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Tabac

Variantes Singulier Pluriel
Masculin tabac tabacs

Définitions de « tabac »

Trésor de la Langue Française informatisé

TABAC1, subst. masc.

A. − BOT. Plante aromatique de la famille des Solanacées, haute et à larges feuilles alternes, contenant un alcaloïde toxique, la nicotine. Synon. vx ou plais. herbe à Nicot.Culture du tabac; champ, plantation de tabac; pied, feuille de tabac; hangar, séchoir à tabac. L'eau de pluie que nous ramassons, il faut que nous en arrosions six plants de tabac dont il est fier et qui ne paient rien à la douane (Claudel, Protée, 1927, I, 3, p. 364).Très importantes cultures de tabac, à fleurs blanches, larges et belles feuilles (Gide, Retour Tchad, 1928, p. 886).
B. − Produit manufacturé, vendu sous diverses formes, fabriqué à partir des feuilles de tabac séchées et préparées pour fumer, priser ou chiquer. Là, sur une table (...) tous les tabacs connus depuis le tabac jaune de Pétersbourg jusqu'au tabac noir du Sinaï (...) resplendissaient dans les pots de faïence craquelée qu'adorent les Hollandais (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 565).[Il] bourrait sa pipe de merisier. Le tabac belge, le savoureux tabac des Ardennes et de la Semois fleurait bon, à brûler dans ce vieux bois plein de senteurs (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p. 51).V. blague1ex. 1, cigarette ex. 1, nicotine ex. de Van der Meersch et pipe ex. 2.
SYNT. Tabac blond, brun; tabac corsé, doux, fort, léger, parfumé; tabac anglais, d'Orient, d'Amérique; tabac à pipe, pour la pipe; tabac à fumer, à rouler, à priser, à mâcher, à chiquer; carotte de tabac (v. carotte C 1); tabac gris ou p. ell. du déterminé gris (v. gris II A 3 a); paquet de tabac; odeur de tabac; fumée de tabac refroidie; débit de tabac (v. débit B 1 b); bureau de tabac (v. bureau II C 1); marchand de tabac; tabac (de) caporal ou p. ell. du déterminé caporal (v. caporal B); doigts jaunis par le tabac.
À tabac. Utilisé pour le tabac (à chiquer). Couteau, râpe à tabac. Où l'on met le tabac. Pot à tabac (v. pot I A 1). La blague à tabac où ses doigts cornés trituraient toujours un tas de choses (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 53).
Cave à tabac. Petite boîte carrée, en bois doublé de cuivre étamé, en porcelaine ou en marbre, divisée en compartiments dans lesquels on conservait les différentes espèces de tabac à priser dont on faisait des mélanges (d'apr. Havard 1890).
[En fonction de déterm.] Couleur de tabac, couleur tabac. Brun roux. Dans les parterres du capitaine Mauger, que j'ai vus, tantôt, par-dessus la haie, c'est un véritable désastre, et tout y est couleur de tabac. Les arbres, à travers la campagne, commencent de jaunir et de se dépouiller (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 124).Il était vêtu d'une jaquette couleur tabac, serrée et boutonnée haut (Lacretelle, Hts ponts, t. 3, 1935, p. 98).
En empl. adj. inv. [P. ell. du déterminé] Voyez quel air martial respire ce vénérable membre de la Garde nationale! Avec son habit tabac, son sabre et sa giberne en bandoulière, son fusil sur l'épaule (...) il va affronter les ennemis (...) de la tranquillité publique (Balzac, Œuvres div., t. 1, 1836, p. 177).
Loc. pop., fam.
(C'est toujours) le même tabac. (C'est toujours) la même chose. Je ne veux pas partir d'ici (...) Ailleurs, ça serait le même tabac (...) Tu penses que ça ne changerait rien (Carco, Homme traqué, 1922, p. 189).Toujours la même histoire. Toujours le même tabac (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 192).Le ch'timi: un cul terreux (...). Le Blondinet: Lambert et lui, c'est le même tabac (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 215).
Du même tabac. Du même genre. (Dict. xxes.).
(C'est) un autre tabac. (C'est) autre chose. J'en repère deux ou trois malabars. Le reste c'est du garçon coiffeur (...) Ça jappe, mais s'il s'agissait de se mettre vraiment au boulot, ça sauterait par la fenêtre. Les malabars, pardon et minute, c'est un tout autre tabac (Giono, Gds chemins, 1951, p. 69).
P. méton.
Parfum obtenu à partir d'extraits de tabac; note de parfum rappelant cette odeur. (Dict. xxes.).
Rare. Moment où l'on fume; fait de fumer. À l'heure du tabac, quand ils commencèrent à boire, ayant fini de manger, ils se mirent, de même que chaque jour, à parler de leur ennui (Maupass., Contes et nouv., t. 2, MlleFifi, 1881, p. 156).
C. − P. méton. Bureau, débit de tabac. Le tabac du coin. Ça ne peut se passer qu'au tabac ou dans l'arrière-boutique du libraire cochon d'à côté (...). L'un des deux procure, à ce qu'on raconte, des mineures qui ont l'air de vendre des fleurs (Céline, Voyage, 1932, p. 596).Je le vis sonner à un immeuble de belle apparence, et entrer. D'un tabac encore ouvert, rue de la Bienfaisance, je pouvais surveiller l'immeuble (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 237).
D. − Au plur. Monopole des tabacs. En France, monopole d'état des tabacs concernant la production, l'importation et la commercialisation des tabacs. Le XIXe, n'en a pas moins vu survivre ou même se créer quelques entreprises gérées par l'État (...). Ainsi les monopoles fiscaux des tabacs ou des allumettes (Chenot, Entr. national., 1956, p. 11).
[Le plus souvent avec une majuscule] Administration du Service d'exploitation industrielle des Tabacs et Allumettes. Contrôleur des tabacs. Ce n'est qu'après des examens, quelquefois renouvelés à plusieurs reprises, qu'on est admis dans les services des douanes, de l'enregistrement, des contributions directes ou indirectes et des tabacs (Vivien, Ét. admin., t. 1, 1859, p. 190).
REM. 1.
-tabac, élém. de compos.
Bar-tabac, bistrot-tabac, café-tabac, subst. masc.Café, bar qui fait bureau de tabac. Le café-tabac constitue avec la poste et la mairie, le troisième et principal pôle attractif de la place (Martin du G., Vieille Fr., 1933, p. 1029).Cette salade unique, exemplaire, était à 4 F sur le menu de ce bistrot-tabac, à une dizaine de kilomètres au sud de Deauville (L'Express, 18 avr. 1981, p. 51, col. 1).
2.
Tabac-, élém. de compos.
Tabac-journaux, subst. masc.Bureau de tabac où l'on vend également des journaux. Vous savez, aujourd'hui c'est l'école [qui ferme]. Demain, ce sera le tabac-journaux, après le bistrot... La commune va mourir (A. Galan, Le Retour de Rastignac, 1982, p. 35).
3.
Tabaco-, élém. formanttiré du fr. tabac, entrant dans la constr. de subst. fém. dans le domaine de la méd.a)
Tabacomanie. -Abus du tabac. (Dict. xxes.).
b)
Tabacosis. -,,Pneumoconiose causée par l'inhalation de poussières de tabac, observée chez les ouvriers manipulant le tabac`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Prononc. et Orth.: [taba]. Homon. et homogr. tabac2. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. [1555 cité comme mot indigène, à propos de Haïti Tabaco « instrument à deux tuyaux servant à fumer » (J. Poleur, trad. de Oviedo, Hist. nat. et gen. des Indes, Isles et Terre Ferme de la Grand Mer Oceane [trad. de l'esp.], fol. 71b ds König, p. 190)] 1. 1590 mot esp. cité Tabaco « plante solanée cultivée surtout pour ses feuilles qui sont fumées, prisées ou mâchées après préparation » (J. Th. de Bry, Brieve Hist. de Virginia, p. 16, ibid., p. 191); 1598 id. (R. Regnault Cauxois, trad. de J. de Acosta, Hist. nat. et mor. des Indes, tant Or. qu'Occ. [trad. de l'esp.], fol. 183b, ibid.); 1601-03 tabac (Champlain, Œuvres, Québec, 1870, t. 1, 1, p. 46, ibid.); 1603 id. (Id., Des Sauvages, fol. 9b, ibid.: quantité de Tabac (qui est une herbe dont ils prennent la fumée)); 2. 1629 désigne les feuilles de cette plante préparées pour être fumées (Saint-Amant, Sonnet ds Œuvres, éd. J. Bailbé, t. 1, XLIII, p. 280: Non, je ne trouve point de difference De prendre du tabac, à vivre d'esperance, Car l'un n'est que fumée, et l'autre n'est que vent); spéc. pot à tabac, v. pot; 1697 tabac d'Espagne « tabac de couleur roux clair » (J.-Fr. Regnard, Le Distrait, p. 197), d'où infra 4 et 5; 3. a) 1665 « lieu public où l'on se réunissait pour fumer et boire » (Arrêt du Parlement, 10 janv. ds DG); b) 1769 bureau à tabac « local où l'on vend du tabac » (J.-J. Rousseau, Les Confessions, VIII, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, p. 381); 1794 bureau de tabac (Chamfort, Caract. et anecd., p. 161); 1887 p. ell. tabac (Zola, Terre, p. 54: Tabac, chez Lengaigne [enseigne]; 4. 1733 adj. « brun-roux, de la couleur du tabac » (Inv. après décès du chevalier Roze, éd. Arnaud d'Agnel ds B. du Comité des travaux hist. et sc., 1903, p. 477: un autre habit estamine complect couleur tabac); 1790 tabac d'Espagne désigne une couleur roux clair (doc. ds L. Briollay, Ét. écon. sur le XVIIIes., Les prix en 1790, p. 338); 5. 1791 zool. tabac d'Espagne désigne un papillon aux ailes d'un roux clair (Valm. t. 7, p. 619); 6. [1871 c'est le même tabac « c'est la même chose » (La Sociale ds France 1907)] 1888 le même tabac « la même chose » (d'apr. Esn.); 1901 id. (Bruant). Empr. à l'esp.tabaco, att. dep. la 1remoit. du xvies. au sens 1 et au sens de « cigare » (Las Casas ds Fried.; cf. aussi Oviedo y Valdes, trad. supra 1555, ibid.), lui-même empr. à l'arawak de Cuba et Haïti (König, pp. 190-195; FEW t. 20, pp. 79-80; v. en partic. les nombreux textes esp. anc. cités ds Fried. où tabaco est présenté comme un mot indigène). A remplacé pétun*.
DÉR. 1.
Tabagique, adj.a) Vx. Relatif à la tabagie. (Dict. xixeet xxes.). b) Rare. Relatif au tabac. Le jeune diseur ne vit rien du tout tellement était dense l'épais brouillard tabagique qui séparait comme une cloison de buée la scène de la salle (Galipeaux, Souv., 1931, p. 49).c) Méd., pathol. Relatif au tabagisme, provoqué par le tabagisme. Il ne faut pas confondre l'amblyopie diabétique (...) avec le scotome central tabagique et alcoolique (Le Gendre, dsNouv. Traité Méd.,fasc. 71924, p. 413).Des leucoplasies vraies syphilitiques, le plus souvent en même temps tabagiques (Nicolas, dsNouv. Traité Méd.,fasc. 41925, p. 670). [tabaʒik]. 1resattest. a) 1846 tabachique « qui a rapport au tabac » (Causeries du Tintamarre, 13 sept., in Baudelaire, Œuvres en collaboration, éd. J. Monquet, p. 126 ds Quem. DDL t. 3), 1860 tabagique (E. Fournier, Énigmes des rues de Paris, ch. 10 ds Littré Suppl.), b) 1925 méd., pathol. « qui est provoqué par l'abus du tabac » (Nicolas, loc. cit.); de tabac1, suff. -ique*, la finale ayant subi l'infl. de tabagie*.
2.
Tabagisme, subst. masc.,méd., pathol. Intoxication aiguë ou chronique de nature physiologique et psychique provoquée par l'abus du tabac. Le cancer gastrique frappe essentiellement les hommes autour de la cinquantaine (...). Comme pour tous les cancers son origine est mystérieuse. On a invoqué la possibilité de lésions préexistantes bénignes d'abord puis qui dégénéreraient. Alcoolisme et tabagisme ont été incriminés (Quillet Méd.1965, p. 140). [tabaʒism̭]. 1reattest. 1896 (J. Charcot, in G.-M. Debove et Ch. Achard, Man. de méd., t. 4, p. 635 ds Quem. DDL t. 8); du rad. de tabagique, suff. -isme*.
BBG.Baldinger (K.). Zur Entwicklung der Tabakindustrie und ihrer Terminologie. In: [Mél. Piel (J.-M.)]. Heildelberg, 1969, pp. 30-61. − Hitier (H.), Sabourin (L.). Le Tabac. Paris, 1970, pp. 9-10. − Quem. DDL t. 20 (s.v. tabagique). − Spitzer (L.). Z. fr. Spr. Lit. 1917, t. 44, p. 218, 220. − Wartburg (W. von). Von Fr. Petum und Tabac. In: [Mél. Rosetti (A.)]. Bucuresti, 1966, pp. 1007-1011.

TABAC2, subst. masc.

A. −
1. Arg., pop., vieilli. Bataille, violente bagarre. Garçons! dit le sergent radieux (...) y aura du tabac cette nuit (...) On a surpris le mot des Prussiens (...) Je crois que cette fois nous allons le leur reprendre, ce sacré Bourget! (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p. 29).
2.
a) Fam. Passer qqn à tabac. Battre, rouer de coups (quelqu'un qui ne peut pas se défendre). Synon. tabasser.Ils sont accusés tous les cinq d'avoir entraîné le marin Braz, après l'avoir saoulé, de l'avoir « passé à tabac » et dépouillé de l'argent qu'il portait sur lui (Gide, Souv. Cour d'ass., 1913, p. 656).J'avais l'impression de subir un interrogatoire de police; d'un instant à l'autre on allait me sauter dessus et me passer à tabac (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 415).
Passage à tabac. Action de passer quelqu'un à tabac. Synon. tabassage.Les évadés repris couraient à tout le moins la chance d'un sévère passage à tabac (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 228).
b) Arg. des marins. Coup de tabac. Tempête courte et violente. P. métaph., fam. Les bourses qui ont le plus souffert de ce coup de tabac sont aussi celles qui possèdent l'outil informatique le plus performant (Ressources Temps réel, nov. 1987, no35, p. 24, col. 4).
B. − Fam. (Faire) un tabac. Obtenir un grand succès. Le premier long métrage de Frank C. fit un tabac au Festival de Cannes (Le Nouvel Observateur, 8 nov. 1976ds Gilb. 1980).
Prononc. et Orth.: [taba]. Homon. et homogr. tabac1. Étymol. et Hist. 1. 1828-29 arg. f... du tabac à « battre » (Vidocq, Mém., t. 3, p. 189); 1833 repasser du tabac (Borel, Champavert, p. 177); 1836 coquer du tabac à (Vidocq, Voleurs, t. 2, p. 90); 1878-79 trans. passer à tabac (La Petite lune, no34, p. 2); 2. 1859 être dans le tabac « être dans une situation critique » (Larch., p. 105); 3. 1873 tabac « bruit, bagarre » (A. Daudet, loc. cit.); 4. 1901 tabac « applaudissements, succès » (Rossignol, Dict. arg., p. 103); 5. 1918 coup de tabac « mauvaise mer » (Dauzat, Arg. guerre, p. 235). Déverbal de tabasser* croisé avec tabac1* p. plaisant. Voir FEW t. 13, 1, p. 8a et 9a.
STAT. Tabac1 et 2. Fréq. abs. littér.: 1 455. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 495, b) 2 572; xxes.: a) 2 176, b) 2 225.
BBG.Quem. DDL t. 31 (s.v. passage à tabac).

Wiktionnaire

Nom commun 2 - français

tabac \ta.ba\ masculin

  1. (Populaire) Violente bataille, rixe, bagarre.
    • Il va y avoir du tabac ce soir !
    • « Garçons ! dit le sergent en rentrant, radieux… y aura du tabac, cette nuit… On a surpris le mot des Prussiens… Je crois que cette fois nous allons le leur reprendre, ce sacré Bourget ! » — (Alphonse Daudet, L’enfant espion, dans Contes du lundi, 1873, Fasquelle, collection Le Livre de Poche, 1974, page 28)
  2. (Familier) (Art) Gros Succès.
    • Mais tu sais, ça n’est pas pour me vanter, mais j’ai eu un tabac ! […] Toutes mes camarades en bavaient ! […] Du coup je tiens le bel engagement pour la saison d’hiver !... — (André Mycho, Gil Blas, 6 juillet 1913, page 3)
    • Un jour, à l’Éden de la rue d’Avron, j’avais eu un tel « tabac » que le directeur […] — (Juliette Lermina-Flandre, Comoedia, 7 décembre 1923, page 3)
    • Alors, ma foi, les applaudissements continuant, je repasse et dis : la Complainte ou « la Berceuse pour un Pas-de-Chance ». Alors gros, gros tabac. Je reviens saluer et disparaît. — (Jehan Rictus, Journal quotidien, cahier 151, 23 mars 1933, page 166)

Nom commun 1 - français

tabac \ta.ba\ masculin

  1. (Botanique) Plante herbacée du genre botanique Nicotiana de la famille des Solanacées, originaire des Amériques, qui est cultivée pour ses grandes feuilles dont on extrait le tabac à fumer, priser ou à chiquer.
    • Mais cette perte a été largement compensée par l’extension des plantations de tabac (…) et par le rendement actuel de l’industrie résinière. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Parfois, des produits étaient placés à côté d’une représentation de la fabrication, comme la carte d’affaires de Benjamin Pearkes de Worcester, qui montrait des feuilles de tabac en train d’être séchées, emballées et moulue.— (Stobart Jon, « Sucre et épices. Achat de produits exotiques au XVIIIe siècle en Angleterre », Histoire urbaine, 2011/1 (n° 30), p. 127-146. DOI : 10.3917/rhu.030.0127. URL : https://www-cairn-info.wikipedialibrary.idm.oclc.org/revue-histoire-urbaine-2011-1-page-127.htm)
  2. Préparation obtenue par séchage et légère fermentation des feuilles de cette plante.
    • La fumée du tabac donne à beaucoup d’hommes des dispositions de charme, de sérénité ; beaucoup pensent qu’elle les aide à mieux accomplir leurs travaux intellectuels. Le tabac ne contient pas seulement une série de sels nuisibles ; il contient encore un alcaloïde toxique, la nicotine, qui entraîne déjà des phénomènes d’intoxication chez les personnes qui fument peu, et des troubles plus marqués encore chez les grands fumeurs. — (Dr A. Lorand, traduit par Dr Bory La Vieillesse, moyens de la prévenir et de la combattre, Paris, 1911, page 255-256)
    • Comme elle tire sa tabatière, Tantôt lui demande une prise ; c’est du tabac à la menthe. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Il fut reconnu, plus tard, que les tabacs de Morlaix étaient mal travaillés et qu’aux ateliers royaux de cette ville, la mouillade des feuilles était faite avec de l’eau de mer très sale, puisée dans le port vaseux. — (Étienne Dupont, Le Vieux Saint-Malo : Les Corsaires chez eux, Édouard Champion, 1929, page 121)
    • Je regarde ses petites mains fines, ses doigts agiles qui plongent dans un large bocal contenant du tabac… c’est un mélange que papa a préparé lui-même et dans lequel on a dispersé quelques morceaux de carotte crue pour empêcher qu’il se dessèche… — (Nathalie Sarraute, Enfance, Gallimard, 1983, collection Folio, page 151)
    • Chiquant du tabac et recrachant entre ses dents gâtées des jets de salive marron, son père explosa de colère, […]. — (Catherine Fourgeau, Dobadjo : la première épouse, L’Harmattan, 2000, page 239)
    • Ici on fume sans filtre, sans Tampax comme disent les puristes, la règle est de rechercher le contact direct de la langue sur le tabac noir qui décape les bronches, à condition de cloper vraiment, de ne pas crapoter comme les gonzesses […]. — (Philippe Delepierre, Sous les pavés l'orage, éditions Liana Levi, 2008, page 145)
  3. Fait de fumer le tabac ; tabagie.
    • J’ai pris une résolution : demain, j’arrête le tabac.
  4. Couleur brun roux. #9F551E
    • Hélène sourit, baissa ses paupières ornées de longs cils couleur tabac […] — (Georges Duhamel, Chronique des Pasquier, III, V)
    • […] ou l'obséquieux valet personnel en kurta tabac qui semblait glisser sur des vérins hydrauliques et se courbait en de respectueux namastés dès qu'il le croisait. — (Elizabeth Tchoungui, Bamako climax, Éditions Plon, 2010, p. 122)
  5. Abrégé pour bar-tabac ou bureau de tabac.
    • Après leur numéro, les acrobates s’étaient installés au tabac où il avaient fixé rendez-vous au manager des girls. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Derrière moi les catalpas, Saint-Médard et la Mouffetard ; en face, le tabac Mirbel ; à droite, le marchand de couleurs, tout cela très assoupi, mais bien en ordre. — (Jacques Perret (1901-1992), le Caporal épinglé, Gallimard, 1947, 502 pages, chapitre « Rue de la Clef, Paris, cinquième [arrondissement] » (dernier chapitre), page 498)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TABAC. (On ne prononce pas le C.) n. m.
Plante de la famille des Solanées, originaire d'Amérique, dont on prépare la feuille de diverses manières pour fumer, priser ou chiquer. La culture du tabac. Il se dit aussi de la Feuille même, une fois préparée. Une carotte de tabac. Tabac à fumer. Fumer une pipe de tabac. Mâcher du tabac. Tabac à priser. Prendre, priser du tabac. Une prise de tabac. Une chique de tabac. Râper du tabac. Tabac d'Espagne. Tabac de Virginie. Tabac d'Orient. Un paquet de tabac. Tabac de la régie. La manufacture des tabacs. Marchand de tabac. Débit de tabac, bureau de tabac. Pot à tabac, Pot servant à renfermer du tabac. Il se dit figurément et familièrement d'une Personne grosse et courte sur jambes. Elliptiquement, Être employé dans les tabacs, Être employé dans l'administration des tabacs.

TABAC se dit encore, par extension, d'une Couleur brun roux. Par apposition, Une étoffe tabac.

Littré (1872-1877)

TABAC (ta-ba ; au plur. des ta-bâ ; le c se lie : du ta-ba-k à priser) s. m.
  • 1Genre de la famille des solanées.

    Nom vulgaire et spécifique de la nicotiane tabac (solanées), servant aussi à désigner quelques autres espèces, telle que la nicotiane paniculée. Il arrive des malheurs même aux noms attachés aux plantes, témoin la nicotiane, qui ne s'appelle plus que tabac, Fontenelle, Morin. On a surtout cultivé le tabac dans cette province [la Virginie] et dans le Maryland ; c'est un commerce immense, et un nouveau besoin artificiel, Voltaire, Mœurs, 153. Le tabac demande une terre médiocrement forte, mais grasse, unie, profonde, et qui ne soit pas trop exposée aux inondations, Raynal, Hist. phil. XVIII, 9.

    Huile de tabac et huile volatile de tabac, nom donné parfois à la nicotianine.

  • 2Nom des différentes préparations que l'on fait subir aux feuilles séchées de cette plante, pour les usages qui consistent à en introduire la poudre dans les fosses nasales, à les mâcher, ou à les brûler afin d'en aspirer la fumée. C'est la passion des honnêtes gens ; et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre, Molière, Fest. I, 1. On n'attend pas même qu'on en [tabac] demande, et l'on court au-devant du souhait des gens ; tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent, Molière, ib. Le tabac est divin, il n'est rien qui l'égale, Th. Corneille, Festin de Pierre, I, 1. Nous défendons à tous ecclésiastiques de faire coutume d'user du tabac en poudre, notamment et en tous cas dans les églises, pour exterminer cette indécence scandaleuse de la maison de Dieu, Bossuet, Ordonn. synodale, 1698. [Une femme qui] Fait même à ses amants, trop faibles d'estomac, Redouter ses baisers pleins d'ail et de tabac ? Boileau, Sat. X. Sa Majesté… voulant prévenir les accidents du feu qui pourraient arriver si les officiers mariniers, matelots et soldats qui y servent avaient la liberté de prendre du tabac en fumée, veut et ordonne que tout officier marinier, matelot ou soldat… soit privé d'un mois de solde et mis aux fers pendant huit jours, Ordre du roi, 1681, dans JAL. Il soutint, sous la présidence de M. Fagon, premier médecin, une thèse contre le tabac, dont le style et l'érudition furent généralement admirés et les préceptes fort peu suivis, Fontenelle, Berger. Eh bien, monsieur, boire et prendre du tabac, c'est ce qui fait aujourd'hui le mérite de la plupart des jeunes gens, Dancourt, Chev. à la mode, I, 5. Toujours barbouillée de tabac : on ne la prendrait pas pour une femme de province, Lesage, Turcaret, IV, 2. La première ferme de tabac fut en France de trois cent mille livres par an ; elle est aujourd'hui de seize millions, Voltaire, Mœurs, 153. La plante à laquelle l'usage semble avoir fixé le nom de tabac, fut apportée en France dès le règne de François II par Jean Nicot, ambassadeur de France auprès de Sébastien, roi de Portugal : insensiblement sa vertu fut connue et séduisit ; il en entrait assez considérablement dans le royaume en 1629, pour attirer l'attention du gouvernement ; une déclaration du mois de décembre soumit le petun, car alors il s'appelait ainsi, à payer 30 sols par livre de droits à son entrée dans le royaume, Forbonnais, Financ. de la France, t. I, p. 213. C'est au principe âcre, principe très voisin des huiles, que le tabac doit ses propriétés, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 395, dans POUGENS.

    Tabac du régent, tabac à priser préparé avec des aromates.

    Tabac d'Espagne, tabac à priser parfumé.

    Tabac combustible, celui qui supporte, sans s'éteindre, le plus grand intervalle de temps entre deux bouffées consécutives. Tabac incombustible, celui qui s'éteint aussitôt qu'il a été allumé ou un instant après.

    Familièrement. Je n'en donnerais pas une prise de tabac, une pipe de tabac, je n'en fais aucun cas.

    Fig. et populairement, tomber dans le tabac, tomber dans la détresse.

  • 3Les tabacs, manufacture et administration des tabacs. Par là, tout s'aplanit dans la littérature… un jeune homme, dans les lettres, avance, fait son chemin, comme dans les sels et les tabacs, Courier, à MM. de l'Académie.
  • 4Il s'est dit pour tabagie. [Lesdits lieutenants généraux de police] auront la visite des halles, foires et marchés, des hôtelleries, auberges, maisons garnies, cabarets, cafés, tabacs et autres lieux publics, Brillon, Dict. des arrêts, Édit, oct. 1699, t. V, p. 186.
  • 5Faux tabac, la nicotiane rustique.
  • 6Tabac des montagnes ou des Vosges, nom vulgaire de l'arnica.

    Tabac marron, espèce de morelle.

  • 7Tabac d'Espagne, nom vulgaire d'un papillon, l'argyne paphie, lépidoptères diurnes de Fabricius, Europe.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TABAC.
2Ajoutez :

Tabac de caporal, tabac caporal, tabac à fumer ordinaire.

5Faux tabac, la nicotiane rustique. Ajoutez : Dit aussi tabac rustique, tabac femelle, tabac du Mexique ; on le cultive avec succès dans les départements du sud-ouest ; c'est l'espèce la moins délicate (nicotiana rustica, L.).

Tabac des Savoyards, nom vulgaire de l'arnica des montagnes.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

TABAC, s. m. (Hist. nat. Bot.) herbe originaire des pays chauds, ammoniacale, âcre, caustique, narcotique, vénéneuse, laquelle cependant préparée par l’art, est devenue dans le cours d’un siecle, par la bisarrerie de la mode & de l’habitude, la plante la plus cultivée, la plus recherchée, & l’objet des délices de presque tout le monde qui en fait usage, soit par le nez, en poudre ; soit en fumée, avec des pipes ; soit en machicatoire, soit autrement.

On ne la connoît en Europe, que depuis la découverte de l’Amérique, par les Espagnols ; & en France, depuis l’an 1560. On dit qu’Hermandès de Tolede, est un des premiers qui l’ait envoyée en Espagne & en Portugal. Les auteurs la nomment en latin nicotiana, petunum, tabacum, &c. Les Amériquains qui habitent le continent l’appellent pétun, & ceux des îles yolt.

Les François lui ont aussi donné successivement différens noms. Premierement, ils l’appellerent nicotiane, de Jean Nicot, ambassadeur de François II. auprès de Sébastien, roi de Portugal en 1559, 1560, & 1561 ; ministre connu des savans par divers ouvrages, & principalement par son Dictionnaire françois-latin, in-fol. dont notre langue ne peut se passer. Il envoya cette plante de Portugal en France, avec de la graine pour en semer, dont il fit présent à Catherine de Médicis, d’où vient qu’on la nomma herbe à la reine. Cette princesse ne put cependant jamais la faire appeller médicée. Ensuite on nomma le tabac, herbe du grand-prieur, à cause du grand-prieur de France de la maison de Lorraine qui en usoit beaucoup ; puis l’herbe de sainte-croix & l’herbe de tournabon, du nom des deux cardinaux, dont le dernier étoit nonce en France, & l’autre en Portugal ; mais enfin, on s’est réduit à ne plus l’appeller que tabac, à l’exemple des Espagnols, qui nommoient tabaco, l’instrument dont ils se servoient pour former leur pétun.

Sa racine est annuelle ; son calice est ou long, tubuleux, & partagé en cinq quartiers longs & aigus ; ou ce calice est court, large, & partagé en cinq quartiers obtus. Sa fleur est monopétale, en entonnoir, découpée en cinq segmens aigus & profonds, étendus en étoile ; elle a cinq étamines : son fruit est membraneux, oblong, rondelet, & divisé par une cloison en deux cellules.

On compte quatre especes principales de tabac ; savoir, 1°. nicotiana major, latifolia, C. B. P. en françois grand tabac, grand pétun ; 2°. nicotiana major, angusti folia, I. R. B. C. B. P. 3°. nicotiana minor, C. B. P. 4°. minor, foliis rugosioribus.

La premiere espece pousse une tige à la hauteur de cinq ou six piés, grosse comme le pouce, ronde, velue, remplie de moëlle blanche. Ses feuilles sont très-larges, épaisses, mollasses, d’un verd sale, d’environ un pié de long, sans queue, velues, un peu pointues, nerveuses, glutineuses au toucher, d’un goût âcre & brûlant. Ses fleurs croissent au sommet des tiges ; elles sont d’un rouge pâle, divisées par les bords en cinq segmens, & ressemblant à de longs tubes creux. Ses vaisseaux séminaux sont longs, pointus par le bout, divisés en deux loges, & pleins d’un grand nombre de petites semences brunes. Sa racine est fibreuse, blanche, d’un goût fort âcre. Toute la plante a une odeur fort nauséabonde. Cette espece diminue considérablement en séchant, & comme on dit aux îles, à la pente ; cette diminution est cause que les Anglois en font moins de cas que de la seconde espece. En échange, c’est celle qu’on préfere pour la culture en Allemagne, du côté d’Hanovre & de Strasbourg, parce qu’elle est moins délicate.

La seconde espece differe de la précédente, en ce que ses feuilles sont plus étroites, plus pointues, & attachées à leur tige par des queues assez longues ; son odeur est moins forte ; sa fumée plus douce & plus agréable au fumeur. On cultive beaucoup cette espece dans le Brésil, à Cuba, en Virginie & en d’autres lieux de l’Amérique, où les Anglois ont des établissemens.

La troisieme espece vient des Colonies françoises dans les Indes occidentales, & elle réussit fort bien dans nos climats.

La quatrieme espece nommée petit tabac anglois, est plus basse & plus petite que les précédentes. Ses tiges rondes & velues, s’élevent à deux ou trois piés de hauteur. Ses feuilles inférieures sont assez larges, ovales, émoussées par la pointe, & gluantes au toucher ; elles sont plus petites que les feuilles des autres especes de tabacs ; celles qui croissent sur les tiges sont aussi plus petites que les inférieures, & sont rangées alternativement. Ses fleurs sont creuses & en entonnoir ; leurs feuilles sont divisées par le bord en cinq segmens ; elles sont d’un verd jaunâtre, & placées dans des calices velus. Ce tabac a la semence plus grosse que la premiere espece ; cette semence se forme dans des vaisseaux séminaux ; on la seme dans des jardins, & elle fleurit en Juillet & en Août.

Toutes les nicotianes dont on vient de parler, sont cultivées dans les jardins botaniques par curiosité ; mais le tabac se cultive pour l’usage en grande quantité dans plusieurs endroits de l’Amérique, sur tout dans les îles Antilles, en Virginie, à la Havane, au Brésil, auprès de la ville de Comana, & c’est ce dernier qu’on nomme tabac de Verine.

Le tabac croît aussi par-tout en Perse, particulierement dans la Susiane, à Hamadan, dans la Caramanie deserte, & vers le sein Persique ; ce dernier est le meilleur. On ne sait point si cette plante est originaire du pays, ou si elle y a été transportée. On croit communément qu’elle y a passé d’Egypte, & non pas des Indes orientales.

Il nous vient du tabac du levant, des côtes de Grece & l’Archipel, par feuilles attachées ensemble. Il s’en cultive aussi beaucoup en Allemagne & en Hollande. Avant que sa culture fût prohibée en France, elle y étoit très-commune, & il réussissoit à merveille, particulierement en Guyenne, du côté de Bordeaux & de Clerac, en Bearn, vers Pau ; en Normandie, aux environs de Léry ; & en Artois, près Saint-Paul.

On ne peut voir, sans surprise, que la poudre ou la fumée d’une herbe vénéneuse, soit devenue l’objet d’une sensation délicate presque universelle : l’habitude changée en passion, a promptement excité un zele d’intérêt pour perfectionner la culture & la fabrique d’une chose si recherchée ; & la nicotiane est devenue par un goût général, une branche très-étendue du commerce de l’Europe, & de celui d’Amérique.

A peine fut-elle connue dans les jardins des curieux, que divers médecins, amateurs des nouveautés, l’employerent intérieurement & extérieurement, à la guérison des maladies. Ils en tirerent des eaux distillées, & de l’huile par infusion ou par distillation ; ils en préparerent des sirops & des onguens qui subsistent encore aujourd’hui.

Ils la recommanderent en poudre, en fumée, en machicatoire, en errhine, pour purger, disoient-ils, le cerveau & le décharger de sa pituite surabondante. Ils louerent ses feuilles appliquées chaudes pour les tumeurs œdémateuses, les douleurs de jointures, la paralysie, les furoncles, la morsure des animaux venimeux ; ils recommanderent aussi ces mêmes feuilles broyées avec du vinaigre, ou incorporées avec des graisses en onguent, & appliquées à l’extérieur pour les maladies cutanées ; ils en ordonnerent la fumée, dirigée dans la matrice, pour les suffocations utérines ; ils vanterent la fumée, le suc & l’huile de cette herbe, comme un remede odontalgique ; ils en prescrivirent le sirop dans les toux invetérées, l’asthme, & autres maladies de la poitrine. Enfin, ils inonderent le public d’ouvrages composés à la louange de cette plante ; tels sont ceux de Monardes, d’Everhartus, de Néander, &c.

Mais plusieurs autres Médecins, éclairés par une théorie & une pratique plus savante, penserent bien différemment des propriétés du tabac pour la guérison des maladies ; ils jugerent avec raison, qu’il n’y avoit presque point de cas où son usage dût être admis. Son âcreté, sa causticité, sa qualité narcotique le prouvent d’abord. Sa saveur nauséabonde est un signe de sa vertu émétique & cathartique ; cette saveur qui est encore brûlante & d’une acrimonie qui s’attache fortement à la gorge, montre une vertu purgative très-irritante. Mais en même tems que la nicotiane a ces qualités, son odeur fœtide indique qu’elle agit par stupéfaction sur les esprits animaux, de même que le stramonium, quoiqu’on ne puisse expliquer comment elle possede à la fois une vertu stimulante & somnifere ; peut-être que sa narcoticité dépend de la vapeur huileuse & subtile, dans laquelle son odeur consiste.

Sa poudre forme par la seule habitude, une titilation agréable sur les nerfs de la membrane pituitaire. Elle y excite dans le commencement des mouvemens convulsifs, ensuite une sensation plus douce, & finalement, il faut pour réveiller le chatouillement, que cette poudre soit plus aiguisée & plus pénétrante. C’est ce qui a engagé des détailleurs pour débiter leur tabac aux gens qui en ont fait un long usage, de le suspendre dans des retraits, afin de le rendre plus âcre, plus piquant, plus fort ; & il faut avouer que l’analogie est bien trouvée. D’autres le mettent au karabé pour l’imbiber tout-d’un-coup d’une odeur ammoniacale, capable d’affecter l’organe usé de l’odorat.

La fumée du tabac ne devient un plaisir à la longue, que par le même méchanisme ; mais cette habitude est plus nuisible qu’utile. Elle prive l’estomac du suc salivaire qui lui est le plus nécessaire pour la digestion ; aussi les fumeurs sont-ils obligés de boire beaucoup pour y remédier, & c’est par cette raison que le tabac supplée dans les camps à la modicité des vivres du malheureux soldat.

La machication du tabac a les mêmes inconvéniens, outre qu’elle gâte l’haleine, les dents, & qu’elle corrode les gencives.

Ceux qui se sont avisés d’employer pour remede le tabac, en petits cornets dans les narines, & de l’y laisser pendant le sommeil, ont bien-tôt éprouvé le mauvais effet de cette herbe ; car ses parties huileuses & subtiles, tombant dans la gorge & dans la trachée-artere, causent au réveil, des toux séches & des vomissemens violens.

Quant à l’application extérieure des feuilles du tabac, on a des remedes beaucoup meilleurs dans toutes les maladies, pour lesquelles on vante l’efficace de ce topique. Sa fumigation est très-rarement convenable dans les suffocations de la matrice.

L’huile du tabac irrite souvent le mal des dents ; & quand elle le dissipe, ce n’est qu’après avoir brûlé le nerf par sa causticité. Si quelques personnes ont appaisé leurs douleurs de dents, en fumant la nicotiane, ce sont des gens qui ont avalé de la fumée, & qui s’en sont enyvrés. On ne persuadera jamais aux Physiciens qui connoissent la fabrique délicate des poumons, que le sirop d’une plante âcre & caustique soit recommandable dans les maladies de la poitrine.

La décoction des feuilles de tabac est un vomitif, qu’il n’est guere permis d’employer, soit de cette maniere, soit en remede, que dans les cas les plus pressans, comme dans l’apopléxie & la léthargie.

L’huile distillée de cette plante est un si puissant émétique, qu’elle excite quelquefois le vomissement, en mettant pendant quelque tems le nez sur la fiole dans laquelle on la garde. Un petit nombre de gouttes de cette huile injectées dans une plaie, cause des accidens mortels, comme l’ont prouvé des expériences faites sur divers animaux, par Harderus & Redi.

Si quelque recueil académique contient des observations ridicules à la louange du tabac, ce sont assurément les mémoires des curieux de la nature ; mais on n’est pas plus satisfait de celles qu’on trouve dans la plûpart des auteurs contre l’usage de cette plante. Un Pauli, par exemple, nous assure que le tabac qu’on prend en fumée, rend le crâne tout noir. Un Borrhy, dans une lettre à Bartholin, lui mande, qu’une personne s’étoit tellement desséchée le cerveau à force de prendre du tabac, qu’après sa mort on ne lui trouva dans la tête qu’un grumeau noir, composé de membranes. Il est vrai que dans le tems de tous ces écrits, le tabac avoit allumé une guerre civile entre les Médecins, pour ou contre son usage, & qu’ils employerent sans scrupule, le vrai & le faux pour faire triompher leur parti. Le roi Jacques lui-même, se mêla de la querelle ; mais si son regne ne fut qu’incapacité, son érudition n’étoit que pédanterie. (D. J.)

Tabac, culture du, (Comm.) ce fut vers l’an 1520 que les Espagnols trouverent cette plante dans le Jucatan, province de la Terre ferme ; & c’est delà que sa culture a passé à Saint Domingue, à Mariland, & à la Virginie.

Vers l’an 1560, Jean Nicot, à son retour de Portugal, présenta cette plante à Catherine de Médicis ; ce qui fit qu’on l’appella la nicotiane. Le cardinal de Sainte-Croix & Nicolas Tornaboni la vanterent en Italie sous le nom d’herbe sainte, que les Espagnols lui avoient donné à cause de ses vertus. Cependant l’herbe sainte, loin d’être également accueillie de tout le monde, alluma la guerre entre les Savans ; les ignorans en grand nombre y prirent parti, & les femmes mêmes se déclarerent pour ou contre une chose qu’elles ne connoissoient pas mieux que les affaires sérieuses qui se passoient alors en Europe, & qui en changerent toute la face.

On fit plus de cent volumes à la louange ou au blâme du tabac ; un allemand nous en a conservé les titres. Mais malgré les adversaires qui attaquerent l’usage de cette plante, son luxe séduisit toutes les nations, & se répandit de l’Amérique jusqu’au Japon.

Il ne faut pas croire qu’on le combattît seulement avec la plume ; les plus puissans monarques le proscrivirent très séverement. Le grand duc de Moscovie, Michel Féderowits, voyant que la capitale de ses états, bâtie de maisons de bois, avoit été presque entierement consumée par un incendie, dont l’imprudence des fumeurs qui s’endormoient la pipe à la bouche, fut la cause, défendit l’entrée & l’usage du tabac dans ses états ; premierement sous peine de la bastonnade, qui est un châtiment très-cruel en ce pays-là ; ensuite sous peine d’avoir le nez coupé ; & enfin, de perdre la vie. Amurath IV. empereur des Turcs, & le roi de Perse Scach-Sophi firent les mêmes défenses dans leurs empires, & sous les mêmes peines. Nos monarques d’occident, plus rusés politiques, chargerent de droits exorbitans l’entrée du tabac dans leurs royaumes, & laisserent établir un usage qui s’est à la fin changé en nécessité. On mit en France en 1629 trente sols par livre d’impôt sur le pétun, car alors le tabac s’appelloit ainsi ; mais comme la consommation de ce nouveau luxe est devenue de plus en plus considérable, on en a multiplié proportionnellement les plantations dans tous les pays du monde. On peut voir la maniere dont elles se font à Ceylan, dans les Transact. philos. n°. 278. p. 1145 & suiv. Nous avons sur-tout des ouvrages précieux écrits en anglois, sur la culture du tabac en Mariland & en Virginie ; en voici le précis fort abrégé.

On ne connoît en Amérique que quatre sortes de tabacs ; le petun, le tabac à langue, le tabac d’amazone, & le tabac de Verine ; ces quatre especes fleurissent & portent toutes de la graine bonne pour se reproduire ; toutes les quatre peuvent croître à la hauteur de 5 ou 6 piés de haut, & durer plusieurs années, mais ordinairement on les arrête à la hauteur de deux piés, & on les coupe tous les ans.

Le tabac demande une terre grasse, médiocrement forte, unie, profonde, & qui ne soit pas sujette aux inondations ; les terres neuves lui sont infiniment plus propres que celles qui ont déja servi.

Après avoir choisi son terrein, on mêle la graine du tabac avec six fois autant de cendre ou de sable, parce que si on la semoit seule, sa petitesse la feroit pousser trop épais, & il seroit impossible de transplanter la plante sans l’endommager. Quand la plante a deux pouces d’élevation hors de terre, elle est bonne à être transplantée. On a grand soin de sarcler les couches, & de n’y laisser aucunes mauvaises herbes, dès que l’on peut distinguer le tabac ; il doit toujours être seul & bien net.

Le terrein étant nettoyé, on le partage en allées distantes de trois piés les unes des autres, & paralleles, sur lesquelles on plante en quinconce des piquets éloignés les uns des autres de trois piés. Pour cet effet, on étend un cordeau divisé de trois en trois piés par des nœuds, ou quelques autres marques apparentes, & l’on plante un piquet en terre à chaque nœud ou marque.

Après qu’on a achevé de marquer les nœuds du cordeau, on le leve, on l’étend trois piés plus loin, observant que le premier nœud ou marque ne corresponde pas vis-à-vis d’un des piquets plantés, mais au milieu de l’espace qui se trouve entre deux piquets, & on continue de marquer ainsi tout le terrain avec des piquets, afin de mettre les plantes au lieu des piquets, qui, de cette maniere, se trouvent plus en ordre, plus aisées à sarcler, & éloignées les unes des autres suffisamment pour prendre la nourriture qui leur est nécessaire. L’expérience fait connoître qu’il est plus à-propos de planter en quinconce, qu’en quarré, & que les plantes ont plus d’espace pour étendre leurs racines, & pousser les feuilles, que si elles faisoient des quarrés parfaits.

Il faut que la plante ait au-moins six feuilles pour pouvoir être transplantée. Il faut encore que le tems soit pluvieux ou tellement couvert, que l’on ne doute point que la pluie ne soit prochaine ; car de transplanter en tems sec, c’est risquer de perdre tout son travail & ses plantes. On leve les plantes doucement, & sans endommager les racines. On les couche proprement dans des paniers, & on les porte à ceux qui doivent les mettre en terre. Ceux-ci sont munis d’un piquet d’un pouce de diametre, & d’environ quinze pouces de longueur, dont un bout est pointu, & l’autre arrondi.

Ils font avec cette espece de poinçon un trou à la place de chaque piquet qu’ils levent, & y mettent une plante bien droite, les racines bien étendues : ils l’enfoncent jusqu’à l’œil, c’est-à-dire, jusqu’à la naissance des feuilles les plus basses, & pressent mollement la terre autour de la racine, afin qu’elle soutienne la plante droite sans la comprimer. Les plantes ainsi mises en terre, & dans un tems de pluie, ne s’arrêtent point, leurs feuilles ne souffrent pas la moindre altération, elles reprennent en 24 heures, & profitent à merveille.

Un champ de cent pas en quarré contient environ dix mille plantes : on compte qu’il faut quatre personnes pour les entretenir, & qu’elles peuvent rendre quatre mille livres pesant de tabac, selon la bonté de la terre, le tems qu’on a planté, & le soin qu’on en a pris ; car il ne faut pas s’imaginer qu’il n’y a plus rien à faire, quand la plante est une fois en terre. Il faut travailler sans cesse à sarcler les mauvaises herbes, qui consommeroient la plus grande partie de sa nourriture. Il faut l’arrêter, la rejettonner, ôter les feuilles piquées de vers, de chenilles, & autres insectes ; en un mot avoir toujours les yeux & les mains dessus jusqu’à ce qu’elle soit coupée.

Lorsque les plantes sont arrivées à la hauteur de deux piés & demi ou environ, & avant qu’elles fleurissent, on les arrête, c’est-à-dire, qu’on coupe le sommet de chaque tige, pour l’empêcher de croître & de fleurir ; & en même tems on arrache les feuilles les plus basses, comme plus disposées à toucher la terre, & à se remplir d’ordures. On ôte aussi toutes celles qui sont viciées, piquées de vers, ou qui ont quelque disposition à la pourriture, & on se contente de laisser huit ou dix feuilles tout-au-plus sur chaque tige, parce que ce petit nombre bien entretenu rend beaucoup plus de tabac, & d’une qualité infiniment meilleure, que si on laissoit croître toutes celles que la plante pourroit produire. On a encore un soin particulier d’ôter tous les bourgeons ou rejettons que la force de la seve fait pousser entre les feuilles & la tige ; car outre que ces rejettons ou feuilles avortées ne viendroient jamais bien, elles attireroient une partie de la nourriture des véritables feuilles qui n’en peuvent trop avoir.

Depuis que les plantes sont arrêtées jusqu’à leur parfaite maturité, il faut cinq à six semaines, selon que la saison est chaude, que le terrein est exposé, qu’il est sec ou humide. On visite pendant ce tems là, au-moins deux ou trois fois la semaine, les plantes pour les rejettonner, c’est-à-dire en arracher tous les rejettons, fausses tiges ou feuilles, qui naissent tant sur la tige qu’à son extrémité, ou auprès des feuilles.

Le tabac est ordinairement quatre mois ou environ en terre, avant d’être en état d’être coupé. On connoît qu’il approche de sa maturité, quand ses feuilles commencent à changer de couleur, & que leur verdeur vive & agréable, devient peu-à-peu plus obscure : elles panchent alors vers la terre, comme si la queue qui les attache à la tige, avoit peine à soutenir le poids du suc dont elles sont remplies : l’odeur douce qu’elles avoient, se fortifie, s’augmente, & se répand plus au loin. Enfin quand on s’apperçoit que les feuilles cassent plus facilement lorsqu’on les ploie, c’est un signe certain que la plante a toute la maturité dont elle a besoin, & qu’il est tems de la couper.

On attend pour cela que la rosée soit tombée, & que le soleil ait desséché toute l’humidité qu’elle avoit répandue sur les feuilles : alors on coupe les plantes par le pié. Quelques-uns les coupent entre deux terres, c’est-à-dire, environ un pouce au-dessous de la superficie de la terre ; les autres à un pouce ou deux au-dessus ; cette derniere maniere est la plus usitée. On laisse les plantes ainsi coupées auprès de leurs souches le reste du jour, & on a soin de les retourner trois ou quatre fois, afin que le soleil les échauffe également de tous les côtés, qu’il consomme une partie de leur humidité, & qu’il commence à exciter une fermentation nécessaire pour mettre leur suc en mouvement.

Avant que le soleil se couche, on les transporte dans la case qu’on a préparée pour les recevoir, sans jamais laisser passer la nuit à découvert aux plantes coupées, parce que la rosée qui est très-abondante dans ces climats chauds, rempliroit leurs pores ouverts par la chaleur du jour précédent, & en arrêtant le mouvement de la fermentation déjà commencée, elle disposeroit la plante à la corruption & à la pourriture.

C’est pour augmenter cette fermentation, que les plantes coupées & apportées dans la case, sont étendues les unes sur les autres, & couvertes de feuilles de balisier amorties, ou de quelques nattes, avec des planches par-dessus, & des pierres pour les tenir en sujétion : c’est ainsi qu’on les laisse trois ou quatre jours, pendant lesquels elles fermentent, ou pour parler comme aux îles françoises, elles ressuent, après quoi on les fait secher dans les cases ou sueries.

On y construit toujours ces maisons à portée des plantations ; elles sont de différentes grandeurs, à-proportion de l’étendue des plantations ; on les bâtit avec de bons piliers de bois fichés en terre & bien traversé par des poutres & poutrelles, pour soutenir le corps du bâtiment. Cette carcasse faite, on la garnit de planches, en les posant l’une sur l’autre, comme l’on borde un navire, sans néanmoins que ces planches soient bien jointes ; elles ne sont attachées que par des chevilles de bois.

La couverture de la maison est aussi couverte de planches, attachées l’une sur l’autre sur les chevrons, de maniere que la pluie ne puisse entrer dans la maison : & cependant on observe de laisser une ouverture entre le toit & le corps du bâtiment, ensorte que l’air y passe sans que la pluie y entre, parce qu’on entend bien que le toit doit déborder le corps du bâtiment. On n’y fait point de fenêtres, on y voit assez clair, le jour y entrant suffisamment par les portes & par les ouvertures pratiquées entre le toit & le corps du bâtiment.

Le sol ordinaire de ces maisons est la terre même ; mais comme on y pose les tabacs, & que dans des tems humides la fraîcheur peut les humecter & les corrompre, il est plus prudent de faire des planchers, que l’on forme avec des poutrelles & des planches chevillées par-dessus. La hauteur du corps du bâtiment est de quinze à seize piés, celle du toit jusqu’au faîte de dix à douze piés.

En-dedans du bâtiment, on y place en-travers de petits chevrons qui sont chacun de deux pouces & demi en quarré ; le premier rang est posé à un pié & demi ou deux piés au-dessous du faîte, le deuxieme rang à quatre piés & demi au-dessous, le troisieme de même, &c. jusqu’à la hauteur de l’homme : les chevrons sont rangés à cinq piés de distance l’un de l’autre, ils servent à poser les gaulettes, auxquelles on pend les plantes de tabac.

Dès que le tabac a été apporté dans des civieres à la suerie ; on le fait rafraîchir en étendant sur le plancher des lits de trois plantes couchées l’une sur l’autre. Quand il s’est rafraîchi environ douze heures, on passe dans le pié de chaque plante une brochette de bois, d’une façon à pouvoir être accrochée & tenir aux gaulettes, & tout-de-suite on les met ainsi à la pente, en observant de ne les point presser l’une contre l’autre. On laisse les plantes à la pente jusqu’à ce que les feuilles soient bien seches ; alors on profite du premier tems humide qui arrive, & qui permet de les manier sans les briser. Dans ce tems favorable on détache les plantes de la pente, & à mesure on arrache les feuilles de la tige, pour en former des manoques ; chaque manoque est composée de dix à douze feuilles, & elle se lie avec une feuille. Quand la manoque n’a point d’humidité, & qu’elle peut être pressée, on la met en boucaux.

Le tabac fort de Virginie, se cultive encore avec plus de soin que le tabac ordinaire, & chaque manoque de ce tabac fort, n’est composée que de quatre à six feuilles, fortes, grandes, & qui doivent être d’une couleur de marron foncé ; on voit par-là, qu’on fait en Virginie deux sortes de manoques de tabac, qu’on nomme premiere & seconde sorte.

Quant au merrain des boucaux, on se sert pour le faire du chêne blanc, qui est un bois sans odeur ; d’autres sortes de bois sont également bons pourvu qu’ils n’ayent point d’odeur. On distribue le bois en merrain, au-moins six mois avant que d’être employé. Les boucaux se font tous d’une même grandeur ; ils ont 4 piés de haut sur 32 pouces de diametre dans leur milieu ; ils contiennent cinq ou 600 liv. de tabac seulement pressées par l’homme, & jusqu’à mille livres lorsqu’ils sont pressés à la presse ; les boucaux du tabac fort, pesent encore davantage.

Telle est la culture du tabac que les fermiers de France achetent des Anglois pour environ quatre millions chaque année. Il est vrai cependant que quand le revenu du tabac seroit, comme on l’a dit, pour eux de quarante millions par an, il ne surpasseroit pas encore ce que la Louisiane mise en valeur pour cette denrée, produiroit annuellement à l’état au bout de quinze ans ; mais jamais les tabacs de la Louisiane ne seront cultivés & achetés sans la liberté du commerce. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Tabac, manufacture de. Le tabac regardé comme plante usuelle & de pur agrément, n’est connu en France que depuis environ 1600. Le premier arrêt qui survint à ce sujet, fut pour en défendre l’usage, que l’on croyoit pernicieux à la santé ; ce préjugé fut promptement détruit par la certitude du contraire, & le goût pour le tabac s’étendit assez généralement & en très peu de tems dans toute l’Europe ; il est devenu depuis un objet important de commerce qui s’est accru de jour en jour. Cette denrée s’est vendue librement en France au moyen d’un droit de 30 sols qu’elle payoit à l’entrée jusqu’en 1674, qu’il en a été formé un privilege exclusif qui depuis a subsisté presque sans interruption.

A mesure que le goût de cette denrée prenoit faveur en France, il s’y établissoit des plantations, on la cultivoit même avec succès dans plusieurs provinces ; mais la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité, de faire concourir cette liberté avec le soutien du privilege, fit prendre le parti de supprimer toutes plantations dans l’intérieur de l’extension du privilege ; on s’est servi depuis de feuilles de différens crûs étrangers en proportion & en raison de qualité des fabriques auxquelles chacun d’eux s’est trouvé propre.

Les matieres premieres que l’on emploie dans les manufactures de France, sont les feuilles de Virginie, de la Louisiane, de Flandres, d’Hollande, d’Alsace, du Palatinat, d’Ukraine, de Pologne & de Levant.

Les feuilles de l’Amérique en général, & surtout celles connues sous le nom de l’inspection de Virginie, sont celles qui pour le corps & la qualité conviennent le mieux à la fabrique des tabacs destinés pour la rape, celles d’Hollande entrent avec succès dans la composition des mêmes tabacs ; parmi tous ces crûs différens, les feuilles les plus jaunes, les plus légeres & les moins piquantes, sont celles qui réussissent le mieux pour les tabacs destinés à fumer, & par cette raison celles du Levant & celles du Mariland y sont très-propres.

Il seroit difficile de fixer le degré de supériorité d’un crû sur l’autre ; cela dépend entierement des tems plus ou moins favorables que la plante a essuyés pendant son séjour sur terre, de la préparation qui a été donnée aux feuilles après la récolte, & des précautions que l’on a prises ensuite pour les conserver & les employer dans leur point de maturité ; de même il ne peut y avoir de procédé fixe sur la composition des tabacs ; on doit avoir pour principe unique, lorsque le goût du consommateur est connu, d’entretenir chaque fabrique dans la plus parfaite égalité ; c’est à quoi on ne parvient qu’avec une très-grande connoissance des matieres, une attention suivie sur la qualité actuelle, non-seulement du crû, mais, pour ainsi dire, de chaque feuille que l’on emploie ; l’expérience dicte ensuite s’il convient de faire des mélanges, & en quelle proportion ils doivent être faits.

Une manufacture de tabacs n’exige ni des machines d’une méchanique compliquée, ni des ouvriers d’une intelligence difficile à rencontrer ; cependant les opérations en apparence les plus simples demandent la plus singuliere attention ; rien n’est indifférent depuis le choix des matieres jusqu’à leur perfection.

Il se fabrique des tabacs sous différentes formes qui ont chacune leur dénomination particuliere & leur usage particulier.

Les tabacs en carottes destinés à être rappés & ceux en rolles propres pour la pipe, font l’objet principal de la consommation.

On se contentera donc de faire ici le détail des opérations nécessaires pour parvenir à former des roles & des carottes, & on a cru ne pouvoir donner une idée plus nette & plus précise de cette manœuvre, qu’en faisant passer le lecteur, pour ainsi dire, dans chacun des atteliers qui la composent, par le moyen des Planches placées suivant l’ordre du travail, avec une explication relative à chacune.

Mais pour n’être point arrêté dans le détail de la fabrication, il paroît nécessaire de le faire préceder de quelques réflexions, tant sur les bâtimens nécessaires pour une manufacture & leur distribution, que sur les magasins destinés à contenir les matieres premieres & celles qui sont fabriquées.

Magasins. L’exposition est la premiere de toutes les attentions que l’on doit avoir pour placer les magasins ; le soleil & l’humidité sont également contraires à la conservation des tabacs.

Les magasins destinés pour les matieres premieres doivent être vastes, & il en faut de deux especes, l’une pour contenir les feuilles anciennes qui n’ont plus de fermentation à craindre, & l’autre pour les feuilles plus nouvelles qui devant encore fermenter, doivent être souvent remuées, travaillées & empilées à différentes hauteurs.

La qualité des matieres de chaque envoi est reconnue à son entrée dans la manufacture, & les feuilles sont placées sans confusion dans les magasins qui leur sont propres, afin d’être employées dans leur rang, lorsqu’elles sont parvenues à leur vrai point de maturité ; sans cette précaution, on doit s’attendre à n’éprouver aucun succès dans la fabrication, & à essuyer des pertes & des déchets très-considérables.

Il ne faudroit pour les tabacs fabriqués que des magasins de peu d’étendue, si les tabacs pouvoient s’exposer en vente à la sortie de la main de l’ouvrier ; mais leur séjour en magasin est un dernier degré de préparation très-essentiel ; ils doivent y essuyer une nouvelle fermentation indispensable pour revivifier les sels dont l’activité s’étoit assoupie dans le cours de la fabrication ; ces magasins doivent être proportionnés à la consommation, & doivent contenir une provision d’avance considérable.

A l’égard de l’exposition, elle doit être la même que pour les matieres premieres, & on doit observer de plus d’y ménager des ouvertures en oppositions droites, afin que l’air puisse y circuler & se renouveller sans cesse.

Bâtimens & atteliers. Les magasins de toute espece dans une manufacture de tabac devant supporter des poids énormes, il est bien difficile de pouvoir les établir assez solidement sur des planchers ; on doit, autant qu’il est possible, les placer à rez-de-chaussée ; la plûpart des atteliers de la fabrique sont nécessairement dans le même cas, parce que les uns sont remplis de matieres préparées entassées, & les autres de machines dont l’effort exige le terrein le plus solide ; ainsi les bâtimens destinés à l’exploitation d’une manufacture de tabac, doivent occuper une superficie considérable.

Cependant rien n’est plus essentiel que de ne pas excéder la proportion nécessaire à une manutention facile ; sans cette précaution, on se mettroit dans le cas de multiplier beaucoup la main-d’œuvre, d’augmenter la perte & le dépérissement des matieres, & de rendre la régie plus difficile & moins utile.

Opérations de la fabrique. I. opération, Epoulardage. L’époulardage est la premiere de toutes les opérations de la fabrique ; elle consiste à séparer les manoques (on appelle manoque une poignée de feuilles plus ou moins forte, suivant l’usage du pays, & liée par la tête par une feuille cordée), à les frotter assez sous la main pour démastiquer les feuilles, les ouvrir, & les dégager des sables & de la poussiere dont elles ont pu se charger.

Dans chaque manoque ou botte de feuilles de quelque crû qu’elles viennent, il s’en trouve de qualités différentes ; rien de plus essentiel que d’en faire un triage exact ; c’est de cette opération que dépend le succès d’une manufacture, il en résulte aussi une très-grande économie par le bon emploi des matieres ; on ne sauroit avoir un chef trop consommé & trop vigilant pour présider à cet attelier.

Il faut, pour placer convenablement cet attelier, une piece claire & spacieuse, dans laquelle on puisse pratiquer autant de bailles ou cases, que l’on admet de triage dans les feuilles.

Les ouvriers de cet attelier ont communément autour d’eux, un certain nombre de mannes ; le maître-ouvrier les change lui-même à mesure, les examine de nouveau, & les place dans les cases suivant leur destination.

Sans cette précaution, ou les ouvriers jetteroient les manoques à la main dans les cases & confondroient souvent les triages, ou ils les rangeroient par tas autour d’eux, où elles reprendroient une partie de la poussiere dont le frottement les a dépouillées.

Mouillade. La mouillade est la seconde opération de la fabrique, & doit former un attelier séparé, mais très-voisin de celui de l’époulardage ; il doit y avoir même nombre de cases, & distribuées comme celles de l’époulardage, parce que les feuilles doivent y être transportées dans le même ordre.

Cette opération est délicate, & mérite la plus grande attention ; car toutes les feuilles ne doivent point être mouillées indifféremment ; on ne doit avoir d’autre objet que celui de communiquer à celles qui sont trop seches, assez de souplesse pour passer sous les mains des écoteurs, sans être brisées ; toutes celles qui ont assez d’onction par elles-mêmes pour soutenir cette épreuve, doivent en être exceptées avec le plus grand soin.

On ne sauroit en général être trop modéré sur la mouillade des feuilles, ni trop s’appliquer à leur conserver leur qualité premiere & leur seve naturelle.

Une légere humectation est cependant ordinairement nécessaire dans le cours de la fabrication, & on en fait usage dans toutes les fabriques ; chacune a sa préparation plus ou moins composée ; en France, où on s’attache plus particulierement au choix des matieres premieres, la composition des sauces est simple & très-connue ; on se contente de choisir l’eau la plus nette & la plus savonneuse à laquelle on ajoute une certaine quantité de sel marin proportionnée à la qualité des matieres.

L’Ecotage. L’écotage est l’opération d’enlever la côte principale depuis le sommet de la feuille jusqu’au talon, sans offenser la feuille ; c’est une opération fort aisée, & qui n’exige que de l’agilité & de la souplesse dans les mains de l’ouvrier ; on se sert par cette raison par préférence, de femmes, & encore plus volontiers d’enfans qui dès l’âge de six ans peuvent y être employés ; ils enlevent la côte plus nette, la pincent mieux & plus vite ; la beauté du tabac dépend beaucoup de cette opération ; la moindre côte qui se trouve dans les tabacs fabriqués, les dépare, & indispose les consommateurs ; ainsi on doit avoir la plus singuliere attention à n’en point souffrir dans la masse des déchets, & on ne sauroit pour cet effet les examiner trop souvent, avant de les livrer aux fileurs.

On doit observer, que quoique la propreté soit essentielle dans tout le cours de la fabrication, & contribue pour beaucoup à la bonne qualité du tabac, elle est encore plus indispensable dans cet attelier que dans tout autre ; on conçoit assez combien l’espece d’ouvriers que l’on y emploie, est suspecte à cet égard, & a besoin d’être surveillée.

On choisit dans le nombre des feuilles qui passent journellement en fabrique, les feuilles les plus larges & les plus fortes, que l’on reserve avec soin pour couvrir les tabacs ; l’écotage de celles-ci forme une espece d’attelier à part, qui suit ordinairement celui des fileurs, cette opération demande plus d’attention que l’écotage ordinaire, parce que les feuilles doivent être plus exactement écotées sur toute leur longueur, & que si elles venoient à être déchirées, elles ne seroient plus propres à cet usage : on distingue ces feuilles en fabrique, par le mot de robes.

Toutes les feuilles propres à faire des robes, sont remises, lorsqu’elles sont écotées, aux plieurs.

L’opération du plieur consiste à faire un pli, ou rebord, du côté de la dentelure de la feuille, afin qu’elle ait plus de résistance, & ne déchire pas sous la main du fileur.

Déchets. Le mot de déchet est un terme adopté dans les manufactures, quoique très-contraire à sa signification propre : on appelle ainsi la masse des feuilles triées, écotées, qui doivent servir à composer les tabacs de toutes les qualités.

Ces déchets sont transportés de nouveau dans la salle de la mouillade ; c’est alors que l’on travaille aux mélanges, opération difficile qui ne peut être conduite que par des chefs très-expérimentés & très-connoisseurs.

Il ne leur suffit pas de connoître le cru des feuilles & leurs qualités distinctives, il y a très-fréquemment des différences marquées, pour le goût, pour la sève, pour la couleur, dans les feuilles de même cru & de même récolte.

Ce sont ces différences qu’ils doivent étudier pour les corriger par des mélanges bien entendus ; c’est le seul moyen d’entretenir l’égalité dans la fabrication, d’où dépendent principalement la réputation & l’accroissement des manufactures.

Lorsque les mélanges sont faits, on les mouille par couche très-légerement, avec la même sauce dont on a parlé dans l’article de la mouillade, & avec les mêmes précautions, c’est-à-dire uniquement pour leur donner de la souplesse, & non de l’humidité.

On les laisse ainsi fermenter quelque tems, jusqu’à ce qu’elles soient parfaitement ressuyées ; bientôt la masse prend le même ton de couleur, de goût, & de fraîcheur : alors on peut la livrer aux fileurs.

Attelier de fileurs. Il y a deux manieres de filer le tabac, qui sont également bonnes, & que l’on emploie indifféremment dans les manufactures ; l’une s’appelle filer à la françoise, & l’autre à la hollandoise ; cette derniere est la plus généralement en usage ; la manufacture de Paris, sur laquelle la Planche qui répond à cet attelier a été dessinée, est montée à la hollandoise.

Il n’y a aucune préférence à donner à l’une ou l’autre de ces manieres, pour la beauté, ni pour la qualité du tabac ; il n’y a de différence que dans la manœuvre, & elle est absolument imperceptible aux yeux. La facilité ou la difficulté de trouver des ouvriers de l’une ou l’autre espece, décident le choix.

L’opération de filer le tabac à la hollandoise, consiste à réunir les soupes ensembles, par le moyen d’un rouet, & de les couvrir d’une seconde robe, qui les enveloppe exactement.

La soupe est une portion de tabac filé à la main, de la longueur d’environ trois piés, & couverte d’une robe jusqu’à trois ou quatre pouces de chaque extrémité, ce sont les chevelures des bouts que le fileur doit réunir & hanter l’un sur l’autre.

L’habileté du fileur est de réunir ces soupes de maniere que l’endroit de la soudure soit absolument imperceptible ; ce qui constitue la beauté du filage est que le boudin soit toujours d’une grosseur bien égale, qu’il soit bien ferme, que la couverture en soit lisse & bien tendue, & par-tout d’une couleur brune & uniforme.

Le reste de la manœuvre est détaillé dans la Planche, de la maniere la plus exacte.

Les fileurs sont les ouvriers les plus essentiels d’une manufacture, & les plus difficiles à former ; il faut pour cette opération des hommes forts & nerveux, pour résister à l’attitude contrainte, & à l’action où ils sont toujours ; les meilleurs sont ceux qui ont été élevés dans la manufacture, & y ont suivi par degré toutes les opérations ; ce qui les accoutume à une justesse dans la filature, qu’une habitude de jeunesse peut seule donner.

Roleurs. Lorsque les rouets des fileurs sont pleins, on les transporte dans l’attelier des roleurs, pour y être mis en roles, dans la forme représentée dans la figure.

Les roles sont de différentes grosseurs, suivant leur destination & leurs qualités : on observe généralement de tenir les cordons des roles très-serrés, afin que l’air ne puisse les pénétrer, ce qui les déssecheroit considérablement ; c’est le dernier apprêt de ce qu’on appelle la fabrique des roles ; chaque role est enveloppé ensuite dans du papier gris, & emmagasiné, jusqu’à ce qu’il y ait acquis par la garde, le point de maturité nécessaire pour passer à la fabrique du ficelage.

Fabrique du ficelage. La fabrique du ficelage est regardée dans les manufactures, comme une seconde fabrique, parce que les tabacs y reçoivent une nouvelle préparation, & qu’ils ont une autre sorte de destination : les tabacs qui restent en roles sont censés être destinés uniquement pour la pipe, & ceux qui passent par la fabrique du ficelage, ne sont destinés que pour la rape.

Lorsque les roles ont essuyé un dépôt assez considérable, & qu’ils se trouvent au point de maturité désirable pour être mis en bouts, on les livre à la fabrique du ficelage.

Coupeurs de longueurs. La premiere opération de cette fabrique est de couper les cordons du role en longueurs proportionnées à celles que l’on veut donner aux bouts, y compris l’extension que la pression leur procure ; on se sert à cet effet d’une matrice ferrée par les deux bouts, & d’un tranchoir. Cette manœuvre est si simple qu’elle ne mérite aucune explication, la seule attention que l’on doive prendre dans cet attelier, est d’accoutumer les ouvriers à ne point excéder les mesures, à tenir le couteau bien perpendiculairement, & à ne point déchirer les robes.

Attelier des presses. De l’attelier des coupeurs, les longueurs passent dans l’attelier des presses, où elles sont employées par différens comptes, suivant la grosseur que l’on veut donner aux carottes : on fait des bouts composés depuis deux jusqu’à huit longueurs.

On conçoit que pour amalgamer un certain nombre de bouts, filés très-ronds & très-fermes, & n’en former qu’un tout très-uni, il faut une pression fort considérable, ainsi il est nécessaire que les presses soient d’une construction très-forte. Voyez la fig.

Pour que le tabac prenne de belles formes, il faut que les moules soient bien ronds & bien polis, qu’ils soient entretenus avec la plus grande propreté, & que les arrêtes sur-tout en soient bien conservées, afin d’éviter qu’il ne se forme des bourlets le long des carottes, ce qui les dépare.

Ces moules sont rangés sur des tables de différens comptes, & les tables rangées sous la presse, à cinq, six, & sept rangs de hauteur, suivant l’intervalle des sommiers.

Ces tables doivent être posées bien d’aplomb en tout sens sous la presse, afin que la pression soit bien égale par-tout ; le tabac & la presse souffriroient de la moindre inégalité.

On doit observer dans un grand attelier, de ne donner à chaque presse qu’un certain nombre de tours à la fois, & de les mener ainsi par degré, jusqu’au dernier point de pression ; c’est le moyen de ménager la presse, & de former des carottes plus belles, plus solides, & d’une garde plus sûre.

Cet attelier, tant à cause de l’entretien des machines, que pour la garniture des presses, est d’un détail très-considérable, & doit être conduit par des chefs très-intelligens.

Le ficelage. A mesure que les carottes sortent des moules, on a soin de les envelopper fortement avec des lisieres, afin que dans le transport, & par le frottement, les longueurs ne puissent se desunir, & elles sont livrées en cet état aux ficeleurs.

Le ficelage est la parure d’un bout de tabac ; ainsi, quoique ce soit une manœuvre simple, elle mérite beaucoup de soin, d’attention, & de propreté ; la perfection consiste à ce que les cordons se trouvent en distance bien égale, que les nœuds soient rangés sur une même ligne, & que la vignette soit placée bien droite ; la ficelle la plus fine, la plus unie, & la plus ronde, est celle qui convient le mieux à cette opération.

Lorsque les carottes sont ficelées, on les remet à quelques ouvriers destinés à ébarber les bouts avec des tranchoirs : cette opération s’appelle le parage, & c’est la derniere de toutes ; le tabac est en état alors d’être livré en vente, après avoir acquis dans des magasins destinés à cet usage, le dépôt qui lui est nécessaire pour se perfectionner.

Tabac, presser le, (Manuf. de tabac.) c’est mettre les feuilles de tabac en piles, après qu’elles ont été quelque tems séchées à la pente, afin qu’elles y puissent suer ; quand la sueur tarde à venir, on couvre la pile de planches, sur lesquelles on met quelques pierres pesantes. La pile, ou presse, doit être environ de trois piés de hauteur. Labat. (D. J.)

Tabac, torquettes de, (Manuf. de tabac.) ce sont des feuilles de tabac roulées & pliées extraordinairement ; elles se font à-peu-près comme les andouilles, à la reserve qu’on n’y met pas tant de feuilles dans le dedans. Lorsque les feuilles de tabac dont on veut composer la torquette, ont été arrangées les unes sur les autres, on les roule dans toute leur longueur, & l’on plie ensuite le rouleau en deux, en tortillant les deux moitiés ensemble, & en cordonnant les deux bouts pour les arrêter. Dans cet état, on les met dans des barriques vuides de vin, que l’on couvre de feuilles, lorsqu’on n’y veut pas remettre l’enfonçure ; elles y ressuent, & en achevant de fermenter, elles prennent une belle couleur, une odeur douce, & beaucoup de force. Savary. (D. J.)

Tabac, ferme du, (Comm. des fermes.) les fermiers généraux ont enlevé la ferme du tabac à la compagnie des Indes ; ils ont réuni les sous-fermes ; ils ont joint à leur bail une partie des droits annexés à la ferme des octrois de Lyon ; ils ont tenté finalement la réunion de la ferme des postes, en sorte que s’ils vont toujours en augmentant, il leur faudra le royaume & les îles. Mais sans détailler les inconvéniens de donner continuellement à une compagnie si puissante, nous nous contenterons d’observer au sujet de la ferme du tabac, qu’il seroit plus avantageux à l’état de faire administrer cette ferme en finance de commerce, qu’en pure finance ; & alors une compagnie commerçante, faisant cultiver ses tabacs à la Louisiane, à S. Domingue, & dans les autres endroits de nos îles les plus propres à cette plante, tireroit tous ses besoins de nos colonies, éviteroit une dépense annuelle au-moins de cinq millions, vis-à-vis l’étranger, & peut-être parviendroit à faire du tabac, une branche de commerce d’objet avec les étrangers mêmes. Or cinq millions à deux cent livres de consommation par personne, peuvent faire subsister vingt-cinq mille ames de plus. La culture des tabacs à la Louisiane, se feroit, supposons, par dix mille ames, chefs & enfans ; voilà un total de trente-cinq mille personnes l’accroissement dans les colonies, & si le succès des plantations devenoit un peu considérable, il arriveroit que les cinq millions dont nous avons parlé, se trouveroient annuellement dans la balance avec l’étranger, & que par cette seule branche de commerce, la France recueilleroit de quoi nourrir tous les ans trente-cinq mille hommes de plus, qui sont aujourd’hui dans la misere. Ajoutons qu’il est dangereux de mettre en pure finance, une régie qui par sa nature devoit être essentiellement en finance-commerce. Un autre avantage de cette opération, c’est que le commerce, par son activité & ses retours, jette par-tout l’abondance & la joie, tandis que la finance, par sa cupidité, & l’art qu’elle a de parvenir à son but, jette par-tout le dégoût & le découragement. On ose bien assurer qu’il n’entre dans ce jugement, ni haine, ni satyre ; mais on croit voir avec la plus grande impartialité, que les choses sont ainsi. (D. J.)

Tabac, voyez Nicotiane.

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Étymologie de « tabac »

Picard, toubake ; espagn. tabaco ; ital. tabacco ; angl. tobacco ; allem. tabak, tobak, tubak. Les messagers que Christophe Colomb envoya dans l'île de Guahani, qu'il nomma San-Salvador, racontèrent qu'ils avaient rencontré plusieurs naturels qui tenaient en main un petit tison d'herbes dont ils aspiraient la fumée ; l'herbe brûlée se nommait cohiba, et le tison était appelé tabaco ; on a pris la partie pour le tout, et ce dernier mot seul a prévalu, Maxime du Camp, Revue des Deux-Mondes, 1868, 1er août, p. 709. La prononciation a varié quelque temps entre tabac et tobac ; et Colletet, dans ses épigrammes, a dit : Autant vaut prendre du tobac Dans une pipe parfumée.

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(Nom 1) (Date à préciser) De l’espagnol tabaco qui est soit issu de l’arabe طُبَاق, ṭubāq, soit un emprunt au taïno. Pendant le XVIe siècle, le mot espagnol est emprunté tel quel en français en concurrence avec pétun, issu du tupi. Dès le début du XVIIe, la forme tabac s’impose.
(Nom 2) (XIXe siècle) Déverbal de tabasser, dérivé d'un radical tab (→ voir taper) qui en fait peu ou prou l’équivalent de tapage ; comparez, à ce titre, la dérivation en \ɡ\ de tabac dans les formes tabagique, tabagisme qui a pu jouer un rôle dans l'assimilation du dérivé de tabasser avec la plante américaine.
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Phonétique du mot « tabac »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
tabac taba

Citations contenant le mot « tabac »

  • Le tabac, c'est comme les femmes : quand on n'a jamais goûté à ça, on n'en a pas envie. De Marcel Trudel / Vézine , 
  • Le mensonge, est, comme le tabac et les allumettes, monopole d'Etat. De Henri Jeanson / Soixante-dix ans d'adolescence , 
  • Il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. De Molière / Dom Juan , 
  • Le tabac, c’est mauvais pour l’état général mais, pour l’Etat en particulier, excellent pour le coffre. De Roland Bacri , 
  • C'est un idéaliste : il n'a jamais aimé que le vin, l'amour et le tabac. De Jean Cassou , 
  • Avec le tabac et l’alcool, l’administration est la plus grande blanchisseuse d’argent sale de notre époque. De Philippe Bouvard , 
  • Le tabac est l'herbe la plus souveraine et la plus précieuse que la terre ait jamais offerte à l'homme. De Ben Jonson / Chaque Homme a son humeur , 
  • Il n'y a que deux sortes de chauffeurs de taxis : ceux qui puent le tabac, et ceux qui vous empêchent de fumer. De Pierre Desproges / Vivons Heureux en attendant la mort , 
  • Tabac : Cause de toutes les maladies du cerveau et des maladies de la moelle épinière. Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues
  • Quoi que puisse dire Aristote et toute la Philosophie, il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, Dom Juan, I, 1, Sganarelle
  • Non, je ne trouve point beaucoup de différence De prendre du tabac à vivre d'espérance, Car l'un n'est que fumée, et l'autre n'est que vent. Marc Antoine Girard, sieur de Saint-Amant, Sonnet, Assis sur un fagot
  • On bourre sa pipe avec le tabac qu’on a. De Proverbe québécois , 
  • Article 1 : le tabac est un poison. Article 2 : tant pis. De Sacha Guitry , 
  • Le chasseur à l'affût, de temps en temps, interrompt la poursuite pour chiquer son tabac. De Ahmadou Kourouma / En Attendant le vote des bêtes sauvages , 
  • Vous avez parfaitement le droit de dire à un fumeur qu'il fume trop s'il fume votre tabac. De Sacha Guitry , 
  • C’est un mauvais signe dans le ciel conjugal quand la femme dont le mari a toujours fumé s’aperçoit qu’il sent le tabac. De Valtour , 
  • Ce qui est terrible avec les gens qui cessent de fumer, c’est qu’ils remplacent tout de suite le tabac par la vantardise. De Anonyme , 
  • Le tabac est une plante assez prisée qui ne manque pas de chique mais qu’on prend assez souvent à la blague. De Anonyme / Académie de l’humour , 
  • La disposition visant à limiter l'importation de tabac depuis l'étranger par les particuliers sur le territoire français a été publiée au Journal officiel. Les buralistes qui avaient observé une hausse de leurs ventes, durant le confinement, alors que les frontières étaient fermées, se félicitent. Les Echos, De nouvelles limites à l'achat de tabac à l'étranger | Les Echos
  • La nouvelle réglementation limitant l'importation de tabac est-elle contraire au droit européen ? Libération.fr, La nouvelle réglementation limitant l'importation de tabac est-elle contraire au droit européen ? - Libération
  • L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) saisit cette occasion pour rappeler aux États Membres qui sont Parties à la Convention-cadre de l’OMS sur la lutte antitabac (ci après : « la Convention-cadre ») leurs obligations en vertu de celle-ci. Les produits du tabac chauffés sont des produits du tabac, par conséquent, la Convention-cadre de l’OMS s’applique pleinement à ceux-ci. (Décision FCTC/COP8(2)). En particulier, aux termes de l'article 13.4 (a) de la Convention-Cadre de l'OMS, les Parties sont tenues d’interdire « toutes les formes de publicité en faveur du tabac, de promotion et de parrainage qui contribuent à promouvoir un produit du tabac par des moyens fallacieux, tendancieux ou trompeurs, ou susceptibles de donner une impression erronée quant aux caractéristiques, aux effets sur la santé, aux risques ou émissions du produit ». ,  Déclaration de l’OMS sur les produits du tabac chauffés et la décision de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis d’Amérique concernant IQOS
  • Se rendre chez le buraliste du coin pour payer une facture de cantine ou un impôt, c’est dorénavant possible. Depuis le mardi 28 juillet, 38 bureaux de tabac du Doubs ont été référencés « paiement de proximité », dont 8 à Besançon, se réjouit Thierry Galvain, le directeur départemental des finances publiques du Doubs lors d’une conférence de presse. La liste est consultable sur cette carte interactive. , Economie | Huit bureaux de tabac référencés pour payer ses impôts et factures
  • Les pompiers de Saint-Just-en-Chaussée, Ressons-sur-Matz, Breteuil et Clermont ont éteint, dimanche 2 août, vers 15 heures l’incendie d’un ancien bar-tabac situé dans le centre bourg. Courrier picard, Incendie dans un ancien bar-tabac à Maignelay-Montigny
  • La limitation d'achat de tabac à l'étranger va t-elle pousser les fumeurs alsaciens à se replier vers les buralistes français ? Pour beaucoup la réponse est non, pas de changement d'habitude, mais plus d'aller-retour à la frontière allemande. France Bleu, Les alsaciens prêts à multiplier les trajets en Allemagne face à la limitation d'achat de tabac à l'étranger
  • Après avoir mené leur enquête depuis le mois de février 2020, les agents des douanes de Boulogne-sur-Mer ont obtenu, le 26 juin dernier, une ordonnance d’un juge afin de perquisitionner le domicile d’un homme âgé de 54 ans habitant le Portel. Le suspect était en effet soupçonné de revendre de manière illicite, sur les réseaux sociaux, du tabac acheté à bas prix en Belgique et au Luxembourg. , Pas-de-Calais : Les douaniers démantèlent un important trafic de tabac
  • Le mensonge, est, comme le tabac et les allumettes, monopole d'Etat. De Henri Jeanson / Soixante-dix ans d'adolescence , 
  • Le tabac, c’est mauvais pour l’état général mais, pour l’Etat en particulier, excellent pour le coffre. De Roland Bacri , 
  • Le tabac, c'est comme les femmes : quand on n'a jamais goûté à ça, on n'en a pas envie. De Marcel Trudel / Vézine , 
  • C'est un idéaliste : il n'a jamais aimé que le vin, l'amour et le tabac. De Jean Cassou , 
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Traductions du mot « tabac »

Langue Traduction
Anglais tobacco
Espagnol tabaco
Italien tabacco
Allemand tabak
Chinois 烟草
Arabe التبغ
Portugais tabaco
Russe табак
Japonais タバコ
Basque tabakoa
Corse tabaccu
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Synonymes de « tabac »

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