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La tirade - Procédé littéraire [définition et exemples]

Définition de la tirade

La tirade est un procédé littéraire qui désigne une réplique longue sans interruption, par opposition à la stichomythie qui est une suite de répliques brèves.

À la différence du monologue, où le personnage qui prononce la réplique est seul, la tirade, elle, apparaît au cours d’un dialogue

Souvent employée dans les pièces de théâtre, la tirade, moment très attendu, diminue le rythme de l’intrigue, où toute l’attention est portée sur un unique personnage. Ce dernier expose ses pensées, arguments et questionnements, de manière explicite en récitant ses vers d’un trait. 


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On peut lire des tirades mémorables dans les plus grandes pièces, soulignant le talent de l’écrivain et les qualités oratoires de l’acteur. Selon les époques, celles-ci abordent et approfondissent des thèmes comme l’honneur, la vérité, l’amour, la liberté, l’hypocrisie, l’ignorance, la faiblesse, la force et bien d’autres sujets.

La dernière réplique de Perdican dans la scène 5 de l’acte II de la pièce On ne badine pas avec l’amour est une tirade sur la passion amoureuse.  Votre cœur ne peut que vibrer en lisant ces vers ! 

Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu’on te fera de ces récits hideux qui t’ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.

Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, Acte II, Scène 5

Dans un autre registre, voici la tirade du nez de Cyrano de Bergerac, qui répond à la provocation du Vicomte de Valvert, ce dernier attaquant Cyrano sur son nez disgracieux :

Ah ! non ! c'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, -par exemple, tenez
Agressif : « Moi, Monsieur, si j'avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l'amputasse !


Amical ; Mais il doit tremper dans votre tasse !

Pour boire, faîtes-vous fabriquer un hanap ! 

Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? » […]

Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, 

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Cette célèbre tirade, véritable exercice de style, a permis à de nombreux comédiens de démontrer leurs performances en tant qu’interprètes.  

Même si la tirade est un procédé littéraire fortement associé au théâtre, elle n’est pas réservée à ce genre littéraire. D’une manière plus générale, lorsque des phrases se succèdent sur une même idée (on parle de « morceau »), avec une structure parfaite, suscitant une émotion et une sensibilité, il s’agit d’une belle tirade qui peut convaincre un lectorat ou un auditoire, si elle est réalisée avec talent.

De grands films de cinéma ont fait l’objet de tirades comme le discours final de Charlie Chaplin, dans Le dictateur, grand classique du cinéma, où il lance un appel à la paix en dévoilant la cruauté du régime nazi.

Ces tirades ont toutes un point commun : elles marquent les esprits.

Étymologie et origine de la tirade

Le terme tirade provient de l’italien tirata signifiant « action de tirer ». Il fut employé en français à partir du XVIe siècle avec le suffixe -ade, tout particulièrement dans la locution « tout d’une tirade » qui signifiait « tout d’un trait, sans s’arrêter ».

La tirade, en tant que procédé littéraire, prend le sens que nous avons développé précédemment, mais le mot tirade a plusieurs définitions, selon la période.

Exemples de tirades

ALCESTE :

Non : elle est générale, et je hais tous les hommes : 
Les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants,
Et les autres, pour être aux méchants complaisants
Et n'avoir pas pour eux ces haines vigoureuses
Que doit donner le vice aux âmes vertueuses.
De cette complaisance on voit l'injuste excès
Pour le franc scélérat avec qui j'ai procès : 
Au travers de son masque on voit à plein le traître ;
Partout il est connu pour tout ce qu'il peut être ; 
Et ses roulements d'yeux et son ton radouci 
N'imposent qu'à des gens qui ne sont point d'ici. 
On sait que ce pied-plat, digne qu'on le confonde, 
Par de sales emplois s'est poussé dans le monde, 
Et que par eux son sort de splendeur revêtu 
Fait gronder le mérite et rougir la vertu. 
Quelques titres honteux qu'en tous lieux on lui donne,
Son misérable honneur ne voit pour lui personne ; 
Nommez-le fourbe, infâme et scélérat maudit, 
Tout le monde en convient et nul n'y contredit. 
Cependant sa grimace est partout bienvenue : 
On l'accueille, on lui rit, partout il s'insinue ; 
Et s'il est, par la brigue, un rang à disputer, 
Sur le plus honnête homme on le voit l'emporter. 
Têtebleu ! ce me sont de mortelles blessures, 
De voir qu'avec le vice on garde des mesures ;
Et parfois il me prend des mouvements soudains 
De fuir dans un désert l'approche des humains.

Molière, Le Misanthrope, Acte I, scène 1

PHÈDRE :
Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée :
Je l’aime, non point tel que l’ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu’on dépeint nos dieux, ou tel que je vous voi.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage ;
Cette noble pudeur colorait son visage,
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos.
Que faisiez-vous alors ? pourquoi, sans Hippolyte,
Des héros de la Grèce assembla-t-il l’élite ?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite :
Pour en développer l’embarras incertain,
Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non : dans ce dessein je l’aurais devancée ;
L’amour m’en eût d’abord inspiré la pensée.
C’est moi, prince, c’est moi, dont l’utile secours
Vous eût du labyrinthe enseigné les détours.
Que de soins m’eût coûtés cette tête charmante !
Un fil n’eût point assez rassuré votre amante :
Compagne du péril qu’il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j’aurais voulu marcher ;
Et Phèdre au labyrinthe avec vous descendue
Se serait avec vous retrouvée ou perdue.

Jean Racine, Phèdre, Acte II, Scène 5
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Sujets :  procédé littéraire

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