figure de style qui accentue également la valeur de l’énoncé en le mettant en relief, entraînant des erreurs de syntaxe. 

Pour Pierre Bacry, « la différence entre prolepse et anacoluthe est donc parfois fort ténue. »

La prolepse est également répandue en rhétorique et dans les formes narratives.

La prolepse, une figure de style rhétorique

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Pour Henri Suhamy, la prolepse, au même titre que l’anticipation, est une « manœuvre par laquelle on répond aux objections prévues. »

Effectivement, en rhétorique, la prolepse est une figure de pensée. Elle désigne un procédé par lequel un orateur devance les objections ou arguments de son interlocuteur. L’idée est exprimée prématurément afin de prévenir, par anticipation, une éventuelle remarque.

Considérée comme une narration argumentative dans l’organisation générale du discours, elle se construit à l’aide d’expressions telles que « Direz-vous », « On pourrait croire que », « On dira que », « Certains diront », permettant de représenter le discours de l’interlocuteur.

Je te laisse Hayat. J'ai porté ta fille comme tu as porté mon secret, et il est temps que chacun récupère ce qui lui revient. Certains diront que je suis une mère indigne, mais toi tu sais que c'est pour son bien que je l'abandonne, afin de lui éviter les dangers qui s'attachent à mes pas et à ceux de son frère.

 Amin Maalouf, Léon l’Africain

La prolepse comme anticipation narrative

On parle d’anticipation narrative lorsqu’un évènement qui va avoir lieu plus tard est raconté en avance. Le récit des évènements, dans les textes narratifs, se fait dans un ordre chronologique différent, en anticipant certains épisodes ou au contraire en effectuant un retour en arrière.

Procédé utilisé en littérature, plus particulièrement dans les Mémoires ou les autobiographies, le cinéma emploie également ce procédé.

On parle plus souvent d’analepse au cinéma (retours en arrière), où la scène finale est projetée au début du film, le récit débutant par les évènements qui ont devancé cette scène. 

On verra plus tard que, malgré des habitudes de parler stupides qui lui étaient restées, Albertine s'était étonnamment développée.

Marcel Proust, À la recherche du temps perdu

Étymologie et origine de la prolepse

Apparu au XVIe siècle, le terme prolepse vient du latin prolepsis, d’origine grecque : πρόληψις , prolêpsis, est composé de la préposition πρὸ (avant, devant, pour la défense de) et de λῆψις  (prise). 

Le verbe grec prolambanein signifiant « avancer devant, devancer, présumer, préjuger », la prolepse représente donc « l’action de prendre en avance » ou « l’opinion qu’on se fait d’avance »

En savoir plus sur la définition du mot prolepse >

Exemples de prolepses

Un corps qui s'écrase au sol, sa masse n'est pas la cause de ce qu'il reçoit en retour de sa force vive.

Jacques Lacan, Séminaire XI

L'impression de séparation est totale ; je suis désormais prisonnier de moi-même. Elle n'aura pas lieu, la fusion sublime ; le but de la vie est manqué. Il est deux heures de l'après-midi.

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte

Et elle avait, en effet, la figure tout éclairée d’une joie paisible. Depuis que les invités se trouvaient là, elle parlait à chacun d’une voix un peu basse et élue, l’air raisonnable, sans se mêler aux disputes. Pendant l’orage, elle était restée les yeux fixes, regardant les éclairs, comme voyant des choses graves, très loin, dans l’avenir, à ces lueurs brusques.

Émile Zola, L’assommoir

Résolu d'accomplir ce cruel sacrifice,
J'y voulus préparer la triste Bérénice

Jean Racine, Bérénice

(…) celui qui connaîtrait les causes de toutes choses, son rassasiement ne serait-il pas meilleur?

Paul Claudel, Le Repos du septième jour

Frère des canards, voilà notre vrai titre, car cette petite tête qu’ils plongent dans la vase pour barboter têtard et salamandre, quand ils la dressent vers l’homme toute mordorée et bleue, elle n’est plus que propreté, intelligence et tendresse – immangeable d’ailleurs, la cervelle exceptée… 

Jean Giraudoux, Électre

Tous assurément, nous préférons être libres que d’être esclaves. (« Omnes profecto liberi lubentius / Sumus quam seruimus. »)

Plaute, Les Captifs

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