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Le registre laudatif

Définition du registre laudatif

Le registre laudatif est un registre littéraire qui consiste à valoriser une personne, un objet ou une idée. Le terme laudatif est un adjectif qui désigne tout ce qui contient un éloge, en parlant des écrits et des discours. 

Tout le génie laudatif de la nation était dans cette seule phrase 

Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo

L’auteur incite donc le lecteur à l’admiration grâce à des récits flatteurs à l’égard de ce qu’il décrit, en exprimant sa considération sous la forme de compliments et de louanges.

Citons comme exemple la dédicace élogieuse que fait Racine à la duchesse d’Orléans, à laquelle il dédie sa tragédie Andromaque. Racine la complimente délicatement sur sa beauté, son rang et ses qualités intellectuelles.

MADAME,

Ce n’est pas sans sujet que je mets votre illustre nom à la tête de cet ouvrage. Et de quel autre nom pourrais-je éblouir les yeux de mes lecteurs, que de celui dont mes spectateurs ont été si heureusement éblouis ? On savait que VOTRE ALTESSE ROYALE avait daigné prendre soin de la conduite de ma tragédie ; on savait que vous m’aviez prêté quelques-unes de vos lumières pour y ajouter de nouveaux ornements ; on savait enfin que vous l’aviez honorée de quelques larmes dès la première lecture que je vous en fis. […] Pardonnez-moi, MADAME, si j’ose me vanter de cet heureux commencement de sa destinée. Il me console bien glorieusement de la dureté de ceux qui ne voudraient pas s’en laisser toucher. Je leur permets de condamner l’Andromaque tant qu’ils voudront, pourvu qu’il me soit permis d’appeler de toutes les subtilités de leur esprit au cœur de  VOTRE ALTESSE ROYALE.

Mais, MADAME, ce n’est pas seulement du cœur que vous jugez de la bonté d’un ouvrage, c’est avec une intelligence qu’aucune fausse lueur ne saurait tromper. Pouvons-nous mettre sur la scène une histoire que vous ne possédiez aussi bien que nous ? pouvons-nous faire jouer une intrigue dont vous ne pénétriez tous les ressorts ? et pouvons-nous concevoir des sentiments si nobles et si délicats qui ne soient infiniment au-dessous de la noblesse et de la délicatesse de vos pensées ?

Racine, Andromaque

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On parle aussi de registre ou discours épidictique qui regroupe l’éloge mais aussi le blâme, dans un objectif instructif.  

Procédés et thèmes du registre laudatif

Apparus à l’Antiquité avec les orateurs grecs qui chantaient des louanges en l’honneur de dieux ou de personnages célèbres, les textes appartenant au registre laudatif se présentent également sous la forme d’un hommage lors d’une oraison ou éloge funèbre

Par la suite, ce registre se trouve dans les romans, les essais, les pièces de théâtre mais aussi dans la presse, les discours politique ou la publicité pour vanter les mérites d’un produit ou d’un service.

En montrant une image élogieuse de quelque chose ou quelqu’un, les auteurs, que ce soit dans un discours ou un récit, mettent en évidence des valeurs morales, esthétiques ou pratiques. L’éloge peut servir à attirer l’attention sur le courage, la fidélité ou l’élégance du personnage décrit. 

Pour convaincre le lecteur, l’auteur va utiliser des procédés d’écriture propres au registre laudatif. Découvrons ensemble à quoi se reconnaît un registre laudatif.

Le vocabulaire mélioratif du registre laudatif

Les termes valorisants, au niveau du lexique ou des images, ne manquent pas dans le registre laudatif puisqu’il s’agit d’user de compliments et de flatteries au sujet de l’être ou de la chose dont on parle, qui sont exceptionnels.

L’auteur utilise des superlatifs et modalisateurs de la certitude pour convaincre ses lecteurs des vertus qu’il exalte. La modalisation permet d’exprimer un jugement de valeur, positif dans le cadre du registre laudatif, en ajoutant des verbes, adverbes ou adjectifs mélioratifs comme « beau, brillant, le meilleur, admirer, contempler, parfaitement, délicieusement » qui valorisent ce qui est décrit.

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Pour ponctuer les récits et accentuer l’admiration, des exclamations admiratives et enthousiastes se mêlent aux récits à caractère laudatif. Elles sont parfois renforcées par le procédé de l’apostrophe (ô) marquant également la force des discours.

Les figures de style du registre laudatif

L’objectif étant la description élogieuse, les figures d’exagération comme les hyperboles sont privilégiées car elles permettent d’amplifier et de mettre en valeur des éléments du récit, ainsi que les énumérations qui présentent successivement des qualités et des avantages.

On retrouve aussi très régulièrement dans les éloges des métaphores et des comparaisons, grâce auxquelles des choses ou personnes décrites peuvent être sublimées. 

Parmi les figures de style employées dans le registre laudatif, la périphrase permet de mettre en évidence de manière positive certains traits de la personne ou de la chose décrite, là où un seul mot n’aurait pas été efficace. (Le roi des animaux pour le lion, par exemple)

Si le texte appartenant au registre laudatif contient des antiphrases, on parle alors d’éloge paradoxal, car l’intention de l’auteur est ironique. Citons par exemple, l’hymne en faveur de l’hypocrisie, au ton appréciatif, prononcée par de Dom Juan, qui est un éloge paradoxal : 

Il n’y a plus de honte maintenant à cela ; l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer. Aujourd’hui, la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les attire tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent bonnement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du ciel ; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux, qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.

Molière, Dom Juan, Acte V, Scène 2

Exemples de textes issus du registre laudatif

Voici quelques exemples d’éloges de styles différents appartenant au registre laudatif :

L’extrait qui suit est le récit d’un portrait élogieux de Melle de Chartres (future Princesse de Clèves), qui apparaît comme un modèle de perfection. Maîtrisant l’art du portrait, Mme de La Fayette nous révèle petit à petit les qualités du personnage pour lequel le lecteur va développer une certaine admiration. Les hyperboles et les superlatifs soulignent la beauté parfaite et idéale de la jeune fille qui attire tous les regards, ainsi que son statut social. Sa mère est également décrite comme un être remarquable, inculquant à sa fille une éducation et des valeurs morales d’exception. 

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.

L’exemple qui suit est un passage de l’éloge funèbre prononcé par Anatole France, membre de l’Académie Française, lors des funérailles d’Émile Zola. Ce discours met à l’honneur l’œuvre immense de l’écrivain, ses qualités intellectuelles et morales et le combat qu’il a mené contre les injustices sociales.

[…] L’œuvre littéraire de Zola est immense. Vous venez d’entendre le président de la Société des gens de lettres en définir le caractère avec une admirable précision. Vous avez entendu le ministre de l’Instruction publique en développer éloquemment le sens intellectuel et moral. Permettez qu’à mon tour je la considère un moment devant vous.

Messieurs, lorsqu’on la voyait s’élever pierre par pierre, cette œuvre, on en mesurait la grandeur avec surprise. On admirait, on s’étonnait, on louait, on blâmait. Louanges et blâmes étaient poussés avec une égale véhémence. On fit parfois au puissant écrivain (je le sais par moi-même) des reproches sincères, et pourtant injustes. Les invectives et les apologies s’entremêlaient. Et l’œuvre allait grandissant.

Aujourd’hui qu’on en découvre dans son entier la forme colossale, on reconnaît aussi l’esprit dont elle est pleine. C’est un esprit de bonté. Zola était bon. Il avait la grandeur et la simplicité des grandes âmes. Il était profondément moral. Il a peint le vice d’une main rude et vertueuse. Son pessimisme apparent, une sombre humeur répandue sur plus d’une de ses pages cachent mal un optimisme réel, une foi obstinée au progrès de l’intelligence et de la justice. […]

Anatole France, Éloge funèbre d’Émile Zola

Découvrez les différents registres littéraires dans notre guide

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